Comtesse Colette de SAINT-SEINE (née LECOINTRE), (1920-2017), éleveuse de chèvres à Grillemont, commune de la Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire)

Publié le par histoire-agriculture-touraine

Comtesse Colette de SAINT-SEINE (née LECOINTRE),  (1920-2017), éleveuse de chèvres à Grillemont, commune de la Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire)
Comtesse Colette de SAINT-SEINE (née LECOINTRE),  (1920-2017), éleveuse de chèvres à Grillemont, commune de la Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire)
Comtesse Colette de SAINT-SEINE (née LECOINTRE),  (1920-2017), éleveuse de chèvres à Grillemont, commune de la Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire)
Comtesse Colette de SAINT-SEINE (née LECOINTRE),  (1920-2017), éleveuse de chèvres à Grillemont, commune de la Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire)
Comtesse Colette de SAINT-SEINE (née LECOINTRE),  (1920-2017), éleveuse de chèvres à Grillemont, commune de la Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire)

BIOGRAPHIE

Comtesse Colette de SAINT-SEINE (née LECOINTRE),  (1920-2017)

Née le 19 novembre 1920 à Tours-Saint-Symphorien

Décédée le 17 septembre 2017 à l'âge de 96 ans et inhumée le 23 septembre à La Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire).

Fille de Georges Louis LECOINTRE (1888-1972, géologue) et de Solange de MANGOU (1897-1954, cynophile-éleveuse de lévriers, chèvres et éleveuse d'animaux de basse-cour).

Épouse le comte Christian LE GOUZ de SAINT-SEINE (1916-1995), en 1943

Propriétaire du château de Grillemont commune la Chapelle-Blanche-Saint-Martin (Indre-et-Loire)

http://histoire-agriculture-touraine.over-blog.com/2018/03/chateau-de-grillemont-la-chapelle-blanche-saint-martin-indre-et-loire.html

 

Éleveuse et sélectionneur de chèvres

Présidente fondatrice du Syndicat des éleveurs de chèvre de Touraine en 1958.

Secrétaire du Livre Généalogique Alpin (LGA) de 1962 à 1972

 

Cynophile : éleveuse de chiens (Greyhound, Whippet)

Chevalier de l'ordre national du mérite

Chevalier du Mérite agricole

Ascendants remarquables

 

Georges Louis LECOINTRE (1888-1972), géologue, père de Colette

http://histoire-agriculture-touraine.over-blog.com/2018/03/lecointre-georges-louis-1888-1972.html

 

François Louis LECOINTRE (1840-1931), propriétaire, homme politique, membre de la Société Nationale d'Acclimatation, grand-oncle de colette

http://histoire-agriculture-touraine.over-blog.com/2018/06/lecointre-francois-louis-1840-1931.html

 

Gérasime LECOINTRE (1809-1888), propriétaire, membre fondateur de la Société des Antiquaires de l'Ouest, arrière-grand-père de Colette

http://histoire-agriculture-touraine.over-blog.com/2018/06/lecointre-gerasime-1809-1888.html

 

Henriette DELAMARRE de MONCHAUX (1854-1911), épouse de Pierre LECOINTRE, géologue (faluns de Touraine) grand-mère de Colette

http://histoire-agriculture-touraine.over-blog.com/2018/03/lecointre-henriette-1854-1911.html

 

Comte Maurice DELAMARRE de MONCHAUX (1864-1952), propriétaire, membre de la Société Nationale d'Acclimatation, cousin germain d'Henriette DELAMARRE de MONCHAUX (1854-1911)

http://histoire-agriculture-touraine.over-blog.com/2018/06/delamarre-de-monchaux.html

 

Hubert Joseph LYAUTEY (1789-1867), commandant et maréchal de camp, arrière-arrière-grand-père de Colette du côté des DELAMARRE de MONCHAUX.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert-Joseph_Lyautey

grand-père du Maréchal Hubert LYAUTEY (1854-1934) 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert_Lyautey

1961

Élevage de Grillemont

 

Mme DE SAINT-SEINE

La Chapelle-Blanche (I.&L.)

Téléphone 3

 

ALPINES CHAMOISÉES

Sélection depuis 1922

3 championnats aux Concours Agricoles de Paris

Nombreux prix -Livre généalogique

Contrôle laitier

 

BRITISH ALPINES

Importées d'Angleterre

Souche produisant 1500 à 2000 kg de lait en une année au contrôle laitier

 

SourceLA CHÈVRE, Revue des éleveurs de Chèvres, mars 1961, N° 16 (numéro spécial, 4e année)

1965

Élevage de Grillemont

35 chèvres Chamoisées

 

Source : Enquête DDA

1980

Élevage de Grillemont

100 chèvres Alpines Chamoisées et salle de traite

300 moutons de race Charmoise

 

Source : compte-rendu visite Grillemont en août 2018

1989

Article sur Colette de SAINT-SEINE

 

Le Magazine de la Touraine, trimestriel, n°29, janvier 1989.
par Jean DOMEC

Extrait

Touraine, terre de pionniers.

Volte-face nous voilà donc au seuil des années 20 en cette Touraine où les gros troupeaux ne dépassent pas une dizaine de chèvres. En son gothique palais (Comacre à la Saint-Sainte-Catherine-de-Fierbois) (qui faisait tant rêver Balzac), Monsieur le marquis (de LUSSAC) a donc décidé de s’activer autour de cette race caprine dont on sait qu’elle jouit d’un énorme potentiel de production laitière. Aussi le noble éleveur prend-t-il l’initiative de faire venir du pays savoyard (par voie ferroviaire) un lot de caprins de race pure, à partir duquel il entend organiser son troupeau. Une démarche que ne tardent pas à imiter d’autres châtelains du cru, le LECOINTRE. C’est en leur château de Grillemont (à la Chapelle-Blanche-Saint-Martin) que le célèbre pan de Comacre né chez M. de LUSSAC, fera toute sa carrière de reproducteur hors-pair. Le premier bouc de pure souche alpine fournira en effet de bon et loyaux services dans toute la contrée fromagère. Quatre années d’ardeur (de 1924 à 1928) justifiant bien qu’un écusson immortalise depuis ses magnifiques cornes souvenir d’un âge d’or bien vite contrarié. Les épidémies de douve de foie, fréquentes chez les moutons, atteignent effectivement les caprins de ces années 30 où les douvicides n’existent pas encore. Des élevages LUSSAC  et LECOINTRE, il ne reste plus grand-chose à la veille de la Seconde Guerre mondiale, mais en se promenant sur les chemins du plateau de Sainte-Maure, on peut néanmoins croiser quelques beaux groupes d’Alpines, encore vierges de tout croisement, la grand-mère conduisant ces indisciplinées se souvenant que ses fières biquettes proviennent des souches de Comacre ou Grillemont.

Arrivons en 1950 : l’agriculture émerge d’une longue période de tourment durant laquelle la chèvre a nourri de son lait et de son fromage (non rationnés) tant les paysans que les citadins. Est-ce par reconnaissance ou par souvenir de son formidable potentiel qu’on l’inclut enfin dans les comices et concours agricoles dans lesquels elle était jusqu’alors ignorée ? Peu importe la motivation, pourvu qu’on valorise à leur juste valeur ces généreuses mamelles ! Les chevriers font connaissance et pensent à unir leurs efforts dans cette réhabilitation de l’animal si longtemps dédaigné par les paysans (qui laissaient à leurs femmes l’élevage des « chieuves », « biquions » et « boucats ». Il faut toutefois attendre le 14 février 1958 pour que soit créé le tout premier Syndicat des éleveurs de chèvres de Touraine, dont un ingénieur de la Direction des Services Agricoles, Adolphe Fatoux, sera la cheville ouvrière. Une centaine de chevriers assistèrent à cette assemblée générale qui fera du conseiller général – maire de Sainte-Maure, M. Desaché, le président d’honneur de ce syndicat : un titre récompensant l’action de cet élu pour la promotion du « pur bique » des fermes tourangelles. Autour de la véritable président, Mme de Saint-Seine (fille des célèbres Lecointre de la Chapelle-Blanche-Saint-Martin), les éclaireurs de ce redressement caprin mériteront de laisser leurs noms dans l’histoire : mesdames Souriau (des Hermites), Poirier (de Joué-lès-Tours) et Huet (de Savigné-sur-Lathan), messieurs Ferrand (d’Anché), de Graeve (de Chinon), Foucher (de Neuillé-le-Lierre), Collet (de Cangey) et Héribert (de Pussigny) constitueront le socle de l’envolée caprine non seulement en Touraine, mais aussi dans les autres régions française. Dès le mois suivant ce contact officiel ayant reçu la bénédiction des autorités agricoles, le jeune syndicat lançait le premier numéro de son bulletin de liaison, tiré à deux cent cinquante exemplaires. Lequel bulletin n’eut pas de n° 2, l’enthousiasme de ses concepteurs étant tel que fut alors conçue une revue naturellement baptisée « la Chèvre », dont quelques pages au départ ronéotypées, ne tardèrent pas à être imprimées. D’abord diffusé en Indre-et-Loire et Loir-et-Cher, ce périodique bimestriel devint progressivement un document inter-syndical touchant la plupart des régions de France, ses informations visant à développer et rationalise ce type d’élevage en pleine expansion.

« Pourquoi ressortir de l’oubli cet animal fantasque ? Pourquoi développer sa sélection et batailler pour défendre ses fromages ? » question d’emblée la revue, qui entend aussi s’adresser aux agriculteurs sceptiques. « D’abord pour la chèvre elle-même, répond-elle sans le moindre complexe. Car elle est la nourrice de l’humanité. Bien avant d’avoir apprivoisé la vache, l’homme préhistorique avait passer la chèvre, de gibier, à l’état d’animal domestique, et son lait est le premier, à part celui de leur mère, qu’ont bu les humains ». Mais les bons sentiments ne suffisent pas à engendrer les vocations : « Cette extraordinaire usine à lait peut donner son poids de lait en dix jours », poursuit la militante plume syndicale qui, un peu plus loin, conclut son article en affirmant « qu’il faut mieux connaître la chèvre, parce qu’elle rapporte, parce qu’elle nourrit et parce qu’elle guérit ». Car le lait de chèvre, digestible et anti-allergique, « c’est la santé, rien de moins ».

Bref, les bonnes raisons ne manquent pas pour qui veut se lancer dans l’odyssée caprine. Aussi le cheptel de Touraine atteint-il près de 40 000 têtes en 1960, alors qu’il n’en comptait que 30 000 environ dix ans plus tôt. Cette estimation place l’Indre-et-Loire à la huitième place dans le tableau de répartition des caprins en France (Corse, Deux-Sèvres, Ardèche, Drôme, Isère, Puy-de-Dôme, Indre et Vienne s’octroyant les sept premières places). Pour la plupart d’origine alpine ou demi-alpine, les chèvres tourangelles paraissent ravies de leur nouveau statut, si l’on en juge par les performances de certaines d’entre-elles : les 280 jours de lactation d’une certaine Farlaine, de l’élevage de madame Guillou (à Braye-sous-Faye) auront enrichi cette dernière de 1 310 kilos de lait (soit plus de vingt-cinq fois son poids).

Une vedette de sa génération qui n’est toujours pas la seule star à dépasser le cap des 1 000 kilos, puisqu’en cette année 1960, Dommage et Penny, appartenant à madame de Saint-Seine, franchiront aussi ce cap. Mais Fulda, Ariane, Astride, Malpast-Médallist et Tracey-Pyrus ne démentiront pas pour autant, avec des lactations supérieures aux 900 kilos (soit plus de seize fois son poids). En cette époque de transition entre l’élevage traditionnel et l’élevage industriel, la chèvre n’est déjà plus un animal laissé pour compte, mais pas encore une machine qui s’essouffle en moins de cinq ans. Si la production maximum est généralement atteinte progressivement de la première à la quatrième lactation, où elle se maintient jusque vers la huitième, la durée normale d’une vie de chèvre est alors de dix à douze ans, certaines Alpines étant encore en production à 15 ou 18 ans.

Grillemont ou le Vatican caprin.

Mais l’ère de la « vaine pâture » est déjà dépassée : place à la stabulation … et aux concentrés alimentaires ! En sa ferme de Pussigny, M. Héribert fait figure de pionnier, si l’on en croit un rédacteur de « La Chèvre » en 1963 : « Il y a toujours eu des chèvres dans cette ferme et de mémoire d’homme, les arrière-grand-mères ont toujours fait un sainte-maure réputé ; cependant, ce n’était qu’un petit à-côté et non pas un rapport principal. M. Héribet, qui a créé son élevage en 1958 a eu l’idée de se lancer d’une façon moderne, car toutes les terres sont groupées autour des bâtiments et manifestement la qualité des récoltes est particulièrement adaptée à la nourriture de la chèvre, qui ne produit bien que si on l’alimente bien ; c’est une vieille et fausse croyance de dire qu’elle se nourrit de peu. De plus, l’écoulement des fromages ne posait aucun problème, puisque Pussigny est situé sur une grande ligne de chemin de fer et de car vers Tours. Il n’y a pas eu de temps perdu en fausse manœuvre dans la sélection et on peut admirer qu’en si peu d’années la production du troupeau soit arrivée à un semblable niveau, tout comme son homogénéité, de bonne taille, de robe égale et de lactation très élevée ».

Nous sommes donc chez un éclaireur « dont le troupeau est une synthèse de nos meilleurs élevages », doté d’une salle de traite révolutionnaire : « Elle semble unique en son genre ! Les chèvres circulent sur une sorte d’estrade en couloir ; ce couloir longe trois côtés, dont deux sont divisibles en petites stalles individuelles par une porte en glissière sur laquelle est fixée une auge où les bêtes prennent le supplément distribué à chaque traite. Nous avons ainsi dix chèvres (cinq à droite, cinq à gauche) enfermées dans leur petite stalle, à environ un mètre du sol, les trayeurs se plaçant dans le milieu de la salle, les bidons à côté d’eux. Quand les dix chèvres ont été tirées, en ouvrant la porte de chaque stalle, on rétablit la circulation dans tout le couloir et les chèvres regagnent le hangar dans la partie réservée à celles ayant été traites. Puis on recommence ! L’avantage du procédé, c’est d’abord de traire debout, ce qui est moins pénible ; c’est aussi de renforcer l’hygiène, puisque nous sommes hors de l’étable … et c’est surtout l’occasion de permettre aux bêtes de manger tranquillement leur concentré, la production laitière ayant pu être augmentée de 10 litres par jour. Sans oublier un gain de temps ». Du côté de la fromagerie, l’éleveur de Pussigny déploie évidemment la même audace, en faisant confiance à des installations assez coûteuses, « mais la dépense est rattrapée rapidement grâce la régularité de la fabrication et donc dans la satisfaction du client ».

L’envoyé spécial de la revue tourangelle conclut son papiers d’un ton enthousiaste : « De nombreux prix sont venus encourager tout ce travail, mais la plus grande récompense, c’est d’être de pouvoir regarder ce troupeau, ces installations et de faire en pensée un court retour en arrière pour constater les progrès si rapides et l’amélioration de la vie familiale que tout cela a permis par rapport à ce qui aurait pu être sans le courage et la persévérance de cet éleveur si jeune ».

Pas encore de traite mécanique ! On est encore loin des souples manchons trayeurs dont les rythmes et pulsations ont fait l’objet de savantes et légitimes recherches, les premières trayeuses à vaches n’ayant guère été adaptée aux pis caprins. Finie par contre, la liberté ! Plus question de balades le long des haies ou dans les chaumes, les troupeaux les plus privilégiés bénéficiant tout de même de quelques aux prés, ceux-ci étant désormais pourvus de la toute nouvelle clôture électrique. Quant à l’alimentation, elle fait maintenant l’objet d’une ration calculée et équilibrée : la poignée d’avoine donnée dans une vieille boîte de pilchards n’est plus qu’un souvenir ! Contrôle laitier oblige, on ne parle même plus de litres de lait (souvent rehaussés de mousse), mais de kilos de lait, pesés et analysés : taux butyreux, de matière grasse … Même la reproduction n’est plus ce qu’elle était. En 1906, le Centre d’insémination artificielle de Joué-lès-Tours entreprend l’insémination artificielle de la zone de ramassage de la laiterie de Reignac, en utilisant des boucs alpins chamoisés de bonnes origines. Autant d’essais et d’initiatives qui de Touraine furent vulgarisés auprès d’autres groupements caprins de l’Hexagone.

C’est aussi d’Indre-et-Loire que se développèrent bon nombre des organismes professionnels liés au Nouveau Paysage Caprin, dont ceux étant liés à la sélection. Ainsi est-ce au château de Grillemont que le Livre Généalogique de la race alpine prit, après de multiples errances, son véritable envol, en 1950. Douze ans durant, l’altière demeure de la Chapelle-Blanche-Saint-Martin fut donc le carrefour de toutes les déclarations d’éleveurs soucieux d’orienter leur cheptel vers la production d’animaux de premier ordre. On y discute passionnément de l’aventure caprine autour de ce précieux registre faisant l’objet d’une attention nationale. Grillemont est alors le Vatican de tous les agriculteurs ayant foi en l’Occident caprin : on y établit les pédigrees, on y enregistre les lactations et les naissances, on y dialogue. D’une innovation par exemple, elle aussi partie de Touraine : les concours spécialisés de boucs, leur forte odeur contraignant en effet ces derniers à faire salon à part, afin que ce parfum musqué n’imprègne pas l’image de marque de la chèvre, dont le succès croissant demeure fragile en ces temps d’effervescence rurale. Des années charnières durant lesquelles l’ANDA (Association nationale pour le développement agricole) attribue aux départements caprins les plus actifs, des techniciens ayant pour mission de visiter les élevages et d’organiser sur le terrain même, production, sélection et commercialisation des futurs reproducteurs.

2006

Article sur Colette de SAINT-SEINE

 

http://chiens-du-centre.fr/IMG/pdf/Pages_de_ROCF_Saint_Seine.pdf

LICARI Sophie, Collette de Saint-Seine, La Dame aux Lévriers. Cynophilie Française, 3e trimestre, 2006, p. 4-7

Le château de Grillemont est le nom que la demeure familiale de Colette de SAINT-SEINE comme celui de son élevage, titulaire à ce jour du plus vieil affixe français. En déroulant avec érudition et une sobriété teintée d’un élégant humour sa longue carrière dans le monde du chien, c’est l’histoire des lévriers et de leur utilisation dans notre cynophilie qu’elle nous permet de remonter.

ASCENDANCE

Bon sang ne saurait mentir, dit-on : Mme de SAINT-SEINE, née Colette Lecointre, a de fait solidement assumé la continuité de ses ascendants, dévoués à la chasse, aux chiens et à l’élevage de diverses espèces. Sa mère, Solange de MANGOU (1897-1954), descendait d’une famille de gentilshommes venus du Cher ; les armoiries des CHENU de THUET de MANGOU portent d’ailleurs « d’or, au chevron d’azur, accompagné de trois hures de sanglier de sable, allumées et défendues d’argent ». Son père, Georges LECOINTRE (1888-1972), docteur ès-sciences, était un géologue réputé, auteur de nombreux ouvrages, responsable de l’établissement de la carte géologique de plusieurs départements français ainsi que du Maroc. La famille de celui-ci, originaire de Normandie, avait émigré dans le Poitou et en Touraine : en 1850, son arrière-grand-père achetait le château de Grillemont, près de Ligueil, en Indre-et-Loire, pour y loger ses 17 enfants ; sa mère était une DELAMARRE de MONCHAUX, famille d’éleveurs de chevaux de courses ; dans les années 1890, elle s’était initiée elle-même à la géologie en accueillant au château de Grillemont des scientifiques venus étudier les faluns en Touraine.

« MANGOU et LECOINTRE étaient des familles de veneurs », conte Mme de SAINT-SEINE, « Fille unique, je suis née en 1920. Dans mon enfance, j’ai toujours entendu parler de chiens. J’ai été baignée dans les prouesses des chiens de chasse de mon père, Setters Gordon, Cockers, Griffons Vendéens et Bassets Fauve de Bretagne dont il avait monté un petit élevage. Il avait pris son affixe « de Grillemont » vers 1907 ; aujourd’hui, il semblerait que je sois détentrice du plus vieil affixe français ». Dans cette région de forêts, très favorable aux activités cynégétiques, Georges LECONTRE chassait à l’arrêt la plume, mais traquait aussi le lapin avec ses chiens courants. « Il aimait le travail du chien pour quêter, prendre, rapporter. Quand j’ai été suffisamment grande », se souvient Mme de SAINT-SEINE, « il m’emmenait parfois. » Georges LECOINTRE a par contre peu fréquenté les expositions, ayant ramené de l’une de ces participations une anecdote plus tard à sa fille : « un jour, avant la guerre de 14, mon père décide d’amener ses Griffons Vendéens à l’exposition d’Orléans. A l’époque on ne faisait jamais l’aller-retour dans la journée, même pour des distances qui aujourd’hui semblent courtes ; dans un hôtel d’Orléans, les chiens se trouvent logés dans la cave à charbon. Le lendemain matin, il a fallu les laver en catastrophe. A l’exposition ils ont tous eu une mauvaise note parce qu’ils avaient le poil mou ! »

En 1928, au décès de son père, Georges LECOINTRE s’installe définitivement au château de Grillemont. Son épouse s’occupe du château et de la basse-cour. L’élevage de volailles de sélection est en effet une tradition familiale. Un oncle a ainsi reconstruit une race presque éteinte, la Pictave, une poule naine bonne couveuse utilisée comme auxiliaire dans l’élevage de perdrix et de faisans. Solange LECOINTRE continue sa sélection sur une autre race naine, la Sebright dorée ; « j’ai eu de ces poules jusqu’à très récemment », ajoute Mme de SAINT-SEINE, « gagnant à Tours le BIS de la Nationale des Volailles naines devant des centaines de concurrents, voici 10 ans (1996). Ma mère élevait aussi des lapins à fourrure Havane et Chinchillas. Mais en s’installant à Grillemont, elle s’était dit que dans un château féodal, il fallait des lévriers. Ses lapins s’étaient très bien vendus, elle décide en 1930 de se faire plaisir en s’offrant des lévriers. »

Dans le journal « L’Acclimatation », Mme LECOINTRE voit ainsi une annonce concernant des Greyhounds à vendre à Caen, chez M. DUBOIS (de l’IRMINIÈRE), au prix de 600 francs ; « c’était un élevage de qualité. M. DUBOIS entraînait ses chiens ; au Touquet, il y avait des courses de lévriers sur les plages, peut-être était-ce la même chose à Caen. » Elle fait donc l’acquisition de deux premiers sujets, blancs et noirs comme la grande majorité des Greyhounds de l’époque : la femelle Erope de l’Irminière (dote Eva), née en 1930, et le mâle Esacos de l’Irminière qui décèdera malheureusement à 1 an ; le chien ayant été lavé pour aller en exposition et laissé attaché dans la cour pour sécher au soleil, il attrapa froid quand l’ombre tourna… C’est en 1934 que Solange LECOINTRE présente pour la première fois ses Greyhounds en exposition ; « à l’époque », commente au passage Mme de SAINT-SEINE, « on ne gaspillait pas les Excellent et les CAC, dont il y a de nos jours une terrible inflation. Quand on avait un Très Bon, c’était très bien ! La première portée d’Eva donna notre premier champion, Gitane de Grillemont. »

ENCHAINEMENTS

Mme LECOINTRE est aussi intéressée par les courses, avec d’autres amateurs de Greyhounds, M. et Mme de LUGET (affixe « de la Châtellenie »), et le célèbre Paul DAUBIGNÉ, auteur cynophile et cynégétique fécond, avocat puis juge au tribunal de Bressuire, journaliste à ses heures pour le « Chasseur Français », président fondateur vers 1935 du Club des Amateurs de Greyhounds de France ; « outre les lévriers, c’était un passionné de chiens courants », note Mme de SAINT-SEINE ; « les lapins, lièvres et renards étaient nombreux, on les chassait au chien courant, sans que ce soit forcément un gros équipage. » En 1933 ils créent la Société de Courses de Lévriers de l’Ouest, société sportive réunissant toutes les « longues pattes » de l’Ouest. La SOCLO achète à un ingénieur d’origine Suisse, M. de Siebenthal, un système de leurre monté sur une chaîne « Galle », avec des poulies en fonte aux virages, le tout emmené par la boîte de vitesse d’une auto montée su cales. « Il fallait une bonne journée pour le montage », se souvient Mme de SAINT-SEINE, « et une demi pour le démontage. La première course eut lieu à Cognac en 1934 ; nous n’étions pas en retard puisque les premières courses anglaises sur piste ont eu lieu à Manchester en 1927. » I y eut trois ou quatre réunions la première année, puis sept ou huit par an. Un pré plat et uni suffisait pour monter la chaîne.

Ce n était pourtant pas la première organisation de courses de lévriers en France : vers 1930, s’était créé la « Société d’Encouragement aux courses de chiens en France et aux Colonie », sur le modèle des courses et règlements anglais, habituellement appelée « Courbevoie », du nom du lieu où fut monté le premier cynodrome. Mais la SOCLO n’était pas admise à Courbevoie avec ses Greyhounds, car ils étaient inscrits LOF, « donc refusés par Courbevoie parce que non-inscrits au Stud Books anglais et irlandais, les seuls donnant alors des garanties de pureté de race, de durée dans la sélection, d’dentification ; à ce moment nous étions en effet bien loin de LOF désirable, pas de tatouage, pas d’inspection, pas d’agrément des reproducteurs. Or tout cela existait déjà dans les Greyhounds Stud Books », explique Mme de SAINT-SEINE.

Les lévriers se sont donc précocement installés dans la vie de Colette LECOINTRE : « lorsque j’étais en vacances, j’entraînais les cinq ou six Greyhouds de ma mère, je l’accompagnais aux courses ; j’adorais ça. Mais le reste du temps, j’étais pensionnaire à Saint-Maur, près de Paris, et je pleurais à chaudes larmes quand il me fallait rentrer. Ma grand-mère, qui habitait Paris, m’apportait « Paris Turf » tous les dimanches » ; à défaut de lévriers, j’y apprenais la sélection « courses », la compétition, le pedigree. Pour mes 10 ans, mes parents m’avaient donné une Cocker, Myrrha » ; elle n’était peut-être pas très belle mais c’était mon premier chien à moi ; elle m’a initié à la chasse. J’accompagnais les chasseurs avec ma chienne, puis quand j’au eu l’âge requis, j’ai tenu le fusil. Nous chassions aussi les lièvres et les lapins avec les Greyhounds, bien que ce fut interdit. En France, l’interdiction de la chasse avec des lévriers date de 1844. C’est une mesure imbécile, démagogique, dans le style « empêcher les lévriers du seigneur d’aller fouler aux pieds le blé du pauvre peuple ». Mais les lévriers chassent à vue, ils ne farfouillent pas dans la végétation haute ! Je ne parle jusqu’ici que de Greyhound, car c’est le seul lévrier qu’on voyait un peu. Le Whippet était pratiquement inconnu, il n’y en avait que deux à l’exposition de Paris où la mère d’Aladin, le premier Whippet de ma mère, a fait son championnat. On voyait quelques Afghans, qu’on appelait « le chien pyjama » car il n’avait pas de poil long sur le corps, mais juste sur les jambes, quelques rares Sloughis et des Barzoïs. »

DU GREYHOUND À LA CHÈVRE et AU WHIPPET

Colette LECOINTRE épouse en 1943 son cousin le comte Christian de SAINT-SEINE ; ses parents leurs laissent le domaine pour s’installer à Paris : Georges LECOINTRE entre au tout nouveau BRGM (Bureau de Recherche Géologique et Minière) dont il est un des fondateurs. Mais sa femme déclare qu’elle ne peut vivre sans chien, bien que les Greyhounds ne rentrent pas dans les ascenseurs ! Elle s’intéresse donc aux au Whippet ; l’une des personnes faisant courir ses chiens avec la Société est propriétaire d’un femelle, et lorsque celle-ci a une portée, elle prend un mâle, Aladin. Colette de SAINT-SEINE se met donc aussi à l’élevage et à l’entraînement du Whippet : « En expositions on n’en voyait presque pas ; on n’en connaissait que les chiens de Lamartine sur le tableau ! En course, c’était amusant de voir ces petits bouts de chiens foncer. J’ai été épatée par leur énergie et leur courage. »

Après la guerre, la Société des Courses de Lévriers de l’Ouest reprend ses activités. Mais la chaîne en bon acier suisse lâche, et les chaînes en acier français qui la remplacent se tordent à chaque utilisation. Il faut donc passe au « lapin-ficelle », une peau de lapin attachée à une ficelle en nylon de 200 à 300 mètres, enroulée sur un tambour. Ces courses ont cependant du succès : dans l’immédiat d’après-guerre, les gens ont envie de distraction, et dans de nombreuses communes, on organise des manifestations de tout type, qui permettent aussi de réunir de l’agent pour aide les familles qui ont souffert de la guerre. Les chiens courent parfois dans des stades remis en état.

Faire courir ses chiens a été pour Colette de SAINT-SEINE un travail très prenant : « on n’envoie jamais en course un chien non entraîné. J’entraînais mes chiens moi-même, c’était 6 km de marche à pied dans la journée. » A la sortie de la guerre, elle élève aussi de Cockers, mais ne continue pas, trop prise par les lévriers. Les chiens sont cependant loin d’être sa seule occupation, puisque depuis son mariage elle a pris en charge l’exploitation agricole de la propriété. Les carpes royales de Grillemont sont réputées, les alevins se vendent dans tout l’ouest de la France. Il y a aussi les lapins Fauve de Bourgogne, les vaches normandes, hollandaises, jersiaises.

Au lendemain de la guerre de 14, se produira une importante amélioration des animaux d’élevage. « Dans les terrains par ici, appelés « Plateau de Sainte-Maure », la chèvre et son fromage étaient une activité notoire, mais on pouvait améliorer sa productivité : des groupes d’agriculteurs, dont le LECOINTRE bien sûr, importèrent des Alpes et de Suisse des chèvres Alpines et Saanen blanches » poursuit Mme de SAINT-SEINE. « A la guerre de 39, l’utilité d’un animal non réquisitionnable, a permis de développer l’élevage caprin. Les éleveurs de ces races ont créé ses syndicats départementaux, réveillé les livres généalogiques de chaque race, qui se sont fédérés. Il a fallu lutter car la chèvre était très sous-évaluée. Je me souviens de vétérinaires disant, quand on leur apportait une chèvre à soigner, que le meilleur remède pour une chèvre était un coup de bâton derrière les oreilles. Petit à petit, ils ont consenti à les considérer comme des « clientes ».

Pour ce grand travail de structuration et de promotion des syndicats et livres généalogiques pour caprins, j’ai eu la chance d’être chargée, dans ce cadre, de remettre en route le Livre Généalogique Alpin (LGA), d’être bien suivie par les éleveurs et aidée par le Ministère de l’Agriculture. Au LGA, les animaux étaient tatoués, confirmés comme conformes au standard par des inspecteurs du LGA, obligatoirement soumis au contrôle laitier. Il y avait des expositions dans chaque syndicat départemental, une « Nationale d’Elevage » chaque année. Cela a duré 12 ans ; j’en ai été récompensée par des médailles : Officier de l’Ordre National du Mérite, et Chevalier du Mérite Agricole. J’ai beaucoup appris et été passionnée par ce travail. »

Si Mme de SAINT-SEINE a cessé l’élevage du Greyhound, elle est passée au Whippet avec réussite, d’abord l’exposition, puis les courses, pour lesquelles la facilité de l’entraînement, la multiplication des pistes, l’augmentation des concurrents, permettaient une vraie activité. : « comme pour le Gryhound », il y avait place pour une catégorie « courses » qui oublie en route les chiens purs "expo". J’ai cherché où il y avait des chiens plus rapides qu’en France, en Allemagne Fullspeed Amazone, et en Angleterre Andy Thor. Ils ont, eux-mêmes et leurs descendants, rempli mes aspirations. J’ai un peu jugé mais j’aimais mieux les courses. Finalement mes chiens, entre Greyhound et Whippets, ont gagné des courses dans quinze pays différents ; sans eux, je n’aurais jamais visité de belles villes, des sites magnifiques, rencontré tant de personnes de toutes langues, milieux et genres de vie, avec un intérêt commun, celui de tout éleveur : CRÉER de la VIE. »

 

2018

 

Article sur Colette de SAINT-SEINE

 

Colette de SAINT-SEINE (1920-2017), sa contribution au développement de l'élevage caprin en Touraine, par Gérard de MONTIGNY, aux Journées de la SEZ organisée par le GEC le vendredi 1er juin 2018 à Sainte-Maure-de-Touraine.

Extrait :

"Ce que l'on sait moins c'est que l'introduction des chèvres alpines en Touraine remonte aux années 1920 quand plusieurs amis châtelains ayant entendu parler des travaux de Joseph Crépin, décident en 1920 d'importer de Savoie un lot de chèvres et un bouc, puis renouvellent cette opération les années suivantes. Les noms de ces propriétaires : le marquis de LUSSAC au château de Comacre à Sainte-Catherine-de-Fierbois, près de Sainte-Maure, et la famille LECOINTRE au château de Grillemont à la Chapelle-Blanche près de Manthelan. Rapidement M. de LUSSAC arrête l'élevage caprin alors que Mme LECOINTRE, la comtesse LECOINTRE (Solange CHENU de THUET de MANGOU, épouse du comte Georges LECOINTRE) commence "sérieusement" un travail de sélection de son troupeau. On parle de l'élevage LECOINTRE, alors que Mme de SAINT-SEINE n'est encore que la jeune Colette LECOINTRE, dont on connaît une photo d'elle à l'âge de 7 ans en 1927, en compagnie... d'une chèvre alpine ! Très jeune, Colette LECOINTRE, fille unique d'un géologue réputé (Georges LECOINTRE), héritier du vaste domaine de Grillemont, et d'une mère passionnée d'élevage de basse-cour et de lévriers, est baignée dans le mondes des éleveurs de chèvres de Touraine et des premiers concours caprins"

Publié dans Personnage

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