Voyages en France entre 1787 et 1789 par l'agronome anglais Arthur Young

Publié le par histoire-agriculture-touraine

Voyages en France par l'agronome anglais Arthur Young
Voyages en France par l'agronome anglais Arthur Young
Voyages en France par l'agronome anglais Arthur Young

Voyages en France par l'agronome anglais Arthur Young

YOUNG Arthur *, Voyages en France, Texto le goût de l’histoire, Tallandier, 2009, 493 pages.

 

Arthur Young visite la Touraine

Pages 163-167

1787

"5 septembre. Traversée un pays mortellement plat (entre les Ormes et Tours, le Plateau de Sainte-Maure) et déplaisant, mais la plus belle route que j’ai vue en France (route de Paris vers l’Espagne, actuelle N10) ; il ne semble pas possible qu’il en existe de plus belle ; ce n’est pas l’effet de grands travaux d’art, comme en Languedoc, mais des admirables matériaux avec lesquels on l’a empierrée. Des châteaux sont parsemés partout dans cette partie de la Touraine ; des fermes et des cottages, clairsemés, jusqu’à ce que l’on arrive en vue de la Loire, dont les rives ne semblent qu’un village continu. La vallée, à travers laquelle coule le fleuve, peut avoir trois milles de large ; une plaine uniforme de prairies, roussies par la chaleur.

L’entrée de Tours est vraiment magnifique : c’est une rue neuve (rue Royale, actuellement rue Nationale), composée de grandes maisons, construites en pierres de taille, avec des façades régulières. Cette belle rue, qui est large, avec des trottoirs de chaque côté, est tracée en droite ligne à travers toute la ville jusqu’au nouveau pont (actuel pont Wilson), de quinze arches, chacune ayant 75 pieds d’ouverture (ce pont a été construit par l’Intendant Du Cluzel). Le tout constitue une belle entreprise tendant à l’embellissement d’une ville de province. Quelques maisons restent encore à construire ; des révérends Pères sont satisfaits de leurs vieux logis et ne veulent pas se décider aux dépenses nécessaires pour satisfaire à l’élégant projet des architectes de Tours ; on devrait bien les déloger, s’ils ne veulent pas se soumettre, car des façades sans maisons produisent un effet ridicule. De la tour de la cathédrale, on a une vue étendue de la campagne environnante ; mais la Loire, pour un fleuve si considérable, et que l’on vante comme le plus beau d’Europe, montre une telle largeur de bas-fonds et de sables que sa beauté en presque détruite. Dans la chapelle di vieux palais de Louis XI, Le Plessis-lès-Tours, il y a trois peintures qui méritent l’attention des voyageurs : un Saint-Famille, une Sainte-Catherine et la Fille d’Hérode, qui semblent dater de la meilleure époque de l’art italien.

Il y a ici une très belle promenade, longue et admirablement ombragée par quatre rangées de superbes ormes, très élevés, qui, comme abri contre le soleil brûlant, ne peuvent rien avoir de supérieur. Parallèle à cette promenade, il y en a une autre sur le rempart des anciens murs, qui plonge sur les jardins adjacents ; mais ces promenades que les habitants ont longtemps vantées, sont maintenant l’objet de tristesse ; la municipalité a mis en vente les arbres et l’on m’a assuré qu’on les couperait, l’hiver prochain. On ne s’étonnerait pas de voir un corps de ville anglais sacrifier une promenade pour les dames, afin de se procurer en abondance tortues, venaison et madère ; mais une municipalité française montre si peu de galanterie, c’est inexcusable.

9 septembre. Le comte de La Rochefoucauld, ayant une atteinte de fièvre quand il arriva à Tours, nous ne pûmes continuer notre voyage ; le second jour, ce devint un véritable accès de fièvre ; le meilleur médecin de la ville fut appelé, et sa conduite me plut beaucoup, car il eut très peu recours aux médicaments, mais prêta une grande attention à ce que la chambre du malade fût fraîche et aérée ; il sembla avoir une grande confiance en la nature pour vaincre la maladie, qui lui faisait violence. Qui dit donc qu’il y a une grande différence entre un bon et un mauvais médecin, mais qu’il y en très peu entre un bon médecin et pas du tout ?

Entre autres excursions, je fis une promenade sur les bords de la Loire jusqu’à Saumur ; je trouvais le même pays que près de Tours, mais les châteaux ne sont ni si nombreux, ni si beaux. Là où les collines de craie de dressent perpendiculairement au fleuve, elles présentent le plus singulier spectacle d’habitations peu ordinaires ; un grand nombre de maisons sont taillées dans la roche blanche, avec une façade en maçonnerie et avec des trous à la partie supérieure, en guise de cheminées, de sorte que parfois on ne voit où est la maison que par la fumée qui en sort. Ces maisons-cavernes sont en quelques endroits, étagées les unes sur les autres. Quelques-unes, avec de petites pièces de jardins, font un effet charmant. En général, elles sont occupées par leurs propriétaires, mais beaucoup aussi sont louées 10, 12 et 15 livres par an. Les gens avec lesquels je m’entretins semblaient très satisfaits de leurs habitations, qu’ils trouvaient bonnes et confortables, preuve de la sécheresse du climat. En Angleterre, c’est le rhumatisme qui en serait le principal occupant. Promenade au couvent des bénédictins de Marmoutier, dont le cardinal de Rohan, à présent ici, est abbé (Louis-René-Édouard de Rohan, né le 25 septembre 1734).

10 septembre. La nature ou le médecin de Tours ayant rendu la santé au comte, nous poursuivons notre voyage. La route de Chanteloup est construite sur une digue, qui protège une grande étendue de terrain contre les flots. Le pays manque encore plus d’intérêt que je ne l’aurai cru possible, étant donné le voisinage du fleuve. Vu Chanteloup, la magnifique résidence du feu duc de Choiseul. Le château est situé sur une hauteur, à quelque distance de la Loire, qui, en hiver ou après des crues, présente une belle perspective, mais qui, à présent, est à peine visible. Le rez-de-chaussée présente sept chambres : la salle à manger, d’environ 30 pieds sur 20, le salon, de 30 sur 33 ; la bibliothèque a 72 pieds sur 20 et est maintenant ornée d’une superbe tapisserie des Gobelins, qu’a fait mettre le propriétaire actuel, le duc de Penthièvre. Dans le parc, sur une colline dominant une vaste perspective, se trouve une pagode chinoise, de 120 pieds de haut, construite par le duc en souvenir des personnes qui le visitèrent dans son exil. Sur les murs de la première chambre, les noms sont inscrits sur des tablettes de marbre. Le nombre et le rang de ces personnes font honneur au duc et à elles-mêmes. C’était une heureuse idée. La forêt que vous voyez de ce bâtiment est très étendue ; on dit qu’elle a onze lieues de large ; elle coupée d’avenues menant à la pagode ; quand le duc vivait, ces clairières avaient l’animation malfaisante d’une grande chasse, entretenue si généreusement qu’elle a ruiné le maître et lui a enlevé la propriété de ces superbes domaines et résidence pour la faire passer entre les dernières mains où j’aurais désiré la voir, celle d’un prince de sang. Les grands seigneurs aiment trop un entourage de forêts, de sangliers, de chasseurs, au lieu de marquer leur résidence par un cortège de fermes propres et bien cultivées, de cottages avenants et de paysans heureux. S’ils manifestaient de cette sorte de magnificence, ils négligeraient d’étendre leurs forêts, de dorer des dômes, de faire élever d’ambitieuses colonnes, mais, à leur place, ils auraient des constructions de confort, des établissements de bien-être, des plantations de félicité ; au lieu de la chair des sangliers, ils récolteraient la voix enjouée de la reconnaissance ; ils verraient la prospérité publique fleurir sur la meilleure des bases, celle du bonheur privé.

En tant qu’agriculteur, il est un trait qui marque le mérite du duc ; il a construit une belle vacherie ; tout le milieu est occupé par une plate-forme, entre deux rangs de mangeoires, avec des stalles pour soixante-douze bêtes ; il y a une autre pièce, moins grande, pour d’autres vaches et pour les veaux. Il importa cent vingt vaches suisses, très belles, et les visitait chaque jour avec sa société, car elles ne sortaient jamais de l’étable. A cela, je puis ajouter la plus belle bergerie que j’ai vue en France ; la partie de la ferme que je vis de la pagode était mieux tenue et labourée que ce n’est ordinaire dans le pays, au point que le duc avait dû faire venir des laboureurs étrangers. En tout cela, il y a du mérite, mais c’est le mérite du bannissement. Chanteloup n’aurait été ni bâti, ni décoré, ni meublé, si le duc n’avait pas été exilé. Ce fut le même cas pour le duc d’Aiguillon. Ces ministres auraient envoyé la campagne au diable, avant d’élever de pareils édifices ou de fonder de pareils établissements, s’ils n’avaient pas été exilés de Versailles. Vu l’aciérie d’Amboise, créée par le duc de Choiseul. La vigne constitue le trait caractéristique de l’agriculture."

http://histoire-agriculture-touraine.over-blog.com/2017/06/arthur-young-1741-1820.html

Arthur Young visite Turbilly à l'Est du Maine-et-Loire

Pages 249-250

1788

28 septembre

29 septembre

 

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