BOVINS en FRANCE

Publié le par histoire-agriculture-touraine

1849

Bulletin des séances de la Société nationale et centrale d'agriculture de France, Deuxième série, Tome quatrième, 1848-1849, Paris 1848.
p. 768-772.
Discours de M. YVART (Charles-Auguste YVART, 1798-1873) au concours de Poissy 5 avril 1849.
Messieurs,
La Société d'agriculture ne siégeait pas hier, à cause du concours de Poissy auquel assistaient plusieurs de ses membres. La Société désire sans doute connaître ce qui s'est passé à Poissy ; je lui demande la permission du lui faire part sommairement de mes impressions.
Nous avons toujours, dans les concours de bestiaux gras, des animaux croisés venant de taureaux de Durham et des animaux de pures races françaises. Cette année, les seconds étaient moins nombreux que cela n'a lieu ordinairement. Aucun d'eux n'a reçu de prix dans la classe des bœufs âgés de moins de quatre ans. Cette circonstance provenait-elle de ce que le concours avait été interrompu l'an dernier, ou de ce que les bestiaux de races françaises ne peuvent décidément s'engraisser aussi facilement que ceux qui sont croisés ? Ces deux causes peuvent avoir exercé leur action.
Dans tous les cas, le résultat est regrettable. Il me paraît excessivement avantageux que les animaux de races indigènes viennent en grand nombre au concours de Poissy ; car il serait fort utile d'améliorer ces races par elles-mêmes au point de vue de la boucherie, sans leur faire perdre les autres qualités et les caractères qui les font depuis longtemps connaître et rechercher dans le commerce.
Après cette réflexion, je dois déclarer que les bestiaux provenant de croisements anglais étaient remarquables par leur excellente conformation pour la boucherie et par l'embonpoint excessif que les éleveurs avaient pu leur donner. Beaucoup de personnes se plaignaient, comme toujours, de cet engraissement excessif ; mais elles ne remarquaient pas assez que, dans un concours comme celui de Poissy, les propriétaires n'ont pas d'autres moyens de faire juger l'aptitude à l'engraissement que peuvent avoir leurs animaux. Les exposants du concours de Poissy font ainsi de la viande à peine mangeable, parce qu'elle est trop grasse et très chère, parce que les dernières livres de graisse coûtent toujours beaucoup. C'est certainement un motif pour ne pas multiplier ces concours, mais ce n'est pas une raison pour les considérer comme étant sans utilité. Les bestiaux qui s'engraissent énormément prennent, en général, avec plus de facilité, conséquemment à moins de frais, le degré d'engraissement voulu dans la consommation ordinaire.
Sans la question du travail des bœufs, cette direction donnée à l'élevage prendrait un développement considérable en France. Mais, par suite de la nécessité de ce travail, on conçoit que l'élevage des animaux, dont le tissu adipeux est très développé, au détriment des systèmes osseux et musculaire, ne puisse convenir qu'à quelques localités ; à moins que les novateurs ne prouvent très clairement que leurs bestiaux croisés suffisent facilement aux charrois et aux labours.
En supposant qu'il n'en soit pas ainsi, ces bestiaux qui ne devraient pas travailler, seront toujours nécessaires pour former ce que j'appellerai l'appoint à la consommation. Quoique l'âge des bœufs ait diminué dans beaucoup de localités, l'accroissement de notre population nous force, dès à présent, d'ajouter à ces bœufs bon nombre de génisses grasses, ainsi que cela se voit dans les départements du Nord ; et bientôt sans doute, le nombre des jeunes bestiaux, mâles ou femelles, consacrés à l'engraissement prendra de l'accroissement. Ce doit être la conséquence infaillible de l'augmentation de la population et de celle de son bien-être, comme aussi les progrès de l'agriculture.
Le résultat du concours des moutons a été le même que celui des concours des bœufs.
Le nombre des moutons indigènes a diminué ; les moutons obtenus du croisement de béliers anglais dishleys et new kents étaient fort beaux. Le concours présentait des exemples de croisements anglais avec les grandes races de l'Artois et avec les petites races du Berry. Les formes des métis étaient les mêmes, mais la taille et le poids très différents.
On voyait aussi à Poissy les résultats des croisements pratiqués entre les races anglaises et mérines, dans le but d'avoir à la fois de bonnes toisons et des moutons très profitables dans l'engraissement.
La persévérance de plusieurs éleveurs les conduira, je l'espère, à un résultat avantageux dans beaucoup de localités fertiles, surtout si le prix des laines reste peu élevé, comme cela est malheureusement probable.
Un concours pour les animaux reproducteurs a eu lieu à Poissy en même temps que le concours pour les bestiaux gras. Toutes les qualités devaient être appréciées dans les reproducteurs : la force musculaire des bœufs, les facultés laitières des vaches, les dispositions à l'engraissement des uns et des autres. On a ainsi primé la race de Schwitz dont le système musculaire est très développé, les facultés laitières remarquables, mais le tissu adipeux intermusculaire peu considérable ; les races normandes, dont le beurre et la chair sont infiniment estimés ; la race flamande, qui donne beaucoup de lait, et paraît convenir particulièrement à la stabulation, pratiquée depuis des siècles en Flandre ; la race de Durham, qui donne excessivement de graisse et une notable quantité de lait, sans être de première qualité sous ce rapport ; enfin des races croisées.
Dans l'espèce du mouton, le jury a primé la sous-race dishley-mérinos (future Ile-de-France en 1920), parce qu'elle lui a paru d'un produit élevé soit le rapport de la viande et de la toison ; la race mérinos grandie par le régime le plus abondant ; une sous-race anglo-française faite dans le Berry par le mélange de plusieurs sangs (Yvart évoque probablement la Charmoise de Malingié) ; des mérinos à laine longue propre au peigne ; des béliers et brebis dont la laine a été allongée par l'alliance de deux types, le type de Rambouillet et celui de Mauchamps. Au moyen du mélange de ces deux sangs, on obtient une laine longue, très douce et très nerveuse. Lorsque se forma la race soyeuse de Mauchamps, tous les cultivateurs se récrièrent contre sa détestable conformation. Les bêtes mauchamps-mérinos, amenées au concours par un cultivateur des parties pauvres de la Champagne, prouvent que la race à laine soyeuse a beaucoup gagné sous le rapport de la conformation. Je me propose de faire connaître, dans un travail spécial, l'histoire de cette race, et l'emploi qu'on peut en faire actuellement.
Je viens d'expose les résultats des opérations du jury sans n critiquer une seule, quoique parfois j'aie fait partie de la minorité. Une observation générale me paraît cependant pouvoir être présentée. il est extrêmement important d'avoir égard, dans le choix de reproducteurs, à l'ancienneté et à l'origine des races, surtout lorsqu'elles ne sont pas pures. Je ne blâme pas les croisements, car je m'en suis beaucoup occupé ; mais je regrette qu'on ne tienne pas un compte suffisant du degré de fixité des sous-races. Elles présentent beaucoup d'inconvénients dans la reproduction lorsqu'elles ne sont pas fondées sur plusieurs générations dans lesquelles des animaux se ressemblant beaucoup ont été accouplés entre eux.
 

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