Domaine agricole et château de RICHELIEU à Richelieu (Indre-et-Loire)
CHRONOLOGIE
En 1808 le cinquième Duc de RICHELIEU et ses sœurs, confrontés au coût d'une restauration, vendent leur domaine à Hippolyte COLLINEAU (armateur nantais, ancien propriétaire du domaine de Grillemont).
1808-1833
Propriétaire : Hippolyte COLLINEAU
Culture de la betterave à sucre, construction d'une sucrerie.
1833-1848
Propriétaire : Henri Hyacinthe LAURANCE (riche propriétaire du Richelais)
1848-1878
Propriétaire : Léopold HULIN (neveu de Henri Hyacinthe LAURANCE)
Usine de fabrication de poudre
1878-1930
Propriétaire : Michel HEINE (banquier parisien)
Culture de la vigne
Bulletin de la Société Les Amis du Vieux Chinon, Tome X, n° 7, Année 2003
p. 752-753
Extrait.
Plus surprenant est le silence des romanciers sur le domaine de Richelieu, "Le Parc" comme l'on dit, son agonie durant les trois quarts du 19e siècle et sa résurrection à partir de 1878.
L'histoire doit être rappelée dans ses grandes lignes. Durant la Révolution, le Domaine n'avait pas été dépecé ; le château n'avait souffert que de pillages réparables. Ses œuvres d'art les plus significatives avaient été sauvées par les pouvoirs publics, ce qui permet de les admirer au Louvre et dans les musées de Tours, Potiers, Orléans ou Versailles, voire au Musée de la Marine ou à Malmaison. En 1805, malgré certaines indemnisations au cinquième Duc et à ses sœurs, confrontés au coût d'une restauration, décidèrent de se défaire du Domaine qui leur avait été restitué.
Au cours des quelques soixante-dix années qui suivirent sa vente, la propriété fut découpée et redécoupée au gré des succession et transactions de toutes sortes ; elle ne fut bientôt qu'un puzzle hétéroclite de parcelles de toutes contenances aux destinées diversement triviales. Le château proprement dit et ses servitudes avait été acquis par un citoyen (Hippolyte COLLINEAU, armateur nantais) cherchant faire de l'argent de tout. Durant trente ans (1805-1835), lui et ses ayants droit, plus cupides encore, s'acharnèrent à la destruction systématique de ces monuments prestigieux pour en vendre les matériaux. En 1835, à l'exception miraculeuse du Dôme avec deux ou trois travées attenantes, du Portal d'honneur, aux Caves et de l'Orangerie, il ne restait plus pierre sur pierre d'une merveille qui n'avait duré qu'à peine deux siècles.
Dès cette époque, cependant, un riche propriétaire richelais, Conseiller général Henri Hyacinthe LAURANCE (1799-1861) méditait sans doute la reconstitution du Domaine. En 1833, il avait, en effet, racheté dans le Parc les terres et bâtiments de "la Sucrerie" (2), du nom d'une éphémère entreprise industrielle des années 1820. En 1852, il avait acquis le site et les vestiges du Château et, en 1860, 220 hectares de la forêt. Dans cette importante portion de l'ancien Parc, il fit construire, vers 1853, la grosse maison bourgeoise dite "Le Petit Château". A sa mort, il léguait l’ensemble et ses autres propriétés, en ville et aux environs, à son neveu, Pierre Paul dit Léopold HULIN (1812- 1896) (1). Homme instruit et entreprenant, HULIN fut maire de Richelieu de 1867 à 1875 et député à l'Assemblée nationale en 1871. Pour installer dans son domaine une usine de frittage de poudres métalliques, il s'était couvert de dettes. Il fit faillite en 1875 (moment où l'on perd complètement la race) sans que personne ait eu à se féliciter outre mesure de la réunion du Parc et de la Ville sous sa houlette magique.
En 1878, à a vente des actifs fonciers de HULIN, un grand banquier parisien, Michel HEINE (1819-1904), s'adjugea la majeure partie de ces biens, et en premier lieu, la totalité de ceux inclus dans le Parc. HEINE entreprit aussitôt, avec détermination, le patient rachat des autres parcelles encore aux mains de divers propriétaires. Sa reconstitution du Domaine lui permit d'en réaliser, dans le dessin général du Parc et dans le choix des essences, un aménagement paysager exemplaire. Toute la partie traitée dans l'esprit de l'Ecole française des jardins de la fin du 19e siècle appelle de ce fait, le plus scrupuleux respect.
La volonté de HEINE de redonner un nouveau lustre au Domaine du Cardinal-Duc avait d'excellentes raisons. En février 1875, il avait marié sa fille Alice à Richard Armand CHAPELLE, alors Marquis de JUMILHAC et, en puissance septième Duc de Richelieu. Effectivement, au décès du sixième Duc, son oncle, Richard ARMAND, relevait le titre ducal en février 1879. Il mourut malheureusement en juin 1880, à l'âge de 32 ans.
Richard ARMAND laissait à son beau-père, Michel HEINE, un petit fils, Jean ARMAND, né en décembre 1875. Cet enfant devenait, à 5 ans à peine, huitième Duc de Richelieu. Sa mère, Alice HEINE, veuve du septième Duc, se remaria en 1889 avec Albert 1er de Monaco, ajoutant à son titre de Duchesse de Richelieu celui de Princesse de Monaco. Son destin personnel est en marge de notre histoire qui doit s'attacher à celle de son fils. Le "Petit Dux", comme on disait lorsqu'il séjournait à Richelieu, vécut quelque temps adolescent à Monaco puis fit ses études supérieures de lettres à l'Université d'Aix. Il se maria tardivement aux Etats-Unis et vécut désormais les trois quarts de l'année à New-York.
Après avoir vu disparaître son grand-père et sa grand-mère en 1904 et 1915, sa mère, la princesse Alice, en 1925 et son oncle Georges HEINE en 1928, il se retrouva seul propriétaire du domaine dont Georges avait encore parfait la réunification en 1909. Jean ARMAND, n'ayant ni descendants ni neveux susceptibles de relever son titre, fit don en 1930 de son Domaine de Richelieu à une prestigieuse institution d'enseignement supérieur, l'Université de Paris. Il lui confiait, entre autres obligations, le maintien de la propriété en l'état et la garde du nom et du titre ducal de Richelieu. Décédé en 1952, Jean ARMAND, huitième et à jamais Duc de Richelieu, repose à bon droit, comme ses prédécesseurs, dans la crypte de l'église de la Sorbonne, aux côtés du Grand Cardinal qui la fit édifier.
1815
https://francearchives.fr/fr/agent/18951824
Inventaire après décès de Joseph Hippolyte Collineau, propriétaire, demeurant ordinairement à Richelieu (Indre-et-Loire), décédé à Paris, ru...
Cote : MC/ET/LXXXVI/991 - MC/ET/LXXXVI/1097, MC/RE/LXXXVI/18 - MC/RE/LXXXVI/20 - MC/RE/LXXXVI/18 Inventaire après décès de Joseph Hippolyte COLLINEAU, propriétaire, demeurant ordinairement à Richelieu (Indre-et-Loire), décédé à Paris, rue Montmartre, n° 134, hôte
Période : 1815 - 1815
Fonds : Minutes et répertoires du notaire Marie Joseph ROUSSE, 28 octobre 1813 - 28 juin 1845 (étude LXXXVI)
Personne : Collineau, Joseph Hippolyte
Lieu : Montmartre (rue) | Richelieu (Indre-et-Loire)
1887
Annales de la Société d'Agriculture Science Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire, Tome LXVIII, Tours, 1888
Rapport du Concours de viticulture organisé par la Société d'agriculture d'Indre-et-Loire en 1887
GRANDE CULTURE
p. 38-44
M. HEINE château de Richelieu, commune de Richelieu.
Nous n'avons plus Messieurs qu'à vous entretenir de vignoble créé par M. Heine, propriétaire de la magnifique terre de Richelieu. Elevé dans le Bordelais, dans ce pays que nos anciens auraient divinisé pour ses excellents vins, il devait avoir une influence particulière sur M. Heine. Voilà ce qui nous explique pourquoi il s'est attaché à créer un vignoble vraiment remarquable, ne se laissant décourager par rien, luttant sans cesse contre tous les ennemis de la vigne, avec un certain succès, ainsi que j'espère vous le démontrer ; ne se laissant pas abattre, résolu à tenter tout ce qui est possible pour sauver son vignoble et même à le reconstituer si malgré ses soins il venait à disparaître.
La vigne américaine a été étudiée, mise à l'essai dans la mesure du possible ; l'introduction du cépage américain nous est malheureusement interdite ; je dis malheureusement, regardant comme déplorable de ne pouvoir le cultiver et l'introduire librement dans un canton, je dois même dire dans un arrondissement qui est déclaré officiellement phylloxéré. C'est un grand retard et un véritable préjudice apporté à la richesse du pays, n'est-il pas suffisamment démontré que toutes les mesures prises jusqu'à ce jour ont été inefficaces pour combattre le terrible fléau ?
De 1877 à 1887, M. Heine a planté 154 ha de vigne en folle blanche, en trois endroits différents : à la Garrellière, commune de Razine ; à Varennes, commune de Bralou, et enfin Razier, commune de Pouant. M. Heine sut rencontrer pour cette création un régisseur d'une activité et d'une intelligence hors ligne, M. Maingon. Il sut conduire de front les travaux vraiment remarquables qui ont été entrepris sur cette terre : vicinalité, aménagement des eaux, constructions, terrassements de toutes sorte ; il a été paysagiste en coopérant au tracé du parc ; ayant su profiter des leçons reçues à l'école d'un maître comme M. Bülher, ses travaux sont autant d'œuvres menées à bien qui lui font honneur. M. Maingon du reste avait ses preuves chez M. Mame aux Touches, et chez M. le comte de Villarmois à Montgauger, mais comme viticulteur il s'est surpassé à Richelieu dans la création du vignoble de M. Heine.
Le sol est calcaire, argilo-calcaire ; argilo-siliceux, les rangs sont espacés de 2,50 m et les ceps sont à 1,20 m, 1,10 m et 1,30 m suivant la nature du sol.
C'est à la suite d'une récolte de céréales que la plantation est faite de la façon suivante : les tranchées de 35 sur 40 cm sont ouvertes avant et pendant l'hiver à 2,50 m de distance, de façon que la terres s'ameublisse et que l'aération du sol soit parfaite. L'azote de l'air se combine avec le sol et alors du 15 mars au 15 avril, suivant le temps, on procède à la plantation. Les tranchées occupent à l’hectare 3 840 mètres et par suite 3 200 ceps. Le prix des tranchées est de 4 à 7 centimes le mètre linéaire, suivant la difficulté su sol, mais le prix le plus généralement employé est de 5,25 francs les 100 mètres. La plantation et le remblai se payent à raison de 1,75 les 100 m, soit 7 francs pour 100 m linéaires.
D'où à l’hectare 3 840 m, à 7 francs le 100 m, 268,80 francs.
Quand la plantation est faire, on donne entre les rangs deux coups d'araire, ou plus ; si le terrain ou le temps l'exigent une façon de houe ou de chardonnière à lame étroite et quelque peu triangulaire soulève le billon précédemment formé. Plus tard une ou deux façons de binage à la chardonnière ou à l'extirpateur donnent un excellent état de culture à la vigne, dès la première année, sans augmentation sensible sur les façons qui seront plus loin déraillées.
Le vignoble étant créé, M. Heine, par une heureuse combinaison, a trouvé le moyen de n'avoir aucun attelage, aucun matériel, tout est marchandé et fait en temps opportun.
Sur chacun des trois vignobles il existe un chef vigneron ; il est logé et payé 1 000 francs par an. Il est chargé de la surveillance, de l'entretien exclusif de 3 ha de vigne, des haies et des routes qui traversent et entourent chaque vignoble.
Le travail est divisé en deux parties, une faite à la main et l'autre avec des chevaux, conduits par de simples laboureurs, ou par des hommes tout à la fois laboureurs et vignerons.
Première partie. - C'est le rang des ceps qui est compté pour un quart de la surface, c'est-à-dire que le vigneron taille, déchaume, donne trois façons et bêche sur une largeur de 0,60 m, il est payé à raison de 139 francs l'hectare, ou 11 francs les 7,92 centiares, et garde pour lui le bois de taille
Deuxième partie. - C'est celle qui est faite exclusivement par des chevaux, c'est-à-dire que les trois quarts de la surface, ou 1,90 ha reçoit un premier labour l'hiver, ou de printemps, ensuite un hersage. Un deuxième labour pour rechausser les ceps, et, enfin une façon de chardonnière ou d'extirpateur, suivant que l'ordre en est donné par le régisseur. Toutes ces façons sont données en temps opportun, et s'il arrivait qu'une de ces façons ne fût pas faite en temps utile, le travail est exécuté par un autre et on retranche le prix à celui qui en était chargé.
M. Heine, pour s'éviter toute surveillance du matériel, a confié à chacun de ses vignerons une charrue, qui a son numéro d'ordre. Chaque ouvrier doit l’entretenir ses frais, et, s'il vient à quitter la maison, il doit la rendre dans l'état où il l'a reçue. Trois ou quatre herses ou extirpateurs cependant, suivant l'importance du vignoble, sont mis à la disposition du laboureur.
Il résulte de ce qui précède que M. Heine n'a pas de domestiques, pas de chevaux, et pas ou peu d'entretien d'outillage.
Les prix des façons se répartit de la manière suivante à l'hectare.
2 labourages à 32 francs .... 64,00
1 binage à l'extirpateur 15,00
1 à la chardonnière... 12,50 que nous portons l'un dans l'autre à 15,00 fr
Le hersage avec obligation de passer deux fois dans le rang... 7,00
Au total .... 86,00 francs
Par suite de la division des façons, les trois quarts étant faits par des chevaux et l'autre quart à la main, il s'ensuit que 4 hectares reviennent à 397 francs...ci 397,00
ou 3 hectares à 86,00 francs
1 hectare à 139 franc ...139,00
Ensemble... 398,00
Donc pour toutes façons à l'hectare .... 99,25
et pour le cas où dans les années pluvieuses il faut une façon supplémentaire, M. Heine porte son prix de revient à l'hectares à 105 francs, ci....105,00
Toutefois la façon supplémentaire n'est payée que tout autant que le régisseur M. Maingon la fait exécuter.
La vendange est faite à la journée, le transport lui-même est marchandé des lieux de production au vendangeoir, à raison de 0,25 francs ou 0,45 francs l'hectolitre de vin, logé dans les demi-muids de la cave, le prix de 0,45 francs est pour une distance de 6 km sur route il est vrai ; le prix de la vendange revient à 2 francs l'hectolitre mise en fûts.
Le vignoble qui, au début était de 18 ha, qu'on a laissé subsister à cause de la qualité exceptionnelle du produit, s'est augmenté de 39 ha de 1879 à 1881, et en 1882 on plantait encore 45 ha ; mais à cette époque le phylloxéra commença à se montrer sans les nouvelles vignes, ce qui ralentit la plantation qui ne fut que de 12 ha en 1883. Le terrible insecte continuant ses ravages, on suspendit toute plantation en 1884. Les résultats obtenus en 1883 et 1884 par le sulfure de carbone engagèrent M. Heine à planter 22 autres hectares, et, enfin en 1886, 15 autres hectares.
Le traitement au sulfure de carbone exécuté à la main au pal injecteur, revient à 157,50 francs, décomposés comme suit :
Sulfure 200 kg à 40 francs .... 80,00
18 journées d'hommes au pal à 3,75 francs .... 67,50
Transport, manutention, entretien de l'outillage ... 10,00
Au total .... 157,00
Depuis on se sert dans le vignoble de M. Heine du salvator vitis de M. Octave Audebert de Bordeaux. Ce petit instrument qui s'adapte à toutes les charrues répand le sulfure au fur et à mesure du labourage : par suite une grande économie de main-d’œuvre puisque le traitement ne revient plus qu'à 110 francs de l'hectare, ci.... 110,00
Voici, Messieurs, quelle est l'appréciation de M. Maingon sur le traitement par le sulfure, que nous avons trouvé très judicieuse.
"Ceux qui ont de bonnes vignes ont tort de ne pas les traiter ; on prolonge leur existence pendant plusieurs années ; il y a à la Garrelière des vignes vivant depuis 5 ans avec le phylloxéra." Il a été donné à votre Commission de voir en particulier une vigne de 2 ha en cépage dit le breton [cabernet] d'une végétation remarquable, admirablement tenue, et surtout chargée d'une belle récolte, on a dit qu'elle était très phylloxérée ; le fait lui a paru tellement problématique, qu'elle a voulu s'en rendre compte ; à l'aide d'une bêche nous avons pris des racines qui étaient couvertes d'insectes et qui plus est la terre elle-même en fourmillait ; elle a été obligée de se rendre à l'évidence. Le sol, il est vrai, est de première qualité, il est siliceux, argileux.
"Quant aux terrains de qualité secondaire, on prolonge l'existence de la vigne pendant trois ou quatre ans."
M. Heine voulant être fixé sur la valeur du procédé Maiche très vanté cette année, a fait traiter plusieurs rangs de vigne à côté d'autres traités au sulfure de carbone, nous n'avons pu à présent distinguer quelle pouvait en être la différence ; pour se prononcer définitivement, nous croyons qu'il faut attendre le nouveau départ de végétation, c'est-à-dire le printemps 1888. Quant à nous, nous pouvons toutefois craindre que son emploi ne puisse se généraliser, le prix de revient étant trop élevé...
Nous n'avons plus de salut à attendre que de la vigne américaine greffée ; quant à celle à production directe, elle est encore de création trop récente pour être bien fixé. Mais pour la vigne américaine il faut un bon sol, 30 à 40 cm de terre végétale. Nous avons vu un demi-hectare greffé sur des semis de diverses sortes, sortis des pépinières faites au château, et deux hectares plantés en 1887 en divers endroits des vignobles que nous avons visités, et cela au milieu des ceps phylloxérés, toutes ces vignes semblaient bien se comporter. C'est donc de ce côté que nous devons tourner nos regards, c'est triste à dire, mais c'est peut-être notre spes unica.
Laissez-moi vous dire Messieurs, avec quel intérêt nous devons suivre le vignoble de M. Heine, car ses expériences, ses essais en 1888 nous rendront à tous service, des greffages bien plus grands s'effectueront, des hommes habiles s'y sont formés et, si l'introduction des cépages américains était autorisée, ce que nous souhaitons de tous nos vœux, nous verrions bientôt de former sur cette terre de Richelieu un vaste et beau vignoble. M. Heine veut de la vigne, source de tant de richesses pour notre pauvre agriculture si éprouvée, et si Dieu nous prête vie j'aime à croire qu'il nous récompensera de nos généreux efforts.
Le jour où nous prenions congé de M. Heine, il envoyait M. Maingon son régisseur visiter les vignobles américains créés dans la Charente et dans le midi ; espérons donc qu'il aura rapporté de son voyage une ample provision de salutaires enseignements dont nous profiterons.
En présence de l'étendue du vignoble, de la tenue générale de la terre de Richelieu, pour ce qu'il nous a été donné de voir pendant le court espace de temps, une journée entière cependant bien remplie, nous avons voulu nous mettre à l'abri de toute influence fâcheuse, trop à l'avantage de M.Heine, surtout connaissant sa haute situation financière, nous avons demandé à voir la comptabilité, ce qui nous a été montré avec empressement. Comme elle était un peu longue, quoique très claire, j'ai été chargé par votre Commission de l'examiner en détail. Nous avons été étonnés, Messieurs, de sa régularité, nous avons constaté surtout que tout ce que nous avions vu avait été fait relativement à eu de frais, étant donné la grande étendue de vignes plantées. On nous a montré le compte de chaque vigneron, nous avons reconnu que tout y était très pratique, et surtout que les prix à l'hectare étaient inférieurs à ceux qu'on donne dans la contrée.
Voici Messieurs, pourquoi nous sommes entrés dans beaucoup de détails, et cependant nous n'avons pas cru devoir vous entretenir, dans ce rapport déjà beaucoup trop long, du prix des terres lors de la prise de possession, de leur valeur actuelle, des coûts de la vendange pour les années 1883 à 1885, du rendement en hl et du prix de vente de la récoltes de chacune des dites années, du prix exact de revient de chaque année de plantation ; dans ces prix se trouve compris l'intérêt composé, le matériel et les frais d'installation vinaire, le tout calculé à l'hectare, et enfin à quel taux d'intérêt se trouve le capital engagé, en y comprenant les frais de traitement au sulfure de carbone et au procédé Maiche.
Le prix des engrais depuis 1885 seulement s'élève à 25 000 kg achetés au syndicat central des agriculteurs de France. Ils n'ont été employés que pour compenser le traitement épuisant au sulfure de carbone. Notons en passant, que sans le phylloxéra on ne devait pas avoir recours aux engrais.
A le Gasselière, on sut mettre à profit la déclivité du terrain, pour diminuer la main d'œuvre. Dans la partie supérieure il a été construit un vaste bâtiment dans lequel se trouve quatre vis en fer scellées dans le sol, deux sont du système Marchand, et deux autres du système Mabille. L'aire de ce vendangeoir est cimenté ; à l'avant de chaque vis se trouve une vaste citerne longitudinale, parfaitement étanche, d'une contenance de 50 à 60 hl. Elle reçoit le vin exprimé les dites vis, une canalisation en cuivre rouge étamé distribue dans les celliers le vin qui est entonné automatiquement dans les fûts vinaires. La contenance de la citerne permet d'obtenir des produits d'une régularité parfaite. L'accès avec vis se fait par quatre larges ouvertures, qui permettent à des tombereaux étanches de s'y déverser.
A droite et à gauche en contre bas et en retour d'équerre se trouvent deux vastes celliers, meublés de trois rangs de un demi-muids, lesquels sont remplis comme nous venons de le dire, à l'aide d'un tuyau de caoutchouc qui se visse à des raccords placés de distance en distance, sur le parcours du tuyau métallique qui longe les celliers. A l'extrémité de chacun d'eux, une vaste porte cochère permet aux voitures d'entrer pour opérer facilement le chargement.
A Varenne, il existe une disposition analogue à celle précédemment décrite.
Il n'a pas été fait d'installation vinaire sur place, au vignoble de Razier, situé à 6 km de Richelieu. On a utilisé au château l'endroit dit des serres, auxquelles n’a adossé un vendangeoir comme celui de Gasselière ; de là le vin se rend dans trois magnifiques caves parallèles, bâties par le cardinal de Richelieu. Les demi-muids se remplissent de la même façon qu’à Gasselière.
En résumé belle installation vinaire dans chaque endroit, tout a été bien conçu, sagement aménagé, rien n'a donné au luxe, on ne peut rien en retrancher, et tout ce qui y serait ajouté ne pourrait être que superflu.
C'est sans conteste une installation que nous n'hésitons pas à donner en exemple à tous ceux qui ont une installation vinaire à établir sur un vignoble, quelle qu'en soit l'importance.
J'étais donc bien autorisé, messieurs, en commençant ce rapport, de vous signaler combien aurait été préjudiciable pour tous de ne pas faire connaître l'œuvre de M. Heine et celle de son intelligent régisseur. Merci donc à M. Heine d'avoir bien voulu mettre de côté sa modestie, nous mettant ainsi à même de tirer bon profit de ses expériences et de tout ce que nous avons vu.
Votre Commission, messieurs ; a été unanime pour déclarer M. Heine, lauréat de notre prime de viticulture ; en conséquence elle lui décerne sa plus haute récompense, qui consiste en un objet d'art de la valeur de 500 francs.
Elle déclare à M. Maingon, son régisseur, une mention exceptionnelle, avec félicitation du Jury.
1893
Annales de la Société d'agriculture d'Indre-et-Loire, Tome LXXIV, 1894
p. 19-28
Rapport sur le concours départemental viticole de viticulture en 1893
Par M. DUGUE,, vice-président
Messieurs,
Extrait :
Celle-ci ne s'est jamais exercée que plus de 300 ha en Indre-et-Loire. En ce moment elle ne concerne plus guère que 253 ha, traités exclusivement au sulfure de carbone, et plus particulièrement par les syndicats, les seuls ayant subsisté, d'Amboise et de Montbazon, que nous avons aidé à fonder il y a bien près d'une dizaine d'années, et par M. Heine, propriétaire de la terre de Richelieu, qui fut récemment premier lauréat de notre Société pour la viticulture.
Si les syndicats signalé plus haut ont subsisté et si M. Heine lui-même a maintenu l'application du sulfure depuis onze ans, à son important vignoble qui s'étendait au début sur 170 ha, c'est que les uns et les autres y ont trouvé avantage ; et il est regrettable que ces avantages n'aient pas été aperçus par un plus grand nombre de viticulteurs, car, en généralisant les traitements, l'assistance de l'Etat étant assurée à tous les Syndicats anti phylloxériques, nous aurions pu vraisemblablement enrayer dans une certaine mesure la marche du fléau et gagner du temps pour arriver à la reconstitution par les cépages américains. [...]
De son côté, M. Maingon, régisseur de la terre de Richelieu qui chaque année veut bien, nous tenir au courant de ses travaux, sachant qu'ils sont pour nous et notre Société d'un réel intérêt, constatait qu'il avait maintenu, en 1893, le traitement au sulfure sur 150 ha ; que les très bonnes terres se défendaient remarquablement, mais que sur les autres il fallait désormais y renoncer.
C'est ainsi que 40 ha vont être abandonnés par la défense en 1894, ce qui, avec les 8 ha sacrifiés antérieurement, porte à 48 ha par que s'est faite le phylloxéra durant onze ans dans un vignoble 170 ha.
Actuellement M. Maingon est armé pour les replantations américaines et il peut désormais couvrir honorablement sa retraite devant l'ennemi implacable dont les légions n'ont rien, quoi qu'on en dise, perdu de leur vigueur première.
On nous pardonnera d'avoir un peu allongé le récit, pourtant très succinct, de la défense du vieux vignoble français en Indre-et-Loire ; mais il a semblé à la Commission que ce devait être là comme une introduction à ce que nous allons décrire sur a viticulture nouvelle. Avant de montrer ce qu'on peut faire avec celle-ci, il nous a paru nécessaire d'établir le peu qu'on avait fait chez nous, sinon pour sauver, du moins pour prolonger l'ancienne, et de faire connaître les moyens employés et les résultats qu'on est susceptible d'obtenir, afin que ceux qui sont déjà aux prises avec l'ennemi ou qui le seront demain sachent à quoi ils s'engagent avec les insecticides et ce qui leur est permis d'en attendre. Toutefois la porte des découvertes n'est pas fermée et l'on peut croire qu'un jour ou l'autre, à une époque de progrès comme la nôtre, le phylloxéra sera vaincu.
Mais en attendant, la reconstitution du vignoble français avec le concours des vignes américaines paraît être l'œuvre de l'avenir, l'espérance qui tient au cœur des viticulteurs et de la majorité des vignerons.
Après l'épreuve de l'année dernière, renforcée singulièrement par les chaleurs prolongées et la sécheresse de 1893 qui ont amené une extension considérable du fléau, sa dispersion dans toutes les communes, avec un spectacle de mort et de tristesse dans un grand nombre de nos coteaux, il n'est plus possible d'hésiter, de marquer le pas en un mot, dans l'attente, bien douce sans doute, mais sans doute aussi irréalisable, que l'ennemi s'en ira comme il est venu.
C'est avec de semblables illusions qu'une nation, non seulement déchoit dans sa propre estime, mais encore arrive à se laisser supplanter par les nations rivales. Nous n'en sommes pas là, heureusement, et si, pour des causes diverses, la reconstitution du vignoble n'a pas pris en certains départements, et notamment dans le nôtre, le développement nécessaire, on ne saurait nier que des efforts considérables ont été tentés dans ce but, que les initiatives se sont multipliées, enfin que des sommes ont été dépensées et le problème résolu pour environ 500 000 ha.
Voilà des résultats qui s'imposent aux méditations de ceux qui ne peuvent plus hésiter à s'engager dans le chemin si bien tracé par leurs devanciers. Honneur aux vaillants qui ne savent pas désespérer dans les jours d'épreuves et qui ont su distinguer dans le désastre viticole, au milieu de la grande broussaille des appétits, la véritable route à suivre. C'est à eux, aux pionniers de la première heure, que la France doit d'avoir maintenu sa viticulture, cette sœur aînée de l'agriculture, au premier rang des industries de notre pays, cette viticulture qui représente chez nous tant d'intérêts de l'ordre matériel et moral.
Nous sommes parmi les derniers venus, quant au nombre ; mais la cause de la viticulture américaine est assez bien défendue en Indre-et-Loire, somme toute, pour que nous ayons l'espoir de voir s'engager résolument désormais dans le sentier singulièrement éclairé aujourd'hui des cépages du Nouveau Monde.
L'Hérault a actuellement reconstitué 180 000 ha et il s'en trouve bien ; nous n'en sommes qu'à 1 300, tandis que l'ennemi a attaqué ou détruit le quart de notre territoire viticole. Notre devoir est donc tout tracé, et les résultats déjà constatés nous permettent d'affirmer que nos viticulteurs n'y failliront pas.
D'aucuns cependant, que la lumière des résultats n'éclaire point ou mal, prétendent que la voie est insuffisamment dessinée ; ils passent leur temps en gens auxquels il coûte peu à tout critiquer et à démolir sans rien mettre à la place, s'attardant à la recherche d'un cépage qui répondra à tous les désidératas de la viticulture et sera pour eux comme une façon de pierre philosophale. Laissons ces puristes à leurs méditations et demandons aux faits acquis tout ce qu'ils peuvent nous donner de bon dans l'attente du mieux.
Parlerons-nous de la querelle des porte-greffes et des producteurs directs, bien que celle-ci ait perdu déjà et perde de jour en jour le peu d'intérêt qui lui reste, par la retraite précipitée des partisans de la reconstitution sans le concours du greffage ? Il le faut bien, car il a semblé à la Commission qu'elle devait donner son avis dans une question qui a été remarquablement éclairée par les faits enregistrés durant ces dernières années, ne fût-ce que pour mettre ces faits plus complètement en relief et lever tous les doutes, en cette matière, des derniers viticulteurs hésitants.
Que l'on ait, au début de l'introduction des vignes américaines en France, cherché à s'affranchir de la pratique du greffage pour reconstituer le vignoble détruit par le phylloxéra, cela est tout naturel ; car il y avait là un supplément de travail, une pratique nouvelle à laquelle il fallait initier les vignerons, et enfin on n'était point absolument fix sur le sort que le greffage réserverait aux vignes appelées à le subir.
L'utilisation des hybrides américains susceptibles de nous donner du vin en les cultivant francs de pied, et que l'on désigne sous le nom général de "producteurs directs", était tout indiquée, et on se mit à les cultiver. Mais bientôt une double question se pose : ces hybrides, quels vins donneront-ils et résisteront-ils au phylloxéra.
La lumière a été lente à se faire ; mais enfin elle est faite, surabondamment faite. Les hybrides, qu'on peut désigner sous le nom d'anciens producteurs directs", par rapport aux hybridations plus récentes tentées par des viticulteurs français, donnent de mauvais vins et ne résistent pas ou mal au phylloxéra. Aussi la plupart des viticulteurs qui les avaient plantés les ont-ils arrachés aujourd'hui pour l'une et souvent l'autre de ces causes.
Deux de ces cépages cependant avaient pu conserver leur réputation relative, basée surtout que la constance et l'abondance de leur production : ce sont l'Othello et le Noah en blanc.
La Commission ne nie pas que, sous ce rapport, ces croisements américains aient quelques avantages, surtout l'Othello ; mais pour produire il faut vivre, et l'Othello pas plus que le Noah et tous les autres producteurs plus ou moins défunts, ne tient devant le puceron/ Jusqu'en 1891 inclus, on espérait, dans le monde de leurs partisans, pouvoir les conserver pour répondre aux premiers besoins et qu'ils résisteraient assez longtemps pour indemnise ceux qui consentiraient à la planter. Eh bien, aujourd'hui il faut en rabattre énormément de ces espérances : après ce que nous venons de voir durant ces deux dernières années de chaleur et de sécheresse prolongée, l'Othello et le Noah sont dévorés par la phylloxéra, presque aussi rapidement que nos vignes françaises et il convient désormais de se rendre à l'évidence et d'abandonner totalement leur culture, à moins que ceux qui sont partisans de leurs vins selon nous peu intéressants ne consentent d'abord à les faire vivre par le greffage, en leur prêtant la résistance des porte-greffes américains ; c'est la seule ressource restant aux défenseurs quand même et bien disséminés de ces cépages qui succombent partout en Indre-et-Loire aux piqûres du redoutable puceron.
Les hybrides producteurs, qu'on a cherché à produire en France depuis un certain nombre d'années, ne semblent pas avoir donné de grands résultats jusqu'ici : si quelques-uns produisent, il est vrai, une quantité passable de raisins, la qualité des vins qui en résultent les rend néanmoins pour le moment insuffisants. Quant à leur résistance, on n'est pas encore bien fixés ; mais il est permis de craindre que, dans ces mariages, la non-résistance de l'européen ne l'emporte sur le conjoint américain, comme l'a dans bien des cas emportés sur la nature sauvage et presque stérile de ce dernier, l'aptitude à produire du fruit de la vigne indigène. Il convient donc d'attendre ou, plutôt de n'agir ici qu'avec prudence en s'en tenant aux essais.
Les porte-greffes américains peuvent être issus d'espèces sauvages pures résistantes comme Riparia, ou bien de l'hybridation entre deux types purs également résistants, comme le Riparia x Rupestris ou inversement, enfin du croisement entre des types purs et résistants avec des hybrides américains plus ou moins résistants comme le Clinton par exemple, ou des mêmes types purs et résistants américains avec des vignes d'Europe.
La Commission pense qu'il convient de prendre de préférence les porte-greffes afin de pouvoir compter tout d'abord sur leur résistance au phylloxéra, soit parmi les espèces sauvages pures et résistantes, telles que le Riparia, le Rupestris, le Berlandieri, en s'attachant aux formes les plus vigoureuses, à grandes feuilles et à gros bois, soit parmi les produits obtenus de leurs hybridations réciproques de façon à ce que la résistance des sujets ne soit point affaiblie, ou le moins possible. En ce qui concerne les hybrides nouveaux obtenus par MM. Couderc, de Grasset, Millardet et Ganzin avec la fécondation des variétés françaises par les types sauvages américains, ou inversement, il convient d'en poursuivre l'étude avec l'espérance de la voir aboutir, mais sans qu'il soit possible dès à présent de pronostiquer sûrement à leur sujet. Plusieurs de ces nouveaux cépages sont des plus intéressants et vont probablement constituer pour la viticulture de précieuses recrues : mais, encore une fois, leur résistance au phylloxéra n'a pas paru se soutenir avec une telle uniformité pour qu'on les accueille aujourd’hui encore sans réserve.
Au surplus, il convient de reconnaître que la plupart de ces hybridations ont été faites surtout dans le but de poursuivre la recherche de cépages porte-greffes ou producteurs directs susceptible de résister à la chlorose dans les terrains calcaires et qu'on a, par contre, dans les expériences entreprises, trop oublié l'aptitude à la résistance au puceron. Ce serait là tout le secret de certains insuccès autour desquels on a fait beaucoup de bruit dernièrement ; insuccès qui était à prévoir, car il n'était pas excessif d'admettre qu'en certains cas, le défaut de non-résistance du cépage français dominant les qualités contraires de l'américain, on obtiendrait des sujets d'une résistance douteuse d'abord et insuffisante dans la suite.
Quoi qu'il en soit, saluons donc, Messieurs, les hommes d'initiative, les chercheurs que n'ont point rebutés les difficultés du problème à résoudre ; expérimentons leurs élèves en y apportant le soin consciencieux et la méthode qu'exigent de semblables expériences ; c'est notre intérêt particulier qui nous y convie et ensuite l'intérêt supérieur du pays tout entier.
Mais ces recherches ne doivent pas nous faire oublier le côté pratique immédiatement réalisable de la situation critique dans laquelle se place notre viticulture du fait des progrès récents et considérables de l'invasion phylloxérique en Indre-et-Loire. L'enquête sur les vignes américaines es aujourd'hui assez complète et assez prolongée pour qu'il soit possible de faire quelque chose sans courir le hasard de perdre son temps et son argent.
Sans doute, l'étage crayeux est représenté chez nous par 61 000 ha, soit 1/10 de la superficie totale du département, et sur ces 61 000 ha environ 10 000, plus particulièrement concentrés dans les cantons de Sainte-Maure, de l'Ile-Bouchard et Richelieu, étaient, au début de l'invasion, consacrés à la culture de la vigne. Depuis, des surfaces importantes ont été contaminées, puis détruites dans ces trois cantons, certainement les plus maltraités par le puceron, et on ne peut pas nier que la reconstitution y sera particulièrement difficile et que jusqu'ici on ne semble pas avoir mis la main sur le porte-greffe qui permettra la replantation du vignoble en ces sortes de terrains, où la proportion de carbonate de chaux semble varier de 30 à 80 %.
Sans doute aussi les terrains d’origine lacustre sont représentés chez nous par 150 000 ha et l'on y trouve de nombreuses vignes en même temps que des terrains calcaires et argilo-calcaires, pour lesquels des difficultés aussi existent, quoique bien moins grandes que dans les craies. Mais ces deux groupes réunis ne forment que le 1/3 de la superficie du département, et partout ailleurs nous rencontrons des argiles et des sables sur lesquels, on peut le dire sans crainte de se tromper, le problème es résolu. Il y a donc les 2/3 restants, comme aussi dans les sables et argiles des terrains d'eau douce, possibilité de replanter là où la vigne a été détruite par le phylloxéra et d'utiliser pour cet usage des surfaces importantes jusqu'ici vierges de vignes. Nous avons là de quoi nous occuper et réparer nos blessures, et les porte-greffes américains sauvages et purs, aussi bien que les variétés obtenues de leurs hybridations respectives, nous en donnent le moyen. C'est donc aux types Riparia et Rupestris, plus particulièrement, puis aux Monticola, Cordifolia, qu'il faut s'adresser ici pour atteindre le but qu'on recherchera dans les calcaires crayeux surtout avec l'emploi du Berlandieri et de ses hybrides.
Ces sentiments sont partagés, la Commission a acquis la preuve, par ceux des viticulteurs d'Indre-et-Loire qui se placent au premier rang pour la reconstitution de leur vignoble. Les hommes d'initiative et de progrès qui ont bien voulu répondre à l'appel de la Société d'Agriculture, et dont nous avons visité les cultures, nous ont fait très vivement éprouver, quoique à des degrés divers, la bien douce satisfaction de le constater et, en outre, toucher du doigt, pour ainsi dire, les très importants et très encourageants résultats qu'ils ont déjà obtenus. C'est donc à la description de ce que nous avons vu, en même temps qu'à la proclamation des mérites de nos divers concurrents, que le rapporteur doit maintenant s'employer, s'excusant de vous avoir retenu si longtemps avec ce que je permettrai d'appeler l'introduction au récit de nos visites qui va suivre.
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Messieurs, à côté des mérites que la Commission vient de proclamer, il en est, croyez-le bien; beaucoup d'autres qui eussent pu se mettre très honorablement sur les rangs dans le Concours viticole ouvert par la Société d'agriculture.
Excès de modestie pour quelques-uns sans doute, et pour d'autre un ajournement dû exclusivement à des débuts que leurs auteurs considèrent comme trop récents dans la voie de la viticulture nouvelle. C'est vous dire que nos lauréats ne sont pas un état-major sans troupes, et qu'il y a derrière eux une petite armée de braves gens qui vivent par la vigne du travail de la terre et dont les effectifs s'augmentent chaque jour du nombre de ceux qui n'hésitent pas lorsqu'ils ont pour forcer leur conviction les faits et le résultats acquis.
Le mouvement est donné, les incertitudes pour n'être pas complètement vaincues ont disparu pour un grand nombre de points de l'important problème à résoudre. C'est là l'œuvre de vingt années, représentant beaucoup de labeurs et combien tour à tour d'espérances et de désillusions.
Enfin, nous allons toucher le but, les intéressés l'ont compris, et il est juste que dans cette séance solennelle les laborieux qui vont tout à l'heure monter sur cette estrade reçoivent de notre Compagnie, en dehors du témoignage qui consacre leurs travaux, l'expression publique qu'il ont eux aussi et à l'instar des cités qui, comme la ville de Tours, ne sont point désintéressés de la reconstitution du vignoble, créateur de richesses par excellence, travaillé non seulement par eux, mais aussi par la prospérité et la grandeur de la Patrie.
Le Rapporteur de la Commission,
A. DUGUE