GOORD Richard (1756-1845)

Publié le par histoire-agriculture-touraine

Richard Goord (1756-1845) est un grand éleveur de moutons dans la province du Kent (sud-est de l'Angleterre) sur le domaine de Mitton à Sittingbourne. Dans le sillage de Robert Bakewell (1725-1795), il améliore la race locale du Kent.

Pendant 40 années (1790-1830), il sélectionne les meilleurs sujets et les croise entre eux (sélection « in and in », ou « inbreeding »). En 1831 les performances du troupeau sont très supérieures à celles des élevages de la contrée. M. Goord nomme la race ainsi améliorée : New-Kent. Il remporte de nombreuses récompenses dans les concours agricoles. Les béliers New-Kent sont très recherchés par les éleveurs de la région anglaise. La renommée de la race New-Kent dépasse vite les frontières du Pays.

En 1838, Édouard Malingié éleveur de moutons à Pontlevoy sur son domaine de la Charmoise, (sud du Loir-et-Cher) acquiert directement chez M. Goord, des béliers New-Kent pour améliorer les performances en viande des races locales. Il est le premier importateur de la race New Kent en France. Mal adaptée à l’environnement du Centre de la France, l'utilisation de la race New-Kent à l'état pur s'avère impossible et son introduction dans des croisements avec des races locales est difficile. Cependant, après de multiples essais, Édouard Malingié aboutit à une race hybride relativement stable, alliant les qualités de quatre races (New-Kent, Solognote, Tourangelle et Mérinos de Beauce), qu’il l'appelle La Charmoise, du nom de son domaine.

M. Goord décède vers 1845 à plus de 80 ans. Son gendre, James Fullager continue à propager la race New-Kent.

 

1837
Un visiteur américain de la région de New-York est impressionné par les moutons New-Kent de Richard Goord.

The Genesee Farmer and Gardener's Journal, a weekly paper devoted to Agriculture and Rural Economy, by Luther Tucker assisted by Willis Gaylor and others, Volume VII, Rochester, N. Y., 1837

Ram Sheep of the pure Kent Breed. MR RICHARD GOORD, of Twade near Sittingbourne, Kent, England, having devoted a long life in an endeavor to form a breed of Kent sheep (as Bakewell and Bilman have done with Leicester and Southdown), that should, with great size, combine all the desirable qualities, such as symmetry, hardihood of constitution, propensity oh fatten, wool in quantity and of fine quality, & c., so far succeeded as for many years to carry off the prizes of the annual sock shows in Kent, when about two years ago, it being considered that he had, by bring this breed to such perfection, countered so great a benefit upon the community as large, a subscription was entered upon the nobility, gentry, and others, and a most splendid vessel of embossed silver, (that Il believe would contain from nine to ten gallons) mounted on foot, with a handsome and most flattering inscription, was presented to him at a public dinner given for that purpose. The carcass of this stock, at twenty months old, after being skinned and cleaned, commonly weighs from sixteen to eighteen stones, of 8lbs, to the stone, or 144lbs. When I left Sittingbourne last May, I selected a fine ram [bélier], of the above breed, perhaps the largest sheep with such a combination of good qualities, that over crossed the Atlantic, and have it now on my farm (lately belonging to Mr. Jacob Pound) at Pittsford, where those desirous are welcome to see him, and may if they please send a few ewes this season at one dollar per head.

S. W. SHOTTER

Pittsford, Monroe County, N. Y.

Oct. 3, 1837

 

1840

Le gendre de Richard Goord, évoque les performances de la race New-Kent dans la presse agricole anglaise.

 
The farmers magazine, London. August,1840. N° 2 Vol. II. p. 95
ANSWER TO QUERY AS TO THE HEAVIEST RECORDES WEIGHT O A FAT SHEEP
To the editor of the Mark Lane Express

SIR, In reply to a question asked by a Correspondant in your paper of 25th of May, I write to give you the best information in my power as to the live and dead weight of the heaviest sheep bred from the rams of my father-in-law, Mr. Richard Goord, of Mitton, by the under-metionned gentleman. Mr. Goord's sheep have been bred in-an-in upwards of 40 years, and are called "New Kent".
 
Name of the breeder

Name of the Feeder

 

Age when killed in monthsLive weights, in poundsWeigth of carcass without head, in poundsYears of Exhibition

Thos. Dood, Thowkey, near Ospringe, Kent.

John, Minter, Canterbury, on (Pasture) Grass only.20not known142,51834
Wm. Smart, Rainham, Sittingbourne, Kent.Himself on Grass & Turnips20200173,51831
Richard Goord, Milton, Sittingbourne, Kent.Himself on Grass & Turnips

32

32

208

290

199

201

1832
Jno. Oakley, Frindsbury, Rochester, KentHimself, any how fed20202771838

The above sheep were all exhibited at the Kent and Canterburry Cattle Show, where they obtained the first premiums in their respective classes. M. Oakley's wether was exhibited in Smithfield, and afterwards at Canterburry, and must have lost a few pounds in travelling. I have only further to add that Messrs. Dodd and Smart have bred strictly from M. Goord's rams 40 years, and that M. Oakley has done so 20 years, as the ewe from which his sheeep was bred was purchased of Mr. Palmer, of Herne, near Canterbury, who has bred in-and-in from Mr. Goord 20 years. If your correspondant would wish any further information, I shall be pleased to render it if in my power.

I am, Sir, your obedient Servant.

James FULLAGER
Milton, Sittingbourne, june, 11, 1840

1840

Lors de son premier voyage agricole en Angleterre, le comte Conrad de Gourcy [le Arthur Young français] raconte avec détail sa visite chez Richard Goord.

 

Relation d'une excursion agronomique en Angleterre et en Ecosse en 1840, par le comte Conrad de Gourcy. Lyon. Imprimerie de Barret, 1841. 296 pages, p. 24-35.

Le 7 juillet 1840 au matin, nous prîmes une diligence qui nous conduisit à Sittingburn, petite ville assez jolie, dans une fort belle situation ; le pays m'a paru riche et toujours bien cultivé. De là, nous nous rendîmes à pied chez M. Goord, dont le troupeau New-Kent est le premier pour l'ancienneté et la beauté ; il a commencé à le former, il y a 50 ans, et n'a plus pris de béliers hors du troupeau depuis 45 ans (1795), cependant il n'a éprouvé aucun mauvais résultat, son troupeau est très vigoureux et se reproduit très bien. M. Goord, qui a 84 ans, était à près d'une lieue de son habitation lorsque nous le rencontrâmes en venant chez lui ; cela ne l'empêcha pas de nous faire voir son beau troupeau, qui est dans des pâturages du genre de ceux du Romney-March [marais de Romney, importante zone d'élevage ovin] Les enclos sont séparés, soit par des fossés pleins d'eau, soit par des palissades en bois scié. Il nous fit voir et manier une partie de ses 150 béliers, qui sont par lots de 6 à 10 dans des enclos séparés ; nous vîmes ensuite les brebis qui avaient encore leurs agneaux ; tout cela est fort beau. Il a environ 800 têtes sur 160 ha dont 110 en pâturage perpétuel et 50 en culture, il a en outre 7 chevaux et 8 vaches ; il prend un certain nombre de petites bêtes à cornes dans ses pâturages, moyennant 2,80 francs par tête et par semaine ; il paie 100 francs de loyer par hectare. Il est fort bien logé ; il m'a dit louer environ 120 béliers par an, les moins chers 125 francs, mais à condition qu'on en prendra soin d'eux ; le plus prix qu'il obtienne est 750 francs. Il m'a dit que pour acheter de ses béliers de choix, il faudrait les payer 1 250 francs ; il vend ses béliers hors d'âge au boucher ; sans être très gras, ils pèsent de 100 à 120 livres : cela m'a paru bien peu, car ils me semblaient fort gros, surtout en comparaison des Southdown, qu'on assure arriver à peu près au même pois. Ce troupeau était fort gras, bien que le pâturage fût ras et desséché. Ses toisons sont en moyenne de 5 à 6 livres [2,5 à 3 kg] lavées à dos. M. Goord nous a parlé de M. Malingié ; il nous a chargés de lui dire qu'il l'engageait à acheter d'autre béliers, s'il avait été content des deux premiers. Il m'a aussi parlé de MM. Yvart et de Sainte-Marie, qui ne lui ont rien acheté. Il ne donne à ses béliers que 50 brebis ; il obtient de 250 brebis, jusqu'à 300 agneaux ; il ne lessive pas ses bêtes après la tonte. Il élève chaque année 50 jeunes béliers et en réforme autant ; il vend les jeunes moutons dans leur première année. Deux de ses voisins ont commencé en même temps que lui l'amélioration de l'espèce New-Kent, et ont agi toujours de concert avec lui, de manière que les trois troupeaux n'en forment qu'un pour la qualité. Ses terres sont très bonnes, un peu fortes, et sur sous-sol calcaire ; sa culture m'a paru excellente ; les récoltes sont très belles : il ne fait qu'une dizaine d'hectares de racines, dont une bonne partie en betteraves, qu'il préfère aux turneps pour les bêtes à laine. Il a de fort beaux trèfles ; il m'a assuré que son troupeau reste toute l'année dans les pâturages, sans nul abri et sans fourrage sec ; j'ai bien vu quelques très petites meules de foin à portée des pâturages. M. Goord m'a paru n'exagérer en rien dans ce qu'il nous disait, il n'y pas de charlatanisme dans son affaire. Il n'a pas encore produit ses bêtes ailleurs que dans son comté, dont les cultivateurs en très grand nombre, on fait une souscription pour lui décerner un énorme vase d'argent, sur lequel on a ciselé le portrait d'un de ses fameux béliers. On lui a aussi adressé des remerciements par écrit, pour l'amélioration immense apportée par lui à la race des bêtes à longues laine ; cette pancarte, qui est encadrée, est couverte d'une grande quantité de signatures. Il loue ses béliers de la main à la main sans adjudication publique, ce qui lui serait cependant plus profitable, je pense. Sa fille, qui est mariée, vit avec lui ; son gendre était absent. M. Goord nous fit faire une collation, et lorsque nous le quittâmes, il nous engagea à revenir le voir à notre retour.

1842

Édouard Malingié, créateur de la race française La Charmoise, nous livre son opinion sur la race New-Kent.

Moniteur de la propriété et de l'agriculture. Journal des intérêts du sol. 31 janvier 1842, septième année. Tome VII, p.48.

Moutons New-Kent.

A Monsieur JOLY, Membre de la Société d'agriculture de Rethel.

La Charmoise, près Pont-le-Voy (Loir-et-Cher), 19 janvier 1842.

Ayant présentement une expérience de plusieurs années sur les bêtes à laine anglaises, je crois pouvoir émettre l'opinion qu'il est impossible, ou du moins extrêmement difficile, de les élever en grands troupeaux, et dans nos circonstances ordinaires. Je le dis : élever en grands troupeaux, et dans nos circonstances ordinaires.

En effet, les bêtes à laine, et notamment les New-Kent, vivent presque à l'état sauvage en Angleterre, où elles sont enfermées (en petit nombre, relativement à la superficie) dans de riches pâturages, d'où elles ne sortent jamais, tel temps qu'il fasse. Elles vivent exclusivement d'herbe, c'est-à-dire de la meilleure nourriture possible, pendant toute la belle saison : on vient à leur secours pendant l'hiver avec des racines, ou avec du foin.

Nous ne pouvons en France adopter ce système. Nos variations de température sont brusques et extrêmes, et nos herbages, grillés pendant la grande partie de l'été, se refusent alors à tout pâturage. La chaleur y tourment beaucoup des animaux nés sous un climat plus tempéré que le nôtre. Dans les localités privilégiées à cet égard, on ne pourrait encore, le plus souvent, à cause des loups, laisser des moutons vaguer en toute liberté dans des enclos, le jour comme la nuit. De là, la nécessité indispensable de renfermer les bêtes à laine dans des bergeries, et ces bergeries, toute vastes et saines qu'elles puissent être, sont la véritable pierre d'achoppement de l'élève en grand des troupeaux de race anglaise.

MALINGIÉ

 

Publié dans Agronomes, Personnage

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