MAHOUDEAU Georges (1877-1964)

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MAHOUDEAU Georges (1877-1964)

MAHOUDEAU François Sylvain Georges

Né le 23 mai 1877, à Chançay (Indre-et-Loire)

Fils de Mahoudeau François Louis propriétaire, domicilié à la Vallée de rouge en cette commune et de Cathelineau Marie Anne Madeleine.

Marié à Saint-Nicolas-des-Motets le 5 février 1902 avec Maria Angèle Vallière

Décédé à Vernou-sur-Brenne le 17 octobre 1964
 

1911

Journal d'agriculture pratique. 1911
p. 203-205
16 février 1911

SYNDICAT DES AGRICULTEURS D'INDRE-ET-LOIRE 
RAPPORT SUR LE CONCOURS D'ENGRAIS APPLIQUÉS AUX BETTERAVES FOURRAGÈRES 

[...] Dans ce rapport, nous avons classé les concurrents par ordre de mérite. 
M. Mahoudeau-Vallières, propriétaire à Saint-Nicolas-des-Motets, nous a présenté un magnifique champ de betteraves, dont les expériences ont été conduites de main de maître. [...]. La Commission accorde à M. Mahoudeau son premier prix (100 fr. en espèces). [...]. Le rapporteur, BÉRY-AUGER. 
 

 

1926

ADIL : Recensement, Saint-Nicolas-des-Motets 1926

La Graterie

MAHOUDEAU Georges, né en 1877 à Chançay, chef de ménage, patron
VALLIÈRE Maria, née en 1877 à Saint-Nicolas-des-Motets, sa femme
MAHOUDEAU Cécile, née en 1908 à Saint-Nicolas-des-Motets, leur fille, aide agricole Mahoudeau
CHIREZ Clovis, né en 1908 à La Fontaine (Loir-et-Cher), domestique, ouvrier agricole
 

1926

ADIL P. 31
Terre Tourangelle 22 avril 1926

Voyage autour de la Chambre... d'Agriculture !
Que le lecteur ne s'y trompe pas. Il n'est point dans mon idée d'ajouter un quarante-troisième chapitre à l'œuvre de l'auteur de la Jeune Sibérienne et des Prisonniers du Caucase et si je parodie le titre de cet ouvrage de Xavier de Maistre, c'est qu'il me dispense d'aller chercher plus loin un sujet de conversation. 
Il y a donc une Chambre d'agriculture ? Non... pas encore ; mais on va la construire prochainement. Déjà, on en pose les fondations ; on dresse la liste de tous les maçons qui vont apporter leur pierre à l'édifice, je veux dire leur voix à l'élection des candidats. 
Et cette fois, voici enfin venir la réalisation hardie d'une réforme attendue depuis longtemps : nos femmes vont voter ! J'entends celles qui en auront le droit en vertu des dispositions légales que tout le monde connaît. 
Oh ! la réforme ne marche pas vite. En France, les réformes n'ont jamais abouti promptement, et sous la République démocratique c'est encore d'un bel esprit conservateur que l'on fait montre en toute occasion. 
Enfin, des ordres ont été donnés aux municipalités pour provoquer l'inscription des paysannes sur les listes électorales et chez moi c'est le 6 juin que les renseignements nécessaires ont été collationnés par le garde champêtre. À ce titre seul, cette journée doit être marquée d'un caillou blanc.
Le 6 juin était déjà une date mémorable : on sait que c'est l'anniversaire de naissance d'Alexandre le Grand et celui (le même jour) de l'incendie par Érostrate, du temple de Diane, à Éphèse, une des sept merveilles du monde.
Remarquez en passant, comme les anciens voyaient grand et comme ils ne chipotaient pas pour s'assurer l'immortalité. Aujourd'hui, le pauvre diable qui veut se faire un peu de publicité loge deux balles de révolver dans le radiateur de l'Alpha-Roméo de M. Clémenceau ou dans les pneus jumelés de la Roll's Royce de Mistinguett, et trois jours après, son immortalité sombre avec les 16 francs d'amende (doubles décimes en plus) qui lui sont généreusement octroyés par la 14e Chambre des flagrants délits ! Aujourd'hui, voyez-vous, on ne sait plus rien faire en grand.
D'aucuns pensaient que les Chambres d'agriculture vivraient au moyen de ressources qui, leur étaient propres, assureraient leur indépendance et qu'aucune aide officielle ne viendrait contrecarrer leur action. C'eût été trop beau ! Pensez donc ! Les Chambres d'agriculture sans subvention c'était la liberté des paisans assurée et sous notre régime démocratique nul organe ne saurait échapper à l'emprise administrative. Il faut rester bien pénétré de cette vérité, qu'en toute circonstance la liberté d'action doit être conditionnée par la subversion officielle. C'est ce qui, d'ailleurs, a toujours permis aux dirigeants de maintenir leur tutelle. 
Ceci n'est pas nouveau : du temps du Roi Soleil, le procédé était également en honneur ; il n'y en avait que pour les bien-pensants. Aussi Louis XIV doit-il être considéré comme un des plus grands démocrates des temps modernes. 
C'est tout à fait à tort que des historiens, sans doute stipendiés, se sont acharnés à nous représenter son règne comme celui du pouvoir absolu. Je soutiens au contraire, qu'en regard des procédés d'aujourd'hui, copiés sur lui, il fut comme le précurseur du régime actuel. N'avait-il pas pris, lui aussi, comme devise qu'il avait soin de faire apposer au bas de tous les actes officiels : Cartel et notre bon plaisir ?
Preuve de plus qu'il était bien dans le mouvement. Le seul reproche qu'on lui puisse faire, c'est de ne pas avoir fait écrire : "Liberté ", sur tous les murs et de ne pas s'être aperçu que lorsqu'il à un Français : "Tu es libre !" cet homme-là est mûr pour le dernier des esclavages. Ce point d'histoire établi, et il était temps, car l'erreur a assez duré, revenons à notre Chambre d'agriculture. 
Sa description ? Pour ma part, je la vois belle, très belle... Comme Célimène ou comme Cécile Sorel. Des décors somptueux en rehaussent tout l'éclat ; des lambris dorés en soulignent toute la richesse : luxe un peu insolent, comme Zola l'a écrit dans les Rougon-Macquart ; luxe de nouveaux riches et bien de son époque. 
Au milieu de la pièce, un superbe bureau Empire. Le meuble Empire est encore ce qu'il y a de plus démocratique ; bien entendu, il est en acajou incrusté de bronzes délicatement ciselés. Sur une colonne d'angle, une magnifique et fragile statuette rendant à la perfection le sentiment qu'elle est chargée d'exprimer : l'Amitié. Détail curieux, la statuette est en glaise, ce qui explique sa fragilité. Pour ma part, je n'ai qu'une confiance très relative dans cette Amitié en glaise, encore qu'elle soit supportée par un groupe allégorique représentant Lloyd George, Mac Donald and Compano Limited. 
Le reste est à l'avenant, comme il convient. 
La composition de la Chambre d'agriculture ? Des figures connues... et reconnues, que l'on rencontre dans les Comices agricoles, dans les Comités de Retour à la Terre, partout enfin où parmi quelques compétences notoires et désintéressées ont su se glisser des intrigants, des arrivistes auxquels le nouveau titre va servir de tremplin pour satisfaire des ambitions qui, pour être plus voilées, n'en sont que plus réelles. 
Commandeurs du Mérite Canieulicote ou Chevaliers du Comité des Chemins de fer ; Messieurs aux aux vestons largement décorés de barrettes, de rubans, d'agrafes et de rosettes, de tous les hochets de la vanité humaine qui sont tant recherchés tellement on éprouve le besoin de paraître, qui ne mettront jamais leurs détenteurs, si par hasard ils étaient cultivateurs, à l'abri d'une mauvaise récolte ou d'une mauvaise culture, mais au moyen desquels le dispensateur sait aliéner leur indépendance. 
Une fois de plus, et s'adressant aux paisans, ces gens là sont vont parler de ceux qui peinent. Rien qu'à lire cette prose, on voit la sueur couler sur le visage du paisan qui dérive du blé ou entasse de l'avoine. Ça n'empêchera pas ces candidats au nouveau titre de partir la veille ou le lendemain passer le temps de la moisson à La Baule ou à Deauville.
Là aussi, ils auront chaud... mais à ponter contre M. Zogrados ; vous les retrouverez à la table "à quinze louis" en compagnie de Maurice Rostand : ça ne les empêchera pas de songer à ceux qui peinent. 
Un jour de séance ? À l'intérieur, on parle de tout sauf d'agriculture ; on potine gravement sur le scandale du jour entre la nomination d'un vice président ou d'une sous Commission. 
À l'extérieur, une voix sympathique crie d'un accent désespéré : "Ouvrez ! ouvrez!... C'est l'infortuné Ferdinand Nail !" 

Sur le trottoir, en face, dans la rue,
Le bon peuple des badauds,
R'gardait par les grands rideaux ;
Et s'écriaient à chaque ombre apparue, 
........................
........................
Vieil air connu), 

Les paisans s'extasiaient devant le mur derrière lequel il devait se passer quelque chose : Une baudruche de plus était gonflée. 
GEORGES MAHOUDEAU
cultivateur

1927

Elu président de la Chambre d'Agriculture d'Indre-et-Loire durant les sessions du 28 mai 1927. Il en devient le 1er président.


Sources : 1924-1974, 50 ans d'activités à la Chambre d'Agriculture d'Indre-et-Loire, ADIL cote 4°Bh658

 

1928

Source : L'Indre-et-Loire La Touraine des origines à nos jours. Pierre AUDIN, Raymond BAILLEUL, Claude CROUBOIS, Suzanne PERINET, Jean-Pierre SURRAULT. Éditions Bordessoules, 1986. 470 p.

P. 387
En 1928, l'Indre-et-Loire est déjà une forteresse de la gauche, isolée dans un Ouest majoritairement droitier. En 1932, cette originalité est moins évidente, la Sarthe et les Deux-Sèvres ayant voté à gauche.
Les élections d'avril-mai 1936 sont remportées par les partis de Front Populaire : trois socialistes sont élus, Ferdinand Morin, Marius Maffray et Jean Meunier, ainsi que deux radicaux, Léon Courson à Chinon et Paul Bernier à Loches. 

 

Histoire de la France rurale, Sous la direction de Georges Duby et Armand Wallon, La fin de la France paysanne de 1914 à nos jours, Tome 4, Seuil, 1978

p. 426-427
Fondement d’une doctrine : le corporatisme. Pendant la période d’entre-deux-guerres, une même analyse pessimiste et amère domine les congrès des organisations agricoles et les prises de position de ses porte-parole officiels : « La France trahit ses paysans. » La politique agricole est présentée comme un complot permanent fomenté par les industriels et les ouvriers. Les ministres chargés de son élaboration et de sa mise en œuvre sont pour la plupart des « incapables » ou les « représentants d’intérêts qui lui sont hostiles ».  M. Augé-Laribé, le plus modéré dans la forme, dresse un bilan particulièrement critique : « La politique de la France, surtout pendant les dix premières années après la guerre, a été, sinon une politique délibérément anti-agricole, car personne, sans doute, n’a souhaité de mal de mort aux agriculteurs, au moins un politique qui n’a pas compris leur rôle, leur importance économique et les conditions de leur travail. » Selon lui la responsabilité en incombe aux capitalistes dont il dénonce l’égoïsme, mais également aux journaux qui expriment les tendances de la CGT.

[…]

De plus, ils accusent le libéralisme industriel d’avoir provoqué l’éclatement de la société en classes antagonistes et d’avoir permis ainsi le développement du marxisme que Jacques Le Roy Ladurie, l’un des principaux responsables syndicaux, qualifie curieusement de « nomadisme des temps modernes », ajoutant : « pour le nomade et l’homme de la charrie, il n’y a pas de place sur une même terre, pas de vraie liberté sous un même ciel. » Car l’ennemi, fruit du « libéralisme sauvage », c’est bien le marxisme dénoncé avec une extrême violence par tous les cadres du mouvement professionnel paysan. Citons encore J. Le Roy Ladurie : « Le marxisme est pour la paysannerie et pour toutes ses normes civilisatrices le péril mortel par définition. »
 

 


 

1928

La Dépêche samedi 7 avril 1928, (ADIL p. 2)

Candidats 3e Circonscription de Tours

CARON Georges, industriel à Ballan-Miré
FAURE Émile, restaurateur à Tours, 2 rue d'Entraigues 
LYON Jacques, avocat à Saint-Denis-Hors
GUAY Émile, contremaître à la Compagnie du Gaz à Tours, 200 rue du Général-Renault
BRIGAULT Émilien, député sortant à Tours, 3 bis, rue Étienne-Pallu
MARTEAU Charles, viticulteur à Dierre

Chronique électorale 
3e Circonscription de Tours

Les réunions de M. Jacques Lyon

À Civray-sur-Cher
La salle de la mairie de Civray-sur-Cher était archi-bondée quand Jacques Lyon s'y présenta accompagné du Dr Vaubourdolle, conseiller général et Truchon-Bourdier, conseiller d'arrondissement. Le maire Tessier présidait la réunion à laquelle assistaient la plupart des membres du Conseil municipal. 
Notre ami exposa son programme au milieu de l'attention générale. À une question posée il répondit qu'il avait donné son adhésion sans réserve au programme établi par la Chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire et la Fédération des Associations agricoles du Centre. Il fixa un citoyen sur les décisions qu'il prendrait au deuxième tour de scrutin. Excellente réunion pour notre candidat. 
 

1928

Terre Tourangelle 12 avril 1928, p. 3 (ADIL p. 245)

CONGRÈS de la Fédération des Associations Agricoles de la Région du Centre
BOURGES 31 mars 1928

Décidément il y a quelque chose de changé. Le monde rural s'est ému de la crise agricole actuelle, il s'est ému de l'augmentation des charges fiscales, il s'intéresse aux grandes questions économiques, il s'aperçoit que les lois et particulièrement les lois agricoles sont mal faites ; il entend discuter de ses intérêts. 
On sent que les cordes des "grands principes" ne rendent plus autant et que nos paysans ont une indigestion de ces tartes à la crème plus ou moins bariolées, dont on faisait les menus électoraux des années passées. 
Les Associations agricoles n'avaient qu'à constater cet état d'esprit, le dégager et le concrétiser. Elles l'ont fait. Les agriculteurs sont appelés par elles à formuler en vue des élections prochaines, leurs revendications essentielles. La Fédération du Centre en avait fait le programme exclusif de son dernier Congrès, qui s'est tenu à Bourges le 31 mars dernier. Belle et nombreuse assistance, sympathique et vibrante, Exposés puissants, concentrés, énergiques, sans déclamation, comme il était à craindre en pareil moment, sur semblable sujet.
Présidé par M. de Vogüé, le Congrès a entendu un premier rapport que je lui ai présenté sur la question économique : le régime douanier et les exportations ; la vente des produits agricoles. M. Decault, président de la Chambre d'Agriculture du Loir-et-Cher, a présenté ensuite un rapport sérieux, documenté, clair, dont les conclusions unanimement applaudies ont été que nos impôts agricoles sont trop lourds et surtout que notre statut fiscal est compliqué et doit être absolument remanié en vue d'une indispensable simplification. 
M. Tréfault, un jeune agriculteur, ancien élève de Grignon, donne ensuite un rapport très goûté, sur la Politique sociale. Je renvoie ceux qui prétendent que nos Associations n'ont pas l'esprit social, à ce magnifique exposé dont la forme était brillante et dont les idées remarquables firent sur l'Assemblée une profonde impression. 
M. Pierre Caziot, l'économiste réputé termina enfin par un quatrième exposé : les Rapports des agriculteurs avec les Pouvoirs publics. Ancien chef de Cabinet à l'Agriculture, M. Caziot connaît la matière ; il montra que le Ministère de l'Agriculture doit être profondément remanié, qu'il doit avoir plus d'autorité, être mieux doté. Il montra la nécessité de soustraire les négociations commerciales au ministre du Commerce, pour les confier au département des Affaires étrangères afin que l'Agriculture soit sur un pied d'égalité avec le Commerce et l'Industrie. M. Caziot exprime enfin l'idée que soit supprimé l'Ordre du Mérite Agricole qui donne lieu à des intrigues, à des tractations "qui empoisonnent le Ministre" lui font perdre une grande partie de son temps et paralysent l'action paysanne. La Chambre d'Agriculture d'Indre-et-Loire, en demandant des réformes et des garanties dans la distribution du ruban de corruption avait paraît-il faire œuvre révolutionnaire. M. Caziot a été autrement radical. L'Assemblée fit à M. Caziot un gros succès de sympathie et d'approbation.
M. Jules Gautier, constatant avec plaisir et fierté que les rapports présentés sont en progrès certains, de mieux en mieux établis et présentés, tira enfin les conclusions de ces exposés et définit l'attitude des organisations agricoles à la veille des élections législatives. Ce discours vibrant, énergique, éloquent où le bon sens s'alliait à la hauteur des vues fit sur le Congrès une impression profonde. M. Gautier montra après les rapporteurs que les intérêts de l'Agriculture se meuvent sans heurt, dans le cadre des intérêts de la Nation. Il constata avec joie et reconnaissance que la presse, l'opinion publique, le monde industriel et commercial, les milieux parlementaires et gouvernementaux sont venus à des sentiments plus justes pour les travailleurs de la terre, que les attaques violentes ont cessé, l'indifférence fait place à la sympathie et à la bonne volonté. Ce revirement est l'œuvre des Associations agricoles. Malheureusement celles-ci sont paralysées faute de moyens. L'orateur établit "la grande misère des Associations agricoles" comparée à la puissance financière des autres groupements de défense professionnelle. 
La salle unanime fit une longue ovation au président de la C.N.A.A.
Jean LE RIDEL. [rédacteur Terre Tourangelle]
 

1928

Terre Tourangelle 5 avril 1928, p. 1 (ADIL p. 240)
CONGRÈS de la Fédération des Associations Agricoles de la Région du Centre. 
BOURGES 31 mars 1928

Programme Agricole pour les Élections Législatives de 1928.
RAPPORT de M. BERNARD, Membre de la Chambre d'Agriculture d'Indre-et-Loire
POLITIQUE ÉCONOMIQUE. 

Mesdames, Messieurs, 
Il m'échoit de vous présenter une partie importante, de ce programme agricole dressé en vue des Élections de 1928 : la politique économique. 
Suivant les judicieuses directives qui m'ont été fournies, je la traiterai en quatre points :
D'abord des considérations générales sur l'amélioration de la situation économique de l'agriculture ; ces principes dégagés, j'envisagerai :
1º La liberté de commerce des produits agricoles ;
2º La question douanière ;
3º L'amélioration de la vente des produits agricoles. 

I. - Amélioration de la situation économique de l'Agriculture 
La population agricole de la France, avec 4 millions de chefs d'exploitation, représente 12 millions de travailleurs, qui, avec les enfants, représente 40 % de la population nationale. Et puisque nous sommes sur le terrain électoral, signalons que l'agriculture détient dans la plupart de nos circonscriptions de province 70% des bulletins de vote. Arbitre d'un grand nombre d'élections, nous avons le droit, et la force électorale, de poser comme principe fondamental la reconnaissance de l'importance primordiale de l'agriculture dans l'économie générale de la France.
Du point de vue corporatif, nous déduisons de ce principe, que branche la plus importante de la production, nous devons prétendre à la sollicitude des pouvoirs qui ont à organiser et à contrôler l'Économie Nationale. Et nous demandons que le Département de l'Agriculture, au sein des Conseils de Gouvernement, ait plus d'autorité. Portefeuille important, celui de l'Agriculture doit au dénouement des crises ministérielles - que nous souhaitons moins fréquentes - être pourvu d'un titulaire de premier plan, d'un homme de caractère, de compétence, et qu'il ne soit plus, comme il l'a été trop souvent, le dernier trou à boucher d'une combinaison, plus ou moins laborieuse, ou de dernière couleur d'un dosage difficile. 

Avant et après un Jules Méline, combien parmi les soixante et quelques détenteurs de ce portefeuille, avons-nous eu de ministricules, improvisés Grands Maîtres de l'Agriculture française, frais émoulus d'une étude d'avoué à Paris, ou d'un obscur barreau, sans compétence, sans connaissances agricoles, sans étoffe comme sans surface. 
Aux Colonies, comme à l'Agriculture, la coutume autorise n'importe qui n'importe quoi. (Je m'empresse de dire, qu'à l'Agriculture nous avons été souvent plus mal servis qu'aujourd'hui).
C'est chose éminemment regrettable, et nous devons attirer l'attention du Conseil à venir, que le monde agricole se montrera extrêmement susceptible sur ce point. Un récent Cabinet, en a fait l'expérience, ce n'était qu'une première escarmouche. L'Agriculture veut, pour diriger ses destinées, les ministres qu'elle mérite. L'Agriculture d'abord, les combinaisons en suite.
Du point de vue de l'intérêt général, la nécessité de l'amélioration de la situation de l'agriculture est facile à établir. Dans le monde, l'Usine gagne, la Terre perd. Le temps est proche, où le globe sera saturé de produits manufacturés, en présence d'une production agricole déficitaire. 
Les crises générales de surproduction industrielle, abondent dans l'histoire ; des économistes de toutes les écoles prétendent même qu'elles sont périodiques, et l'un d'eux, Marx, a même prophétisé que la Société actuelle serait détruite par elles.
Les crises de surproduction agricoles sont rares, moins générales et du point de vue économique et social, autrement moins dangereuses. 
L'Angleterre d'hier et d'aujourd'hui nous donne un aperçu de ce stade menaçant de l'industrialisation à outrance. L'Angleterre qui a sacrifié son agriculture à son commerce et à son industrie, a perdu son assiette passée et avec elle sa sécurité. Sa situation économique est dès aujourd'hui grave, demain elle sera sans doute tragique ; en cas de guerre elle pourrait être désespérée. Lorsque cette situation sera devenue mondiale, l'Angleterre qui verra ses débouchés industriels rétrécis, connaîtra une économie nationale calamiteuse. 
Évitons à notre pays, le danger de ces monceaux de machines, de houille, de lainages invendables, en présence d'une Terre délaissée et improductive, qui se vengera de son abandon. 
Chômage et famine, troubles sociaux seront les maux certains des pays qui n'auront pas sû équilibrer leur économie. 
Nous demandons le rétablissement et le maintien d'un équilibre stable entre la production industrielle et agricole. Nous entendons par là, qu'au point de vue douanier, transport, voirie postal, électrification, service militaire, - même au cas de mobilisation - au point de vue fiscal, au point de vue statut électoral, l'agriculture reçoive d'une façon définitive, une situation qui la mette à égalité avec le commerce et l'industrie. 
Nous dénonçons les méthodes malencontreuses qui, pendant et après la guerre, ont entravé les progrès de la production agricole au détriment des consommateurs eux-mêmes qu'elles prétendaient protéger. Nous mettons en garde les pouvoirs publics, les consommateurs de produits agricoles contre les réglementations légales ou occultes, qui sous prétexte d'abaisser le coût de la vie ont jeté et jettent encore une grave perturbation dans la production : taxations, fermeture des frontières, affichage des prix, discussions administratives sur les prix du lait, délit de suroffre, etc...
Le remède à la cherté de la vie - l'expérience confirme le raisonnement - est dans l'abondance, c'est-à-dire dans la production intensifiée.
La production a besoin de liberté et de sécurité. Le désir du gain est le moteur essentiel de l'activité agricole, comme celui de toute activité humaine ; vouloir limiter artificiellement le gain, c'est d'abord tenter l'impossible, c'est déplacer le gain en des mains moins méritantes, car seuls la spéculation et le trafic bénéficient de la désorganisation certaine qu'engendrent la tracasserie et l'arbitraire ; c'est créer ensuite le découragement. 
La liberté sans aucun abus engendre l'essor, la persécution décourage et gêne. Il n’a jamais été établi jusqu'à ce jour, que d'agriculture ait abusé de la liberté. Il est indiscutable que sa production en a toujours profité. 

II. - Liberté du commerce des produits agricoles. 
De ces principes généraux, nous déduirons la nécessité de la suppression de toute taxation franche ou déguisée, de toute réglementation des prix, légale ou administrative et de toute entrave à la vente des produits du sol, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. 
Suppression de toute taxation indirecte du blé, par la taxation de la farine ; de toute réglementation administrative des produits laitiers. 
Nous protestons contre la création de commissions de surveillance des prix.
Nous nous associons à la résistance des producteurs de lait de la région parisienne, nous leur demandons même de refuser toute discussion avec la Préfecture de Police à ce sujet, parce que l'esprit qui anime ces commissions est aveugle et de parti pris. Nous voulons bien, d'accord avec l'Administration rechercher les moyens d'amplifier la production, d'équilibrer les arrivages et d'améliorer la répartition, nous souhaitons la coordination des efforts en vue des améliorations souhaitables au point de vue hygiénique - où il y a tant à faire - mais nous nous refusons catégoriquement, que sous ces prétextes des conseillers municipaux en mal de popularité, fassent pression sur les prix. 
La vente du lait, comme des autres produits agricoles est libre en droit et doit rester libre en fait. 
La liberté servira autant le consommateur, et donnera vite à nos Préfets de Police plus de tranquillité et de satisfaction, que la tracasserie que nous n'accepterons jamais.
Nous comptons sur nos futurs élus, pour rappeler et faire triompher ces élémentaires vérités économiques.


*
***

Nous demandons une intelligente et sage application des lois sur la répression des fraudes, qui protègent aussi bien les producteurs honnêtes que les consommateurs. Nous condamnons avec indignation les mouilleurs de lait, les mouilleurs de vin et les fraudeurs de toutes sortes. Mais nous regrettons, que souvent les services de répression des fraudes agissent brutalement, et que leurs interventions ressemblent trop souvent à des rafles, où des agents alertés tapent dans le tas sans discernement, ne respectant pas toujours des règlements, qui hélas sont toujours obscurs. Les prises d'échantillons ne doivent pas se passer comme à Glozel, elles doivent être entourées de garantie. Pour le lait, par exemple, un vétérinaire, sur la demande de l'intéressé, devra assister à l'opération et donner son avis, afin que ne soit plus seulement prise en considération la teneur en matière grasse, mais que les considérations physiologiques, morphologiques ou zootechniques qui font que sous certaines influences et dans certaines conditions, absolument à l'Insu du cultivateur, une ou plusieurs vaches de son étable, avec ou sans lésion de la mamelle, se mettent à fabriquer pendant un temps variable un lait pauvre, présentant tous les caractères d'un lait mouillé, ainsi que l'a établi le Professeur Porcher de Lyon, au récent Congrès de Paris, des vétérinaires de France et des Colonies. 
De même pour les vins. Des prélèvements sérieux et une enquête sérieuse, en tenant compte des éléments indispensables : crus, cépages, conditions atmosphériques, etc...
Dans tous les cas, nous ne voulons plus de ces enquêtes tapageuses et sans discrétion, qui même si elles aboutissent à établir la bonne foi, déshonorent les producteurs. Nous voulons des garanties sur ce point. Nous y tenons et cela se comprend. 
Nous prions nos futurs élus de voter la proposition de loi Dessein, qui prévoit que dans certains cas la substitution de la compétence du Tribunal de simple police, à celle du Tribunal correctionnel. 

*
***

L'article 419 du Code Pénal, a sa place dans notre législation répressive. La spéculation illicite existe trop souvent et doit être réprimée. Mais nous sommes bien obligés, contraints par l'expérience, de constater que cette machine joue uniquement contre ceux auxquels elle ne devrait pas s'appliquer. Tous les grands scandales d'accaparement et de spéculation ont abouti à des ordonnances de non-lieu ou à des acquittements. Seuls les producteurs isolés, détenteurs d'une quantité infime de marchandise sont inquiétés. 
La législation sur la spéculation illicite ne peut et ne doit pas être appliquée aux producteurs agricoles. 
Les errements actuels doivent disparaître. Nous ne voulons pas voir revivre les textes anciens, dont nos campagnes gardent un souvenir amer. Les projets qui périodiquement sortent au Parlement, doivent être combattus par les élus de nos circonscriptions rurales. 
Nous suivons avec vigilance particulière leur attitude à ce sujet.
(À suivre)
 

1928

CONGRÈS de la Fédération des Associations Agricoles de la Région du Centre. 
BOURGES 31 mars 1928

Programme Agricole pour les Élections Législatives de 1928.
RAPPORT de M. BERNARD, Membre de la Chambre d'Agriculture d'Indre-et-Loire
POLITIQUE ÉCONOMIQUE. 

Terre Tourangelle 12 avril 1928, p. 3 (ADIL p. 245)
(Suite et fin)

III. Le Statut douanier. 
Il est un point tout d'abord, sur lequel nous devons, Messieurs, nous montrer intraitables. C'est celui de la libre exportation. 
Les prohibitions et les droits de sortie ont eu la vie dure, ils ont vécu en dépit de nos légitimes et unanimes protestations de 1914 à 1927. Maraîchers, producteurs de blé, de pommes de terre, de fruits, de lait, fromages et beurre, de porcelets, de génisses, etc. Vous savez tous quels préjudices considérables à votre économie et à l'économie nationale, ce non-sens économique a abouti. Une production à chaque instant grippée, faute d'échappement. L'encombrement succédant à la rareté et la rareté à l'encombrement. Des fluctuations des cours échevelées, des monceaux de produits pourrissant faute de débouchés extérieurs. L'élevage des porcelets, depuis 12 ans, est un typique exemple de ces errements. Les hauts prix de la fin de la guerre avaient donné un coup de fouet exceptionnel à l'élevage. Bientôt il y eut encombrement ; faute de débouchés extérieurs, le porcelet est tombé de 15 francs le kilog à 2 francs, prix de misère, alors découragement et hécatombes de truies portières. À nouveau des prix très hauts, par suite de la rareté : nouvelle reprise de l'élevage ; à nouveau abondance et avilissement. Durant 12 années, cette situation folle a désorganisé la production et ce n'est que depuis l'ouverture des frontières que cet élevage a repris son assiette et régularise sa production, à la satisfaction des producteurs, des marchands, de nos Compagnies de transport, du consommateur et de notre balance commerciale. 
Nous pourrions multiplier les exemples.
Nous ne voulons plus revoir nos frontières fermées, et fermées aux seuls produits agricoles. 
Aucune industrie ne supporterait pareilles avanies, ne résisterait à de semblables mécomptes. L'industrie agricole aussi. 
Libre exportation, tel est l'un des éléments essentiels de ce programme agricole, en vue des élections. 
Notre moyen d'action ? Prévenir les futurs élus, contrôler ensuite leurs votes. L'Agriculture du Centre a eu raison de publier le vote des députés de notre région, sur l'amendement Triballet en juillet dernier. J'ai moi-même, dans le Bulletin des Associations agricoles de Touraine, reproduit en août ce vote important. Je l'ai repris ces jours derniers, à la veille des élections, au moment psychologique. Cela n'a pas été du goût des députés sortants ayant voté contre. J'ai reçu des coups, dont je n'ai point souffert, et je n'ai pas été le plus meurtri dans cette polémique. L'exemple servira. Il faut le généraliser. C'est la vraie méthode. 

*
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La libre exportation, Messieurs, période de guerre exceptée, n'a jamais été préjudiciable au pays. Elle est favorable au contraire à son économie, et cela est plus spécialement vrai pour la France. 
Favorisée par la diversité de son climat de sa géographie, et de sa géologie, de ses mœurs, la France a une production multiple et peut se prétendre à la production des diverses espèces végétales et animales de la zone tempérée : toute la gamme des légumes, fruits, plantes médicinales, fromages, volailles, gibier, poissons, vins, etc... se produisent sur notre territoire et depuis longtemps notre population s'est spécialisée dans la production de produits de qualité, par conséquent chers, que nous pouvons exporter et remplacer grâce à l'importation, par des produits de consommation courante moins coûteux et tout aussi substantiels.
M. Augé-Laribé, étudiant les relations de l'exportation agricole avec la vie chère, a établi les valeurs respectives des mouvements d'importation et d'exportation des articles alimentaires et est arrivé en dépouillant les statistiques de 1924, et les statistiques douanières sont sérieuses, aux considérations suivantes :
" Dans l'ensemble, nous exportons : 16 300 000 quintaux de denrées agricoles, valant 4 milliards de francs,
Et nous recevons en échange 56 700 000 quintaux, que nous payons 8 900 000 000 de francs (soit un excédent d'importation de 40 400 000 quintaux),
C'est-à-dire que l'échange international permet de payer moins de 5 milliards un tonnage de plus de 40 millions de quintaux, qui est l'excédent de nos importations. C'est la preuve que nous exportons surtout des produits de valeur élevée, que nous importons des produits de valeur courante et que l'alimentation nationale gagne énormément à ce commerce avec l'étranger. Pour présenter l'opération sous une autre forme, on pourrait dire qu'en 1924 nous avons exporté des denrées agricoles dont le quintal nous était payé 245 francs, et que celles qui ont été importées nous ont coûté 157 francs le quintal. Dans ces conditions, la conclusion qui s'impose, ce n'est pas de fermer les frontières, de réduire à tout prix nos importations, mais c'est d'accroître nos exportations. "
Il faut jeter ces chiffres en toute occasion. Il faut les faire connaître à nos candidats, pour les persuader que nos revendications cadrent avec les intérêts généraux du pays et que la liberté d'exportation, à laquelle nous tenons comme à la prunelle de nos yeux, s'harmonise avec les besoins des consommateurs eux-mêmes. 
Pour stabiliser le cours du blé, la nouvelle législature devra reprendre l'étude et voter la réforme des bons d'importation. 

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Vous connaissez Messieurs, les grandes lignes de la bataille sur le tarif douanier. L'acquit, chèrement disputé, est insuffisant ; cet acquit n'est que du provisoire. Il faut donc veiller. 
Nous demandons l'établissement d'une régime douanier durable, basé sur un programme économique général, conciliant les grands intérêts économiques de la Nation et n'accordant à toutes les industries, y compris l'agriculture, qu'une protection modérée strictement nécessaire et justifiée.
Ces revendications n'ont rien d'un protectionnisme outrancier, elles s'inspirent au contraire d'une protection modérée. Laissons de côté les querelles d'école : libre échange ou protection. 
Le monde est lancé dans un protectionnisme extravagant ; nous avons une situation économique difficile, une monnaie dépréciée, bon gré, mal gré il nous faut protéger, industrie comme agriculture. Tels sont les faits. La discussion ne peut, dès lors, rouler que sur l'importance, le taux de protection, et sur la façon dont cette protection inévitable sera équilibrée entre les différentes branches de la production.
La protection doit être strictement compensatrice des charges que supporte notre production, du fait de notre économie particulière : charges résultant de nos lourds impôts, de nos charges de guerre, de nos charges sociales, de nos charges militaires, etc...
Mais il ne faut pas interpréter ces mots : droits compensateurs, dans un sens étroit, et suivre le raisonnement, par trop primaire, de notre très distingué Ministre du Commerce, et de son dictateur aux affaires commerciales, le non moins distingué M. Serruys.
Ceux-ci nous offrent des droits compensateurs, ou soi-disant tels, uniquement calculés par rapport au marché extérieur.
- Vous avez besoin, pour tenir le coup contre la concurrence étrangère des droits de base multipliés par des coefficients 3, 4 et 5, soit, nous vous les accordons, disent-ils. 
Mais quelle majoration accordez-vous à l'Industrie ? disons-nous.
- Ça ce n'est pas votre affaire. Occupez-vous de vos choux, dit en substance M. Serruys.
- Mais pas du tout, répondons-nous, la protection considérablement plus forte que vous accordez à l'Industrie, par incidence, grève notre production ; nous sommes consommateurs de toutes choses et en particulier de machines agricoles. En face des coefficients 5, 8, 10 et plus que vous accordez à l'Industrie, nos coefficients 3, 4, 5 sont insuffisants. 
Ramenez l'Industrie à semblable protection modérée, à égalité de traitement, revenez à cette sage et juste équivalence obtenue en 1892 et 1910 et nous serons satisfaits. 
Nous n'avons pu obtenir gain de cause, et il faudra encore livrer bataille. Faisons en sorte que la prochaine Chambre soit mieux éclairée que la précédente. C'est le moment d'agir. 

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La question la plus délicate du problème douanier est, à notre sens, celle de la politique contractuelle, c'est-à-dire des traités de commerce. 
Poser la question : êtes-vous partisan des accords commerciaux, êtes-vous pour une large politique de traités, ne signifie pas grand-chose. Des pays ont souffert d'une telle politique, d'autres s'en sont trouvés bien. L'agriculture peut être favorisée par ces accords, elle peut par eux être ruinée. 
À quelqu'un qui me poserait la question de savoir si cette charrue labourera bien ou mal sa vigne, je répondrais : c'est une bonne machine, mais entre quelles mains la mettre vous ?
De même pour la faculté donnée à un gouvernement de négocier. 
Le Monde nous l'avons dit est à la protection à outrance, cela est regrettable, et cela est dangereux du point de vue économique, du point de vue de la paix dans le monde. Comment remédier à cette situation, comment amener les gouvernements à un plus sage politique ? Une politique contractuelle généralisée est seule capable, en l'état actuel, d'apporter un remède et de préparer cette pacification économique. Nous avons besoin d'un Locarno douanier.
C'est pourquoi nous sommes en principe favorable à une politique d'accord commerciaux, mais à la condition que le " do ut des" soit respecté, c'est-à-dire qu'un large esprit de concessions réciproques préside aux négociations. Mais il demeure bien entendu, que l'agriculture, doit avoir sa juste part dans ces accords, et qu'elle ne sera plus comme dans un passé lointain et récent l'éternelle sacrifiée par nos négociateurs, si bien que la formule : la production agricole a été la rançon des traités de commerce, est devenue banale, sans cesser d'être vraie. 
Il ne faut plus que nos industries textiles obtiennent des avantages au détriment de nos vins que nos industries mécaniques ne s'ouvrent les faveurs des tarifs étrangers qu'au détriment de nos industries laitières, beurrières, fromagères ; il ne faut pas que nos articles de mode, de maroquinerie, d'articles de Paris et autres frivolités d'exportation n'entrent dans les deux Amériques que grâce à un abaissement des seuls droits protégeant notre agriculture. 
Dans les tarifs proprement dit comme dans les tarifs contractuels, l'équivalence douanière doit être respectée. 
Pour cela, il nous faut un ministre de l'Agriculture à la hauteur de sa tâche, des Commissions des douanes peuplées de défenseurs de nos campagnes, des députés au courant de nos besoins et décidés à les défendre. 
Le quart d'heure sonne de prendre nos précautions. Les destinées du pays vont se jouer pour quatre ans. Dans quatre années il y aura de la besogne de faite. Faisons que ce ne soit pas de la mauvaise besogne ; cela dépend beaucoup de nous aujourd'hui. 

IV. - Amélioration de l'organisation de la vente des produits agricoles. 
J'aborde la dernière partie de mon exposé. Je vais aller vite. D'abord parce qu'il est évident que pour grave que soit la question, elle s'efface un peu, en face de l'importance des questions douanière et fiscale par exemple, et surtout parce que notre action en vue des élections peut être moins décisive sur ces points. Leur solution dépend surtout de nous.
Abordons la question de la Coopération. 
Vous connaissez tous les bienfaits de la coopération ; les coopératives, si elles sont bien dirigées, si l'État sait les entourer de sollicitude, doivent apporter à la production agricole en même temps qu'aux consommateurs une amélioration considérable de leur sort. Elles ont besoin de direction sage, de l'esprit de solidarité, de la sollicitude de l'État.
Les cadres ne manquent pas, l'esprit de solidarité et de discipline est plus rare. La bonne volonté de l'État fait complètement défaut, la mauvaise volonté perce souvent. Les pouvoirs publics n'ont pas su en effet donner le statut organique indispensable à nos coopératives de production et de vente. La législation est chaotique et insuffisante. Les trois quarts de nos coopératives sont obligées de vivre en marge de la loi. Il faut, au plus tôt, que le Parlement mette sur le chantier un statut complet de la coopération. Il est indispensable que la prochaine Chambre aboutisse. Nos élus trouveront auprès de la C.N.A.A. tous les éléments du projet, avec une doctrine. Nous ne pouvons ici en cinq minutes en dégager même les grandes lignes, cet exposé exigerait un rapport spécial. 
Le statut fiscal des coopératives, devra surtout attirer l'attention du législateur. Pour le moment tout n'est obscurité et arbitraire et de continuelles frictions pénibles et préjudiciables tous, se produisent entre l'Administration et les intéressés. Il y a là une situation qui doit cesser. Notre région, et plus particulièrement l'Anjou, la Sarthe et la Touraine, est émue par le pénible incident qui met aux prises le fisc d'une part et d'autre part la Coopérative meunière et boulangère de Broc et avec elle l'agriculture tout entière. Le fisc demande à Broc, 40 000 francs d'impôts industriels et commerciaux et de chiffre d'affaires ; Broc est une coopérative véritable. Les esprits sont montés, et cela est facile à comprendre. Le Sphinx de la rue du Louvre - c'est de notre Ministre des Finances qu'il s'agit - consulté par un député d'Indre-et-Loire, M. Chautemps, demeure le sphinx de la rue du Louvre, il ne se prononce pas, il reste dans le vague et répond qu'en l'état actuel de la législation, seules les coopératives dont le travail est le prolongement des travaux habituels des exploitations agricoles, sont exemptes. Il n'oublie qu'une chose c'est de nous dresser la liste des coopératives dont il s'agit et de nous dire si Broc en est.
Ma conclusion est que le sphinx ne dévoilera son secret qu'après les élections, et que l'interprétation gouvernementale ne sera favorable ni à Broc, ni aux coopératives en général. Il y a là, Messieurs, un grave danger. Et il est inadmissible que des coopératives qui ne font ni actes de commerce, ni bénéfices soient astreintes au paiement de l'impôt sur les bénéfices commerciaux et le chiffre d'affaires. 
En tout cas, il faut y voir clair, livrer bataille avec la volonté de la gagner. Ce sera pour nous une belle occasion de reconnaître dans la prochaine Chambre, les champions de la cause agricole et de la mutualité. 

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La Coopérative a besoin de crédit. En présence de l'hostilité manifeste des milieux commerciaux, il ne faut pas espérer l'appui des banques. C'est donc vers la Banque de l'Agriculture, vers la Caisse de Crédit Mutuel que la Coopérative doit se tourner, et la Caisse de Crédit ne pourra étayer ses débuts, que si les particuliers lui en donnent le moyen, en y faisant des dépôts, la cause de la coopération est liée à l'organisation bancaire des campagnes. Les Caisses de Crédit, au moins dans certains départements attardés, ont besoin surtout d'un régime plus souple et plus moderne. Des améliorations seront sans doute soumises aux futurs députés, ils auront droit à notre reconnaissance, et elle ne leur manquera point, s'ils savent agir dans le sens de nos intérêts qui là encore concordent avec les intérêts généraux du pays.
Le contrôle des marchés. 
- De même qu'il y a loin de la coupe aux lèvres, il y a loin de la ferme à l'étal, c'est-à-dire du prix de production au prix de détail. Et la cherté de la vie qui en résulte est exploitée contre nous. Suppression des intermédiaires inutiles par la Coopération, réforme et contrôle des marchés, tels sont les premiers remèdes à envisager.
Deux grands marchés sont à réformer : le marché de la Villette et la Bourse des blés ; ces deux grands marchés sont régulateurs des prix et les abus qui y naissent vicient les cours dans le pays tout entier. Depuis des lustres le marché de la Villette doit être transformé, estimons-nous heureux qu'il ne l'ait pas été, alors que l'organisation agricole était insuffisante, cette transformation ne serait faite sans nous, c'est-à-dire contre nous et pour longtemps. Demandons qu'au sein des Commissions qui seront appelées à statuer, la Confédération générale des producteurs de viande soit représentée comme il convient. De même, lors de la réformation des règlements de la Bourse du Commerce de Paris, réformation qui s'impose et qui est urgente, l'Association générale des producteurs de blé dont l'activité et l'énergie nous ont été si précieuses, soit appelée à prendre part aux délibérations. 
Les Commissions de surveillance des prix sont encombrées de commerçants et de représentants des consommateurs ; d'agriculteurs point. Sous l'œil paterne du préfet de police, MM. les Présidents des Syndicats des détaillants de la boucherie ne dénonçaient-ils pas récemment, cette liberté d'exportation, nouvelle née, comme cause du renchérissement des denrées. Évidemment, MM. les bouchers et détaillants sont blancs comme neige et pauvres comme Job. Le cultivateur seul s'enrichit. Pourquoi donc alors le friche gagne-t-il, alors que les boutiques se multiplient ? Il est temps que les représentants des Associations agricoles entrent dans ce Commissions, si elles doivent subsister. Mais qu'on n'y fasse point représenter l'agriculture par des gens sans mandat, et que la comédie des Chevaliers et consorts ne se renouvelle plus. Passe encore qu'on décore au titre agricole tous les attachés de Cabinets et les quelques rares journalistes qui dénigrent le paysan, mais qu'on n'en fasse pas nos porte-parole officiels.

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M. Pierre Caziot - que vous allez avoir grand plaisir à entendre après moi - dans une remarquable conférence à Blois, en novembre dernier montrait l'agriculteur victime de la statistique. Votre Congrès de Châteauroux, le 27 novembre, s'est occupé longuement de ces questions. Rappelons en un mot ses conclusions, nous demandons que les statistiques officielles soient mieux établies, que la libre fantaisie ou l'indifférence ne président plus à leur confection, qu'on supprime toute statistique qui ne peut être sérieusement établie, et que les statistiques qui sont dressées le soient avec la plus grande promptitude possible, afin que le marché ne soit pas trompé par les renseignements d'ordre privé qui trop souvent ont intérêt à être volontairement inexacts. Lors de la discussion du budget au ministère de l'Agriculture, si l'occasion ne se présente pas avant, nous demandons à nos représentants d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce point, et d'exiger de lui des garanties. L'agriculture française s'offre à être le collaborateur dévoué et loyal de l'Administration, pour dresser les statistiques exactes dont tout le monde a besoin.
Voici, Messieurs, exposé la partie économique de ce programme agricole dont vous avez le résumé entre les mains. Faites en sorte que la bataille douanière de demain ne soit pas perdue, faites en sorte que la liberté du commerce agricole ne soit pas un vain mot. Tout puissant pour un jour, l'électeur agricole doit user de cette souveraineté éphémère, l'enjeu en vaut la peine pour l'agriculture, dont les intérêts rejoignent partout et toujours les intérêts fonciers de ce pays.
Faisons un bon Parlement, ayons une Chambre digne de nous.
 

1928

Convocation à Réunion du samedi 7 avril 2028

Terre Tourangelle [jeudi] 5 avril 1928 (ADIL p. 240)

ÉLECTIONS LÉGISLATIVES 
CONVOCATION

Les Présidents des Associations agricoles d'Indre-et-Loire (Syndicats, Mutuelles, Coopératives, Caisses de crédit agricole), sont instamment invités à assister le samedi 7 avril, à une réunion générale à Tours, salle du Conseil de Révision, à 14 heures précises. 

ORDRE DU JOUR : 

1º L'Agriculture doit-elle être représentée au Parlement ;
2º Candidatures éventuelles à présenter ;
3º Moyens financiers de soutenir ces candidatures. 

Les Associations agricoles comprendront l'intérêt de cette convocation. Dans la cas où les Présidents ne pourraient pas y assister ils voudront bien s'y faire représenter par un délégué.
NOTA. - Il a été adressé une convocation particulière à chaque Président d'Association et si par hasard quelques-uns avaient été oubliés, par mégarde, ils devront s'en rapporter à la convocation ci-dessus.
 

1928

Réunion du samedi 7 avril 2028

Terre Tourangelle 12 avril 1928, (ADIL p. 244)

La Candidature Agricole de M. Georges MAHOUDEAU
Pour donner à l'Agriculture sa place dans la Nation

"Mais tous ici, nous nous accordons à reconnaître que la loi (sur les assurances sociales) n'est pas applicable à l'agriculture, elle est insuffisamment étudiée, parce que les professionnels de la terre, aussi bien à la Chambre qu'au Sénat, sont trop peu nombreux... Certains prétendent que la nouvelle Chambre n'aura pas la compétence nécessaire pour procéder à un nouvel examen de la loi. Détrompez-vous, Messieurs. Le peuple des campagnes commence à voir clair et à s'émanciper et, le 1er juin prochain, les paysans viendront ici plus nombreux." (Discours de Joseph Cadic, Chambre des Députés, 14 mars 1928. J. O., page 1482.)

Suivez-vous les débats parlementaires ? Avez-vous remarqué quels sont les hommes qui, au Parlement, sont toujours sur la brèche pour la défense de l'Agriculture ? Ceux qui sont intervenus pour la justice douanière, la justice fiscale, pour réclamer une meilleure préparation des lois agricoles ? Toujours les mêmes, un petit groupe de spécialistes, qui, sans démagogie et sans surenchère, s'imposent uniquement par leur compétence et leur dévouement. Deux noms émergent, retenez ces noms et retenez leurs titres : Joseph Faure, Sénateur Paysan de la Corrèze ; Pierre de Monicault, Ingénieur agronome, Député de l'Ain. 
Personne ne niera que l'influence de ces deux hommes ait été formidable et heureuse pour nous. Si vous en voulez la consécration officielle, ouvrez "l'Association Agricole", bulletin de la C. N. A. A. [Confédération Nationale des Associations agricoles] :
"Joseph Faure et Pierre de Monicault sont des spécialistes des choses de la terre, qu'ils servent parce qu'ils l'aiment et qui l'aiment parce qu'ils la connaissent. "
Répondant à l'invite du député breton, les agriculteurs sont décidés à envoyer à la Chambre des gens capables et décidés à se joindre à Faure et à de Monicault, pour que dans les préoccupations parlementaires l'Agriculture ait sa place légitime et que la confection des lois qui nous régissent soient meilleure.
La malfaçon des lois agricoles durant ces dernières années, est le vice le plus frappant du travail législatif. 
Ce département [Indre-et-Loire] a cinq députés à élire, il est représenté par trois sénateurs. Soixante-dix pour cent des électeurs sont des agriculteurs et des artisans ruraux ; n'est-il pas absolument légitime et n'est-il pas prudent que cette masse électorale jusqu'ici inorganisée, cherche à conduire au Parlement au moins un homme à elle, pour parler en son nom et défendre ses intérêts puisque, il faut bien le constater,  aucun des représentants de cette Touraine agricole n'a su se spécialiser et s'intéresser surtout aux questions agricoles. 
La Touraine se doit un député agricole et de l'avis unanime aucun homme n'est plus qualifié que Georges Mahoudeau. Tous, même les adversaires de sa candidature éventuelle, se plaisent à dire et à reconnaître le bon sens de son jugement, son expérience, sa compétence, sa parfaite loyauté et son dévouement complet.
De nombreux départements ont voulu avoir leur candidat agricole solidement épaulé : Lot-et-Garonne, Loiret, Manche, Charente et combien d'autres. Nous aussi.
La candidature MAHOUDEAU plane au-dessus des partis, elle n'est ni contre l'un ni contre l'autre, ni contre ceci, ni contre cela, elle est elle-même, c'est-à-dire la volonté des paysans tourangeaux d'avoir d'avoir l'homme qu'ils désirent, dont ils ont besoin pour porter au Palais Bourbon leurs revendications essentielles et travailler à  ces gros problèmes agricoles qui viendront à l'ordre du jour : statut organique de la coopération, statut douanier, statut fiscal, rectificatif à la loi sur les assurances sociales, etc., etc...
Parmi tous nos candidats, lequel est le mieux placé pour discuter de cette question délicate, brûlante d'actualité, essentiellement technique et pratique qu'est l'organisation des coopératives agricoles, qui vivent jusqu'ici par la faute des pouvoirs publics en marge d'une législation archaïque dont les textes épars, incomplets, obscurs, engendre l'arbitraire et les tracasseries les plus insupportables ?
Parmi tous ces candidats, lequel saura plaider, avec plus de compétence et de cœur, le besoin vital qu'à l'agriculture d'avoir un régime douanier juste et stable ?
Lequel saura dire avec plus de force, avec cette autorité servie par une longue expérience professionnelle, que les cultivateurs veulent bien payer les impôts indispensables, mais qu'ils tiennent par dessus tout que leur assiette soit simple, qu'ils puissent en saisir le mécanisme, faire honnêtement, facilement ces déclarations qu'on exige d'eux, qu'on exigera de plus en plus, et que dans l'état actuel d'une législation compliquée ils sont incapables de faire, sans chance d'erreur, c'est-à-dire sans risques de ces amendes fiscales formidables qui tombent plus souvent sur les ignorants que sur les fraudeurs ?
Lequel plus que Georges MAHOUDEAU, je vous le demande, sera capable de travailler à ce "rectificatif" à cette adaptation de la gigantesque loi sur les assurances sociales, qui de l'avis unanime a été bâclée et qui doit ses trait essentiels comme en ses détails être complètement remaniée pour être applicable à l'économie agricole ?
On parle d'utilisation des compétences et de rationalisation. Un cultivateur de race est à la fois un administrateur éprouvé, qui sait parler et écrire clairement et avec intelligence, qui sait voir et comprendre, dont la notoriété dépasse largement le cadre de ce département, a sa place au Parlement de demain. Élisez-le.
JEAN LE RIDEL.
 

1928

Réunion du samedi 7 avril 2028

Terre Tourangelle 12 avril 1928, (ADIL p. 244)

Importante Réunion des Présidents des Associations Agricoles 

La Candidature de M. Georges MAHOUDEAU acclamée à l'unanimité moins 6 voix
Six cents cinquante convocations personnelles avaient été lancées à tous les Présidents des Associations Agricoles d'Indre-et-Loire, pour discuter sur le principe de candidatures agricoles en vue des élections législatives du 22 avril et la désignation éventuelle de candidats. La Terre Tourangelle avait invité d'autre part, les Présidents que les convocations n'auraient pu toucher. La réunion a eu lieu à Tours et s'est ouverte le samedi 7 avril à 14 heures, salle du Conseil de révision. Salle comble, débordant au-dehors. 
M. Mignot, Membre et Vice-Président de la Chambre d'Agriculture est nommé Président de séance, assisté de MM. Coudreau, Président de l'Union des Syndicats de Sainte-Maure et Roncin, Vice-Président de l'Union Fédérative. 
M. Bernard, Membre de la Chambre d'Agriculture est chargé d'exposer le but de la réunion. Il résume le mécontentement des populations paysannes : chargées d'impôts lourds et surtout compliqués à déclarer ; malfaçon des lois agricoles ; mauvais travail parlementaire qui aboutit invariablement en fin de session, à voter à toute vapeur, sans examen sérieux des lois les plus essentielles et les plus lourdes de conséquence ; mauvaise méthode législative qui consiste à faire des lois pour l'industrie et à les rendre applicables à l'agriculture dont l'économie est foncièrement différente ; injustice douanière qui a duré onze ans et vient à peine d'être corrigée ; taxation directe ou indirecte des produits agricoles. "Il n'était ni surprenant, ni illégitime que les agriculteurs se préoccupassent de recherche un remède à cette situation.

L'idée d'une candidature avait été longtemps agitée dans les milieux agricoles. Faute de cohésion, de direction, elle semblait abandonnée. En revenant du Congrès de Bourges, j'appris du nouveau. Un nombre considérable de personnalités agricoles à l'issue de l'Assemblée des mutuelles-assurances avaient décidé qu'il y aurait, coûte que coûte, une ou plusieurs candidatures agricoles en Touraine. Les uns affirmaient même que si une réunion n'était pas tenue pour régler cette question, ils se présenteraient et menaçaient de déposer sans délai une déclaration officielle à la Préfecture, en signe de protestation contre l'apathie des populations agricoles. 

Mis au courant d'une situation de fait aussi délicate et grosse de conséquences, j'ai cru devoir me ranger à l'idée de la convocation du seul Congrès agricole pratiquement possible, celui de tous les Présidents d'associations agricoles du département. J'ai cru devoir accepter la lourde responsabilité de signer les convocations et la charge de vous exposer la situation. 

Il serait inadmissible en effet, qu'il y eût des candidatures soi-disant agricoles - et de fait n'y en a-t-il pas déjà - qui pourraient être multiples et fantaisistes, créer la confusion et jeter le discrédit, sans que vous, qui êtes les personnalités les plus qualifiées, ayez été appelées à en décider l'opportunité et à désigner le nom de votre porte drapeau. 

Il fallait éviter manœuvres, fausses manœuvres et confusion, voir clair et décider au grand jour, ailleurs que dans des parlottes ou des complots.

L'Assemblée décidera. Sa volonté devra être respectée... Il n'y a pas ici de mendiants de mandats, il ne peut y avoir que des hommes de bonne volonté, à votre service. J'y considère quant à moi, que si candidatures agricoles il doit y avoir, elles doivent naître dans l'enthousiasme, et personne n'accepterait de se présenter en votre nom, si le principe d'abord, la désignation ensuite n'étaient acquis à une immense majorité. 
Je crois fermement que nous devons dans l'affirmative, limiter notre effort et ne présenter aux suffrages qu'un seul candidat... Évitons cette terrible maladie qu'est "l'électoralité", c'est-à-dire cette illusion qui fait croire à tout citoyen qu'il a l'étoffe pour faire un député. Évitons que nos associations ne deviennent une pépinière d'ambitieux ; pour cela n'acceptons, éventuellement, comme candidats agricoles que des hommes ayant consacré leur vie à la terre, et qui, arrivés à l'âge où un homme à fait ses preuves peut légitimement laisser son exploitation à ses enfants, pour se mêler de défendre au Parlement les intérêts de cette agriculture à laquelle il a déjà donné des preuves certaines et notoires d'amour et de savoir faire."
M,M. Taffonneau et Suard vinrent courageusement soutenir la légitimité et l'utilité de candidatures agricoles. Un autre Président vint affirmer sans succès, qu'il était "le vrai candidat paysan".
M. Chevalier, de Luzillé, vint courtoisement et franchement apporter son avis défavorable, basé essentiellement sur le retard de la convocation. "Les positions sont prises, dit-il, vous risquez de nous diviser". "Il n'est jamais trop tard pour bien faire" répondit une voix.

M. Proust, député-candidat, Président du Syndicat d'élevage de Neuillé-Pont-Pierre, discuta l'autorité du Congrès, la loyauté de son recrutement, souligna sa "physionomie houleuse". "M. Proust, candidat-député sortant, est venu ici parler comme Président de Syndicat, c'est son droit strict répondit M. Bernard. Mais il nous surprend en y apportant des arguments perfides et spécieux, qui, manœuvrés par un homme habitué aux réunions, ont fait impression sur l'assemblée. Je réponds ceci : nous avons pris sur l'annuaire, pour convoquer, les noms de tous les Présidents de syndicats et associations agricoles. Aucun de ceux y figurant n'ont été omis, les associations régulièrement constituées ont donc été convoquées. Je mets au défi, quiconque d'arguer de notre partialité. S'il est établi que deux pour cent de Président n'ont pas été convoqués - cette marge de deux pour cent d'omissions possibles est parfaitement admissible - nous tenons cette réunion pour nulle et non avenue. 

"Je doute, quant à moi, qu'aucun congrès politique, appelé à désigner un candidat ait été recruté avec plus de loyauté et d'impartialité, vous le savez bien M. Proust. D'autre part, l'état houleux de l'assemblée ne préjuge rien, le vote seul comptera." L'immense majorité de la salle applaudit à cette mise au point. 

MM. Aron, Salvador, et diverses autres personnes vinrent soutenir avec beaucoup de courtoisie leur point de vue et combattre la désignation de candidat regrettant que la campagne électorale soit avancée. 

"On a lancé mon nom en avant, vint alors dire M. Georges Mahoudeau, on a eu tort. On me demande si je suis candidat. Dites d'abord si vous voulez des candidats ; vous saurez ensuite ce que j'ai dans le ventre". À une immense majorité l'assemblée accepta le principe de candidatures agricoles ; puis décida de n'en soutenir qu'une seule. À une question posée, M. Mahoudeau précisa : "Si je suis candidat, je le serai chez moi, dans la 3e circonscription, je ne m'exile pas ; je chasse chez moi, pas chez les autres".

"Si j'avais voulu être candidat, je le serais depuis longtemps et avec plus de facilités. J'ai été sollicité ; on m'offrait de couvrir mes frais d'élection. J'ai demandé d'où venait l'argent, ce n'était pas l'argent des paisans. J'ai refusé. Je ne suis pas l'homme des combinaisons. 

"Aujourd'hui, si vous me le demandez je suis votre homme. À vous de dire, ici, franchement si au Palais Bourbon vous voulez des hommes à vous, bien à vous. Mon programme ? Le vôtre, je sais que nous sommes d'accord ; il s'agit de savoir d 'abord si nous voulons manger du pain. Je n'ai pas voulu des subsides électoraux des comités, mais je n'ai pas les moyens de me payer une élection ; pour défendre les paisans, je n'accepte que l'appui matériel que les paisans consentiront volontairement. 

"Nous avons laissé les candidatures politiques se poser, parce que nous n 'avons rien de commun avec elles, aussi, au 2e tour, quoiqu'il arrive, même si je ne réunis que 500 voix, je reste sur la brèche. Je ne suis pas un homme à vendre".
Ce fut dans l'enthousiasme que la candidature Mahoudeau fut acclamée à l'unanimité, moins six voix.

M. Mignot leva la séance à 16h 10.
 

1928

Terre Tourangelle 12 avril 1928, (ADIL p. 244)

BRAVO !
Samedi sept avril, dans la salle de Mairie bondée comme on ne la vit jamais, les Présidents des Syndicats et Associations agricoles du département, ou leurs délégués, au nombre d'environ 500, ont acclamé à la presque unanimité la candidate de Georges Mahoudeau aux prochaines élections législatives. 
Six mains opposantes seulement se sont levées ; elles représentent une demi douzaine de bruyants politiciens.
La séance fût présidée avec autorité par Mignot assisté de Roncin et Coudreau ; Bernard qui avec Mignot avait pris l'initiative de la réunion en indiqua le but dans un exposé impressionnant, puis pendant plus de deux heures il soutint la discussion. 
Avec une énergie infatigable et un remarquable talent, il répondit victorieusement à toutes les objections. 
Aucune, à vrai dire n'était sérieuse ; parmi ceux qui les présentèrent certains étaient évidemment de bonne foi, d'autres mettaient visiblement leurs préoccupations politiques avant les intérêts agricoles, sans peut-être s'en rendre compte, par suite d'une vieille habitude.
Le vote acquis, la discussion durait encore animée, vive, houleuse, lorsque Mahoudeau s'avance pour prendre la parole. En quelques phrases brèves et cinglantes il indique le sens de sa candidature : candidature présentée par les Associations agricoles, qui doit être exclusivement soutenue avec l'argent des paysans ; il déclare ne vouloir se présenter que dans la 3e circonscription, la sienne ; il ne court pas après un mandat. 
Mahoudeau déclare en terminant que s'il y a ballottage, il maintiendra sa candidature au 2e tour ; qu'il ne se désistera au profit d'aucun concurrent, il n'entend se prêter à aucune combinaison, ni aucune manœuvre, car il n'est ni à vendre ni à acheter.
Ces paroles de Mahoudeau soulèvent dans la salle un indicible enthousiasme ; les comitards baissent le nez ; ils n'ont plus rien à dire, chez eux c'est l'effondrement et la stupeur, jamais ils n'ont entendu un pareil langage.
La candidature de Mahoudeau est un événement agricole sensationnel. Nous y applaudissons avec une joie immense, c'est une heure décisive qui nous libère de l'emprise de l'odieuse politique anémiante et dissolvante. 
Candidat dans la 3e circonscription, Mahoudeau sera demain le député agricole du département tout entier. 
C'est pourquoi tous nos Syndicats, toutes nos Associations sans distinction doivent être immédiatement alertés. 
Le mot d'ordre doit être lancé dans toutes les communes, dans tous les villages : Mahoudeau est candidat, il faut le soutenir coûte que coûte, moralement et pécuniairement.
Que tous ceux qui ont conscience d'éclairer gravité de l'heure, qui comprennent que dans la prochaine Chambre une représentation agricole s'impose sous peine de voir sacrifiés pour toujours les intérêts agricoles de ce pays, s'inscrivent généreusement à la Caisse de Propagande.
Jamais ils n'auront fait un meilleur placement. 

Un Comité financier a été constitué comme suit :
President : M. Mignot ; Membres : MM. Bourreau, Bernard, Coudreau, Champion, Révérand, Roncin, Suard, Taffonneau et Verna ; Trésorier : M. Guérin, 4, rue de Bordeaux, à Tours.

1re Liste de souscription 
M. Mignot, à Saint-Martin-le-Beau... 100
M. Roncin, à La Riche...100
M. Suard, à Chinon...100
M. Bourreau, à Druye...100
M. Bernard, à Azay-le-Rideau...100
M. Taffonneau, à Druye...100
M. Guérin, Dr [Directeur] de l'Office Fédéral...50
Syndicat agricole de Larçay (57 souscripteurs)...165,50
 

 

1928

Terre Tourangelle 12 avril 1928, (ADIL p. 244)

Il faut avoir des Députés agricoles
Je dis qu'il faut avoir des députés agricoles parce que jusqu'à ce jour nous n'avions pour nous représenter aucun député ayant des aptitudes agricoles, mais généralement des représentants des professions libérales surtout, qui, au moment des élections, venaient dans nos campagnes la bouche fleurie de beaux discours et de promesses plus belles encore, nous promettant tous plus de beurre que de pain ; puis quand tous ces Messieurs, qu'ils soient rouges, blancs, roses pâles, avaient franchi les marches du Palais-Bourbon, ils nous oubliaient facilement et laissaient aux paysans le soin de se débrouiller.
Enfin il s'est trouvé parmi nous des défenseurs agricoles tels Bernard, Mignot et autres, qui ont pris l'initiative d'alerter les classes rurales et dans la superbe réunion agricole qui se tint le 7 avril à Tours, à laquelle assistaient les présidents des Associations agricoles du département, il à été décidé à la presque unanimité de présenter la candidature du citoyen Mahoudeau, président de la Chambre d'Agriculture, dans la 3e circonscription. 
Électeurs paysans de la 3e circonscription, vous pouvez être fiers d'avoir parmi vous un candidat tel que Mahoudeau, qui au moins connaît vos peines et vos misères, et vous pouvez être sûr qu'en votant tous pour Mahoudeau vous aurez au moins là un fier défenseur de la cause paysanne, symbole et porte drapeau de nos revendications en Touraine. Paysans de Touraine, il faut faire triompher sa candidature, en mettant à la disposition de la caisse de propagande les fonds nécessaires pour pouvoir assurer cette élection. Le Syndicat agricole de Larçay a mis immédiatement en route une liste de souscription qui a été accueillie avec enthousiasme, puisque en moins de 48 heures il a reçu 57 versements d'un montant total de 165,50 qu'il verse à la caisse de propagande. 
Paysans de Touraine et de France, c'est au cri de vive la République qu'il faut tous s'unir et se grouper pour envoyer à la Chambre prochaine un nombre imposant de députés essentiellement agricoles, et ce, pour l'honneur et l'avenir de la France. 
GIROLLET,
Président du Syndicat Agricole de Larçay. 
 

1928

La Dépêche jeudi 12 avril 1928 (ADIL p. 35)

3e Circonscription de Tours 
À propos du candidat agricole 
La décision prise samedi dernier [7 avril] à l'Hôtel de Ville de Tours imposant à la 3e circonscription un candidat agricole soulève parmi les syndicats et coopératives agricoles de cette circonscription une protestation. 
Un appel est adressé à tous les présidents d'associations agricoles pour qu'ils se réunissent samedi prochain 14 avril à 10 heures, salle du Conseil de révision, à l'Hôtel de Ville de Tours.
Nous donnerons demain le texte de cet appel.
 

1928

La Dépêche vendredi 13 avril 1928 (ADIL p. 38)

Appel aux présidents des Syndicats, des Mutuelles et des Coopératives agricoles. 
Sur l'initiative de quelques personnalités agricoles non mandatées par leur groupement, une réunion à laquelle avaient été conviés les présidents des Sociétés du département a eu lieu, samedi 7 avril, à l'Hôtel de Ville de Tours.
Au cours de cette réunion, il a été décidé qu'un candidat agricole n'ayant ni couleur, ni programme politique, poserait sa candidature dans la 3e circonscription de Tours.
Cette décision, prise en violation des statuts de nos groupements qui interdisent de faire un acte politique va jeter la division dans nos organisations qui ont été unies jusqu'à ce jour.
Le candidat agricole, qu'il le veuille ou non, sera obligé de prendre des décisions politiques s'il est élu. 
Il ne pourra donc être en communion d'idées avec tous ses mandants qui, eux, auront conservé leur droit civique. 
Nos groupements ne peuvent continuer à se développer que si l'union la plus complète existe entre leurs membres. 

3e Circonscription 
Liste des cantons et des communes
Canton de Chateaurenault,
Autrèche, Auzouer, Le Boulay, Châteaurenault, Crotelles, Dame-Marie, Les Hermites, Monthodon, Morand, Neuville, Nouzilly, Saint-Laurent-en-Gâtines, Saint-Nicolas-des-Motets, Saunay, Villedômer. 
Canton d'Amboise 
Amboise, Cangey-Fleuray Chargé, Limeray, Lussault, Montreuil, Mosnes, Nazelles, Négron, Pocé, Saint-Denis-Hors, Saint-Ouen, Saint-Règle, Souvigny.
Canton de Bléré 
Athée, Azay-sur-Cher, Bléré, Céré, Chenonceaux, Chisseaux, Cigogné, Civray-sur-Cher, Courçay, La Croix de Bléré, Dierre, Épeigné-les-Bois, Francueil, Luzillé, Saint-Martin-le-Beau, Sublaines. 
Canton de Montbazon 
Artannes, Ballan, Chambray, Cormery, Druye, Esvres, Montbazon, Monts, Pont-de-Ruan, Saint-Branchs, Sorigny, Truyes, Veigné, Villeperdue.
 

1928

La Dépêche dimanche 15 avril 1828 (ADIL p. 44)

3e Circonscription de Tours
La réunion des présidents des Associations agricoles 
Samedi matin [14 avril], les présidents des associations agricoles de la 3e Circonscription réunis à l'Hôtel de Ville de Tours ont adopté le vœu suivant présenté par M. le docteur Delaunay :
"Les membres des groupements agricoles de la 3e Circonscription craignant que l'immixtion de la politique dans les groupements agricoles entraîne leur désunion et leur ruine ; protestent contre la décision prise le 7 avril à l'Hôtel de Ville de Tours par les présidents non mandatés des groupements en faveur d'une candidature. 
 

1928

La Dépêche mercredi 18 avril 1928 (ADIL p. 53)

Chronique électorale 
Les syndicats agricoles contre la candidature de M. Mahoudeau 
Comme nous l'avons annoncé dès dimanche, les présidents des associations agricoles de la 3e circonscription se sont réunis, samedi [14 avril], à l'Hôtel de Ville pour examiner la situation créée par la décision prise la semaine d'avant de présenter et de patronner aux élections prochaines, des candidats agraires.
Il ne leur échappait point en effet qu'à des élections politiques il était bien difficile de présenter des candidats soustraits par définition à la politique. Comme M. René Besnard l'expliquait d'ailleurs lui-même, ils avaient aperçu qu'un commerçant, un laboureur, un ouvrier, une fois devenus législateurs, auraient à trancher "des problèmes qui ne seront ni de commerce, ni de labourage, ni de travail manuel". Mais n'était-il point possible, également, qu'une opération du genre de celle qui avait été faite le 7 avril ne fût en réalité, sous le couvert d'une candidature professionnelle, une véritable opération politique ? Et en égard à la personnalité choisie pour être le candidat agraire de la 3e circonscription, n'y avait-il pas lieu de penser qu'on n'avait voulu en réalité que rendre au parti conservateur avec les "paisans" abusés, les troupes qui lui échappaient ?
Dès lors, la conclusion s'imposait et elle s'est manifestée par l'adoption du vœu suivant, déposé par le docteur Delaunay [maire de Sainte-Maure]
"Les membres des groupements agricoles de la 3e circonscription craignant que l'immixtion de la politique dans les groupements agricoles entraîne leur désunion et leur ruine ; protestent contre la décision prise samedi 7 avril à l'Hôtel de Ville de Tours prise par les les présidents non mandatés des groupements en faveur d'une candidature."
Mais cela n'a pas été sans une assez vive discussion au cours de laquelle furent mis en pleine clarté tous les aspects du problème. 
D'abord le président, M. Aron [président de la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Châteaurenault], fit un exposé de la question, démontra qu'en réalité la réunion du 7 avril et le choix de M. Mahoudeau comme candidat agraire dans la 3e circonscription de Tours avaient marqué l'intrusion de la politique dans la vie des associations agricoles. Il dénonça ensuite le grave péril que ferait courir à ces associations la désunion, conséquence fatale d'une opération qui satisfaisait sans doute certains de leurs membres, mais ne pouvait manquer de mécontenter les autres. Car il est évident, et M. Aron n'eut aucune peine à le démontrer, que la candidature soit-disant agraire mais en réalité politique et réactionnaire de M. Mahoudeau ne pouvait obtenir l'assentiment unanime des agriculteurs. 
Une intervention de M. Chevalier, président du Syndicat de battage de Luzillé et administrateur de l'Office fédéral, vint confirmer aussitôt la thèse de M. Aron. M. Chevalier, en effet, fit connaître à ses collègues qu'étant présent à la réunion du 7 avril, il lui fit absolument impossible d'émettre son opinion. Informé de la véritable signification de la candidature Mahoudeau et prévoyant les difficultés qu'elle allait susciter, il tenta de s'y opposer. Mais en vain. Les partisans de MM. Ronsin et Mahoudeau qui étaient la majorité, couvrirent sa voix et l'empêchèrent de parler
M. Esse vint appuyer M. Chevalier, puis M. Regnier, président de la Mutuelle-Bétail de Limeray, exprima le désir de voir les associations agricoles se garder avec soin de toute intervention politique. 
M. Delaunay, président du Syndicat agricole de Montbazon, serra encore la question de plus près en observant qu'il était impossible de demander à un candidat à des élections politiques et de se contenter de faire de l'agriculture. C'est l'évidence même qu'à la Chambre on ne fait que de l'agriculture. M. Delaunay reçut donc une approbation quasi-unanime. 
Seuls, MM. Bernard et Mignot s'efforcèrent de justifier la réunion du 7 avril et le choix qui en avait résulté.
Ils ne purent empêcher à eux deux le vote à mains levées de la motion que l'on a pu lire ci-dessus. 
Désormais, par conséquent, la situation est nette. 
M. Mahoudeau n'a aucun droit réel à se donner aux électeurs de la 3e circonscription comme candidat des agriculteurs. 
Au surplus, les agriculteurs tourangeaux sont-ils en majorité et depuis longtemps des républicains sincères. À ce seul titre, ils aimeront mieux faire confiance à M. Jacques Lyon, qui à les titres les plus sérieux et les plus évidents à cette confiance, et qui saura défendre leurs intérêts à la Chambre avec autant d'autorité que de talent. 
E. C. 

1928

La Dépêche Jeudi 19 avril 1928 (ADIL p. 56)

La candidature équivoque et la vraie personnalité de M.Mahoudeau
La candidature "agraire" de M. Mahoudeau surajoute une nouvelle équivoque à celle que l'Union nationale entretient jalousement. Il nous faut donc la dénoncer, comme l'autre, et rétablir la vérité. Le électeurs tourangeaux pourront ainsi se convaincre de la réalité d'un fait que nous leur avons maintes fois signalé : c'est que les réactionnaires sentent si bien que le pays n'est pas avec eux qu'ils ne s'avouent jamais pour ce qu'ils sont. Ils cherchent des masques. Ils s'affublent d'oripeaux de contrebande. Ils inventent tantôt le Bloc national et tantôt l'Union nationale. Mais les candidatures "agraires" voilà leur dernière trouvaille. Il ne semble pas qu'elle doive être appelée à plus de succès que les précédentes. 
Pour que cette équivoque eût chance de durer, du moins dans notre département, pour qu'elle pût réellement abuser des agriculteurs tourangeaux, il aurait fallu un autre candidat "agraire" que M. Mahoudeau. C'est folie de vouloir prétendre que M. Mahoudeau n'est pas un candidat politique, ou c'est prendre les électeurs de la 3e circonscription pour de fieffés imbéciles. 
Chacun sait que M. Mahoudeau est beaucoup plus réactionnaire que M. Caron,  dont nous ne partageons pas, certes, les idées, mais qui, du moins, fait figure de galant homme et se bat à visage découvert. Il fut autrefois maire de Saint-Nicolas-des-Motets. Mais il démissionna après après deux échecs sanglants que lui infligea son Conseil municipal, la première fois, en refusant que l'inauguration du monument aux morts de la commune fût l'occasion d'une messe solennelle, comme le voulait M. Mahoudeau, et la seconde fois, en refusant en refusant de le nommer délégué sénatorial pour les élections de 1923. Quant à son mandat actuel de conseiller municipal, il l'a obtenu en 1925, au second tour de scrutin, par 40 voix sur 96 et sur une liste d'opposition. 
Comme on voit, M. Mahoudeau ne jouit pas, parmi ses concitoyens d'une confiance ni d'une estime bien considérables. Et il est à présumer qu'il en va de même dans tout l'arrondissement, où on le connaît bien, où on le connaît trop. Les "paisans" dont il recherche les voix aujourd'hui savent bien quel singulier agriculteur il est et n'ont pas oublié ce mot de M. Mahoudeau, devenu fameux : "La question du blé ? Moi, je l'ai résolue en le donnant à mes poules..." Ils n'ignorent pas non plus qu'en 1926, M. Mahoudeau avait envisagé la création d'un cartel agricole "en vue de limiter la production."
Quel beau représentant n'est-ce pas pour l'agriculture ?
Et comme il ferait de bonne besogne, au Parlement, sous les huées indignées qui accueilleraient chacune de ses interventions !
Quant aux doctrines politiques de M. Mahoudeau, nous les définirons facilement au moyen du vieux proverbe : "Dis moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es". M. Mahoudeau et l'ami et le protégé de M. Ronsin. C'est M. Ronsin qui dirigeait cette fameuse réunion du 7 avril, où l'on vît éclore la candidature de M. Mahoudeau et nul n'y contribua ardemment que ledit Ronsin
Or, M. Ronsin est président de cette fameuse Association des Contribuables d'Indre-et-Loire, qui vient de publier un "cahier de revendications" dont le moins que nous puissions dire est que le programme du citoyen Soulier, par comparaison, apparaît d'un rouge éclatant. 
Ce cahier de revendications, M. Mahoudeau a accepté de le soutenir sans réserve, et voici quelques-uns des engagements qu'il a pris :
"...Exiger la réduction du nombre des députés à trois par département, avec représentation proportionnelle de l'agriculture, du commerce et de l'industrie, de la classe ouvrière et des professions libérales suivant leur importance numérique..."
"... Exiger la suppression de tous impôts personnel et inquisitoriaux". C'est-à-dire ne plus faire appel aux impôts qu'aux impôts de consommation, dont le poids retombe uniquement sur les classes pauvres et laborieuses. "
"...Exiger l'amodiation de tous les monopoles d'État", c'est-à-dire dépouiller totalement la collectivité, l'ensemble des citoyens au profit d'une demi-douzaine de grosses firmes financières ou industrielles. 
"...Exiger la révision de la loi de 8 heures", ce que les conservateurs anglais eux-mêmes n'osent point demander. 
Etc., etc...
Voilà le programme politique et social de M. Mahoudeau, celui qui voudrait dissimuler prudemment sous sa qualité de "candidat agraire".
Personne ne sera dupe. Et ils seront rares, les agriculteurs assez naïfs pour apporter leurs voix au programme de M. Mahoudeau. 
Nous voulons d'ailleurs faire à l'intelligence et à la perspicacité du candidat agricole l'honneur de croire qu'il ne s'y trompe point. Les réceptions qu'on lui a faites dans les communes où il essaie d'évangéliser les électeurs sont d'évidents présages. Partout, les contradicteurs s'élèvent, nombreux et pleins d'énergie, contre la vilaine besogne où l'on cherche où l'on cherche à compromettre les Associations agricoles. Et M. Mignot qui le patronne est souvent réduit à avouer comme à Cangey que les dites Associations agricoles n'ont pas été consultées et qu'on avait délibérément violé leurs statuts. 
Le résultat le plus clair de toutes ces manœuvres obscures a été de consolider la situation de M. Jacques Lyon qui apparaît, dès à présent, comme le vainqueur certain de la bataille du 22 avril, dans la 3e circonscription. 
E. C. 

1928

Candidats aux élections législatives d'avril 1928

La Dépêche samedi 21 avril 1928 (ADIL p. 62)


ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DU 22 AVRIL 1928
Aux électeurs républicains 
Grâce au scrutin d'arrondissement reconquis, la caractéristique des élections de 1928 devrait être la clarté. 
À gauche et à l'extrême gauche, chaque parti entre dans la lice, bannière déployée. 
Radicaux et socialistes qui, en 1924, s'étaient mis d'accord sur un programme minimum, se présentent aujourd'hui avec leur charte intégrale. 
Aux électeurs de choisir. 
S'ils sont évolutionnistes, s'ils sont réformistes, ils voteront pour les radicaux. Si la lutte de classe et l'abolition de la propriété ne les inquiètent pas, ils voteront pour les socialistes.
Ajoutons que si la guerre extérieure, la guerre civile, l'esclavage rouge, les séduit, ils auront la ressource de voter pour les communistes.
Dans toute circonscription en effet, Moscou, qui ne lésine pas sur les frais, présente un candidat, ne serait-ce qu'à titre de publicité. 
Au centre, la situation est moins nette. 
Les républicains de gauche ont du mal à ne pas se laisser déborder par la réaction, qui, malgré leurs protestations, se colle à eux, comme dans une course, en disant : Vous, c'est moi ! Moi, c'est vous !
D'ailleurs, celle-ci est encouragée par le renoncement de quelques républicains, voire de quelques radicaux, qui, privés de l'assentiment, du concours des leurs, sont passés à l'ennemi avec armes et bagages. 
Heureusement que l'on votera par circonscription. Les électeurs connaissent personnellement les candidats, tous les candidats. Ils n'ignorent pas leur passé, ni leur présent. Ils savent dans quelle mesure, ils sont d'accord avec eux-mêmes. Rien ne leur est plus facile que de mesurer leur sincérité. 
Quand, dans le Chinonais par exemple, on voit un libre-penseur avéré - M. Homais - avide de recueillir des voix, présenter l'eau bénite aux catholiques pour faire pièce à M. Camille Chautemps, dont la notoriété universelle pèse à sa vanité de paon  cantonal, on conçoit que la réaction profite de pareilles défaillances.
Quand dans la 3e circonscription de Tours, on voit un "paisan" à petits pieds s'envelopper bucoliquement de feuilles comme Adam après le péché, pour piper les voix des agriculteurs dont il est trop médiocre pour défendre utilement les intérêts au Palais-Bourbon, on comprend que se réjouissent les amateurs de pêche en eau trouble. 
Néanmoins, il n'est pas de ruse que le collège électoral ne puisse et doive percer à ce jour. On va lire le bref, clair et énergique manifeste de la Fédération radicale-socialiste d'Indre-et-Loire. En quelques mots, cette déclaration campe magistralement chacun de nos candidats. 
Rien n'en peut être retranché. Y ajouter quoi que ce fût serait superflu.
Il est certaines erreurs que les Tourangeaux ne peuvent pas commettre, qu'il s'agisse des individus. Ne pas réélire des hommes tels que MM. Chautemps, Proust et Bernier, serait de l'aberration. Ne pas adjoindre un Jacques Lyon et un Maurice Fournier serait une faute malaisée à réparer. 
LA DÉPÊCHE. 

Fédération républicaine radicale et radicale-socialiste 
La Fédération républicaine radicale et radicale-socialiste du département d'Indre-et-Loire adresse aux électeurs l'appel suivant : 
Citoyens :
Une des conséquences essentielles du rétablissement du scrutin d'arrondissement a été de restituer, à chaque parti, l'indépendance de sa pensée et de son action. 
C'était donc un devoir pour tout grand parti de soutenir et de défendre, avec ses hommes, dans chaque circonscription, sans équivoque ni confusion son programme et sa doctrine. Le parti radical et radical-socialiste entend ne pas faillir à ce devoir.
Ses hommes, vous les connaissez : c'est Camille Chautemps dont la République s'honore ; c'est Louis Proust, dont le courage audacieux égale le laborieux dévouement à la chose publique ; c'est Paul Bernier, qui a mis le sceau de son travail personnel sur l'une des plus belles oeuvres de la législature dernière ; c'est Maurice Fournier, type parfait du démocrate, d'une si haute probité morale et d'une si belle conscience ; c'est Jacques Lyon, appelé à jouer au Parlement, par sa technicité et son talent, un rôle de premier ordre. 
Notre parti peut donc affirmer en toute sincérité d'âme qu'il est fier de ses hommes et la solidarité même qui, au-dessus des limites des circonscriptions les réunit tous doit constituer, devant le suffrage universel, une raison de confiance et un gage de force. 
Les doctrines qu'ils défendent ! C'est celle de la Paix et de son organisation définitive ; c'est celle du Progrès social évoluant sans arrêt dans le cadre de la propriété individuelle et dans celui de la collaboration des classes ; c'est celle  de la Liberté d'action dans l'ordre républicain basé sur la souveraineté nationale ; c'est celle de la laïcité qui, du point de vue législatif a désormais trouvé son expression définitive ; c'est enfin celle de l'Égalité de tous les enfants de la Nation devant l'instruction et l'éducation. 
Et c'est pour assurer le triomphe d'une telle doctrine faite de bon sens, d'équilibre et de hardiesse que le parti radical et radical-socialiste se dresse contre le communisme et contre la réaction. 
Sans lui ou contre lui, l'oeuvre de redressement financier si heureusement poursuivie par le Gouvernement et à laquelle il a donné des preuves de son attachement,  resterait vaine. 
Sans lui ou contre lui, l'organisation de la paix est compromise. 
Sans lui ou contre lui, le progrès démocratique est à la merci de la dictature politique ou de celle aussi redoutable des puissances d'argent. 
Dans le plus large esprit de libéralisme et de tolérance, notre parti entend donner le rappel de toutes les énergies républicaines. 
Citoyens, vous l'entendrez et vous y répondrez en votant dans chaque circonscription pour Camille Chautemps, Louis Proust, Paul Bernier, Maurice Fournier, Jacques Lyon.
Vive la République laïque, démocratique et sociale. 
Pour le Comité exécutif de la Fédération. 
Le président : René Besnard, sénateur, ancien ministre, ancien ambassadeur de France, président ; Germain, président du Conseil général, maire de Saint-Michel-sur-Loire, président d'honneur ; Alphonse Chautemps, Docteur Foucher, sénateurs ; Oheix Maurice, secrétaire général. 
 

La Dépêche samedi 21 avril 1928 (ADIL p. 63)

Chronique locale 
1ère circonscription de Tours
Les réunions de M. M. Proust 
2e circonscription de Tours
M. Maurice Fournier à ses électeurs 
3e circonscription de Tours
Les réunions de M. Jacques Lyon

Aux agriculteurs républicains !...
Les agriculteurs républicains des cantons d'Amboise, de Bléré, de Châteaurenault et de Montbazon parmi lesquelles de nombreuses personnalités agricoles, adressent aux électeurs l'appel suivant :
Agriculteurs de toutes nuances, nous vous mettons en garde contre le péril et la duperie de la candidature exclusivement professionnelle de M. Mahoudeau.
Elle est nuisible à vos intérêts. Elle est contraire à vos convictions. Elle est fatale à l'avenir de vos institutions professionnelles. 
Un député professionnel n'adhérant à aucun parti sera impuissant à présenter, défendre, faire triompher vos revendications. 
Oui, les intérêts agricoles sont primordiaux. Mais des problèmes politiques, monétaire, financier, militaire, scolaire, etc., n'ont-ils pas sur vos intérêts les plus chers une répercussion directe ? Pourquoi à leur sujet, le silence obstiné du candidat agricole ? N'a-t-il pas d'opinions ? S'il en a, dans quel intérêt vous les dissimuler ? Pourquoi, surtout, maintient-il sa candidature au second tour ?
M. Mahoudeau a commis une usurpation en se disant le candidat des associations agricoles, aucune de celles-ci n'ayant été consultée avant le 7 avril. Sa candidature va jeter le trouble et la zizanie dans les groupements mutualistes et agricoles.
M. Mahoudeau prétend qu'il ne fera pas de politique. Nous redoutons, nous, qu'il fasse de la politique la plus réactionnaire. 
Tout son passé, toutes ses affinités, toutes ses relations le lient au parti de la régression. 
La démocratie rurale ne se prêtera pas à cette équivoque. Tous les candidats ont souscrit au programme agricole élaboré par la Chambre d'agriculture. Aux agriculteurs de veiller maintenant à sa réalisation. 
Voter pour M. Mahoudeau, c'est voter pour la réaction. Vous déjouerez la manœuvre. Vous saurez concilier vos intérêts et vos sentiments républicains. 

Circonscription de Loches
Une grande réunion de M. Paul Bernier à la Haye-Descartes...

Confédération tourangelle des anciens combattants et victimes de la guerre...

Clôture du scrutin
Il est rappelé aux électeurs que le scrutin auquel il sera procédé le dimanche 22 avril et s'il y a lieu à un second tour de scrutin le dimanche 29 du même mois, pour nomination des députés,  sera clos à 18 heures (heure d'été, c'est-à-dire nouvelle heure).

1928

La Dépêche dimanche 22 avril 1928 (ADIL p. 65)

Aux urnes. etc...

La Dépêche dimanche 22 avril 1928 (ADIL p. 66)
Chronique locale
La déroute de M. Vavasseur à Loches
Devant plus de 800 électeurs républicains. enthousiastes, M. Paul Bernier exécute le maire de Vouvray. 
Double démenti (signé René BESNARD)

1ère circonscription de Tours 
Les réunions de M. Louis Proust.

2e circonscription de Tours 
Réponse au "Réveil" de M. Ferdinand Morin.

3e circonscription de Tours. 
M. Mahoudeau candidat réactionnaire.
L'équivoque de la candidature de M. Mahoudeau se dissipe. Soutenu par le "Journal de l'Ouest ", ancien "Journal d'Indre-et-Loire", M. Mahoudeau s'avère franchement comme le candidat des réactionnaires et des cléricaux. Que nos paysans qui ne peuvent avoir cessé d'avoir des opinions politiques parce qu'ils sont agriculteurs ne s'y trompent pas. Leur bin sens et leur loyalisme républicain ont d'ailleurs déjà vigoureusement réagi ; ils ont compris quel était le piège habile qui leur était tendu dans cette circonscription foncièrement républicaine où la réaction est obligée de se couvrir du masque démagogique. 
Ils sentent aussi le tort immense et peut-être irréparable que la candidature Mahoudeau va faire à tous nos groupements, à toutes nos associations agricoles qui tirèrent leur force de l'éloignement de la politique. 
Des hommes comme Germain, Gauthier, Aron, Chauvigné, qui ont été de tout temps des défenseurs avisés, sincères, probes de tous les intérêts agricoles ne s'y sont pas trompés et ils ont affirmé publiquement leur désapprobation du geste réactionnaire et démagogique de M. Mahoudeau. 
L'homme qui donne son blé à manger à ses poules et qui prêche la grève des ensemencement, aura sans doute des voix réactionnaires dont auraient pu bénéficier ce parfait gentleman qu'est M. Caron ; il n'aura pas une voix républicaine. 

Le parti agraire de M. Mahoudeau. 
M. Mahoudeau a tenu à Châteaurenault une réunion au cours de laquelle il tenta d'exposer son programme. Son programme, à vrai dire, est simple. Il consiste à dire : - si vous l'élisez, citoyens, demain vous vendrez votre blé et votre vin plus cher et vous paierez meilleur marché tout ce dont vous avez besoin. 
À vrai dire, les "paisans" qui l'écoutent ne sont pas si naïfs. Ils savent que tour se tient et que M. Mahoudeau, à lui tout seul, ne résoudra pas si facilement les problèmes économiques. 
Quant aux électeurs des villes, ils sourient ou bien ils posent à M. Mahoudeau des questions embarrassantes. Et ce fut le cas à Châteaurenault. 
- Si vous êtes élus, citoyen Mahoudeau, où siègerez-vous ?
- Ah ! je ne sais pas encore, je vais y réfléchir. 
- Êtes-vous pour ou contre la stabilisation ?
- Bien, moi, vous savez, je ne suis qu'un "paisan", je ne peux pas vous dire.
- Mais enfin, à quel parti vous inscrivez-vous ?
- Ah ! ça, je ne sais pas. S'il y a d'autres députés "paisans", nous formerons un parti agraire, sans ça, je le formerai à moi tout seul !
Comme on voit  M. Mahoudeau ne manque pas de toupet. 
Mais, n'est-ce pas, plutôt de l'inconscience ?

Pas d'équivoque. 
Neuf fois sur dix, les candidatures tardives sont destinées à jeter le trouble dans l'esprit des électeurs pour atteindre un but soigneusement caché. 
Surgie à l'extrême limite du temps nécessaire pour la campagne électorale, la candidature Mahoudeau ne fait pas exception à la règle. Elle a jeté le trouble dans les esprits, personne ne saurait le contester sérieusement ; quant à son véritable but, il faut le chercher dans la réalité des faits, plutôt que dans les intentions exprimées. 
En effet, le programme agricole de M. Mahoudeau ne se distingue pas essentiellement de celui de la plupart de ses concurrents ; il est même moins précis, moins approfondi et moins hardi que celui de M. Jacques Lyon.
Quant à la qualité de cultivateur de M. Mahoudeau, elle n'est pas non plus une originalité dans la troisième circonscription. 
Il faut donc chercher ailleurs le véritable objet de cette candidature. Et d'abord, pourquoi M. Mahoudeau a-t-il voulu bénéficier d'un effet de surprise ? Avait-il donc intérêt à ne pas laisser aux électeurs le temps de s'informer et de réfléchir ?
Il faut remarquer qu'à défaut de la moindre nouveauté dans son programme agricole, M. Mahoudeau nous apporte une étrange originalité : l'absence totale de programme politique. Lisez attentivement sa circulaire, vous n'y trouverez même pas le mot République. Il est probablement le seul des 3 735 candidats de la France entière qui n'ait pas dit un mot de notre régime politique et qui n'ait même pas écrit son nom.
Que pense M. Mahoudeau des moyens de maintenir l'équilibre budgétaire tout en diminuant les charges de l'agriculture ? Et des moyens de réprimer la fraude fiscale ? Et de la défense des lois laïques ? Et de l'arbitrage international pour éviter la guerre ? Et de l'école unique assurant aux enfants du peuple les mêmes moyens de s'élever qu'aux enfants de la bourgeoisie ?
Tout cela, c'est de la politique, et si M. Mahoudeau a une opinion là-dessus, il préfère ne pas la faire connaître. 
Toutes ces questions sont discutées dans les journaux, dans les réunions, dans les conversations, et sur chacune les électeurs de la troisième circonscription ont leur opinion, les cultivateurs comme les autres. 
M. Mahoudeau le sait bien, aussi leur demande-t-il dans sa circulaire de "faire abstention de leurs idées".
Autant demander la suppression du suffrage universel. 
M. Mahoudeau est un candidat
réactionnaire. 

À CHINON 
Une réunion de M. Dien se termine par le triomphe de M. Chautemps. 

LES ÉLECTIONS 
C'est au MAJESTIC, installé dans un confortable fauteuil, et charmé par un spectacle attrayant que chacun voudra venir entendre et connaître les résultats des élections, qui seront projetés sur l'écran, au fur et à mesure de leur transmission à l'Établissement par Téléphone et T.S.F.


 

1928

ADIL 3M519
Élections législatives des dimanches 22 et 29 avril 1928
Récépissé définitif de déclaration de candidature aux élections législatives à faire parvenir à M. MAHOUDEAU Georges demeurant à Saint-Nicolas-des-Motets
MAHOUDEAU Georges, domicilié à Saint-Nicolas-des-Motets
Cultivateur, candidat agricole
Candidat dans la 3ème circonscription de Tours le 11 avril 1928
Préfet : G. REMYON
Lettre manuscrite 
Saint-Nicolas-des-Motets le 9 avril 1928
M. le Préfet
J’ai l’honneur de vous informer qu’en conformité de la décision pris par l’Assemblée des Présidents d’A. A. [Associations Agricoles] du département, je suis candidat aux élections législatives du 22 avril sous la désignation :
Georges MAHOUDEAU
Cultivateur à Saint-Nicolas-des-Motets
Candidat des Associations Agricoles d’Indre-et-Loire
Et au titre de Troisième Circonscription de Tours
Veuillez agréer Monsieur le Préfet, l’assurance de ma considération la plus distinguée.
M. Mahoudeau
Visé par maire.

Tract imprimé.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
Scrutin de Ballottage du 29 avril 1928
ÉLECTEURS,
Malgré la campagne odieuse menée par la Dépêche sur la candidature agricole, près de 3 000 électeurs ont répondu à notre appel : je les en remercie.
On a voulu à tout prix étouffer la voie des cultivateurs : on n’y réussira pas.
On n’y réussira pas, parce qu’l n’est pas admissible qu’un département comme l’Indre-et-Loire, essentiellement agricole et viticole, n’ait pas un représentant qualifié pour défendre les intérêts et le travail de tous les cultivateurs, de leurs femmes et de leurs enfants qui les secondent dans la mesure que tout le monde admire.
On n’y réussira pas, parce qu’il est indispensable d’assurer la prospérité de l’agriculture qui conditionne la prospérité du commerce, le développement de l’industrie et le bien-être de la classe ouvrière.
La personnalité du candidat disparaît devant l’effort collectif et nous lutterons dimanche avec la même énergie pour attendre le but.
Pour ce scrutin de ballottage votre candidat reste fidèle à la ligne de conduite que vous lui avez tracée c’est-à-dire aucune collusion avec un parti politique. Pas de désistement. Rien à accepter ; rien à offrir.
Vous connaissez mon programme publié et exposé dans mes réunions. Il se résume ainsi :

Prospérité des différentes catégories ;
Redressement financier ;
Paix à l’intérieur dans la légalité ;
Paix à l’extérieur avec la sécurité assurée avec un minimum de durée du service militaire ;
Réduction des périodes de réserve et appel en dehors des grands travaux ;
Le régime républicain au-dessus de tout et l’intérêt général du pays avant les intérêts particuliers ;

C’est sur ce programme que tous les partisans de l’ordre se grouperont en votant pour le candidat agricole.
G. MAHOUDEAU,
Candidat agricole. 

MAHOUDEAU Georges
Cultivateur
Président de la Chambre d’agriculture
Ancien maire de la commune de Saint-Nicolas-des-Motets

Touraine républicaine 24 avril 1928
3e circonscription de Tours
Résultats du 1er tour :
Inscrits : 16 927
Votants : 14 607
CARON, républicain gauche : 2 952
Jacque LYON, radical socialiste : 1 419
MAHOUDEAU, candidat agricole : 2 953
BRIGAULT, socialiste : 1 941
FAURE, républicain socialiste : 3 810
MARTEAU, communiste : 1 242
GUAY, socialiste communiste : 18


3e circonscription de Tours
Candidats au 2ème tour, 29 avril 1928
FAURE Émile, républicain socialiste
MAHOUDDAU, candidat agraire
CARON, républicain U.R.D.
BRIGAULT, député sortant, socialiste S.F.I.O.
MARTEAU, communiste

Résultats 2ème tour
Inscrits : 16 917
Votants : 14 423
Suffrages exprimés : 14 267

Résultats 2e tour
Émile FAURE, 7 278 voix, ELU
MAHOUDEAU, 4 916 voix
BRIGAULT, 1576 voix
MARTEAU, 467 voix
CARON, 29
GUAY, 1
DIVERS ET NULS : 160


Avis sur l’issue du 2e scrutin : Je suis obligé de comprendre M. Caron parmi les candidats du 2e tour du fait qu’aucune déclaration n’est venue jusqu’à ce jour confirmer son désistement dont le bruit a couru avec instance. M. Caron se maintenant, l’élection de M. Faure serait à prévoir d’une manière à peu près certaine. Dans le cas contraire, l’élection de M. Mahoudeau également possible.

Ballotage certain, sans qu’il soit possible de prévoir au bénéfice de qui il se produira. La candidature de M. Mahoudeau qui m’est donnée comme certaine, va modifier la physionomie du scrutin. Populaire dans les milieux agricoles et d’anciens combattants, M. Mahoudeau pourrait arriver en tête au 1er tour de scrutin, surtout si, comme le bruit a couru, le candidat modéré, M. Caron se retirait devant lui. 

Lettre dactylographiée 
Expédiée le 11 avril 1928, par le Préfet au Ministre de l’Intérieur
Confidentiel
[…] Troisième circonscription de Tours. – La candidature agricole de M. MAHOUDEAU, Président de la Chambre d’Agriculture, a été décidée le 7 du courant, au cours d’un réunion des représentants des associations agricoles du département « syndicats et mutuelle ». Elle modifie complètement la situation dans la troisième circonscription. M. MAHOUDEAU est un républicain indépendant qui refuse des se réclamer d’aucun parti, mais qui ne jouit pas de la confiance des républicains plus avancés. Il aura pour lui la majorité des propriétaires agriculteurs et beaucoup de ses camarades anciens combattants. Il enlèvera surtout des voix au candidat U.R.D., M. CARON, mais aussi à M. LYON, radical-socialiste, et à M. E. FAURE, républicain socialiste qui semblaient devoir être les plus favorisés. Bien que sa candidature soit tardive, je crois que M. MAHOUDEAU arrivera en tête le 22 avril, et au deuxième tour, le seul désistement de M. CARON pourrait suffire à assurer son élection.
Le Préfet.

Tours le 22 août 1927
Lettre du Préfet au Ministre de l’Intérieur
3ème circonscription de Tours (4 cantons : Amboise, Bléré, Château-Renault, Montbazon, 53 000 habitants)
La situation, dans la 3e circonscription, est actuellement des plus troubles. Etc…..
 

1928

Touraine Républicaine, mardi 24 avril 1928, (ADIL p. 123)

ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DU 22 AVRIL 1928 : premier tour.

Arrondissement de Tours

Première circonscription 

Inscrits : 16 662
Votants : 14 311
PROUST, radical-socialiste : 6 723
de la BOUILLERIE, anticart. : 3 183
MAFFRAY, socialiste : 3 295
TANGUY, communiste : 695

Deuxième circonscription 

Inscrits : 25 742
Votants : 22 376
SOULIER, Union Nationale : 5 557
FOURNIER, radical-socialiste : 4 357
MORIN, socialiste : 7 600
HÉNAULT, communiste : 4 314
BUSSEMAY, socialiste comm. 
MILLET, indépendant
RIEUX, indépendant 

Troisième circonscription 

Inscrits : 16 927
Votants : 14 607
CARON, républicain gauche : 2 952
Jacques LYON, radical socialiste : 1 419
MAHOUDEAU, candidat agricole : 2 959
BRIGAULT, socialiste : 1 941
FAURE, républicain socialiste : 3 810
MARTEAU, communiste : 1 242
GUAY, socialiste communiste : 18

Arrondissement de Chinon 

Inscrits : 22 260
Votants : 19 211
DIEN, radical-unioniste : 8 631
CHAUTEMPS, radical-socialiste : 7 337
CAILLAULT, socialiste : 1 832
CHAVEGRAND, communiste : 1 183
DIVERS 

Arrondissement de Loches 

Inscrits : 18 217
Votants : 15 900
VAVASSEUR, Union Nationale : 5 159
DERNIER, radical-socialiste : 6 689
DARDANTE, socialiste : 2 762
MADESCLAIR, communiste : 791
DIVERS


La Touraine Républicaine mardi 1er mai 1928 (ADIL p. 163)
Scrutin de Ballottage du 29 avril 1928

Première circonscription 

Inscrits : 11 628
Votants : 9 902
PROUST : 8 722 élu 
de la BOUILLERIE : 3 549
TANGUY : 502

Deuxième circonscription 

Inscrits : 25 742
Votants : 21 712
MORIN : 12 198 élu 
SOULIER : 6 653
HÉNAULT : 2 556
BASSEREAU : 32

Troisième circonscription 

Inscrits : 16 917
Votants : 14 423
FAURE : 7 278 élu 
MAHOUDEAU : 4 916
BRIGAULT : 1 576
MARTEAU : 467

Arrondissement de Chinon 

Inscrits : 22 260
Votants : 19 149
DIEN : 9 376 élu 
C. CHAUTEMPS député sortant : 9 287
CHAVEGRAND : 329
CHEVALIER : 187

Arrondissement de Loches 

Inscrits : 18 226
Votants : 15 474
BERNIER : 9 615 élu 
VAVASSEUR : 5 028
MADESCLAIR : 491 
 

 

1928

La Terre Tourangelle 3 mai 1928, (ADIL p. 250)

Aux électeurs de la 3e Circonscription de Tours 
REMERCIEMENTS 

Près de 5 000 voix se sont groupées sur la candidature agricole au scrutin de ballottage. Merci à tous ceux qui l'ont soutenue. 
Malgré toutes les manœuvres, l'Idée à fait son chemin. Elle ne s'arrêtera pas. Tous ceux à qui elle été présentée comme portant atteinte à leurs intérêts, commerçants, industriels et ouvriers des villes, verront par la suite qu'elle se confond nécessairement avec leurs légitimes aspirations. Quoi qu'on en ait dit, la République n'est pas en danger parce que l'Agriculture veut faire entendre sa voix dans la discussion des grands intérêts du pays, au contraire. 
Merci une fois de plus à tous ceux qui se sont inspirés de cette vérité dans leur vote de dimanche dernier. 
Vive d'Agriculture et Vive la République. 
Georges MAHOUDEAU 
Cultivateur à Saint-Nicolas-des-Motets, 
Candidat agricole 
 

1928

La Terre Tourangelle, 10 mai 1928 (ADIL p. 252)

La souscription électorale
Une somme importante est parvenue, déjà à couvrir les frais de la candidature agricole. De nombreuses souscriptions sont sur le point de nous parvenir, ou en cours ; nous savons que peu à peu les agriculteurs qui n'ont pas contribué à cette tentative d'émancipation et de redressement enverront, si modeste soit-il,  leur appui matériel au Comité électoral, 4, rue de Bordeaux. Toutes les sommes, si minimes qu'elles soient, seront le bienvenues. 
L'effort entrepris n'a pas été couronné du succès mérité et espéré ; nous savons qu'il n'a pas été inutile. Les cadres politiciens - tous - ont senti une lame de fond ; ils ont compris. 
La leçon servira. Elle dépasse toutes les contingences de la cuisine électorale ; elle a plané au dessus des intrigues si peu reluisantes et des combinaisons peu loyales. Elle a affirmé au moins l'existence d'une volonté paysanne et la possibilité de mobiliser une masse électorale redoutable. Coup de sonde et avertissement. Besogne utile. 
Tous les sympathisants, tous eux qui ont la foi paysanne chevillée au cœur, tous ceux qui aiment la lutte, l'effort, enverront - au moins à titre de principe et d'encouragement - leur modeste obole au Comité électoral avant le 10 juin, date à laquelle sera close la souscription. 
Concevoir, oser, entreprendre, faire les sacrifices nécessaires, tels sont les conditions du progrès d'organisation et d'émancipation. 
D'avance merci à tous.
Le COMITÉ ÉLECTORAL. 

Candidatures Agricoles
Le mouvement agricole déclenché en Indre-et-Loire n'a pas été isolé. Dans un nombre considérable de départements, pour la première fois, des candidatures agricoles ont surgi, avec des chances diverses et des succès jaloux. Peu importe ; l'affirmation nette et hardie d'une volonté terrienne s'est manifestée. L'idée fera son chemin et mûrira. Elle aura l'avantage incontestable de faire réfléchir les équipes habituelles et les obligera à jeter un coup d'oeil plus soucieux et à prêter une oreille plus attentive à l'économie agricole. 
Nomblot [Alfred Nomblot, 1868-1948, ingénieur horticole, membre de l'Académie d'Agriculture, président de la Chambre d'agriculture de la Seine, élu député de la Seine], Brière [Henri Émile Brière, 1873-1957, député d'Oran de 1928 ans 1936, viticulteur,). Présidents de Chambres d'Agriculture sont élus (30 dit-on) ont triomphé un peu partout. 
Division ose-t-on dire ? Il n'y aura tentative de division que du côté des gens intéressés à diviser pour régner. Il fut un temps où la force agricole était tolérée pour être canalisée. Maintenant qu'elle veut s'émanciper, on parle de l'émietter. Cela ne sera pas.
L'insuccès du 29 avril ne nous emplit ni de honte ni de dépit. Nous sommes beaux joueurs et acceptions les responsabilités que nous avons prises. Sachant ce que nous savons, nous recommencerions. La loyauté a été notre ligne de conduite. Elle valait mieux qu'un succès de mauvais aloi. 
Et nous terminerons en citant ces lignes du grand hebdomadaire algérien La Voix des Colons :
"Le succès n'a pas souri à ces candidats (agricoles algériens), mais ils se retirent avec les honneurs de la guerre et les suffrages qu'ils ont réuni ont leur éloquence. L'heure n'est pas venue des représentations professionnelles, elle approche cependant. Nous ne l'attendons pas l'arme au pied car le mouvement ne se prouve qu'en marchant. Entre les mains des nouveaux élus du suffrage universel librement exprimé l'agriculture remet donc son sort."
Dans quatre années nous saurons reconnaître ceux qui auront travaillé pour nous. L'ingratitude n'est pas notre vice. 
Nous suivrons les votes. Nous les publierons ici. Cette tribune sera une force. Indépendance et bonne foi seront notre ligne de conduite. 
Droit notre chemin. 
- Mais les obstacles, les traquenards, les embûches, les rancunes ?
- Si nous tombons en route qu'importe. Nous crierons : Au tour d'un autre. Faites passer.
J. le R.

Après les élections 
La bataille électorale est terminée, électeur et élus sont rentrés dans leur rang, et les uns et les autres ont un devoir impérieux : travailler avec ordre et méthode au relèvement de la France victime du grand cataclysme de 1914 à 1918.
L'Agriculture a-t-elle la place qui lui appartient au Parlement ; c'est là un des points d'interrogation que doivent se poser tous ceux qui sont soucieux de l'avenir de notre pays.
La production agricole baisse d'année en année par suite de la désorganisation provenant des lois néfastes à son évolution ; les intempéries viennent encore augmenter cette triste situation qui s'est rarement vue de mémoire d'homme. 
Si je parle de la prospérité que doit avoir l'agriculture, c'est que je constate que sans elle aucun gouvernement ne pourra faire face aux lourdes charges du pays. Le commerce, l'industrie et tous les ouvriers n'auront plus les achats et les ventes provenant normalement de l'agriculture et ce sera le commencement d'une anémie générale de notre pays. 
C'est donc non seulement un besoin, mais une chose indispensable de favoriser la production de notre agriculture, principale source de la richesse de la France ; aussi ne peut on faire un plus bel appel que de dire aux électeurs et aux élus : travaillez de toutes vos forces maintenant à faire produire à notre pays les richesses nécessaires à assurer son existence. 
Il faut pour cela que l'élaboration de nos lois et la retouche de celles actuellement en vigueur soient étudiées et refondues par des hommes ayant la pratique du travail et l'amour de leur pays, ne voyant qu'un seul idéal : la prospérité du peuple français et la force financière et morale de la France. 
J. TAFONNEAU à Druye. 
 

1928

Lettre dactylographiée
Lieu et Date : Tours le 21 septembre 1928
De M. le Préfet d’Indre-et-Loire [G. Remyon] à M. le Ministre de l’Agriculture (Cabinet du Ministre)
Confidentiel et Urgent

VOIR DETAILS DANS L'ARTICLE SUR Jean-Baptiste MARTIN

  • l'implication (en sous-main) de Jean-Baptiste MARTIN, Directeur des Services Agricoles et Secrétaire de la Chambre d'Agriculture dans la candidature de Georges MAHOUDEAU à la députation
  • l'inquiétude du Préfet et des autres candidats face à la députation

1928

Journal d'agriculture pratique 2e.trimeste 1928, p. 6

Chambres d'agriculture 
Le Bulletin d'information de la Confédération nationale des Associations Agricoles [C. N. A. A.] a récemment publié la note suivante.
Nous croyons devoir fournir ici, à titre de renseignements et sans y ajouter aucun commentaire, les informations que nous avons pu nous procurer sur la participation des membres des Chambres d'Agriculture à la bataille électorale. 
On se souvient qu'après la constitution des Chambres d'Agriculture nous avions constaté que parmi les présidents on comptait 1 député, 8 sénateurs, 2 anciens députés, 2 anciens sénateurs et 21 conseillers généraux ; il y avait en outre 13 députés parmi les membres des Chambres d'Agriculture. 

À l'occasion du renouvellement partiel du Sénat, en 1927, 2 présidents et 1 membre des Chambres d'Agriculture ont été élus sénateurs.

Se sont présentés aux élections à la Chambre des Députés environ 64 membres ou présidents des Chambres d'Agriculture. 

Nous devons cependant insister sur le fait que ce chiffre est indiqué sous toutes réserves. Des similitudes de noms auraient pu en effet provoquer quelques erreurs de pointage ; nous nous sommes efforcés de les éviter de telle façon que le total que nous donnons est peut-être quelque peu inférieur à la réalité. 

Parmi ces 64 candidats, 12 sont des présidents des Chambres d'Agriculture (dont un député sortant, et un ancien député) et 52 des membres des Chambres d'Agriculture (13 députés sortants,  2 anciens députés et 1 ancien sénateur).
La proportion des élus est exactement de 33 pour cent, 5 ont été élus au premier tour et 16 au second.
Il est arrivé que dans la même circonscription deux membres d'une Chambre d'Agriculture se sont présentés l'un contre l'autre. 
Un candidat, à la suite de son échec, a donné sa démission de Président. 

Les Chambres d'Agriculture sont représentées actuellement au Parlement par 11 sénateurs et 21 députés. 
Cette statistique est, en effet, intéressante. Il ne faudrait sans doute pas en conclure que la dangereuse politique infecte déjà les Chambres d'Agriculture. 
 

1928


La Terre Tourangelle, 11 octobre 1928

Communiqué Agricole de Radio-Paisan [paysan en vieux tourangeau]
Allo... Allo... Ici poste de Saint-Nicolas [Saint-Nicolas-des-Motets] des émissions radiophoniques de Radio-Paisan. Mesdames et Messieurs, vous allez entendre le communiqué agricole. 

Situation agricole. - La situation agricole est excellente. La sécheresse persistante ayant empêché la mise en état des terrains destinés à la culture du blé, il est possible que dans beaucoup de régions les emblavements soient réduits dans une très forte proportion. Le cultivateurs qui comptent, et il y en a quelques-uns supputent déjà les bénéfices que va leur procurer cette circonstance inespérée.
Étant donné que l'hectare de blé a coûté cette année une moyenne de 2 300 francs comme total des frais de toutes sortes ; que la récolte moyenne de 12 quintaux vendus 148 francs a procuré 1 800 francs en chiffres ronds ; que conséquemment les cultivateurs n'ont pas perdu plus de 500 francs par hectare, il saute aux yeux que la diminution des emblavures va réduire considérablement leur déficit. Comme au temps du père Joffre, le temps travaille pour eux.
Devant ce fait nouveau, il est plus difficile que jamais d'indiquer aux cultivateurs la ligne de conduite qu'ils doivent adopter : un exemple récent montre d'ailleurs qu'il faut au moins être Sous-Préfet pour se permettre de donner des directives aux paisans. 
Nous croyons cependant que les cultivateurs doivent apporter tous leurs soins aux semailles. Comme l'a si bien dit M. Chéron, lorsqu'il était ministre de l'Agriculture : il faut s'aimer pour récolter. 

Exode rural. - L'exode rural continue malgré les appels de tous, de tous ceux qui, bien entendu, ne travaillent pas la terre, mais en vivent. Un simple exemple suffira aujourd'hui pour situer le raisonnement de ceux qui cherchent ailleurs une position meilleure. 
Le problème se pose de la façon suivante : le jeune cultivateur à ressources limitées, le cas n'est pas très rare, et qui n'a d'autres perspectives, après avoir été un ouvrier agricole, que celle de devenir un petit métayer ou fermier, n'ignore pas qu'en abandonnant la culture pour devenir fonctionnaire, il touchera à 55 ans une retraite égale à la moitié de son traitement et que, fût-il simple facteur-receveur, cette retraite sera de 6 000 fr. Pour obtenir cette rente assurant le pain de ses vieux jours il lui aura fallu, au taux actuel du loyer de l'argent, économiser une somme de 100 000 francs. 
Peut-il y parvenir dans les conditions actuelles du travail de la tête ? Nous laissons aux intéressés le soin de répondre à la question. 

Cours Commerciaux. - La comparaison des cours commerciaux est des plus édifiante. On cote, parmi les produits nécessaires au cultivateur pour l'alimentation du bétail et des volailles :

Tourteaux d'arachide rufisque [Rufisque est une ville du Sénégal], extra blanc : 170 francs les 100 kilos départ Bordeaux ;
Riz Saïgon no 1 : 183 francs les 100 kilos départ Marseille ;
Provendes spéciales pour l'engraissement des porcs et des volailles, 250 francs les 100 kilos départ Rouen ;
On cote également : Blé de commerce 148 francs les 100 kilos départ grenier. 

Cours du blé. - Une information confidentielle nous permet d'informer nos auditeurs que le cours du blé est à la veille d'une reprise. On n'attend plus que la vente de quelques lots restant aux mains des petits cultivateurs besogneux pour annoncer une hausse dont il eût été scandaleux que ces manants profitassent. 

Les vendanges. - La récolte du vin donne lieu à des considérations des plus rassurantes. Nombre de vignerons vont faire jusqu'à deux pièces de vin à l'arpent ! On se demande ce qu'ils attendent pour être heureux, surtout que cette moyenne s'établit à ce chiffre depuis 2 ou 3 années. Encore une semblable et il ne leur restera plus que leur indépendance : c'est encore trop. Étant toutes les mesures prises en leur faveur, on conçoit mal leur mécontentement. Et la culture de la vigne est à ce point aléatoire que nous sommes peut-être à 2 ans d'une mévente ! Si le cas se produisait, combien regretteraient de ne pas avoir installé des vigneries coopératives, car le vigneron doit savoir qu'avant toute chose, il doit compter sur lui-même. 

Main-d'œuvre agricole. - La question de la main-d'oeuvre agricole est enfin résolue... par une circulaire en date du 6 juillet. Dorénavant les demandes seront servies avec une célérité toute bureaucratique. Un cultivateur nous informe qu'étant dépourvu de servante par un cas de force majeure, il s'est adressé à un office de placement en envoyant les fonds nécessaires au voyage et en demandant le service rapide T, car les catégories sont cataloguées comme un article de Grand Bazar ; elles sont même payables par mensualités comme aux Galeries Barbès.
Et le service T lui a permis de recevoir une servante exactement cinq semaines après la demande. Les vaches ont d'ailleurs attendu 5 semaines pour être "tirées". Elles ont donné tellement de lait que l' "Écho de Paris" et M. Léon Bailby ont immédiatement protesté contre toute hausse de ce produit. 

Heure légale. - Les choses sont remises en l'état et Josué en a fini d'arrêter le soleil. Les cultivateurs qui étaient toujours en retard d'une heure, comme les Autrichiens d'une bataille, vont enfin marcher d'accord avec tout le monde ; avec les meuniers qui achètent si volontiers le blé au poids spécifique ; avec la grande Presse d'information qui soutient si énergiquement leurs revendications ; avec tous leurs défenseurs qui, à cause de cette heure sans doute, se trouvaient trop souvent de l'autre côté de la barricade. 
On vient de mettre les cultivateurs à l'heure : nous essaierons de les mettre à la page.
Notre communiqué agricole est terminé : Mme Marthe Chenal va nous chanter la "Marseillaise".
Bonsoir Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs. 

Le Speaker
Georges MAHOUDEAU. 
 

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