Coopératives agricoles
Coopératives agricoles 2019
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Les coopératives agricoles « vont devoir radicalement changer de logique »
Dans une interview aux « Echos », Dominique Chargé, le président de Coop de France, explique pourquoi l'avenir des coopératives agricoles se pose en termes d'« acceptabilité du métier ». Les entreprises ont des difficultés à recruter. Le manque d'investissement dans les exploitations expose la France à une perte d'autonomie alimentaire. Les coopératives se voient en chef d'orchestre de la relance d'une agriculture dans laquelle les exploitants ne seront plus que des prestataires.
Conso & Distribution
Dominique Chargé, le président de Coop de France, déplore les problèmes de recrutement dans l'agriculture.
ROMI/REA
Par
Marie-Josée Cougard
Publié le 17 déc. 2019 à 12h33
Mis à jour le 17 déc. 2019 à 14h10
Jamais l'agriculture française et les agriculteurs n'ont été aussi violemment mis en cause. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Le climat est devenu difficile. Les positions se sont radicalisées. On voit bien que les pratiques agricoles sont mal connues, mal comprises et qu'elles doivent être expliquées. Les progrès qui ont été réalisés aussi. Le débat sur les pesticides et les engrais, qui ont longtemps assuré aux coopératives une bonne partie du chiffre d'affaires, nous l'avons ouvert il y a dix ans. Aujourd'hui, les gains tirés de la vente de produits chimiques ont beaucoup diminué.
La question du glyphosate a mis le feu aux poudres de part et d'autre semble-t-il… Comment en sortir ?
Des choses sont possibles. Il faut nous laisser du temps et nous protéger. Cette année, dans ma coopérative, nous nous sommes fixé pour objectif de faire toute la campagne de maïs sans glyphosate . On y est parvenu parce que le climat l'a permis. Il ne doit pas y avoir de doute sur la réalité de la prise de conscience des coopératives et du travail lancé sur le sujet. Il en va de l'acceptabilité de notre métier et de l'apaisement des esprits. Les agriculteurs doivent pouvoir travailler dans un minimum de sérénité. Des progrès ont été faits aussi en matière de bien-être animal. La densité des élevages a été réduite et l'œuf en plein air se développe. Nous travaillons sur de nouveaux systèmes fourragers pour nous adapter à la sécheresse.
Les coopératives doivent donc trouver un nouveau modèle économique ?
Tout le travail que nous avons engagé doit faire émerger un nouveau modèle dans un environnement européen très concurrentiel où on n'applique pas les mêmes règles à tous les pays. Les agriculteurs comprennent d'autant moins les nouvelles contraintes qu'elles ne concernent pas les pays voisins. Cela vaut pour les tailles d'élevage, les coûts sociaux, les taxes à la production 7 fois plus élevées… Les contraintes nationales ont joué en défaveur de l'agriculture française, qui a laissé le champ libre à la concurrence sur l'entrée de gamme. On doit absolument se donner les moyens de produire une qualité moyenne aussi. Il serait aberrant que ce pays finisse par ne plus couvrir que 30 % de ses besoins. On a survendu le haut de gamme en France.
La loi sur l'alimentation n'a-t-elle pas redonné des marges de manœuvre aux agriculteurs ?
C'était très présomptueux de penser que cette seule loi allait rénover la relation avec la distribution et résoudre la question du revenu agricole. Les réponses sont ailleurs. Dans le pacte productif que le président de la République, Emmanuel Macron, a demandé à Bercy en avril. Dans la réforme de la Politique agricole commune aussi. La PAC doit cesser d'être source de distorsions de concurrence sous prétexte de subsidiarité. Elle doit accompagner la transition agroécologique et aider au renouvellement des générations. Les jeunes ne sont pas forcément tournés vers les métiers de production. Ils ont de nouvelles attentes. Il faut être en mesure d'y répondre. Nous sommes dans une économie totalement dérégulée, qui génère beaucoup plus de risques qu'avant. Il faut bien mieux assurer la protection des jeunes pendant les sept premières années.
Quels sont les enjeux ?
La France a régressé de la deuxième place à la sixième place en matière d'exportation. Si on ne fait rien, la balance commerciale agroalimentaire sera négative en 2023. Hors les vins et spiritueux et les produits laitiers, on est déjà limite. Il y a 20.000 emplois non couverts dans l'agroalimentaire. Il manque beaucoup de techniciens de maintenance et de conducteurs de lignes dans des usines ultra-robotisées. Nous avons aussi du mal à trouver de la main-d’œuvre dans les exploitations. On paie la dégradation de l'image.
Comment voyez-vous l'avenir ?
Les coopératives sont toujours les mieux placées pour assurer le développement agricole. Mais elles vont devoir radicalement changer de logique et sortir de la recherche de productivité à tout prix pour capter les aides européennes. Le défi demain est de trouver la valeur sur les marchés. Demain, un agriculteur ne s'installera plus dans telle ou telle production, mais décidera avec la coopérative de son choix sur la base d'un contrat sécurisant. Parallèlement, il faut développer un nouveau modèle d'exploitation beaucoup plus intégré, financé par des investisseurs non agricoles, comme la ferme des 1.000 vaches. Il y aura des exploitations d'un troisième type, petites, qui regroupent jusqu'à 7 exploitants avec des productions très diverses commercialisées sur les marchés locaux. Ce redécoupage de l'exploitation historique est plébiscité par un certain nombre de jeunes.
Marie-Josée Cougard
Conso & Distribution