Domaine agricole des HUBAUDIÈRES à Chédigny (Indre-et-Loire)

Publié le par histoire-agriculture-touraine

Domaine agricole des HUBAUDIÈRES à Chédigny (Indre-et-Loire)
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LES HUBAUDIÈRES 

Ferme-école

1851-1880

1855

Voyage agricole en France en 1855 par le comte Conrad de Gourcy, Paris 1859, 303 pages, Cote A242
p. 34-39


Ferme des Hubaudières, à M. Faure.
Je suis allé coucher à Bléré, d'où je me suis rendu le lendemain à la ferme-école des Hubaudières, Indre-et-Loire. Elle appartient à M. Faure, riche propriétaire, habitant Lille, dont le fermier, M. Daveluy, aussi du département du Nord, est directeur. Il possède un troupeau de 400 têtes provenant de béliers Charmoise et de brebis du Berry, croisement qui date d'une quinzaine d'années, et dont les béliers sont pris, depuis un couple d'années, dans son troupeau. Il en vend, comme reproducteurs, 50 francs, prêts à faire la monte. Il a des vaches de pays qu'il trait tant qu'elles ont du lait pour payer la nourriture, et puis il les engraisse.
M. Daveluy a des cochons New-leicester, Essex-napolitains, et Craonais. Sa ferme se compose de 350 ha de terres, dont 200 sont bons depuis qu'il les a améliorées ; cependant une grande partie d'entre elles n'a que fort peu de profondeur sur un sous-sol de pierres et de roches calcaires, ce qui empêche de les labourer profondément. Il a fait une vingtaine d'hectares de prés sur des étangs qui sont en partie sur fonds tourbeux ; ils sont traversés par un ruisseau provenant de sources dont il tire un très bon parti.
M. Daveluy a construit un petit moulin ayant deux paires de meules, qui ne peuvent travailler en même temps à cause du manque d'eau, mais qui servent, l'une pour faire de la farine pour les hommes, et l'autre pour les animaux. Il lui a coûté 10 000 francs. Il moud toutes les farines consommées par son nombreux personnel et son bétail à l'engrais.
Dans les étangs se trouvent des pépinières de colza, de gros légumes et des potirons de bien des espèces qui sont fort beaux. Le reste des terres calcaires ayant très peu de fond et ne pouvant se labourer que très superficiellement au moyen d'attelages de bœufs allant très doucement, afin de ne pas briser les charrues, voici la manière dont on en tire parti : on leur donne une demi-jachère à partir de la Saint-Jean ; on les sème, sans aucune fumure ou amendement, en orge d'hiver du pays avec un mélange de sainfoin, de lupuline, de trèfle blanc et quelques autres graines dont j'ai oublié le nom. L'orge produit de 25 à 30 hl la deuxième année ; l'herbage donne une pâture assez abondante pour les moutons la troisième année, il est médiocre la quatrième, et il n'y a presque rien la cinquième jusqu'à la Saint-Jean.
J'ai engagé M. Daveluy à essayer en petit, c'est-à-dire sur 1 are, de mettre 2 kg de guano, sur un autre 3, sur un autre 4 et enfin sur un autre 5 kg ; de moissonner l'orge, de faucher la première récolte de l'herbage sur les 6 ares, dont le dernier n'aurait rien reçu, et ensuite de comparer les produits entre eux et avec la dépense.
Je suis persuadé que la dépense du guano laisserait un bénéfice raisonnable. M. Daveluy m'a promis de le faire. Il avait demandé l'année dernière du guano à M. Maes, de Nantes, mais il était tout vendu ; il a dû prier M. Minangouin, de Mettray, de lui en céder quelques sacs afin de faire plusieurs essais et pour venir au secours des parties de ses 22 hectares de betteraves, qui étaient les moins belles.
M. Daveluy va monter une petite distillerie de betteraves ; il s'est associé dans ce but pour trois années, un jeune distillateur du Nord, qui avait monté une distillerie en miniature par macération, ; mais les résidus macérés, qu'il devait vendre aux personnes qui lui vendaient la betterave, ne leur ayant pas convenu, il avait construit une râpe tournant à bras qui lui a mieux réussi.
M. Daveluy partagera avec le distillateur le bénéfice net ; mais fournissant l'appareil et les betteraves à 10 francs les 1 000 kg, je crains qu'il ne perde à ce marché, car il est bien difficile que ces racines ne lui coûtent plus que cela dans des terres calcaires et sous un climat où la sécheresse, qui n'arrive que trop souvent, réduit de beaucoup le produit des racines.
Un moyen d'obtenir un grand poids en betteraves serait de donner à chaque racine, au moment du premier sarclage, une pincée de guano prise avec trois doigts, qui devrait être recouvert de terre par le sarclage ; on mettrait la pincée entre deux betteraves dans la ligne. Il faudrait pour cela 150 à 200 kg de guano par hectare, en supposant que les lignes se trouvassent séparées par 50 cm et les plantes éloignées de 25 ou 30 cm les unes des autres dans la ligne.
M. Daveluy cultive une espèce de betterave ou disette toute blanche, mais sortant de terre comme la disette, sans cependant avoir beaucoup de vert. La moitié de ses 22 ha est semée avec cette espèce et le reste en betteraves de Silésie. Il saura par la distillation celle qui conviendra le mieux de cultiver. 
Voici quel est l'assolement adopté pour ses 200 ha de terres améliorées :
Première année, betteraves, colza et vesces d'hiver ;
Deuxième année, froment ;
Troisième année, avoine d'hiver ou de printemps, dans laquelle on sème un mélange de sainfoin, de trèfle et de lupuline, qu'on laisse deux ans, et puis on recommence l'assolement.
J'ai engagé M. Daveluy à mettre une certaine étendue de ses meilleures terres en luzerne, qui dure 5 ou 6 ans, enfonçant ses racines à une grande profondeur, y trouve de la fraicheur et donne, malgré la sécheresse, une bonne seconde coupe, si la terre est fertile et profonde. Je l'ai aussi engagé à essayer de semer dans une de ses meilleures terres bordant l'étang qui est près de la ferme, du ray-grass d'Italie seul en septembre, de l'arroser au printemps avec 250 hl de purin, et de recommencer cet arrosage après chaque coupe de ray-grass, qui lui en fournira au moins cinq. Lorsqu'on n'a plus de purin, lui ai-je dit, on fait tremper 3 ou 4 kg de guano dans chaque hl d'eau pendant 24 h, et puis l'on arrose. Cette pratique est adoptée avec le plus grand avantage en Angleterre. On doit retourner ce ray-grass tous les deux ans, et l'on en ressème d'autre toujours dans la même terre, car il faut qu'elle soit très fertile et rapprochée de la ferme, à cause du transport des engrais liquides et du fourrage vert employé principalement à la nourriture des vaches laitières. Ce fourrage contient 8% d'azote. La prairie artificielle traitée ainsi produit par ha jusqu'à 15 000 kg de fourrage sec, qui est regardé comme le plus nutritif connu.
M. Daveluy a cette année 50 ha de terre qui sont couverts de fort beau froment, et il est à remarque que ce sont des froments anglais, américains et picards, qui sont les meilleurs. Il y a 45 ha d'orge d'hiver et 30 en avoine d'hiver et de printemps. Tout cela, excepté les orges d'hiver sans fumure, est très beau. On a commencé à couper celle-ci.
J'ai vu un champ de pommes de terre qui sont fort belles, des betteraves plus ou moins belles suivant la qualité de la terre, mais elles sont parfaitement sarclées.
M. Daveluy fabrique des composts qui sont composés de tourbe et de fumier mis par couches, et qu'on arrose avec les vidanges de la ferme. Ces composts sont tenus sous des hangars. Dix mètres cubes par ha, appliqués à un champ qui avait produit l'année précédente une belle récolte de betteraves que j'avais admirées en septembre, ont fait produire à ce champ un très beau froment.
On sort ici le fumier tous les deux jours de la vacherie. J'ai engagé M. Daveluy à donner pour litière de la tourbe sèche mélangée de marne, et à la laisser 15 jours sous les bêtes, en recouvrant deux fois par jour les parties humides de leur litière de ce compost, tenu sous un hangar afin de l'avoir toujours sec, et aussi à parquer ses bêtes à laine sur une couche de tourbe sèche, recouvrant tous les jours l'engrais des bêtes par quelques tombereaux de tourbe sèche, comme je le faisais, il y plus de 30 ans, avec avantage.
M. Daveluy m'a dit qu'il était fort content des élèves de la ferme-école, qui font tous les travaux de la ferme.
 

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