OVINS en TOURAINE

Publié le par histoire-agriculture-touraine

1750

MAILLARD Brigitte, Les Campagnes de Touraine au XVIIIe siècle. PUR 1998.

p. 235-237.
3 - Les ovins
Certaines paroisses viticoles sont loin d'être dépourvues de moutons, qui ne peuvent partager dans les vignes et qui sont élevés pour la fumure. Dans la paroisse de Mareuil déjà évoquée, en 1786, on compte 2 668 ovins appartenant à 80 personnes, 61,5 % des feux ; le troupeau moyen est donc de 33 bêtes, les extrêmes étant de 14 et 80. Un vigneron et un journalier sur deux en élèvent ; c'est le meunier qui possède le plus gros troupeau, 45 têtes ; dans 14 feux on n'en trouve aucun. Mais ces paroisses de Mareuil et Pouillé sont en fait partiellement berrichonnes, puisqu'elles sont situées dans la vallée du Cher très en amont de Montrichard.
Pour les autres régions, la répartition des ovins n'est pas connue mais la médiocrité de la manufacture textile est un indice de la rareté de ces bêtes. Dans le Chinonais, les baux à cheptel portent plus souvent sur des vaches que des ovins : à Savigny-en-Véron, entre 1754 et 1764, 29 % seulement de ces contrats concernent des moutons et l'effectif des animaux est peu élevé, 23 en moyenne (le minimum est de 10 et le maximum de 34) ; les preneurs ont, pour un peu plus de la moitié, qui cherchent sans doute à disposer d'un peu de laine pour leur usage ainsi que de fumier utile pour leurs parcelles de terre. Les veuves sont nombreuses à conclure de tels baux, les moutons étant des bêtes peu exigeantes pour leur nourriture et leur hébergement. Mais cet élevage présente des risques importants : des bêtes s'égarent, sont mangées par les loups et la revente se fait souvent à perte, si bien que le profit annuel de la vente de la laine ne suffit pas toujours à compenser ces pertes. Au printemps de 1759  Louis de Maussabré achète 15 paires de moutons, à 11 l. 5 s. l'une, qu'il confie à moitié- croît à son métayer ; en septembre 1760 il revend 29 bêtes pour 9 lt la paire ; la perte totale  est donc de 35 l. 5 s., alors que le produit de la vente de la laine est de 68 lt, le gain de chacun est donc de 15 lt.
Les "améliorateurs" qui ont œuvré dans les provinces voisines comme le Berry ou le Poitou, n'ont pas fait d'émules en Touraine, à quelques exceptions près qui ne sont pas du monde paysan. 
Voir carte : Ovins recensés en l'an X. (Ils sont surtout présents dans le Lochois).


p. 221
En 1686, quatre des cinq métairies de la terre de Chédigny, toutes louées à moitié fruit, sont pourvues par le propriétaire de bœufs, chevaux, "toreaux et tores", moutons et cochons. Ce bétail est estimé  1 973 l. 12 s. La valeur des 14 bœufs et des 333 moutons en constitue plus de la moitié 
bœufs 26,4 %
chevaux et poulains 19,1 %
vaches et veaux 13,9 %
ovins 29,3 %
porcs et truies 2,6 %
taureaux et tores 8,7 %


p. 222
Effectif des bêtes possédées par les habitants de Mareuil en 1786 : feux 121 ; bœufs 110 ; vaches 209 ; chevaux 18 ; ânes 103 ; moutons 2 668.


p. 223
Les propriétaires férus d'agronomie placent de gros troupeaux de moutons sur les terres qu'ils donnent en location.....Mais si la laine n'est pas de mauvaise qualité, la province ne produit par an que 40 000 ou 50 000 livres de laine filée, quantité qui ne couvre pas ses besoins alors que l'industrie textile est peu développée. 
 

1770


CARLIER Claude (abbé), Traité des bêtes à laine ou méthode d'élever et de gouverner les troupeaux aux champs et à la bergerie. Tome second. Paris M. DCC. LXX. 1770

extrait p. 718-718
La Touraine si renommée pour ses excellents fruits, si agréable par sa situation et par la variété de ses aspects, fertile en vins, entrecoupée d'étangs, de canaux et de rivières navigables, est abondamment pourvue de tout ce qu'on peut désirer pour mener une vie commode et délicieuse ; mais le bétail y est peu nombreux et elle n'en nourrit que la quart de ce qui lui est nécessaire. Le surplus lui vient du Berry et du Poitou.
Si l'on en croit la tradition, la Touraine autrefois ne cédait pas au Berry en nombre et en qualité de bêtes à laine ; tous les pâturages en étaient garnis, les raisons de ce changement ne nous sont pas connues. Ce qu'on en dit sur les lieux n'est ni satisfaisant ni plausible.
L'espèce qui domine en Touraine diffère peu de la race de Brenne en Bois-chaud ; il y a aussi un pays de Brenne, qui est une continuation de celui du Berry.
Le bétail que les Marchands de la Touraine vont acheter tous les ans dans le Berry pour la consommation des boucheries, se prend indifféremment dans la Champagne et dans le Bois-chaud, depuis le mois de Mai jusqu'en Octobre. Ils font leurs provisions aux foires.
Les bêtes de nourriture se tirent en plus grand nombre du Poitou que du Berry. On les achète à l'âge de huit à dix mois depuis Saint-Maixent (79) jusqu'à Brion (36).
Les Manufactures de Soiries et Draperies sont anciennes en Touraine. Les premières se soutiennent, les autres ont beaucoup perdu de leur ancien crédit. La Draperie de Touraine était déjà en réputation avant le règne de Charles VII. Les Réglements que ce Prince lui accorda en font foi. On en attribue la décadence aux gros emprunts des intéressés, qui n'ont pu finalement faire honneur à leurs engagements. La seule ville d'Amboise s'est maintenue dans la fabrique des Draps, des Etamines, des Droguets ou Pinchinats. On y travaille des Draps de quatre quarts pour les troupes et pour la livrée. Il se faisait autrefois un grand débit des Pinchinats d'Amboise, au-dedans et au dehors du Royaume. On en portait beaucoup au Canada avant la dernière guerre.
A Saint-Aignan, qui est partie Touraine, partie Berry, on fait des Draps de quatre quart pareils à ceux d'Amboise ; ils se vendent sur les lieux cinq livres dix sols à six livres dix sols l'aune. Le peuple s'habille de Droguets fil et laine, qu'on travaille et qu'on débite partout.
On tenait pour assuré il y a quarante ans (1730), que les métiers de la Province de Touraine se réduisaient au quart de ce qu'ils étaient auparavant.

Quelques dates :

 

Traité de Bâle avec l'Espagne : 22 juillet 1795, la France peut extraire 4000 brebis et 1000 béliers mérinos sur un période de cinq ans. 

Consulat : 9 novembre 1799 au 18 mai 1804

Premier Empire : 18 mai 1804 au 4 avril 1814

Cent-jours : 20 mars 1815 au 7 juillet 1816

Chaptal ministre de l'Intérieur : 7 novembre 1800 au 7 août 1804

En 1800 (an VIII), Chaptal obtient 150 mérinos lors de la troisième extraction du traité de Bâle

Chaptal acquiert Chanteloup le 30 juillet 1802

Par décret du 25 mars 1810, la terre de Chanteloup, dont le revenu était élevé à 12 000 francs, fut érigé en majorat

 

1799

ADIL cote 7M242
Ministère de l'Intérieur.
Avis aux cultivateurs et propriétaires de troupeaux sur l'amélioration des laines.
Le Ministre de l'Intérieur, (François de Neufchâteau)
Prairial an VII (9 mai 1799)
16 pages

Extraits
p. 9
Il est aujourd'hui généralement reconnu, par tous ceux qui possèdent des individus de cette race [Mérinos], qu'ils donnent trois fois autant de laine que ceux de nos races communes, et que cette laine se vend trois fois plus cher ; il l'est également que, de l'alliance des béliers espagnols avec des brebis françaises, il résulte des productions qui, dès la première génération [F1], donnent des toisons un fois plus fortes, plus fines et plus chères que celles de leurs mères ; qu'à la troisième [Backcross 2], ou tout au plus à la quatrième génération [Backcross 3], ces productions ces productions ne peuvent plus être distinguées des père ; qu'enfin cette race pure ou métisse, améliorée au degré de pur, s'entretient tout aussi bien que les races françaises ; qu'elle est même délicate sur la qualité des pâturages; qu'elle prend aussi facilement l'engrais, et que sa chair est aussi délicate et aussi substantielle.

p. 14-16
Mode et conditions de la souscription.
1° Il sera ouvert une souscription pour les bêtes à laine importées d'Espagne en France, qui n'auront point été réservées pour les établissements nationaux.
2° Les soumissions seront adressées au commissaire du Directoire exécutif près l'administration centrale du département des souscripteurs.
3° Ce commissaire inscrira sur un registre particulier, et par ordre de dates, les soumissions qu'il aura reçues, et il en donnera une reconnaissance dans laquelle sera indiquée la date de l'inscription.
4° Le prix de la souscription pour chaque bête, mâle ou femelle, sera de 50 francs.
5° La formule de la souscription sera celle-ci :
Je soussigné, propriétaire ou cultivateur à ...... commune de ..... canton de ..... département d ...... me soumets à prendre, dans le dépôt le plus voisin de mon domicile, la quantité de ..... béliers et de ...... brebis, faisant partie du convoi qui sera tiré d'Espagne, et à payer pour chaque bête, en la recevant, la somme de 50 francs.
6° Chaque soumissionnaire sera tenu de joindre à sa soumission un certificat de sa municipalité, attestant qu'il est réellement propriétaire ou cultivateur, et que ce n'est pas pour en faire commerce qu'il se propose d'acquérir des bêtes à laine de race d'Espagne.
7° On pourra souscrire, si on le veut, pour un seul bélier et une seule brebis.
8° Les soumissionnaires les premiers inscrits auront le choix des bêtes disponibles ; et pour cet effet, ils remettront leur reconnaissance à l'agent qui sera chargé par le Gouvernement d'en faire la distribution.
9° Les noms des soumissionnaires seront, à cet effet, rangés par ordre de dates.
10° La souscription sera fermée le 15 thermidor prochain [22 juillet 1799].
11° Les commissaires du Directoire exécutif qui auront reçu des soumissions, en adresseront de suite l'état au Ministre de l'intérieur.
12° Si le nombre des animaux pour lesquels on aura souscrit, excède celui des bêtes importées, les soumissions les premières en date seront d'abord remplies ; les autres seront ajournées jusqu'à l'arrivée d'un nouveau convoi, et conserveront la date de leur inscription dans le nouveau tableau des souscripteurs.
13° Dans la supposition où les soumissions n'embrasseraient pas la totalité des bêtes disponibles, celles qui resteront seront vendues à la chaleur des enchères, dont la première ne pourra être moindre de 50 francs.
14° Les citoyens qui n'auront pas souscrit avant le 15 thermidor, ne pourront s'en procurer que par cette voie.
15° Les bêtes à laine seront vendues individuellement.
16° L'agent chargé par le Gouvernement de présider à cette vente, pourra faire faire dans un seul ou dans plusieurs départements, selon qu'il le jugera plus convenable aux intérêts de l'amélioration.
17° Le jour de la vente, ainsi que celui de la distribution des animaux soumissionnés, seront indiqués par des affiches et des avis adressés à tous les intéressés.

Nota. Il importe essentiellement que les propriétaires de troupeaux, qui y introduiront des béliers espagnols, s'en procurent en assez grand nombre pour pouvoir proscrire tous les béliers communs. Sans cette précaution, ils verraient bientôt les productions des béliers espagnols fécondés par des béliers dégradés, et perdraient le fruit des sacrifices qu'ils auraient faits pour l'amélioration de leurs laines.


Le Ministre de l'intérieur,
François (de Neufchâteau).
A Paris, le l'imprimerie de la République.
Prairial an 7 [20 mai 1799]
 

1800

DENIS Bernard, L'Ecole vétérinaire d'Alfort et le mouton Mérinos. Bull.Soc.Méd.Sci.Vét., 2007, 7 : 94-103.
Extrait p. 95
Les grandes étapes de l'histoire du Mérinos en France.
Plusieurs études ont concerné l'histoire du Mérinos en France. Citons notamment celle de Franck, écrite à l'occasion du bicentenaire de la Bergerie nationale de Rambouillet. On peut retenir en gros trois grandes périodes : 
La première, au XVIIIe siècle, inclut quelques introductions de Mérions dans notre pays car des travaux et observations avaient confirmé son intérêt, et se termine conventionnellement par l'arrivée d'un troupeau d'excellente quailté zootechnique à Rambouillet.


La deuxième est celle de la "mérinisation", qui fut très timide au début, rencontrant de sérieuses réticences aussi bien chez les éleveurs que chez les manufacturiers, mais devint massive sous l'Empire. Les achats [extractions permises par le traité de Bâle ave l'Espagne signé le 22 juillet 1795 : 100 béliers + 1000 brebis par an, pendant 5 ans, la première extraction est réalisé pa Gilbert en 1799] de Mérinos à l'Espagne se répètent presque chaque année après la mort de François-Hilaire Gilbert (en 1802), dans le but de mettre à la disposition des agriculteurs un maximum de béliers en vue du croisement d'absorption des races indigènes. En 1814, date à laquelle ils cessèrent, le nombre de métis dans les troupeaux dits "de progression" était monté, selon Mauguin, à 2,5 millions de têtes. Chaptal (ministre de l'Intérieur) obtient 150 bêtes pour son domaine de Chanteloup provenant de la deuxième extraction en 1802 (date exacte ?).

 


La troisième, qui commence à peu près à la Restauration, est faite d'incertitude, puis de déclin pour le Mérinos. Les conditions économiques avaient fortement évolué. Etienne Letard et Marcel Théret retiennent trois faits marquants pour les caractériser : la diminution du prix des laines, due à l'arrivée des laines d'Australie, où le mouton Mérinos avait pris un développement vertigineux ; l'apparition de la mécanisation de l'industrie, qui eut pour conséquence la demande d'une laine longue ; le développement des centres urbains, conséquence de l'industrialisation, qui suscita une augmentation croissante des besoins en viande. Dans ce nouveau contexte, le Mérinos, avec sa laine fine mais courte, et sa médiocre conformation bouchère n'était plus le mieux placé pour satisfaire la demande.
La suite, en France, est faite du phénomène de "dépécoration" (chute spectaculaire des effectifs ovins liée à la crise lainière), puis de la conversion des "bêtes à laine" en "bêtes à viande", mais cela nous éloigne du sujet, sauf pour les débuts de la création du "Dishley-Mérinos", dont nous parlerons.

1804

Dictionnaire des scientifiques de Touraine. Presses universitaire François-Rabelais. 2017 
p. 132-133

CHAPTAL Jean-Antoine
Né au hameau de Naujaret (aujourd’hui Nojaret), commune de Badaroux-en-Gévaudan (Lozère) le 5 juin 1756 ; décédé à Paris, le 29 juillet 1832.
Médecin, chimiste et industriel, homme politique
En 1802, sur proposition du préfet Pommereul, Chaptal, ministre de l’intérieur du premier Consul, achète pour 200 000 francs le domaine de Chanteloup (environ 230 hectares) à quatre kilomètres d’Amboise (Indre-et-Loire). À partir de 1804, il engage des sommes considérables pour restaurer le château et les dépendances, et pour remettre les terres en exploitation. Une vingtaine d’hectares sont cultivés en betterave à partir de 1806, puis une soixantaine à partir de 1812 ; il fait construire une sucrerie modèle qui fonctionne de 1811 à 1822 au lieu-dit « La sucrerie », à Amboise.
Chaptal introduit par ailleurs à Chanteloup un élevage de mouton Mérinos qui devient célèbre dans toute l’Europe (vente de béliers et de la laine) ; le troupeau atteint vite 1 200 bêtes et doit être déplacé sur un nouveau domaine de 300 hectares aux Arpentis, sur la commune de Saint-Règle (Indre-et-Loire).
 

1807

Annuaire du département d'Indre-et-Loire pour l'an 1807.
p. 219


AGRICULTURE.
Extrait : Les moutons d'Espagne [Mérinos] commencent à s'y introduire. Aux deux superbes troupeaux de Crémille et de Chanteloup, dont il a été parlé les années précédentes, il faut en ajouter un troisième, dont ce département est redevable à la munificence de M. le général Menou, commandant général du ci-devant Piémont, et que M. le Préfet a confié pour 6 ans, à partir du premier avril 1807, aux soins de M. Aubry, conseiller de préfecture, et agronome très éclairé. M. de Menou, frère du général de ce nom, possède aussi un troupeau de même espèce dans sa terre de Boussay. Ces établissements ne sont pas seulement utiles par leurs produits immédiats, ils sont encore très précieux pour les facilités qu'ils procurent, et dont plusieurs particuliers s'empressent de profiter, pour l'amélioration des laines communes, par le croisement des races.

 

1808

ADIL 7M242
Lettre manuscrite.
Paris le 19 février 1808
Le Sénateur CHAPTAL, Trésorier du Sénat, Grand-Officier de la Légion d'Honneur, et membre de l'Institut de France.
à M. Lambert, Préfet du département d'Indre-et-Loire, à Tours,
Je connais Monsieur le Préfet, votre goût pour l'agriculture et les soins que vous prenez pour améliorer cette première branche de la prospérité publique dans votre département.
Je crois donc entrer dans vos vœux en vous faisant connaître les ressources que peuvent trouver les propriétaires de bêtes à laine dans la vente de 200 mérinos qui proviennent du superbe troupeau de Chanteloup.
Je vous prie d'inscrire la notice que j'ai l'honneur de vous adresse dans le Journal du Département et d'en distribuer les exemplaires aux principaux cultivateurs.
Je saisis cette occasion avec empressement pour vous présenter l'hommage de tous les sentiments que je voudrais dévoués
A. Chaptal

Note manuscrite du Préfet en haut à gauche de la lettre en date du 29 février 1808, donnant suite...


Notice imprimée :
VENTE
De béliers et Brebis Mérinos du Troupeau de M. le Sénateur CHAPTAL
Il existe en France un petit nombre de troupeaux mérinos race pure, qui jouissent d'une réputation et d'une supériorité méritées. Celui de M. le Sénateur Chaptal a été formé par le choix de ce qu'il y a de plus renommé en Espagne ; il prospère depuis cinq ans [1803] ; il n'y a aucun mélange de métis ; il n'y est entré aucun individu de ces dernières importations frauduleuses, qui ne méritent aucune confiance ; les toisons en sont recherchées et vendues au plus haut prix du commerce.
Ce troupeau fournit à la vente, cette année, environ 200 individus, tant mâles que femelles, depuis l'âge de deux ans et demi jusqu'à quatre.
Aucune brebis destinée pour la vente n'a porté plus de deux fois. 
Les personnes qui désireront acquérir peuvent s'adresser à M. Lanouvelle, à Chanteloup, par Amboise, département d'Indre-et-Loire.
Les propriétaires qui voudraient connaître ce troupeau, et s'instruire des moyens de le gouverner, peuvent envoyer sur les lieux des hommes de confiance ; on leur donnera tous les renseignements qu'on pourra désirer, tant pour la nourriture que pour la conduite de ces animaux précieux.
Les bergers pourront même y passer tout le temps convenable pour y recevoir les instructions nécessaires, et y prendre par eux-mêmes des leçons pratiques sur l'art de bien administrer un troupeau de mérinos.
 

1808

Mémoire et instruction sur les troupeaux de progression, c'est-à-dire, sur le moyen de généraliser les troupeaux de mérinos purs en France ; suivis de quelques idées sur la trop courte durée des baux à ferme, et d'un projet de bail rédigé dans cet esprit. par M. Morel de Vindé (membre des Sociétés d'agriculture de Paris et de Versailles, propriétaire et domicilié à la Celle-Saint-Cloud, près Versailles) ; suivi d'un rapport fait à l'Institut de France, Classe des Sciences physiques et mathématiques, par MM Tessier, Huzard, et Silvestre, rapporteur. Paris 1808. 91 pages

Extrait p. 3

Dans le mémoire par lequel j'ai cru devoir réclamer la libre exportation des béliers purs, j'ai parlé sommairement de deux points de la plus grande importance pour le succès de la propagation des mérinos purs en France ; savoir : les dangers de l'étalon métis, et la nécessité des troupeaux de progression etc...

1808

Annales de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire. Tome XXX. Année 1850.

p. 29-34

Observations sur la race ovine, dans le département d'Indre-et-Loire. Par M. Charlot.

D'après un renseignement administratif de 1808, il y avait à cette époque 350 000 bêtes à laine dans l'Indre-et-Loire, y compris au moins 2 400 mérinos, 4 à 5 000 métis, 4 000 moutons et brebis de race du pays (4)

 

1809

VIEL Claude, Deux propriétaires terriens éminents : Lavoisier, dans le Blésois et Chaptal, en Touraine ;
Mémoires de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Touraine, Tome 8, 1995, p. 75-92.

Extrait p. 86
Signalons enfin que sur ses terres de Chanteloup, Chaptal avait introduit l’élevage du mouton Mérinos et son troupeau devint célèbre dans toute l’Europe. On venait de partout lui acheter des béliers. De 1809 à 1814, l’Espagne appartenant à l’Empire français, les prix des laines s’effondrent, mais dès 1816, sous la Restauration, les cours des animaux et de leur toison reprennent leur ancienne valeur et Chaptal vend la laine superfine de ses Mérinos à 30 francs la livre, les Anglais et les Allemands se la disputent. Le succès venant, le troupeau s’était agrandi au point d’atteindre 1 200 têtes. La bergerie de Chanteloup, qui avait abrité le troupeau du duc de Choiseul étant devenue trop petite pour un tel nombre d’ovins, Chaptal acheta près d’Amboise, sur la commune de Saint-Règle, le domaine des Arpentis qui couvrait 300 ha, pour y loger et nourrir son troupeau, qu’il engraissa, comme les autres animaux, avec les feuilles et le collet des betteraves, ainsi qu’avec le résidu des fabrications de saccharines.
 

1809

Michel Laurencin, Dictionnaire biographique de Touraine, C.L.D, 1990.
Extrait p. 408
A son retour en France, Jacques-Abdallah Menou est reçu par le Premier Consul Bonaparte en 1802 et élu au Tribunat le 17 mai. Il devient ensuite administrateur général du Piémont le 1er décembre 1802. C'est de là qu'il offrit au Conseil général d'Indre-et-Loire un troupeau de 25 béliers mérinos purs pour être distribués à des éleveurs tourangeaux. Menou est nommé commandant général des départements des départements au-delà des Alpes, commandant de la 27e division militaire le 24 février 1808, gouverneur général de Toscane et président de la junte du 17 mai 1807 au 7 avril 1809 et enfin gouverneur général de Venise le 28 septembre 1809...

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Michel Laurencin, La vie en Touraine au temps de Balzac. Ed. Cairn. 2008. 335 p. (Hachette avril 1980, honoré par l'Académie française en 1981)

Extrait
p. 170.
Et le général de Menou, enfant de la Touraine, fait don à l'Indre-et-Loire de son troupeau de mérinos, venu d'Italie par la route, et officiellement accueilli sur le mail de Tours par les autorités préfectorales... Et encore on ne saurait mélanger les races, Menou, depuis Turin, accompagne l'envoi d'une recommandation importante : "... Et surtout qu'on ne laisse pas saillir les brebis par des béliers communs. Elles ne doivent être couvertes que par des béliers de pure race." Pourtant en 1809 quand le vétérinaire - désigné par la préfecture pour inspecter les béliers - se présente, il ne peut pas exercer son art : les deux bêtes ont eu une "diarrhée coliquative qui a causé une maigreur et un affaiblissement général" !

1810

Annuaire du département d'Indre-et-Loire, pour l'an 1810.
p. 213-214

Non seulement les beaux troupeaux de M. le comte Chaptal, à Chanteloup ; de M. Aubry-Patas, à Saint-Antoine ; de M. Arthuis, à Charnizay ; de M. de Menou à Boussay peuplent les campagnes de Mérinos et d'excellentes bêtes métisses ; mais encore dans l'environnement de leurs propriétés les espèces se perfectionnent par le mélange des races qui s'opère au moyen des béliers métis que presque tous les cultivateurs s'empressent de se procurer.

On y trouve environ 24 000 chevaux ou juments, 18 000 bœufs, 50 000 vaches, 1 800 mulets et mules, 10 000 ânes et ânesses, et 200 000 têtes de bêtes à laine.
 

1810

Recueil des séances de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire. 6e Cahier. Tours 1806-1810.


Le 25 août 1810, à 5 heures du soir, la Société s'est réunie dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville : M. le chevalier Deslandes, maire de Tours, membre de la Légion d'honneur, président ; M. le baron Lambert, préfet du département, membre honoraire ; M. Aubry-Patas, vice-président, et M. Pécard-Taschereau, secrétaire, occupant le bureau, en présence des Autorités constituées, des Membres résidants, et d'un nombreux et brillant concours de citoyens de l'un et l'autre sexe. etc.


p. 7
La prospérité du troupeau de mérinos que nous devons à la libéralité de M. le général comte de Menou, membre honoraire de notre société, a permis à M. le Préfet d'en distraire neuf béliers, qu'il va offrir, en cette séance, à titre de récompense et d'encouragement, aux neuf propriétaires et agriculteurs de ce département qui ont paru mériter cette marque de distinction.


p. 24-26
Rapport sur les béliers mérinos.
Messieurs,
Dans le rapport que j'ai l'honneur de vous présenter, je vous ai dit que M. le baron Lambert, préfet de ce département, avait conçu le projet d'offrir à titre de récompense et d'encouragement, aux agriculteurs et propriétaires qui auraient le mieux mérité cette marque de distinction, neuf béliers mérinos provenant du troupeau que nous devons à la libéralité de M. le comte de Menou. La Société éprouve un grand plaisir à en témoigner sa reconnaissance à M. le Préfet. Un prix aussi flatteur atteindra sûrement le but qu'il s'est proposé, celui de propager l'éducation des mérinos, et si nous pouvons espérer qu'il nous accordera tous les ans la même faveur, ce sera un grand moyen d'encouragement que nous pourrons joindre à ceux que nous décernons habituellement.
Je vais avois l'honneur de vous donner lecture de l'arrêté de M. le Préfet, et de proclamer les noms des propriétaires agriculteurs qui ont mérité ce choix.
Suit l'arrêté de M. le Préfet, qui désigne,


1. M. Derouet-Granalach, adjoint à la mairie de Tours, propriétaire à Parçay.
2. M. Leroux, maire de Saint-Antoine, et propriétaire audit lieu.
3. M. Saisy, membre du conseil général du département, et propriétaire à Neuvy.
4. M. Piballeau; maire de Razines, et propriétaire audit lieu.
5. M. Robin, propriétaire à Chizay, commune de Parçay.
6. M. Belin-Ducouteau, adjoint au maire de la Croix de Bléré.
7. M. Moisand, cultivateur à la Châtre, commune de Saint-Ouen.
8. M. Rousseau, maire de la Roche-Posay, propriétaire à Yzeures.
9. M. Pallu de la Noblaye, maire et propriétaire à Lémeré, arrondissement de Chinon.

p. 45-46
Discours prononcé par M. le Baron de l'Empire, Préfet d'Indre-et-Loire.
Messieurs, j'ai choisi ce jour solennel où votre première Société savante tient sa séance publique, pour la distribution des prix d'encouragement que la libéralité de M. le Général Comte de Menou pour le pays qui l'a vu naître, m'a mis à même d'offrir cette année aux cultivateurs les plus distingués de ce département. Il m'est permis d'espérer que ces récompenses, flatteuses pour ceux qui les ont obtenues, puisqu'ils les doivent aux suffrages des homme les plus éclairés de cette ville et du département, donneront aux esprits une impulsion utile au progrès de l'art agricole de ce pays favorisé par la nature, mais où il reste encore tant de choses à faire pour que les sages théories, celles qui sont véritablement les résultats de l'expérience et de l'esprit d'observation, y fassent oublier les pratiques vicieuses qui ne sont fondées que sur la routine. Ainsi, Messieurs, se trouveront remplis les désirs de votre généreux compatriote, qui vient de terminer dans la ville dont sa Majesté lui avait confié le gouvernement, une carrière illustrée par de grands services et d'importants emplois.
Je crois entrer également dans ses vues patriotiques ; en consacrant la somme qu'a produite, dans les années précédentes, le don de M. le Général de Menou, à inspirer aux agronomes de ce département, en état de bien exprimer leurs ides, la noble émulation de concourir, par d'utiles écrits, au perfectionnement de l'agriculture.
J'ai l'honneur de vous annoncer qu'une médaille d'or de 400 fr. sera décernée dans la séance publique de 1811, à l'auteur du meilleur mémoire pour constater l'état actuel de l'agriculture dans le département d'Indre-et-Loire, et indiquer les améliorations dont elle est susceptible.

1811

Ethnozootechnie n° 3.
Compte-rendu des séances de la Société d'Ethnozootechnie. 1964
"LES DÉBUTS DE LA MÉRINISATION"
Exposition du 21 mai au 31 décembre 1964 au Centre d'Enseignement Zootechnique.

Extrait

Napoléon et les plans impériaux
Napoléon ne négligea pas les mérinos. Leur laine était précieuse pour vêtir les armées impériales, aussi s'efforça-t-il de développer l'élevage par une série de mesures qui plaçaient l'élevage du mouton sous l'autorité directe de l'Etat.
Déjà la Convention avait obtenu par le traité de Bâle, la possibilité de "faire extraire d'Espagne" pendant cinq ans 1 000 brebis et 100 béliers par an. Gilbert, professeur et directeur adjoint de l'Ecole Vétérinaire d'Alfort fut chargé de ces acquisitions. Sa mission fut difficile : malade, abandonné, sans directives et sans argent, il mourut à la tâche. Il avait cependant acheté un nombre important de sujets qui servirent à la constitution de quelques bergeries nationales, en particulier celle de Perpignan. Rambouillet reçut en 1801, 40 brebis et 6 béliers, et depuis cette époque, aucun sang étranger ne fut introduit dans ce troupeau.
Grâce aux huit bergeries nationales qui avaient été successivement créées, indépendamment de celle de Rambouillet, la France comptait en 1811, 200 000 mérinos de race pure et 2 000 000 de métis. Les économistes avaient évalué à 2 000 000 de mérinos et 10 000 000 de métis le nombre de sujets nécessaires pour approvisionner nos manufactures de drap.
Les zootechniciens, avaient de leur côté, établi des "plannings" de croisement d'absorption. Tel celui publié par Tessier. (83)
Napoléon "impatient de la marche du temps" conçu un plan gigantesque, mais un peu chimérique, qui visait à réglementer sévèrement la monte des béliers. Un décret du 8 mars 1811 prévoyait la création en deux ans de 60 dépôts de béliers mérinos et ce nombre devait être porté à 500 en sept ans. Chacun de ces dépôts contiendrait 150 béliers au moins et 250 au plus. En période de monte, ils seraient mis gratuitement à la disposition des éleveurs.
Les propriétaires de troupeaux de race pure ne pourraient faire châtrer les mâles sans y avoir été autorisés par des inspecteurs des bergeries et ceux qui élevaient des métis devaient n'utilise que des mâles provenant des dépôts officiels.

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Les débuts de la mérinisation. Ethnozootechnie, n° 3. 1964, 10 p.
par : BLANC Jean (Directeur en Chef de la revue AZ - Agronomie -Zootechnie. LAURANS Raymond. (Directeur du Centre d'Enseignement Zootechnique de Rambouillet)

Grâce aux huit bergeries nationales qui avaient été successivement créées, indépendamment de celle de Rambouillet, la France comptait en 1811, 200 000 mérinos de race pure, et 2 000 000 de métis. Les économistes avaient évalué à 2 000 000 de mérinos et 10 000 000 de métis le nombre de sujets nécessaires pour approvisionner nos manufacture de draps.
Les zootechniciens avaient de leur côté, établi des "planning" de croisement d'absorption, tel que celui publié par Tessier.
Napoléon, "impatient de la marche du temps" conçu un plan gigantesque, mais un peu chimérique, qui visait à réglementer sévèrement la monte des béliers. Un décret du 8 mars 1811 prévoyait la création en deux ans de 60 dépôts de béliers mérinos et ce nombre devait être porté à 500 en sept ans. Chacun de ces dépôts contiendrait 150 béliers au moins et 250 au plus. En période de monte, ils seraient mis gratuitement à la disposition des éleveurs.
Les propriétaires de troupeaux de race pure ne pourraient faire châtrer les mâles sans y avoir été autorisés par des inspecteurs des bergeries et ceux qui élevaient des métis devaient n'utiliser que des mâles des dépôts officiels. (voir propagation des mérinos purs et troupeaux en progression)
Des inspecteurs particuliers et généraux des bergeries assureraient le contrôle de l'exécution de ces dispositions. 
Les difficultés financières et la chute de l'Empire vinrent rapidement arrêter l'exécution de ce plan qui aurait abouti en peu de temps à la mérinisation quasi totale de notre cheptel ovin.

1812

Affiche
Département d'Indre-et-Loire.
Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres.
Séance publique du 22 août 1812

DISTRIBUTION DES PRIX

FILATURE DES SOIES
Double croisade.
La femme Roy, de Véretz.
Simple croisade.
Première classe.
1er prix. Marie Goulard, de Véretz.
2ème prix. Femme Sergent, de Véretz.
Deuxième classe.
1er prix. Femme Joseph Painparé, de Fondettes.
2ème prix. Femme Cuiou, de Druyes.
3ème prix. Femme Soudée, de Saint-Cyr.
4ème prix. Femme Champeaux, de Saint-Cyr.
Soie double.
La femme Roy, de Véretz

FILATURE DE LAINE
Étaim tors.
1er prix, Femme Vedi, de Beaumont-la-Ronce. (Peigneur, Doussin fils, idem) ; chez M. Louis Pineau, de Beaumont, fabricant.
2ème prix. Femme Teissier, de Tours (Peigneur, Jahan, idem.) ; chez MM. Roze-Abraham et compagnie fabricants.
Étaim mollet.
1er prix, Femme Piégu, de Rouziers. (Peigneur, Rougé, de Tours.) ; chez M. Doury, de Tours, fabricant.
2ème prix. Femme Gauthier-Forest, de Neuvy. (Peigneur, René Rousseau.) ; chez M. Vincent Prudhomme, de Beaumont, fabricant.
Laine torse.
1er prix, Femme Proust, de Tours (Cardeuse, femme Renard, idem.)
2ème prix, Fille Desmerais, de Tours. (Cardeur, Emmeri, de Tours.)
Toutes les deux chez MM. Roze-Abraham, et compagnie, fabricants.
Laine mollette.
1er prix. Marguerite Nardeux, de Chemillé (Cardeur, Pierre Nardeux, idem.) ; chez M. Louis Couturier de Chemillé, fabricant.
2ème prix. Fille Saulnier, de Tours. (Cardeur, Ravet, idem.) ; chez MM. Roze-Abraham, et compagnie, fabricants.

DISTRIBUTION DES SIX BÉLIERS MÉRINOS
1° M. Bouriat, docteur-médecin, président de la Société de médecine ;
2° M. Huberdeau, fermier à Marcilly, arrondissement de Chinon ;
3° M. Doudon-Leduc, maire de Véretz ;
4° M. Gauron de Chamalley, près Loches ;
5° M. Benoît Mauclair, arrondissement de Loches ;
6° M. Leblond, de Saint-Cyr, près Tours.

DISTRIBUTION DES SIX MÉDAILLES
M. Delanouvelle, administrateur du domaine de Chanteloup ;
2° M. Bretonneau, à Chenonceaux ;
3° MM. Roze-Abraham et compagnie, à Tours ;
4° M. Legris, contre-maître de la filature de Sainte-Anne ;
5° Madame Chauveau, de la Miltière ;
6° M. Lichau, de Tours, menuisier-mécanicien.

PRIX PROPOSÉS POUR 1813
1° Un prix de 300 fr. à l'auteur du meilleur mémoire sur l'état actuel de l'agriculture dans un des trois arrondissements du département, et sur les moyens de la perfectionner.
2° Une médaille de 300 fr., offerte par M. le Comte-Préfet à celui qui résoudra le mieux les questions suivantes :
Quelles sont, année commue, les importations et les exportations, en tout genre, du département d'Indre-et-Loire ?
Qu'étaient-elles en 1782 et en 1789 ?
Quels sont les moyens d'augmenter les exportations, et de diminuer les importations ? 
Parmi ces moyens, quels sont ceux qui dépendent de causes plus difficiles ou éloignées ?
Ces deux prix seront décernés dans la séance du mois d'août 1813.
Les mémoires seront déposés au Secrétariat de la Société avant le 1er mai prochain, et adressés franc de port.
On communiquera également au Secrétariat le programme du prix de 300 fr. sur le perfectionnement de l'agriculture.

Le secrétaire de la Société, PÉCARD-TASCHEREAU.

A tours, de l'Imprimerie de la Préfecture, chez MAME, rue du Commerce, n° 12.

1813

Annales de la Société d’Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d’Indre-et-Loire. Tome 1er Année 1822
p. 25-29


Mémoire sur l’Agriculture de la Touraine (1)
Extrait
Les mérinos commencent à prospérer en Touraine. Pour réussir, le mouton a besoin d’avoir le pied sec. Les sols secs et brûlants n’offrent plus de pâture pendant l’été ; l’hiver, les sols mouillants donnent la pourriture. Ne pourrait-on pas alterner le pacage des troupeaux, les faire passer l’hiver sur les sols pierreux, sablonneux et calcaires ; l’été, sur les sols argileux et profonds ?

(1) Ce mémoire, envoyé en 1813 à la Société d’agriculture de Tours par M. Bérard aîné, négociant, et membre de la Société royale des arts du Mans, a été inséré en 1819 dans le tome VI des Annales de l’agriculture française, rédigées par MM. Tessier et Bosc *. Ce dernier y joint quelques notes que nous nous faisons un devoir de conserver. Les conseils que donne l’auteur de ce mémoire, et les vues qu’il y exprime, seraient susceptibles de plus de développement, et n’offrent pour la plupart, rien de très nouveau). Plus d’un cultivateur, cependant, peut le consulter avec fruit, et c’est ce qui nous a engagé à le tirer des archives de la Société pour l’insérer dans ces Annales.
 

1813

Annuaire du département d'Indre-et-Loire pour l'an 1814.
p. 258-261
Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire.
Séance publique du 28 août 1813.
Extrait :

M. Pécard a continué son rapport général, et a fait connaître les quatre agriculteurs à qui M. le Préfet, sur la désignation de la Société, a décerné les béliers Mérinos, qui tous les ans sont donnés par lui pour l'encouragement de l'agriculture.
Ces quatre béliers, qui proviennent du troupeau appartenant au département, ont été distribués,


A M. Delaunay, artiste vétérinaire à Tours ;
Au fermier de la Pécaudière ;
A Charles d'Ardentes, commune d'Yzeures ;
Au sieur Patet, d'Azay-sur-Cher.


Les prix que la société avait fondés pour la filature des laines, n'ayant pas rempli le but qu'on s'était proposé, ont été remplacés par des médailles destinées à récompenser le zèle et l'habileté soutenue des meilleurs fabricants de draperies du département.
 

1818

LAURENCIN Michel, La vie en Touraine au temps de Balzac. Ed. Cairn. 2008. 335 p. (Hachette avril 1980, honoré par l'Académie française en 1981)


p. 169-170.
"Abondant est le cheptel ovin même s'il n'est pas d'excellente qualité. Près de 320 000 têtes se répartissent en 1818 entre les trois arrondissements (Loches 140 000, Tours 110 000, Chinon 70 000). Sous la monarchie de Juillet en 1841, l'arrondissement de Loches n'en compte plus que 120 000. L'ensemble de ce cheptel fournit 255 000 kilos de laine sous l'Empire, évalués à 570 000 F. Mais les races indigènes (près de 98 % du total) ne produisent que 88 % des laines ; les races améliorées (1,6 % produisent 7,1 % des laines) ; et les races mérinos, les moins nombreuses (0,8 % fournissent plus de 4 % des laines de qualités supérieures et superfines).
L'effort en vue d'améliorer la race et développer celle des mérinos est indéniable. En 1809 à Monnaie on reconnaît "que la quantité et la qualité des laines a considérablement augmenté en finesse depuis trois ans, car quelques propriétaires ont mis dans le troupeau des races mérinos". Si l'on compte 1 462 bêtes de races locales, 100 du Berry, 279 métis, on recense déjà 24 mérinos. Ça et là se multiplient les tentatives de croisement, se fondent des bergeries modèles comme à Yzeure où le maire a établi une bergerie de mérinos ; à Véretz, où dès 1798, un riche propriétaire a acquis des brebis provenant de la vente de Rambouillet. À Amboise surtout, où dès avant la Révolution, Arthur Young vantait les méthodes modernes adoptées par Choiseul sur sa terre de Chanteloup, le comte Chaptal, ancien ministre de l'Intérieur et savant a un troupeau qui "est porté à la plus haute perfection, il jouit de la plus grande célébrité pour la pureté de la race, la finesse de la laine et la beauté des formes des individus". On vient même visiter les 200 béliers mérinos, les 400 moutons, les 700 brebis et les 420 agneaux. Et le général de Menou, enfant de la Touraine, fait don à l'Indre-et-Loire de son troupeau de mérinos, venu d'Italie par la route, et officiellement accueilli sur le mail de Tours par les autorités préfectorales... Et encore on ne saurait mélanger les races, Menou, depuis Turin, accompagne l'envoi d'une recommandation importante : "...Et surtout qu'on ne laisse pas saillir les brebis par des béliers communs. Elles ne doivent être couvertes que par des béliers de pure race." Pourtant en 1809 quand le vétérinaire - désigné par la préfecture pour inspecter les béliers - se présente, il ne peut pas exercer son art : les deux bêtes ont eu une "diarrhée coliquative qui a causé une maigreur et un affaiblissement général" !
 

1819

CHAPTAL (M. le comte), De L'industrie française. Paris. 1819. 462 p.
p. 149-152
L'introduction des mérinos en France formera une des époques les plus mémorables dans les annales de notre agriculture : nous devons ce bienfait à Louis XVI, qui fit venir le premier troupeau et le plaça à Rambouillet, sous la direction d'hommes éclairés. Le traité de Bâle nous accorda ensuite l'extraction de 4 000 mérinos qui furent vendus à des propriétaires, ce qui propagea cette race précieuse ; ils ont été l'origine de nombreux troupeaux répandus aujourd'hui sur notre sol. La conquête de cet animal précieux nous est assurée ; 30 années d'expérience ont prouvé que la laine ne dégénère point, et que les soins qu'on donne au choix des béliers pour la propagation de la race, ont singulièrement amélioré la taille et la forme des mérinos.
Non seulement l'importation des mérinos a enrichi notre agriculture et notre industrie de la laine la plus fine qui fût connue en Europe ; mais encore, par le croisement des races, elle a amélioré les laines communes sur tous les points de France. Cet avantage paraîtra inappréciable si l'on considère qu'en améliorant nos laines, on en élève la valeur, et on augmente le poids des toisons de près de moitié.
Mais ce serait mal connaître le prix que nous devons attacher à l'introduction des mérinos que de le borner à l'amélioration de nos laines : son influence sur l'agriculture est peut-être plus importante encore : les riches propriétaires se sont d'abord emparés de cette branche de l'industrie agricole ; ils ont fait, à l'envi, de grands sacrifices pour soigner ces animaux : partout on a construit des bergeries bien aérées où l'on a maintenu la plus grande propreté, partout on a formé de bons bergers, on les a instruits de tout ce qui peut intéresser la conduite, la santé et les maladies des bêtes à laine ; partout on a multiplié les prairies artificielles pour leur assurer une nourriture saine et abondante. Aussi cette acquisition a remué tous les intérêts de l'agriculture, et a contribué à en perfectionner toutes les branches.
La France touchait déjà au moment d'être affranchie à jamais de l'importation des laines fines ; elle possédait plusieurs millions de mérinos purs ou métis, et arrivait, par une progression rapide, à une amélioration générale, lorsque le décret du 8 mars 1811 est venu paralyser, tout d'un coup, cette belle branche de l'industrie. Au lieu de lasser agir les propriétaires et de s'en rapporter à leurs intérêts, le gouvernement a voulu s'interposer entre eux, et opérer pour son compte ; dès lors il est arrivé ce qui arrive toujours lorsque l'autorité quitte le rôle de protection pour jouer celui de producteur ; le découragement s'empare du particulier qui est forcé de lutter contre le gouvernement, et son industrie s'éteint. Un gouvernement éclairé peut livrer les premières semences d'une industrie et en protéger la culture ; mais là se bornent ses fonctions (1). Cependant quelques propriétaires zélés ont lutté, avec persévérance et par des sacrifices, contre les mesures désastreuses de l'autorité ; ils sont parvenus à conserver le précieux dépôt que 25 années de travaux nous avaient acquis ; et lorsque la manie de tout régir a cessé, et que la liberté a été rendue à cette industrie, la propagation des mérinos a repris sa première marche.

(1) L'article du décret du 8 mars 1811, qui défend, sous peines sévères, de châtrer ceux des agneaux mâles, qui, par leur forme, leur taille, leur organisation vicieuse, et la mauvaise qualité de leur laine, ne doivent pas servir à la propagation, laissera une idée peu avantageuse des lumières du gouvernement de 1811 sur cette partie importante de l'agriculture.

1819

CHAPTAL (M. le comte), De L'industrie française. Paris. 1819. 462 p.


p. 178
Etat des quantités de laines récoltées en France, évaluées en kilogrammes. [Tableau détaillé par département. En suint : Mérinos, Métis, Indigène, Total]

Etat des quantités (kg) de laines récoltées en suint (non lavée), France, 1819.

Département

Mérinos

Métis

Indigènes

Total

Seine-et-Oise

169 671

532 006

380 338

1 082 015

Seine-et-Marne

104 441

581 469

308 168

994 078

Oise

49 378

317 934

429 497

796 809

Eure-et-Loir

34 490

395 516

486 871

916 877

Seine

26 210

19 632

22 220

68 062

Somme

25 702

19 350

 

45 052

Seine-Inférieure

22 929

137 736

23 604

184 269

Aisne

21 860

278 432

335 952

636 244

Pas-de-Calais

21 188

41 113

599 740

662 041

Eure

15 393

74 746

245 780

335 919

Calvados

12 630

5 685

275 405

293 720

Loir-et-Cher

10 785

53 302

600 065

664 152

Indre-et-Loire

10 771

18 234

226 568

255 573

Loiret

10 502

123 162

399 785

533 449

Indre

9 151

36 879

816 037

862 067

Cher

3 300

6 700

825 000

835 000

Vienne

2 387

7 325

371 609

381 321

France

726 532

3 040 191

26 856 128

30 622 851

1819

ADIL cote 7M73
Département d'Indre-et-Loire
État des agriculteurs qui, aux termes de la circulaire de son Excellence le Ministre de l'Intérieur, en date du 5 novembre 1819, ont acquis des droits à la bienveillance du Gouvernement.

Extrait

Comte CHAPTAL à Amboise
A introduit dans la terre de Chanteloup, dont il est propriétaire de bonnes méthodes de culture, un beau troupeau de mérinos et une fabrique importante de sucre de betteraves, ajoutant une nouvelle importance une nouvelle valeur à ses exploitations.

AUBRY-PATAS à Saint-Antoine-du-Rocher
A doublé par ses nombreux travaux, la valeur de la terre du Plessis dont il était propriétaire, et par son exemple une des plus pauvres et des plus stériles communes du département est devenue une de celles le plus productives. M. Maurice GIRAUDEAU le nouveau propriétaire de la terre du Plessis suit avec succès les méthodes de son prédécesseur.

Vve de FLAVIGNY à Notre-Dame-d’Oé
Donne tous les soins à l’éducation des mérinos en grand.

HOUSSARD à Notre-Dame-d’Oé
Donne tous les soins à l’éducation des mérinos en grand.

PETIT à Notre-Dame-d’Oé
Donne tous les soins à l’éducation des mérinos en grand.

Arrêté par nous Préfet d'Indre-et-Loire.
À Tours, le 16 février 1820.
 

1822

ADIL 7M244
Statistiques Indre-et-Loire 1822

Notre d'Oé
Brebis 500, moutons 200, agneaux 250

Cerelles
Total ovins 728

Beaumont-la-Ronce
Brebis 987, moutons 224, agneaux 395

Saint-Antoine-du-Rocher
Total ovins 1200

Saint-Paterne
Brebis 792, moutons 453, agneaux 394

Neuvy-le-Roi 
Brebis et agneaux 2677, moutons 955

Villeperdue
Brebis 600, moutons 600

Ballan
Total ovins 1348


TRANSCRITION EN COURS....
 

1842

Journal d'Agriculture pratique. Juillet 1841 à juin 1842
Avril 1842
Etablissement pastoral de la Charmoise. II.
Signé : Comte de la Villarmois, [Martial de la Villarmois, vers 1800-1880] propriétaire-cultivateur à Montgoyer à Saint-Epain (Indre-et-Loire)
p. 441-447
Nous sommes dans le siècle de l'industrie, mais, par malheur, trop souvent aujourd'hui, la cupidité est le seul mobile des entreprises. On est heureux quand on peut rencontrer des hommes généreux qui consacrent, avant tout, leurs talents et leur vie au bien-être du pays ; on aime s'arrêter près d'eux et à proclamer leur mérite. 
Ces réflexions peuvent s'appliquer à M. Malingié, qui s'est fait connaître depuis un petit nombre d'années par de grands travaux, et surtout par l'immense service qu'il a rendu en important en France la précieuse race de moutons anglais, connue maintenant sous le nom de new-kent, race perfectionnée des dishleys de Blackwell. Son extrême modestie a rendu ses publications rares, et, sans la tâche qu'il a accepté de rendre compte annuellement de ses travaux à la Société d'Agriculture de Blois, un petit nombre d'amis connaîtraient seuls toute l'importance de l'établissement pastoral qu'il a fondé à la Charmoise, à un kilomètre de Pontlevoy (Loir-et-Cher).
Le vrai mérite ne peut rester dans l'oubli ; de nombreux visiteurs viennent souvent, et de très lion quelquefois, s'assurer de l'importance du troupeau de M. Malingié, et chacun s'en retourne satisfait de ce qu'il a vu.
Je ne pense pas que, jusqu'ici, aucune des personnes qui sont venues explorer la Charmoise aient livré à la publicité les impressions qu'elles ont dû en rapporter ; c'eût été cependant rendre un véritable service aux amis de l'agriculture que de leur faire connaître, avec quelques détails, cet établissement, vraisemblablement unique en son genre, qui offre beaucoup à apprendre, même aux plus habiles.
Des hommes, haut placés dans les sciences comme dans la société, sont venus plusieurs fois rendre visite à M. Malingié, et, parmi eux, j'aime surtout à citer les inspecteurs de l'agriculture, soit qu'ils fussent envoyés par M. le Ministre, soit que leurs visites fussent spontanées. MM. de Sainte-Marie et Yvart ont témoigné à M. Malingié une vive satisfaction, et leurs rapports ont dû être bien favorables puisque, non-seulement le propriétaire de la Charmoise a reçu des encouragements officiels, mais encore que M. le ministre a désiré le voir, afin de pouvoir d'entretenir directement avec lui et le complimenter lui-même. Un pareil suffrage honore également M. le ministre qui a su accorder à l'homme habile et modeste qui a si bien su le mériter.
Ce sont des hommes de cette valeur que l'on aimerait à voir dans le conseil général de l'agriculture ; étrangers aux intrigues, aux ambitions, leurs travaux, leurs opinions ne pourraient jamais avoir pour but que le plus grand avantage de la France.
La terre de la Chamoise, telle que M. Malingié en a fait l'acquisition, ne contient pas tout-à-fait, je crois, 200 ha ; elle avait été fort négligée et était en partie composée d'un mauvais bois usé, dans lequel les bonnes essences étaient remplacées par le houx, la ronce, la bruyère, etc. ; le sol, fort médiocre en lui-même, ne pouvait faire espérer de bons résultats qu'après des travaux dirigés avec activité, habileté, et de grandes dépenses. L'ardeur et l'habileté, qualités éminentes du nouveau propriétaire, firent bientôt des miracles ; le bois fut défriché, le sol fut profondément remué et nettoyé partout ; de grands moyens de fumure furent réunis, un four à chaux fut construit, et les mauvais débris de bois, objets de mince valeur comme combustible à livrer au commerce, servirent à confectionner la chaux, si indispensable dans un sol éminemment argileux, humide et imprégné de tanin.
Après quelques années de patience, de travaux de tous genres et de grands sacrifices, M. Malingié commença à recueillir le fruit de ses soins et de son intelligence. D'abondantes récoltes le récompensèrent ; les sacrifices, d'abord nécessaires, diminuèrent petit à petit ; son sol se fonda véritablement, et il put arriver à son principal but, à une culture essentiellement pastorale. Il cessa de se livrer à l'engrais des bêtes à cornes ; les fumures étant devenues suffisantes, il forma artificiellement des pâturages d'élite, et finit par appeler les bêtes à laine qui, aujourd'hui, font surtout la richesse de la Charmoise. Le but de cet habile cultivateur n'était pas seulement d'avoir des moutons, mais, suivant de l'œil les progrès et les besoins de nos manufactures, et aussi l'avantage de la boucherie française, il résolut de tenter de ravir à l'Angleterre la belle race de moutons que la patience et le génie un sut y créer, et à laquelle aucune autre ne peut être comparée, soit sous le rapport de la finesse et de la longueur de la laine, soit pour la facilité de l'engraissement et la supériorité de la viande.
Les dishleys de Blackwell existaient bien en France sur plusieurs points, mais excellent pour la boucherie, cette belle race manquait de finesse dans la toison ; il fallait absolument avoir recours à l'Angleterre pour obtenir des laines longues et fines en même temps. M. Malingié traversa le détroit, visita les plus beaux troupeaux, s'enquit de tout ce qui pourrait lui être utile, fit de grandes acquisitions, et revint modestement dans sa patrie, amenant avec lui, malgré la fiscalité des douanes françaises, la précieuse conquête des dishley perfectionnés, l'admirable race des new-kent.
Le temps seul fait apprécier la valeur des conquêtes vraiment profitables ; on put d'abord ne voir dans l'entreprise de la Charmoise qu'une opération hasardée, comme malheureusement il y en a beaucoup, sortie du cerveau d'un homme ardent, et sans but bien assuré ; il faut revenir de cette erreur, et, quelques sacrifices que M. Malingié ait été forcé de faire, il a atteint essentiellement le but qu'il se proposait ; il a doté sa patrie de la plus précieuse espèce de bêtes à laine connue, et la supériorité de cette belle race a été si facilement et si promptement reconnue et appréciée que, des points les plus éloignés de la France, de nombreuses demandes lui ont été faites, afin de faire participer le plus vite possible toutes les parties du pays, à l'immense avantage de la nouvelle importation. Satisfaire tout le monde était d'abord impossible ; il fallait multiplier avant tout, mais les premiers essais ont été assez satisfaisants pour qu'aujourd'hui encore l'établissement de la Charmoise ne puisse pas suffire à toutes les demandes. L'affluence des curieux et des amateurs est devenue très grande, et la correspondance avec ceux qui ne peuvent se déplacer est immense. Au milieu de ce succès si bien mérité, M. Malingié triomphe avec modestie, et se réjouit surtout de voir son pays pourvu du moyen de se soustraire à un tribut onéreux, et toujours humiliant, surtout envers une rivale sur laquelle nous devrions presque toujours l'emporter, si nous savions profiter de tous nos avantages.
M. Yvart (Charles-Auguste) a eu une tâche facile en faisant l'éloge des travaux effectués à la Charmoise. Directeur lui-même d'un beau troupeau de moutons de race anglaise appartenant au gouvernement, il a eu la franchise de reconnaître dans les new-kent de M. Malingié une véritable supériorité sur les dishleys, surtout dans la toison, qui réunit la longueur et la finesse, qualités si fortement appréciées aujourd'hui.
Chacun sait que, pour la fabrication des étoffes de laine, si à la mode et si recherchées, il faut absolument des laines longues, que l'on ne pouvait se procurer qu'à l'étranger ; encore un peu de temps, et les laines sortiront en totalité des troupeaux devenus français. M. Malingié, jeune encore, jouira longtemps de ce succès, qui le dédommagera de bien des peines, et des voyages et dépenses qu'il a été forcé de faire ; il passe peu d'années sans aller en Angleterre, ou du moins sans y envoyer faire des acquisitions nouvelles, lorsqu'il croit pouvoir obtenir, n'importe quel prix, des animaux encore supérieurs à ceux qu'il possédait déjà. Ainsi, non seulement, il sait entretenir son troupeau dans sa pureté primitive, mais il le perfectionne encore annuellement et le tient constamment à la hauteur de l'ancienne supériorité anglaise. De cette manière, la France, sous ce rapport, n'a plus rien à envier à l'Angleterre, et tous les agriculteurs français qui se livrent à l'élève des bêtes à laine peuvent prendre en toute sécurité des animaux de cette espèce à la Charmoise ; ils sont assurés d'y trouver ce qu'ils peuvent désirer. M. Malingié n'est point essentiellement un spéculateur, il ne vise point, avant tout, à gagner de l'argent ; il aime surtout son pays ; sa plus grande récompense sera toujours de lui être utile.
On trouve à la Charmoise des animaux de différents prix ; certains béliers nt été vendus 1 500 fr., tandis que le prix commun est de 300 ou 400 fr. Les avances de M. Malingié ayant été immenses, il est tout naturel qu'il cherche à y rentrer, son ambition ne s'étend pas beaucoup au-delà ; mais jamais il ne conservera, pour la reproduction, des animaux qui pécheraient, soit par leurs formes, soit par la qualité de la laine, soit par quelque cause grave que ce soit. J'ai été moi-même témoin du retrait qu'il fit d'un bélier vendu, parce que, au moment de le livrer, il reconnut un défaut qui lui avait échappé, ainsi qu'à l'acquéreur.
Les manufacturiers se sont montrés très avides des laines de la Charmoise, et j'ai vu des lettres dans lesquelles ils annonçaient qu'on ne pourrait jamais assez leur e fournir de semblables.
Lorsque Malingié fut pour la première fois en Angleterre, il fut tellement enchanté de la beauté et de la parfaite santé du mouton new-kent qu'il y observa, qu'il ne négligea rien de ce qui pouvait lui être nécessaire, afin d'imiter complètement ce qui faisait l'objet de son enthousiasme et de son envie. Il fallait avant tout acquérir, et ce n'était pas chose fort aisée ; nos voisins sont très jaloux de leur belle race, et quoiqu'il fit connaissance avec des propriétaires qui louaient, dans la saison de lutte, jusqu'à 200 béliers peut-être, ls étaient très peu portés à s'en défaire, et surtout céder les plus beaux, l'élite de leurs troupeaux. Pour en obtenir quelques-uns, il ne suffisait pas de leur montrer de l'or, il fallait encore capter leur bienveillance. M. Malingié y réussit.
Une chose le frappa de bonne heure, l'absence de tout bâtiment pour servir de retraite aux moutons. Il s'empressa de questionner les propriétaires ; ils lui dirent naïvement qu'ils n'aient pas de bergeries ; qu'ils ne pensaient pas que cela pût être nécessaire à des animaux que la nature avait aussi bien vêtus. Ains, les superbes troupeaux qu'il voyait étaient constamment sans abri, hiver comme été, pendant la chaleur comme pendant le froid et la pluie. Il crut d'abord que le beau climat de notre France conviendrait encore bien davantage à la colonie qu'il voulait établir, et déjà, dans sa pensée, il voyait prospérer cette colonie en quelque sorte mieux encore que ce qu'il avait sous les yeux : il n'en a pas été ainsi. Si notre climat est moins humide que celui de l'Angleterre, il est plus froid, plus irrégulier surtout dans sa température. Bref, il devint convenable de songer à donner un abri au troupeau, non seulement pendant la saison froide, mais encore pendant les jours les plus chauds de l'année. Les bêtes anglaises souffrent, en quelque sorte, plus de la rigueur d'un soleil brûlant que de celle de l'hiver ; il fallut construire des bergeries qui pussent offrir tous les avantages désirables. L'intelligence du propriétaire de la Charmoise s'est encore montrée dans cette construction vraiment grandiose, et je crois pouvoir dire qu'il n'existe nulle part rien de mieux entendu. Chaque bergerie a environ 70 mètres de longueur su 16 de largeur. Les fourrages pour l'hiver sont placés dans les combles, sur de bons planchers ; tout le pourtour peut être ouvert à volonté, les clôtures étant en grandes portes et en panneaux de bois. C'est surtout du côté nord et du levant qu'il convient d'ouvrir, afin d'éviter le soleil et les vents dominants qui sont chauds et chargés d'humidité. L'intérieur de la bergerie est divisible à volonté, en un grand nombre de sections ou de compartiments, séparés les uns des autres par des râteliers, qui sont presque à terre de forme prismatique, afin d'empêcher que les toisons ne soient salies par la poussière et les débris des fourrages. Des petits parcs particuliers sont établis pour les nouveau-nés et pour leurs mères, et l'espacement des barreaux de clôture est calculé de manière que les jeunes animaux peuvent s'approcher des râteliers qui contiennent leur nourriture spéciale et de choix, sans que les grandes bêtes puissent y atteindre. Enfin, tout a été prévu avec l'intelligence la plus parfaite.
Chaque bergerie est construite au milieu d'un grande cour, en plein champ ; cette cour est toujours garnie de paille, et on peut à volonté y laisser libres les animaux ; elle est close par un vaste fossé et par une haie vive, ce qui la rend à peu près inaccessible ; quelquefois même, elle est entourée par un filet à large maille, goudronné pour sa durée, et qui ne permet l'introduction d'aucun animal étranger. Pour sûreté de nuit, M. Malingié est dans l'usage d'allumer des réverbères dans les cours : cette clarté impose aux loups, qui n'osent en approcher. Les bergers, d'ailleurs, couchent dans les cours ainsi que leurs chiens. Pour le jour, ces bergers sont munis d'un petit fusil armé d'une baïonnette, qu'ils portent en bandoulière. Avec toutes ces précautions, jamais les loups n'ont pu porter atteinte au troupeau de la Charmoise, bien qu'ils aient maintes fois commis des déprédations dans les troupeaux du pays qui en sont voisins. Sous ce rapport, les Anglais ont une sécurité que nous devons envier, mais sans jamais pouvoir l'atteindre.
M. Malingié a donc parfaitement reconnu que le régime anglais n'était pas tout à fait applicable aux moutons importés par lui en France. Mais après avoir éprouvé la nécessité des bergeries, il reste fermement convaincu qu'il faut le moins possible s'éloigner de ce régime, et surtout éviter d'entasser les bêtes à laine, sans air, comme on le fait souvent dans notre pays. Il a reconnu que, pendant la première année, les agneaux demandaient une attention et des soins particuliers ; ils ont souvent une certaine délicatesse de tempérament, sans que pour cela la mortalité soit grande parmi eux. Le coryza, particulièrement, affecte habituellement les moutons anglais, même grands et âgés de plusieurs années. Cet état inquiète plus qu'il ne le mérite, et au total, après une première année, le mouton anglais est devenu robuste, au moins autant que les moutons du pays de race vulgaire. Les jeunes métis provenant d'origine anglaise ont les avantages de cette précieuse race, sans présenter l'inconvénient que nous venons de citer, et qui cependant ne doit pas effrayer.
Ne pouvant pas répandre assez promptement en France les bêtes à laine anglaises, il a paru naturel d'essayer des croisements qui puissent immédiatement améliorer les races indigènes et donner aux manufactures, des laines à peigne qui approchent de celles qui sont devenues si nécessaires et même indispensables. M. Malingié ne pouvait pas rester en arrière dans cette amélioration, et il peut être signalé comme ayant un des premiers tous les essais désirables. Les mérinos ont souvent des toisons admirables pour la finesse ; ils ont fait faire des progrès immenses à la draperie et à une foule de charmants tissus ; mais aujourd'hui, si la carde continue à être toujours employée, le peigne est devenu indispensable ; il faut absolument, en même temps, des laines longues et fines. Des alliances ont eu lieu entre les races espagnole et anglaise ; il en est résulté des produits importants, qui participent tout à la fois, plus ou moins, des qualités de moutons des deux pays. Ainsi, on obtient longueur et finesse, mais pas toujours autant de longueur que chez les new-kent, ni autant de finesse que chez les mérinos. Il faut que le propriétaire du troupeau s'applique à donner aux croisements successifs la correction demandée par chacun, et c'est ce qui a eu lieu en donnant au premier croisement, lors de la seconde lutte, soit des béliers plus fins si la finesse a manqué et non la longueur, soit des animaux à laine plus longue, ni l'inverse a eu lieu. On peut même quelquefois employer des béliers espagnols de choix ; mais les chefs de manufactures recommandent d'abonder toujours plutôt du côté anglais que de côté espagnol. Il faut au moins deux ou même trois croisements soignés, pour obtenir ce qui est vraiment désirable et pout faire perdre au brin de laine le vrillement qui ne convient plus aux manufacturiers qui emploient des laines longues. C'est chez M. Malingié qu'il faut voit tous ce produits kent-mérinos dans leurs différents degrés, soit que le métissage ait été opéré sur des bêtes de haute branche, comme celles de Rambouillet, soit que le croisement ait eu lieu avec la race de Naz (éleveur de mérinos dans l'Ain) ou d'autres variétés.
Ses explications donnent un mérite infini aux résultats qu'il a obtenus et que je me donnerai bien garde de reproduire ici plus en détail. On peut être étonné de voir que les Anglais, si bons créateurs de races utiles et distinguées, ne se soient pas appliqués depuis fort longtemps aux croisements anglo-mérinos. Mais leur climat est peu favorable aux moutons espagnols, qui craignent beaucoup la trop grande humidité ; et d'un autre côté, la boucherie est une importante affaire pour cette nation, qui fait grand cas de la viande. Sous ce rapport, les mérinos et leurs dérivés auront toujours une grande défaveur ; rien, à cet égard, ne peut être comparé aux moutons anglais.
Dans ces croisements, M. Malingié ne s'est pas contenté de s'adresser aux deux seules races anglaise et espagnole ; il a réuni dans son vaste établissement les principales races françaises, et il peut offrir à la curiosité des amateurs les résultats d'une très grande variété de croisements, parmi lesquels je ne ferai qu'indique les métis anglo-flamands, extrêmement remarquables, les anglo-poitevins, les anglo-solognots, etc. Je dois cependant m'arrêter à ces derniers qui ont donné souvent des produits étonnants. Il y a à la Charmoise des anglo-solognots qui ont pris presque tout à fait, la forme anglaise, et qui dès la première génération présentent des toisons qui approchent extrêmement des new-kent purs. 
Ces résultats prouvent avec quelle rapidité la race anglaise communique ses avantages, et je ne fais aucun doute que, si le gouvernement pouvait répandre abondamment de bons béliers anglais dans les provinces où on s'occupe spécialement de l'élève des moutons, dans très peu d'années toutes les espèces françaises auraient doublé de valeur, et nos manufactures seraient amplement fournies de longues laines singulièrement améliorées. La Société d'agriculture de Blois vient de donner un bon exemple en établissant des béliers anglais sur divers points du département de Loir-et-Cher et en permettant que les cultivateurs puissent gratuitement présenter à la lutte chacun un certain nombre de brebis de bon choix. Cet assai, qui obtiendra prochainement un véritable succès, devra avoir des suites les plus heureuse.
C'est une chose curieuse pour un véritable amateur de bêtes à laine, que de passer en revue par degrés de rapprochement un aussi grand nombre de variétés et de races diverses parmi lesquelles il en est qui ne sont pas généralement assez connues, telles que la gasconne ou des Pyrénées, la belle variété soyeuse de M. Gros, etc. Chaque année verra encore accroître cette nomenclature chez M. Malingié, et dans peu les bêtes à laine algériennes et une autre espèce africaine, naturalisés depuis longtemps dans le midi de la France, l'augmenteront encore. Cette dernière espèce paraît devoir attirer particulièrement l'attention, s'il est vrai qu'elle offre le grand avantage de pouvoir pâturer impunément dans les herbages marécageux Peu difficile sur la qualité de la nourriture, il lui faut seulement un pâturage abondant.
Les béliers anglais étant d'une taille élevée et d'un superbe modèle, pèsent quelquefois jusqu'à 100 kg. Cela peut effrayer les cultivateurs accoutumés à de petites races communes, vivant seulement de ce qu'elles peuvent trouver dans de mauvais guérets, dans les landes ou sur des coteaux stériles, et n'ayant qu'un peu de paille pour les 5 mois d'hiver. Ce n'est pas ainsi, comme on le pense bien, que les bêtes à laine sont traitées à la Charmoise, et cependant le sol de cette jolie propriété est loin d'être d'une qualité supérieure. La haute intelligence du propriétaire a su améliorer avec la chaux et les engrais animaux ; les pacages artificiels ont succédé aux céréales, et après quelques années, ils sont rendus de nouveau à la charrue. Ces défrichements de terre reposée et engraissée par un immense troupeau, doivent donner des récoltes abondantes, et c'est ce qui se voit tous les ans à la Charmoise. Ainsi, M. Malingié a su rendre un sol médiocre propre à la nourriture d'un troupeau nombreux, de première race, et propre aussi à donner des récoltes admirables, telles qu'on n'en rencontre que dans les cultures les plus riches de France. Les colzas qui ont été récoltés par lui l'an passé et ceux qui, en ce moment, couvrent à la Charmoise environ une vingtaine d'hectares, rivalisent certainement avec tout ce que la Flandre peut offrir de mieux en ce genre. C'est bien le cas de le dire : Tant vaut l'homme, tant vaut la terre.
Le régime régulier des bêtes à laine contribue beaucoup à leur prospérité : à la Charmoise, il est parfait. Presque toute l'année, par le choix des plantes qui forment mes pacages artificiels, les moutons trouvent à paître, mais les fourrages secs ne manquent pas au besoin, pas plus que les racines. Jamais les moutons ne manquent de nourriture, et s'ils peuvent en avoir avec surabondance et s'ils en laissent dans les râteliers, ces restes ne sont pas perdus ; l'habile propriétaire a su établir à la portée des bergeries, et même tout à fait contiguës, des étables dans lesquelles de jeunes génisses achèvent de consommer tout ce qui a été superflu pour les moutons ; en sorte que tout est employé avec profit.
Il est inutile de dire que les troupeaux ont d'abondantes litières, toujours tenues bien propres ; il serait encore superflu de remarquer que la boisson ne manque jamais dans les bergeries ; c'est une erreur de croire que les moutons doivent boire peu. Comme tous les animaux, ils doivent avoir de l'eau à discrétion, surtout quand ils sont à un régime sec.
Le moment de la tonte est une opération fort importante, surtout lorsqu'un troupeau contient déjà environ un millier de bêtes, comme à la Charmoise. Suivant le désir du manufacturier, autant qu'il est possible, les laines doivent être lavées à dos. C'est une opération longue et minutieuse, mais qui porte bénéfice au propriétaire du troupeau. Il y a par ce procédé beaucoup moins de perte que lorsqu'on lave la laine au lavoir après la tonte. Mais il faut une propreté extrême dans les litières jusqu'au moment de la tonte, et il est bon de mettre quelques jours d'intervalle entre ces deux opérations. D'abord il faut laisser sécher la laine, ensuite il est avantageux de donner au suint le temps de remonter un peu.
Il est rare que dans une grande agglomération d'animaux il n'y ait pas quelque souffrance, et par suite un peu de dégénération ; aussi pour conserver à ses bêtes à laine toute leur beauté, toute leur perfection, M. Malingié est dans l'usage de confier à des habitants du pays, même dans un rayon assez éloigné de lui, un ou plusieurs brebis pleines. Il a su intéresser ces bonnes gens à bien nourrir, à bien soigner ses bêtes en leur assurant un profit considérable. Ainsi placées dans l'isolement, elles se portent et se développent à merveille. Quand le moment du sevrage est arrivé, les mères rentrent à la Charmoise, et l'agneau continue à être élevé avec soin dans l'isolement. A l'âge de 10 mois ou un an il est rendu au propriétaire qui ne le reprend qu'en parfait état. Alors il n'est pas rare de recevoir des jeunes animaux de poids de 60 à 70 kg, qui sont payé aux éleveurs jusqu'à 2 fr. par kg. C'est une petite fortune pour ces éleveurs qui, comme on le voit, ont un intérêt très grand à parfaitement soigner leurs élèves, et à leur faire acquérir du poids.
En Angleterre la conservation des moutons, dans leur pureté complète, est facile, ces animaux, toujours sans asile, sont renfermés dans d'immenses domaines toujours remplis d'excellents pâturages. Presque jamais les herbes y sont grillées par un soleil brûlant et de longues sécheresses. Les froids de l'hiver n'y sont ni longs ni vifs ; on n'a pas besoin de recourir à des bergeries dans lesquelles les bêtes doivent nécessairement un peu languir quand leur réclusion est prolongée.
Cette manière d'élever isolément, adoptée par M. Malingié, prouve encore une fois qu'il ne néglige absolument rien, non seulement pour entretenir ses belles bêtes, mais même pour les perfectionner s'il est possible. Son attention est perpétuelle. Son troupeau a eu le malheur d'être atteint par l'affection connue sous le nom vulgaire de cocote, qui a régné si longtemps dans bien des localités, et qui n'a pas encore tout à fait disparu. A force d'observations et d'essais de tous genres, il est parvenu à reconnaître qu'on obtenait parfaitement la guérison des bêtes devenues boiteuses en les faisant passer dans des bassins contenant de l'eau de chaux nouvellement éteinte. Il s'est hâté de donner lui-même de la publicité à ce moyen de guérison dans l'espoir d'être utile (1). L'année dernière, une des plus terribles maladies qui puissent attaquer les moutons, le claveau, avait commencé à sévir à la Charmoise ; quelques pertes ont promptement averti de tout le danger dont on était menacé, l'inoculation a été aussitôt pratiquée avec le succès le plus complet, malgré la difficulté de trouver des parties dépourvues de laine chez une espèce aussi complétement garnie que celle de la Charmoise. L'introduction du virus devient facile en la pratiquant sous la queue.
Je crois utile de donner maintenant un aperçu comparatif du poids moyen des toisons de quelques espèces ou variétés, comme aussi de leur valeur.

Espèces des laines ; Poids en kg ; Valeur du kg
New-kent, en suint ; 3,5 à 4 kg ; " fr
New-kent, lavée à dos ; 2,5 kg ; 5 r
Mérinos en suint ; 3 à 4 kg ; 2 fr
Kento-mérinos, en suint, 1er croisement ; 4 kg ; 2,5 fr
Flandrine pure, en suint ; 4,5 kg ; 2,00 fr
Kento-flandrine pure, en suint, 1er croisement ; 5 kg ; 3,00 fr
Solognote pure, en suint ; 1,50 kg ; 1,50 fr
Kento-solognote, lavée à dos, 1er croisement ; 2 kg ; 4,40 fr
Poitevine pure, en suint ; 1,25 kg ; 1,80 fr
Kento-poitevine en suint, 1er croisement ; 2,5 kg ; 2,50 fr

En publiant cette notice, j'ai eu le double but de faire ressortir les droits de M. Malingié à la reconnaissance publique et d'être utile en signalant les services que son établissement peut rendre. Afin de faciliter la vérification de ce que j'ai avance sans que l'on soit obligé d'aller à la Charmoise ; je joins ici un état sommaire, fort incomplet, mais suffisant, de quelques personnes qui, possédant des troupeaux, ont voulu les améliorer en acquérant des béliers et autres bêtes à laines anglaises. Depuis 4 ans, je possède deux béliers superbes que M. Malingié m'a cédés, à l'âge de 4 mois, et qui ont fait la lutte dès la première année. Je forme avec eux un troupeau de progression qui offre maintenant beaucoup de seconds croisements, et même quelques troisièmes. Je puis assurer que les progrès sont très marqués, et j'espère que dans 2 ans, sans avoir fait de grandes dépenses, j'aurai un troupeau distingué par la force des bêtes, et l'abondance et la beauté des toisons. Déjà les métis dépouillent le double et plus de leurs mères, et des brebis solognotes, de la valeur de 9 à 10 fr. au plus, m'ont donné des moutons pesant à 2 ans, 58 kg, et ayant fourni 3,5 kg de laine. J'ai refusé de les vendre 30 fr. pièce. M. de Verdun (Alexandre), propriétaire à la Crenne, près de Pontorson, département de la Manche, a élevé des moutons dont les bouchers viennent de lui offrir 55 fr. pièce. Je tiens ce fait de lui-même.
Je me bornerai maintenant à nommer MM. Hugues, de Bordeaux, de Montbreton près Aurillac ; de Monmerqué, à Cuilly-sur-Loire ; le comice agricole de Romorantin ; Darblay, à Orléans ; le vicomte de Gourcy, près Contres [château de Brasmes à Couddes, Loir-et-Cher] ; Duchêne, à Loye ; Rochard, à Lens ; de Chaudenier, à Hesdin ; la Société d'Agriculture de Douai ; de Castel Najac, près Aurillac ; Rodat, à Olemps, près Rhodès ; le baron de Damas, à Hatefort ; le comice agricole de Cosne ; Razy, à Nogent-sur-Seine ; Binet, à Contres ; Durand, à Bois-d'Herbert, près Linière ; Dasnières, à Sainte-Mesme ; Rezard, à Mondoubleau ; de Brunier, près Vendôme ; Hamoire, à Veuilly-la-Poterie.
J'aurais pu allonger cette liste, je n'ai voulu qu'indiquer quelques personnes dispersées sur le territoire du royaume, afin qu'il fût facile de prendre auprès d'elles tous les renseignements qu'on croirait nécessaires pour vérifier la possibilité et les avantages de la naturalisation des moutons new-kent en France.
Les amateurs de moutons qui voudraient aller eux-mêmes visiter les troupeaux d'Angleterre, et y faire des achats, trouveront près de M. Malingié tous les renseignements qu'ils pourraient désirer ; il se fait un plaisir de communique r ce qui pour bien d'autres pourrait être un secret. J'ai plusieurs fois éprouvé par moi-même tout son affabilité. Il met un abandon complet à expliquer toutes ses opérations, avouant avec une franchise admirable ce qu'il appelle ses fautes ou ses erreurs. Je suis bien aise qu'il puisse trouver ici l'expression de toute ma gratitude, comme celle de mon admiration.
Cte de la Villarmois, propriétaire-cultivateur à Montgoyer à Saint-Epain (Indre-et-Loire)

(1) Voir t. IV, p. 570 (n° de juin 1841). M. Rodin, directeur de l'Ecole d'Agriculture de Rennes, vient de m'apprendre qu'il avait appliqué cette méthode aux porcs et même aux vaches atteintes de ce mal, et que la guérison s'en était suivie.
 

1842

Annales de la Société d'agriculture des sciences, d'arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire. Tome XXII. 1842
p. 163-164
Séance du 13 août 1842

M. le vicomte de Gourcy, propriétaire du château de Basme (Loir-et-Cher) et agriculteur distingué, informe la Société qu'il possède un troupeau d'environ 500 bêtes à laine, parmi lesquelles se trouve un grand nombre de béliers New-Kent de la plus grande beauté. M. de Gourcy pense être utile aux cultivateurs du département, en leur faisant savoir qu'ils trouveront à Basme soit des béliers pus sang, soit au premier croisement.
La Société témoigne toute sa reconnaissance à M. de Gourcy, pour son utile communication à laquelle elle s'empresse de donner de la publicité, et elle charge un de ses membres, M. de Vonnes [maire de Saché, gendre de feu M. Aubry-Patas], de vouloir bien lui faire un rapport sur l'intéressante question de l'amélioration en Touraine de la race ovine.
 

1843

Annales de la Société d'agriculture des sciences, d'arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire. Tome XXIII. 1843
p. 38-45
Rapport sur la lettre que M. le vicomte DE GOURCY a adressé à la Société d'agriculture des sciences, d'arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire, en août 1842
Auteur : François LE BRETON DE VONNE (1789-1856), gendre de Joseph Robert AUBRY PATAS (1751-1832), maire de Saché)

Messieurs,
Vous m'avez chargé de vous faire un rapport sur le contenu de la lettre que M. le vicomte de Gourcy vous a adressée ce mois d'août dernier, et d'examiner si, d'après la nature des échantillons qui y étaient joints, il y avait avantage pour les agriculteurs de notre département à substituer à leurs troupeaux de race anglaise appelée New-Kent, introduite depuis plusieurs années dans le département de Loir-et-Cher, d'abord par M. le comte de Molingié [Edouard Malingié] dans son bel établissement de la Charmoise près Pont-le-Voy, et ensuite par M. le vicomte de Gourcy, à la Basme, près Contres.
Je vous avouerai, Messieurs, que j'ai été tenté bien des fois de vous prier de choisir quelqu'un de plus habile que moi pour traiter une pareille question, surtout différant d'opinion avec beaucoup d'agriculteurs sur cette matière ; cependant, comptant sur votre indulgence, et bien persuadé que, lors même que vous trouveriez que j'ai mal répondu à votre attente, vous me tiendrez compte de ma bonne volonté, j'ai abordé franchement la question, et voici le résultat de mon travail.
J'avais d'abord eu l'intention d'aller visiter les établissements de MM. de Malingié et de Gourcy pour me former une idée exacte de la race anglaise du New-Kent ; mais n'ayant pas pu exécuter ce projet, j'ai dû essayer de m'éclairer auprès des personnes qui ont été à la Charmoise et ont rendu compte au public du résultat de leur visite. Au nombre de ces écrivains, je ne peux citer une personne plus capable que notre aimable collègue, M. le comte de la Villeurmoy [Villarmoy au château de Villegoger à Saint-Epain]. J'ai lu avec la plus scrupuleuse attention son excellent mémoire sur l'établissement pastoral de la Charmoise, inséré dans le 5e volume du Journal d'Agriculture ; j'ai admiré avec lui les belles et vastes bergeries que M. Malingié a établies sur un nouveau modèle ; j'ai été émerveillé de la haute taille et du poids énorme des moutons qu'il a importé d'Angleterre. J'ai remarqué que la longueur de leur laine est presque triple de celles que nous récoltons sur nos troupeaux ; mais j'ai regretté de ne pas trouver dans l'écrit de M. le comte de Villarmoy, un état comparé des recettes et des dépenses, ce qui eût tranché nettement la difficulté. Ce document me manquant, j'ai dû essayer d'y suppléer en raisonnant d'après deux principes connus, ce qui me mène naturellement à partager mon rapport en deux parties.
Dans la première, j'examinerai s’il y a avantage pour les agriculteurs de ce département à adopter les moutons de race anglaise pour l'amélioration de leurs terres.
Dans la seconde, si la vente des laines anglaises serait plus profitable que la vente des laines actuellement existantes.
Et d'abord, l'introduction des moutons New-Kent peut-elle être avantageuse dans l'intérêt de l'agriculture ? La solution de cette première question dépend, selon moi, de quelques considérations sur l'introduction des mérinos, qui eut lieu, comme tout le monde le sait, au commencement de l'Empire.
M. le comte de Chaptal profita de son ministère pour obtenir d'Espagne un troupeau choisi de mérinos qu'il plaça dans sa propriété de Chanteloup : les personnes auxquelles il les confia en eurent un tel soin, que ce troupeau prospéra admirablement. M. Chaptal, qui était à la fois homme d'Etat et savant économiste, appela l'attention de quelques personnes distinguées du département, qui commençaient à se livrer à l'agriculture, sur ses beaux résultats, et les engagea à suivre son exemple.
Permettez-moi, Messieurs, de citer parmi ces personnes feu M. Aubry, mon beau-père (Joseph Robert AUBRY (1751-1832) dit AUBRY-PATAS), qui a fait partie longtemps de cette Société et a même eu l'honneur de la présider par intérim pendant plusieurs années ; c'est à lui que je dois mon goût pour l'agriculture, et si j'ai obtenu quelque succès, c'est à ses savants conseils et plus encore à ses bons exemples que je les dois. Excusez, Messieurs, cette citation toute de famille ; j'ai pensé que je ne déplairais pas à ses anciens collègues en le rappelant à leur souvenir.
M. Aubry ne fut point sourd à l'appel de M. Chaptal ; il consacra une somme de 10 000 fr. à l'achat d'un fort petit troupeau, car à cette époque on avait peu de mérinos pour cette somme ; des soins bien entendus le firent augmenter rapidement. D'un autre côté, l'administration départementale acheta aussi un troupeau qu'elle donna à cheptel à mon beau-père ; en très peu d'années ces deux troupeaux s'accrurent tellement, qu'il fut en état d'en vendre et même d'en donner aux agriculteurs qui n'avaient pas été assez hardis pour suivre son exemple. M. Aubry n'eut donc pas à se repentir de son entreprise, et réalisa pendant plusieurs années de grands bénéfices.
Le département, de son côté, donnait en prix, par l'intermédiaire de la Société d'Agriculture, des béliers et des brebis, ce qui fit qu'en peu de temps la race espagnole se propagea rapidement, surtout sur la rive droite de la Loire, qui a été toujours plus avancée en agriculture que la rive gauche, et offrit de grands avantages à ceux qui la possédaient. Quelle était la cause de cette prospérité ? Le haut prix auquel on vendait la laine. Pourquoi la laine était-elle si chère ? La guerre presque générale qui existait alors dans toutes les parties de l'Europe, la France obligée d'avoir des armées très nombreuses : il fallait beaucoup de draps pour l'habiller ; nos fabricants, ne pouvant pas acheter de la laine à l'étranger, étaient bien forcés de s'approvisionner en France, coûte que coûte ; aussi avons-nous vus la laine fine en suint monter jusqu'à 7 fr. le kg.
Une fois la paix faite, tous les pays limitrophes de la France qui élevaient des moutons inondèrent nos fabriques de leurs laines à des prix minimes, qu'elles tombèrent à 2 fr. le kg.
Les dépenses continuant toujours à être les mêmes, les revenus devinrent presque nuls : alors l'agriculteur, qui parfaitement que sans moutons point de bon engrais, et que point de bons engrais point de bonne agriculture, a dû négliger la race mérinos, même des métis, et s'est procuré d'autres races plus communes qui, étant à très bon marché et mieux nourries que dans les pays d'où on les tire, ont très bien réussi et ont donné à très peu de choses près autant de laine que les races espagnoles communes. Ces moutons étant de petite taille, le fermier a pu en faire vivre un nombre au moins double de celui qu'il avait en mérions ; par-là, son bénéfice a été certain, car la laine commune bien soignée ne se vend que 20 centimes le kg de moins que la laine fine ; il y a donc eu un boni en laine et encore plus en fumier.
Faisant l'application de ce principe aux moutons de race anglaise, je raisonne ainsi : prenons un ferme où 100 mérinos peuvent vivre abondamment, et par conséquent bien réussir ; il est de fait que 30 bêtes du New-Kent pourront à peine y vivre, leur grande taille exigeant une bien plus grande quantité de fourrages secs pour l'hiver, et une plus grande paiscence pour la belle saison. Admettons cependant qu'ils seront suffisamment nourris et qu'ils prospèrent bien, croyez-vous que ces 30 moutons donneront autant de laine que les 100 mérinos, que les 200 communs ? Je ne le pense pas ; je donnerais la préférence à ces derniers et pour la laine et pour le fumier.
Je dois citer ici une nouvelle méthode d'élever les moutons communs adoptée par plusieurs fermiers très intelligents de la rive gauche de la Loire, et qui a obtenu jusqu'ici beaucoup de succès. Cette méthode consiste à avoir un troupeau composé de brebis et de moutons hongres (castrés) par égale partie ; on ne donne point de bélier aux brebis, qui alors n'ayant point d'agneaux ont une toison égale à celle des moutons, et sont susceptibles d'engraisser plus vite que ces derniers ; à la vente elles atteignent à peu de chose près le prix des moutons. Vous concevez, Messieurs, qu'un pareil troupeau dit offrir beaucoup de profit.
D'après toutes ces considérations, je repousse le système des grandes bêtes à laine, par conséquent des moutons anglais, comme n'offrant pas d'avantage à l'agriculteur.
Voyons en second lieu, si la vente des laines anglaises offre plus de bénéfice que la vente des laines préexistantes dans ce département.
Vous devez bien penser, Messieurs, que, pour résoudre cette seconde question, il a fallu consulter une personne connaissant à fon le commerce des laines. Je n'ai pas cru devoir mieux m'adresser à cet effet qu'à M. Alamargot, qui a fait ce commerce avec un grand succès depuis de nombreuses années ; je dirai plus, qui y a acquis une très belle fortune : il doit donc, ce me semble, connaître la nature de toutes les laines qui ont fait l'objet de son commerce. Les laines anglaises n'ont pas pu se soustraire à ses observations. Eh bien ! Messieurs, je dois vous déclarer ici que, lui ayant soumis les échantillons qui accompagnaient la lettre de M. le vicomte de Gourcy, il ne les a pas trouvés d'une finesse très remarquable ; surtout ceux provenant des races pures anglaises, et il est d'avis que les laines auxquelles ils se rapportent ne peuvent être employées qu'à la confection d'étoffes de fantaisie communes ou à la fabrication de bas, et qu'elles ne seront jamais demandées par les fabricants de draps fins comme les laines d'Allemagne, qui ont tant d'analogie avec les laines anglaises venues en France.
Le débouché de ces laines ne serait donc pas assuré, vu la concurrence des laines allemandes ; et si elles se propageaient, il en serait bientôt comme des laines mérinos, si délaissées de nos marchés.
M. Alamargot m'a dit également qu'il savait que presque tous les fermiers de Beauce repoussaient la race anglaise. La démarche de M. le vicomte de Gourcy auprès de vous, Messieurs, vient de l'appui de cette assertion ; car si les Beaucerons voulaient élever la race New-Kent, la proximité de l'établissement de la Basme avec leur pays lui procurerait très vite l'écoulement du trop-plein de son troupeau.
J'admire cependant les grandes vues en agriculture de MM. Malingié et de Gourcy. J'envie leur courage et leur persévérance ; mais j'ai tant vu de déceptions, pour s'être trop hâté d'accepter telle ou telle innovation, que je vous avouerai mon excessive réserve, surtout quand il s'agit de donner des conseils aux autres. Je vous prie donc, Messieurs, si, comme je le crains, la majorité de cette assemblée ne pense pas comme moi sur cette matière, de ne pas croire que j'aie mis le moindre amour-propre à différer de l'opinion des autres ; j'ai seulement envie d'être utile à mes concitoyens en les préservant du danger de faire telle ou telle innovation, de suivre telle ou telle méthode. Un échec en agriculture refroidit considérablement les commerçants, et souvent retarde ces améliorations qui doivent toujours être la base de nos travaux.
 

1850

Annales de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettre du département d'Indre-et-Loire. Tome XXX. Année 1850.

p. 29-34

Observations sur la race ovine, dans le département d'Indre-et-Loire. Par M. Charlot.

Messieurs,

Ce ne sont pas seulement des opinions grossières et ridicules que vous êtes appelés à combattre, mais encore des préjugés scientifiques, des fausses notions, qui étant répandues dans les campagnes et dans l'industrie peuvent mettre obstacle à d'importantes améliorations ; ce n'est plus le raisonnement mais l'expérience qu'il faut opposer à une trompeuse analogie. C'est dans ce but que je désire vous entretenir d'une erreur répandue sur l'éducation des moutons en Touraine. On croit malheureusement que notre pays ne produit pas de laine, ou que le peu qu'il renferme est de qualité inférieure, et peu digne d'être apprécié par l'industrie lainière. Fort heureusement l'Exposition de l'industrie nationale vient de donner un éclatant démenti à cette erreur. Deux de nos honorables membres, M. Delaville-Leroulx, et M. le général d'Outremont, et un troisième producteur de ce département, viennent de recevoir du jury des marques de distinction qui seront une douce récompense à leurs nobles efforts dans cet art si difficile. Vous savez que l'intérêt de l'agriculture et de commerce sont intimement liés ; il ne faut pas que le cultivateur produise des laines dont le commerce n'a pas l'emploi ou qui sont d'un placement difficile. La draperie est une des plus anciennes industries de notre province ; elle prospérait au commencement du XIVe siècle (1), et, a continué jusqu'à ces derniers temps, où cette industrie s'est concentrée dans de grands centres manufacturiers ; il ne s'ensuit pas pour cela que la production de laine, en Touraine, ait suivi la même voie. Autrefois la concurrence était grande dans notre localité, nous avions des centaines d'acheteurs ; actuellement c'est à peine si nous en avons une dizaine ; nos laines étant employées dans chaque localité, elles coûtaient peu de transport ; actuellement il faut que le producteur supporte ces frais et ceux de négociations, mais ces difficultés sont-elles insurmontables ? , je ne le pense pas. Nos fermiers commencent à reconnaître que c'est un problème insensé, que de vouloir produire des moutons qui ne coûtent rien, parce qu'on sait que ceux qu'on obtenait jadis par ce moyen ne valaient pas ce qu'ils avaient coûté. On commence à mieux nourrir à l'écurie, on fait pour les troupeaux des prairies artificielles qui les alimentent pendant l'hiver et leur servent de bon pâturages pendant les beaux jours. On tient moins à la quantité et plus à la qualité, parce qu'on sait que vingt-cinq bêtes à laine bien nourries, bien soignées, rapportent plus de fumier et de laine que cinquante maigres, chétives et mal nourries. Quelques personnes pensent qu'on ne nourrit pas en Touraine, des moutons en quantité suffisante pour la consommation du pays (2), que le peu qu'on y rencontre est de petite et chétive race (3) ; c'est encore une erreur. D'après un renseignement administratif de 1808, il y avait à cette époque 350 000 bêtes à laine dans l'Indre-et-Loire, y compris au moins 2 400 mérinos, 4 à 5 000 métis, 4 000 moutons et brebis de race du pays (4). Nous pensons que ce nombre a plutôt augmenté que diminué et il paraît que nous ne dépensons pas 350 000 moutons. Les mérinos de pure race ont diminué, mais les métis, les races solognotes, berrichonnes et poitevines ont augmenté ; autrefois, beaucoup de fermes étaient privées de moutons, maintenant il est peu d'exploitations qui n'en aient au moins un petit lot. Nous avons vu dans les Varennes de Bourgueil, du Bréhémont et dans la Vallée de la Vienne, où le territoire est extrêmement divisé, cette belle race de moutons à longue laine, dite vacher, faire l'occupation des jeunes enfants, et accompagner la vache du ménage ; cette habitude s'accroît. Nos cultivateurs savent maintenant que le mouton fournit l'engrais le plus actif pour les terrains argilo-siliceux de nos plateaux. Le mouton est le seul animal de vente qui puisse vivre sur nos trop nombreuses bruyères ; mail il faut, pour qu'il y prospère, que le sol soit découvert : la nature, dans l'intérêt de sa conservation, lui a donné une dent meurtrière qui détruit jusque dans son germe toute essence forestière ; sans lui ce sol se couvrirait de bois après s'être enrichi des débris de la bruyère. Le système de culture du pays semble bien anciennement établi ; les parcours étaient une des premières nécessités agricoles et par conséquent les moutons un des principaux produits (5). Nos moutons finissaient par s'abâtardir, lorsqu'à la fondation de notre société (1761) des homes instruits tentèrent de perfectionner nos races de bêtes à laine. Les mérinos furent introduits en France en 1786, mais ce ne fut qu’après l'orage révolutionnaire, vers 1804, que l'illustre Chaptal plaça à Chanteloup un beau troupeau de mérinos. Le haut prix des laines, pendant les guerres de l'Empire, les fit prospérer quelques années en Touraine ; mais une fois la paix faite, les prix diminuèrent ; alors l'agriculteur dut négliger les mérinos, même métis, pour se procurer des races communes et revenir à la petite race de pays, qui est plus frugale et plus acclimatée ; mais cette espèce commence à n'être plus en rapport avec les nouveaux moyens de l'agriculture. Nous devons espérer qu'avec la création de fourrages et l'amélioration des pâturages, nos moutons vont croître naturellement en nombre, en laine et en taille (6) ; aussi, remarquons-nous que ses importations sont plus nombreuses depuis quelques années en moutons des provinces voisines, et qu'après quelques mois de séjour sur nos pâturages une partie va alimenter la boucherie de la capitale. En 1815, sous  l'administration de M. le Préfet Kergariou, il fut établi pour ce département un jury pastoral, chargé de suivre les moyens d'améliorer les races de bêtes à laine, conformément à une instruction du ministre de l'intérieur ; mais il ne vécut que quelques années ; ne pourrions-nous pas faire revivre parmi nous cette institution, en composant un jury qui nous rendît compte, au moins une fois chaque année, de ses travaux. Nous pourrions solliciter de l'administration un recensement général de la population ovine, avec un tableau indicatif de la nature, de la qualité de  moutons et de leurs produits. Je désire que la Société fasse connaître dans ses publications, les récompenses honorifiques obtenues à l'Exposition de l'industrie, par nos compatriotes. Qu'on fasse connaître aussi l'époque de nos foires et marchés aux laines, la quantité approximative et les qualités qui s'y vendent chaque année ; de telle manière que les fabricants des villes manufacturières en soient instruits. Nous pouvons dire, en terminant, que l'avantage de que l'éducation des bêtes à laine procure à l'agriculture et à l'industrie n'est plus un problème. Les succès déjà obtenus de démontrent, il y a dans notre département une émulation qu'il serait urgent de soutenir et de diriger vers les meilleures voies.

(1) Piganiol de la Force, Nouvelle description de la France.

(2) Archambault ; Notes sur le animaux domestiques.

(3) Chalme, Histoire de la Touraine.

(4) Moreau, Statistique commerciale.

(5) La dime sur la laine et les moutons est fort ancienne en Touraine ; Commentaires sur la coutume, par Dufrementel.

(6) Les moutons tourangeaux sont engraissés à l'herbe, et ne pèsent que 20 à 24 livres, moitié moins que ceux du Maine, du Poitou et du Berry ; Cours d'agriculture, par L. Dubois, tome 2, p. 121.

L'expérience a prouvé que la race mérine, les métis même, deviennent plus difficile à  nourrir et à engraisser que la race du pays : il faut que la Touraine songe surtout à conserver son précieux et sûr débouché pour la boucherie. La laine est maintenant à si bas prix, qu'il ne faut pas lui faire de grands sacrifices ; il faut croiser la race de nos moutons dans la vue d'améliorer la laine et la chair.

1882

CONSTANT Georges, L'agriculture du département d'Indre-et-Loire, 1933, 288 p., ADIL Cote 8°363

Pages : 192-193

IV. Les ovins

FAIBLE IMPORTANCE DES OVINS DANS LE DÉPARTEMENT
Le département d'Indre-et-Loire est un des plus pauvres de la France en ovins, puisque le total de ceux-ci n'atteint pas 50 000 têtes.
La décroissance des effectifs, pris de 10 en 10 ans, est très significative : 1882 (171 000), 1892 (134 000), 1902 (124 000), 1912 (111 000), 1920 (60 000), 1929 (46 000).
 

1892

CONSTANT Georges, L'agriculture du département d'Indre-et-Loire, 1933, 288 p., ADIL Cote 8°363

Pages : 192-193

IV. Les ovins

FAIBLE IMPORTANCE DES OVINS DANS LE DÉPARTEMENT
Le département d'Indre-et-Loire est un des plus pauvres de la France en ovins, puisque le total de ceux-ci n'atteint pas 50 000 têtes.
La décroissance des effectifs, pris de 10 en 10 ans, est très significative : 1882 (171 000), 1892 (134 000), 1902 (124 000), 1912 (111 000), 1920 (60 000), 1929 (46 000).
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1902

CONSTANT Georges, L'agriculture du département d'Indre-et-Loire, 1933, 288 p., ADIL Cote 8°363

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IV. Les ovins

FAIBLE IMPORTANCE DES OVINS DANS LE DÉPARTEMENT
Le département d'Indre-et-Loire est un des plus pauvres de la France en ovins, puisque le total de ceux-ci n'atteint pas 50 000 têtes.
La décroissance des effectifs, pris de 10 en 10 ans, est très significative : 1882 (171 000), 1892 (134 000), 1902 (124 000), 1912 (111 000), 1920 (60 000), 1929 (46 000).
 

1912

CONSTANT Georges, L'agriculture du département d'Indre-et-Loire, 1933, 288 p., ADIL Cote 8°363

Pages : 192-193

IV. Les ovins

FAIBLE IMPORTANCE DES OVINS DANS LE DÉPARTEMENT
Le département d'Indre-et-Loire est un des plus pauvres de la France en ovins, puisque le total de ceux-ci n'atteint pas 50 000 têtes.
La décroissance des effectifs, pris de 10 en 10 ans, est très significative : 1882 (171 000), 1892 (134 000), 1902 (124 000), 1912 (111 000), 1920 (60 000), 1929 (46 000).
 

1920

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Pages : 192-193

IV. Les ovins

FAIBLE IMPORTANCE DES OVINS DANS LE DÉPARTEMENT
Le département d'Indre-et-Loire est un des plus pauvres de la France en ovins, puisque le total de ceux-ci n'atteint pas 50 000 têtes.
La décroissance des effectifs, pris de 10 en 10 ans, est très significative : 1882 (171 000), 1892 (134 000), 1902 (124 000), 1912 (111 000), 1920 (60 000), 1929 (46 000).
 

1929

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IV. Les ovins

FAIBLE IMPORTANCE DES OVINS DANS LE DÉPARTEMENT
Le département d'Indre-et-Loire est un des plus pauvres de la France en ovins, puisque le total de ceux-ci n'atteint pas 50 000 têtes.
La décroissance des effectifs, pris de 10 en 10 ans, est très significative : 1882 (171 000), 1892 (134 000), 1902 (124 000), 1912 (111 000), 1920 (60 000), 1929 (46 000).
 

1933

CONSTANT Georges, L'agriculture du département d'Indre-et-Loire, 1933, 288 p., ADIL Cote 8°363

Pages : 192-193

IV. Les ovins

FAIBLE IMPORTANCE DES OVINS DANS LE DÉPARTEMENT
Le département d'Indre-et-Loire est un des plus pauvres de la France en ovins, puisque le total de ceux-ci n'atteint pas 50 000 têtes.
La décroissance des effectifs, pris de 10 en 10 ans, est très significative : 1882 (171 000), 1892 (134 000), 1902 (124 000), 1912 (111 000), 1920 (60 000), 1929 (46 000).
La statistique n'indique que 600 troupeaux.


RÉPARTITION SUIVANT LES RÉGIONS
Pour l'ensemble du département, il n'y a pas 8 ovins pour 100 ha (France : 19,2).
Le canton de Montrésor (limitrophe du Berry) dépasse les autres et de beaucoup avec 23,2 ovins pour 100 ha. Loin derrière lui, on ne trouve guère que ceux de Chinon, Bléré, Châteaurenault, Neuvy-le-Roi et Preuilly qui en ont de 11 à 13. Les autres en ont de 1 (Langeais) à 9.
Le canton de Montrésor avec 82 troupeaux, comprenant notamment 3 335 brebis adultes, est le lieux pourvu. Celui de Loches avec 24 troupeaux et 1 000 brebis fait aussi figure de canton peuplé ! On ne trouve de troupeaux un peu importants que dans le canton de Bléré (Champeigne tourangelle) avec 20 troupeaux, et dans la Gâtine où le deux cantons de Châteaurenault et Neuvy-le-Roi réunissent 45 troupeaux de 90 têtes en moyenne.
Quelques petits troupeaux encore (réduits à une dizaine d'animaux allant pâturer avec les bêtes bovines) dans les cantons de Preuilly, Montbazon, Richelieu, l'Ile-Bouchard, Sainte-Maure. Les autres cantons sont d'un indigence extrême.
Au total il existe à peine 150 troupeaux de quelque importance, de plus de 80 à 100 mères.
La diminution de l'effectif depuis 20 ans a surtout porté sur le nombre de troupeaux de moyenne importance, dont le gardiennage coûte trop cher. Les bons bergers sont difficiles à trouver, ils viennent d'ailleurs.

RACES - EXPLOITATION
Les troupeaux importants sont exploités de manière à produire des agneaux de boucherie qu'on livre dès qu'ils atteignent le poids de 30 à 53 kg. Ce résultat est atteint dans les bergeries bien conduites avec des brebis berrichonnes pures ou croisée et des béliers Southdown ou Dishley-mérinos (Ile-de-France). On fait peu de mouton proprement dit.
Les petits troupeaux sont mal exploités. Ils sont constitués en général, par des métis se rapprochant du berrichon mais de valeur médiocre ; les béliers sont mal racés et souvent de mauvaise conformation.
La production des ovidés joue un rôle très secondaire en Touraine. Il y a lieu néanmoins de l'améliorer en ayant pour but principal la production de viande. C'est dans l'exploitation des troupeaux importants que cette amélioration peut être réalisée plus facilement : il s'agit d'amener les propriétaires à remplacer chaque année leurs brebis âgées par des antenaises berrichonnes et à acheter de bons béliers de race à viande précoce.
Dans nos fermes de moyenne importance à culture variée, il faudrait maintenir un troupeau de 50 à 100 têtes qui appuierait la culture. Et ce sont ces troupeaux qui disparaissent pour les raisons ci-dessus.
 

1955

CONSTANT Georges, MESTAT Pierre, FATOUX Adolphe, MÉRILLON Raymond, Manuel complet de l’agriculture moderne. 2ème édition, Terre de Touraine, Direction des services agricoles d’Indre-et-Loire, 1955, 508 p. , Pages

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