DAUBENTON Jean Marie Louis (1716-1799)

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Extrait :

Louis Jean-Marie D’Aubenton, dit Daubenton, né le 29 mai 1716 à Montbard et mort le 31 décembre 1799 à Paris, est un naturaliste et médecin français, premier directeur du Muséum national d'histoire naturelle.

"En 1778, il occupe la première chaire de médecine convertie, à sa sollicitation, en chaire d’histoire naturelle au Collège de France. En 1783, il est professeur d’économie rurale à l’école d'Alfort, et assure, en 1795, quelques leçons aux écoles normales. La même année, il est nommé membre résidant de la section d’anatomie et zoologie de l’Académie des sciences, où il est entré en 1744 comme adjoint botaniste, et à laquelle il fournit un grand nombre de mémoires. Il est par ailleurs l’un des contributeurs majeurs à l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772), pour laquelle il écrit plus de neuf cents articles sur l’histoire naturelle."


"Daubenton s’est également intéressé à l’élevage et notamment à l’amélioration de la production de laine. En 1779, il a lu, à l’Académie royale des sciences, un Mémoire sur les laines de France comparées aux laines étrangères. En 1782, il publie, une Instruction pour les bergers et les propriétaires de troupeaux. Cet ouvrage épuisé, n’ayant pas assez de ressources pour le faire réimprimer, il eut l’idée, en l’an II, d’en publier un extrait, en petit in-12, à moindre prix, dont il a fait hommage, en floréal, au Comité d’instruction publique (Collection de documents inédits sur l’histoire de France, année 1901, tome 68). Quelques années plus tôt, il a introduit en France une race de moutons espagnols : les mérinos, et publié plusieurs ouvrages sur la manière d’élever ces animaux. Ceci lui permettra de solliciter, comme « berger », un certificat de civisme, plus facile à obtenir que comme « directeur du Muséum national », pendant la Terreur."
 

Entre 1768 et 1797

Mémoires et publications diverses sur les moutons

Source : Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux ; avec d'autres ouvrages sur les moutons et sur les laines ; par DAUBENTON. Troisième édition, publiée par ordre du gouvernement ; avec des notes. A paris, de l'Imprimerie de la République. An X. (1802)


p. 245-264
EXTRAIT D'UN MÉMOIRE Sur la rumination et sur le tempérament des bêtes à laine.
Lu à la rentrée publique de l'Académie royale des sciences, le 13 avril 1768.


p. 265-282
EXTRAIT D'UN MÉMOIRE Sur des bêtes à laine parquées pendant tout l'année.
Lu à la rentrée publique de l'Académie royale des sciences, le 19 novembre 1769.


p. 283-298
EXTRAIT D'UN MÉMOIRE Sur l'amélioration des bêtes à laine.
Lu à la rentrée publique de l'Académie royale des sciences, le 9 avril 1777.


p. 299-316
MÉMOIRE sur les remèdes les plus nécessaires aux troupeaux.
Lu à l'Assemblée publique de la Société royale de médecine le 27 janvier 1778.


p. 318-335
MÉMOIRE sur le régime le plus nécessaire aux troupeaux.
Lu à l'Assemblée publique de la Société royale de médecine, le 31 août 1779.


p. 336-355
EXTRAIT D'UN MÉMOIRE sur les laines de France comparées aux laines étrangères.
Lu à la rentrée publique de l'Académie royale des sciences, le 13 novembre 1779.


p. 447-462
MÉMOIRE sur les remèdes purgatifs bons pour les bêtes à laine.
Lu à a Société royale de médecine, le 12 septembre 1780.


p. 356-365
MÉMOIRE sur le premier drap de laine superfine du cru de la France.
Lu à l'Académie royale des sciences le 21 avril 1784.


p. 366-371
ADDITION AU MÉMOIRE sur le premier drap de laine superfine du cru de la France.
Lu à l'Académie royale des sciences le 23 août 1784.


p. 372-382
OBSERVATIONS sur la comparaison de la nouvelle laine superfine de France, avec la plus belle laine d'Espagne, dans la fabrication du drap.
Lues à la rentrée publique de l'Académie royale des sciences, le 16 novembre 1785.


p. 383-394
ADDITION aux observations sur la comparaison de la nouvelle laine superfine de France, avec la plus belle laine d'Espagne, dans la fabrication du drap.
Lue à l'Académie royale des sciences le 29 mars 1786.


p. 396-410
INSTRUCTION sur le parcage des bêtes à laine.
Publié par ordre du Gouvernement en 1785.


p. 411-424
MÉMOIRE sur l'amélioration des troupeaux dans la Généralité de Paris et dans toutes les provinces de France.
Lu à la séance publique de la Société royale d'agriculture de Paris, le 30 mars 1786.


p. 425-434
EXTRAIT D'UN MÉMOIRE contenant le plan des expériences qui se font au Jardin des plantes sur les moutons et d'autres animaux domestiques.
Lu à la classe ses Sciences physiques et mathématiques de l'Institut national, le 21 Floréal an 4 (10 mai 1796).


p. 435-446
MÉMOIRE sur les moyens d'augmenter la production du blé sur le sol de la République française, par le parcage des moutons et par la suppression des jachères.
Lu à la classe ses Sciences physiques et mathématiques de l'Institut national, le 26 Nivôse an 5 (15 janvier 1797).
 

Entre 1782 et 1802

Publication d'un ouvrage de référence sur les moutons 

Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux

1782 : 1ère édition

1794 : 2ème édition

1802 : 3ème édition

1777

Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux ; avec d'autres ouvrages sur les moutons et sur les laines ; par DAUBENTON. Troisième édition, publiée par ordre du gouvernement ; avec des notes. A paris, de l'Imprimerie de la République. An X. (1802)
p. 283-298
EXTRAIT D'UN MÉMOIRE Sur l'amélioration des bêtes à laine.
Lu à la rentrée publique de l'Académie royale des sciences, le 9 avril 1777.


On sait que les bêtes à laine sont un objet d'utilité et de profit ; mais il faudrait connaître les détails du commerce, pour savoir combien il est important à la France d'améliorer ses laines : aussi le Gouvernement désire-t-il depuis longtemps d'en augmenter la quantité, et d'en perfectionner les qualités, pour fournir les manufactures du royaume, sans faire venir des laines étrangères. Colbert avait conçu un projet ; d'autres Ministres ont fait quelques tentatives pour en procurer l'exécution ; mais feu Trudaine et son fils, ont employé le seul moyen qu'il y eût d'assurer le succès de cette entreprise : c'était de rechercher, par une suite d'expériences bien conçues et exécutées avec soin, la disposition la plus favorable de la nature pour l'amélioration des laines. MM. Trudaine [père et fils] me firent part de ce dessein en 1766 [Bertin n'était plus contrôleur des finances depuis 1764], et me proposèrent de faire toutes les expériences que je croirais nécessaires pour trouver un bon moyen de perfectionner les laines. Je me sentis disposé à me charger de ce travail, par son importance, et par la confiance que j'avais depuis très longtemps en MM. Trudaine : j'y fus encouragé par les observations que j'avais faites pendant 20 ans [1746-1766] sur la conformation des animaux ; j'espérai que je ne serais pas au-dessous de mon entreprise, et j'en commençai l'exécution sur la fin de 1766.
Ma première réflexion fut que l'état de la laine dépendait de celui de la santé de l'animal, et que par conséquent je devais faire des expériences sur les différentes manières de loger les bêtes à laine, et de les nourrir au râtelier ; sur le traitement de leurs maladies, sur leurs diverses nourritures, sur tout ce qui peut contribuer à conserver leur santé.
Je me proposai en même temps d'allier ensemble des béliers et des brebis de différentes races, pour connaître les effets de ces mélanges sur les agneaux qui en viendraient. Il y a tant de ces races, qu'il ne serait pas possible de les nombrer, parce qu'une race ne diffère d'une autre que par les caractères qui sont presque insensibles, et que diverses causes les font varier en différents lieux et en différents temps dans le même lieu.
Si l'on n'avait en vue que de perfectionner des troupeaux dont la laine aurait déjà un certain degré de finesse, il est bien certain qu'il ne faudrait employer que les béliers et les brebis qui auraient la laine la plus fine que l'on pourrait trouver : pour améliorer ces troupeaux en les perpétuant ce serait sans doute le moyen le plus sûr et le plus prompt. Mais si je n'avais suivi que cette méthode, mes expériences auraient été incomplètes ; elles n'auraient pu servir que pour l'amélioration de troupeaux à laine fine : c'est la moindre partie de ceux qui sont en France*. M'étant proposé de travailler pour tous, même pour ceux qui ont plus de poil que de laine, je me déterminai à mêler par l'accouplement des races les plus différentes, par exemple, les races à laine fine avec les races à grosse laine et à gros poil. J'ai cru pouvoir espérer que je trouverais par ces mélanges les moyens d'améliorer toutes les laines de France, et d'en donner des preuves convaincantes : ces conjectures ont été confirmées par mes expériences.
Je les commençais en 1767, avec toute sorte de précautions pour leur donner de la certitude et de la précision [croisement planifiés et contrôlé ; mise au point objective de mesure du caractère de finesse]. Il fallait être assuré d'une sorte de légitimité dans le produit des accouplements que je ferais faire pour mes expériences : quoique l'on fût obligé d'employer plusieurs béliers dans les mélanges de différentes races, il était nécessaire de connaître le père de chaque agneau avec autant de certitude que la mère. Cet objet demandait beaucoup d'attention, surtout dans le temps de leurs amours et un soin continuel pour avoir de plusieurs races, trois génération (F1 BC1, BC2) dont la descendance fût certaine.
Je n'ai rien négligé de tout ce qui était nécessaire pour ces expériences : un troupeau nombreux y est employé ; les observations ont été faites sur les bêtes vivantes, à tout âge, en tous états, et même après leur mort, pour l'ouverture du corps pour rechercher les causes de leurs maladies. Enfin, ce troupeau est dévoué aux expériences depuis 10 ans (1767-1777) : on y a fait venir des moutons des races du Roussillon, de Flandre, d'Angleterre, de Maroc et du Thibet. MM. Trudaine ne m'ont rien laissé à désirer de tout ce qui pouvait m'être utile pour remplir mon objet.
Avant de faire connaître les différents degrés d'amélioration que le mélange des races a produits par rapport à la finesse de la laine, qui est le principal objet de mon Mémoire, il faut nécessairement indiquer différents degrés de finesse dans la laine et de grosseur dans le poil, qui ne se trouve que trop souvent mêlé avec la laine. On donne à ce poil le nom de jarre dans les manufactures : il est blanchâtre, dur et cassant ; une écorce lisse ne prend point de teinture. Il y a toujours quelques filaments de jarre dans les toisons les plus fines ; j'en ai vu dans les laines d'Espagne les mieux choisies : cependant ils sont rares, et ils ont si peu de longueur, qu'on les sépare aisément de la laine dans l'emploi que l'on en fait pour les manufactures. Mais il se trouve souvent tant de poil dans les grosses laines, qu'elles ne peuvent servir qu'aux ouvrages les plus grossiers.
Entre le jarre le plus gros et la laine la plus fine, il y a une infinité de grosseurs intermédiaires ; on a tâché de distinguer dans les manufactures, les principales différences de grosseur par les 7 dénominations suivantes :
           1° Laine superfine ou refin.
           2° Laine fine ou fin.
           3° Laine demi-fin ou mi-fin.
           4° Grosse laine ou gros.
           5° Poil fin ou jarre fin.
           6° Poil moyen ou jarre moyen.
           7° Gros poil ou gros jarre.
Ces dénominations ne sont fondées sur aucun principe certain ; elles ne dépendent que du coup d'œil ; leurs différentes significations ne suivent aucune règle sûre. Le commerçant et le manufacturier n'ont qu'une routine acquise par leur expérience, dans l'inspection et dans l'emploi des laines. Cette routine varie en différents lieux ; la laine qui passe pour fine dans un pays, serait regardée comme demi-fine dans un autre. La signification de ces noms est très vague : aussi j'ai trouvé beaucoup d'incertitude et de différences dans le jugement que plusieurs personnes avaient porté sur le degré de finesse de divers échantillons de laine.
En comparant deux flocons de laine fine, l'un avec l'autre, il est souvent très difficile et peut-être impossible de connaître à l'œil nu s'ils sont au même degré de finesse, ou s'il y a de la différence entre eux. Pour mettre dans mes observations tout l'exactitude dont elles sont susceptibles, j'ai pris le parti de me servir du microscope, et de mesure les diamètres des filaments de la laine par le micromètre ; c'est le seul moyen de déterminer les différents degrés de l'amélioration de la laine par rapport à la finesse.
J'ai entrepris de déterminer la grandeur des diamètres des filaments de laine, relativement à leurs dénominations, en formant une échelle graduée des grosseurs réelles des filaments, correspondantes à ces dénominations ; chaque terme sera désigné par la fraction des parties de la ligne [deux millimètres] du pied-de-roi, qui feront la mesure des filaments de chaque sorte de laine. Cette nomenclature générale un fois établie, à l'aide du microscope et conformément à l'état des différentes laines connues dans le commerce, j'y rapporterai, comme à une mesure commune, les nomenclatures particulières aux principales manufactures. Par ce moyen je réduirai les dénominations équivoques et fautives à leur juste valeur, et je ferai connaître les rapports de finesse que les laines du royaume ont entre elles et avec les laines étrangères qui sont dans le commerce. Je vais faire maintenant une courte exposition du résultat des expériences que j'ai faites pour trouver des moyens de rendre les laine plus fines et plus abondantes.
Mes expériences on produit deux effets : l'un a été de faire disparaître la jarre, et l'autre de rendre la laine plus fine.
En faisant accoupler des brebis à laine jarreuse avec des béliers à laine fine, j'ai vu disparaître le jarre presque en entier dès la première génération ou au plus tard à la seconde, et il n'en est resté qu'autant qu'il s'en trouve dans les laines que l'on ne doit regarder comme jarreuses. J'ai confirmé ce fait par plusieurs expériences : il est fort important, par rapport à l'amélioration des laines ; le jarre est leur plus grand défaut, puisqu'il en réduit l'emploi aux ouvrages les plus grossiers.
Lorsque j'ai fait accoupler des brebis à laine jarreuse avec des béliers à laine fine, non seulement le jarre a disparu sur les agneaux qui ont été produits par ce mélange, mais leur laine a pris un degré de finesse au-dessus de celle de leurs mères. Cette amélioration est très profitable, parce que les agneaux étant adultes, leur laine a le prix des demi-fines, tandis que celle de leur mère n'a que la valeur des grosses laines.
Des brebis à laine demi-fine, accouplées avec des béliers à laine fine, ont produit des agneaux dont la laine est devenue souvent presque aussi fine que celle du père, et quelquefois plus fine.
Une brebis, née d'un bélier du Roussillon à laine fine et d'une brebis jarreuse, a eu de ce mélange une laine demi-fine, où il était resté de petits poils de jarre. La même brebis ayant été accouplée avec un bélier du Roussillon à laine fine, a produit un agneau qui est à présent un bélier à laine superfine : cette grande amélioration m'a surpris, et a passé mes espérances.
Lorsque au contraire j'ai mêlé un bélier à grosse laine avec des brebis à laine fine, leurs agneaux [F1] ont eu la laine moins fine que celle de la mère et moins grosse que celle du père. J'ai fait cette épreuve dans d'autres vues que l'amélioration des laines, car un troupeau ne peut manquer de dégénérer, si l'on donne aux brebis des béliers de moindre qualité pour la finesse de la laine, pour le poids de la toison et pour la hauteur de la taille : cependant cet abus, si pernicieux pour les troupeaux, est très répandu ; au lieu de choisir le meilleur des agneaux pour faire un bélier, on garde souvent le plus chétif, parce qu'on n'espère pas en faire un beau mouton.
En choisissant un bélier de haute taille, j'ai relevé en peu de temps des brebis de taille médiocre : par exemple, une brebis de 20 pouces 2 lignes [55,4 cm] de hauteur, mesurée au garrot, ayant été accouplée avec un bélier de 28 pouces [77 cm], a produit un bélier 26 pouces 11 lignes [74 cm], qui avait presque atteint la hauteur de son père.
Lorsque j'ai donné à des brebis un bélier qui portait plus de laine qu'elles, j'ai vu qu'un grand nombre de leurs agneaux étant devenus adultes, avaient des toisons qui pesaient le double et quelquefois le triple de celles de leurs mères. Mais toutes ces améliorations ont sujettes à manquer par plusieurs circonstances, dont les principales dépendent de l'état de la santé du bélier, des brebis ou des agneaux : c'est une loi générale pour toutes les productions des animaux.
Je ne puis ici rapporter le détail des preuves de toutes les sortes d'améliorations que j'ai faites dans mes troupeaux par le choix des béliers : c'est le sujet d'un livre et non pas d'un Mémoire. Je ne me suis proposé dans celui-ci, que d'indiquer les moyens de rendre les laines plus fines, et de faire croître en France les plus belles laines, même dans nos provinces septentrionales.
La laine superfine de ma bergerie en est une preuve : elle a un degré de finesse supérieur à celui des béliers du Roussillon, dont elle a tiré son origine. Je l'ai comparée à la laine d'Espagne que l'on fait venir de l'Escurial, en grosses balles, pour la manufacture de Julienne et pour d'autres manufactures.
Quoique cette laine soit superfine ou refin, on fait un triage de la plus fine pour la trame du drap ; la moins fine est employée pour la chaîne : ma laine superfine a un degré de finesse au-dessous de la plus fine laine venue de l'Escurial, et au-dessus de la moins fine : je distingue ces deux degrés de finesse de la laine superfine d'Espagne, pour donner plus juste de celle de ma bergerie. M. Desmarets, de cette académie [aujourd'hui en 1802, membre de l'Institut national], inspecteur des manufactures de la Généralité de Champagne, et M. Holker, inspecteur général des manufactures de France, avaient jugé, en présence de MM. Trudaine, que la laine de ma bergerie était au moins très approchante du superfin, les épreuves du microscope et du triage de la laine de l'Escurial ont confirmé leur jugement.
J'ai constaté ces faits avec le plus  grand soin : je ne puis trop le répéter, j'ai consulté tous les meilleurs connaisseurs que j'ai pu trouver ; j'ai observé cent et cent fois ces laines de mes propres yeux, et à l'aide de loupes et du microscope, sans prévention pour celles de ma bergerie : au contraire je les ai examinés avec d'autant plus de rigueur, que je n'avais espéré d'en faire d'aussi belles, n'ayant eu ni béliers ni brebis dont la laine fût à ce degré de finesse [ceci montre peut-être l'hétérosis ou l'effet de la sélection d'allèles]. Cette belle production n'a pas été favorisée par le choix des fourrages : les métis mâles et femelles de ma bergerie, n'ont presque aucune autre nourriture au râtelier que des pailles de toutes sortes. Mes troupeaux vont au parcours sur un terrain montueux, sec et maigre, aux environs de Montbard en Bourgogne ; ils passent toute l'année en plein air sans aucun couvert, même dans les temps les plus rigoureux.
Parmi toutes ces circonstances, je ne puis discuter ici celles qui m'ont paru les plus favorables pour l'amélioration des laines : il me suffit d'avoir prouvé qu'elles se sont promptement améliorées par le moyen des béliers de qualité supérieure à celle des brebis. J'ajouterai seulement que la race des bêtes à laine du Roussillon, conservée et perpétuée sans mélange pendant dix ans, s'est aussi améliorée dans ma bergerie, par rapport à la finesse de la laine. On a estimé cette amélioration à un quart en sus ; mais pour en faire l'estimation, il a fallu garder, pendant plusieurs années, des laines de béliers et de brebis importés du Roussillon et morts à leur terme dans ma bergerie, et les comparer avec celles de leurs descendants. La laine perd de sa qualité avec le temps : d'ailleurs j'ai pour principe de ne jamais évaluer au plus fort le produit de mes expériences ; ainsi je me restreins à dire que la race des bêtes à laine du Roussillon s'est sensiblement améliorée dans ma bergerie.
Je dois conclure de tous ces résultats d'expériences, qu'avec un peu de soin et sans aucune dépense, on pourrait améliorer toutes les laines, en choisissant les meilleurs agneaux de chaque troupeau pour les perpétuer ; mais il faudrait beaucoup de temps, pour arriver, par ce moyen, à un certain point de perfection.
On peut abréger le temps en faisant une petite dépense pour tirer des béliers de lieux peu éloignés où ils seraient de qualité supérieure à celles des brebis du troupeau que l'on voudrait améliorer. Ce moyen suffirait lorsqu'on n'aurait en vue que de convertir des laines jarreuses en grosses laines ou en laines demi fines. 
Si on augmente la dépense, on pourra faire une amélioration meilleure et plus prompte, et parvenir à avoir des laines fines et superfines, en faisant venir de loin des béliers en état de produire de ces laines avec des brebis de qualité inférieure.
La laine superfine peut croître en France dans les cantons secs et maigres, puisque j'ai amélioré des laines dans ma bergerie, au point de les rendre superfines au second degré, sans avoir eu de béliers à laine superfine au premier degré ; je ne puis guère douter qu'avec ces béliers, je n'améliore des laines de France au premier degré de superfin. En assortissant la qualité des béliers à celle des troupeaux, des terrains et des pâturages, et aux besoins des manufactures, on aurait une suffisant quantité de laines pout toutes sortes d'ouvrages : le terrain de la France est aussi varié que l'industrie de la nation.


* Le nombre des bêtes à laine fine est beaucoup augmenté en France depuis l'époque de ce Mémoire, et on peut compter aujourd'hui en 1802, un million de bêtes à laine en amélioration, sur tous les points de la République. Les expériences de Daubenton sont la source de cette amélioration, dont les progrès ne peuvent être que très rapides (HUZARD). 
 

1786

Mémoires d'agriculture, d'économie rurale et domestique, publiés par la Société Royale d'Agriculture de Paris. Année 1786. Trimestre d'hiver.
p. 25-35
Mémoire sur l'amélioration des troupeaux dans la Généralité de Paris et dans les autres provinces de France, par M. DAUBENTON.
Lu à la séance publique du 30 mars 1786.


Il est rare qu'une amélioration rurale puisse se faire sans dépense ; mais il arrive toujours que le produit est plus ou moins grand, suivant les circonstances où l'on se trouve. L'amélioration que je propose depuis longtemps sur les troupeaux de bêtes à laine, est une épargne au-lieu d'une dépense dans toutes les Provinces de France, et son produit sera plus grand dans la Généralité de Paris que dans les autres, à cause du voisinage de la capitale du Royaume.
J'ai 17 ans (1769) d'expérience qui prouvent que des troupeaux tenus en plein air jour et nuit sans aucun abri, dans toutes les saisons de l'année, ont été plus forts et plus vigoureux que ceux qui étaient dans des étables. Cette expérience n'a pas été faite dans la partie méridionale de la France, mais au milieu du Royaume, près de de la ville de Montbard en Bourgogne, où mes troupeaux ont éprouvé le 20 janvier 1776 à 5 h 30 du matin 18° de froid au thermomètre de Réaumur, et 15 ° le 4 janvier dernier (1786), sans en avoir ressenti aucun mal réel ; au contraire, ils ont toujours eu une meilleure santé que ceux du voisinage de ma bergerie, qui étaient renfermés dans des étables. Cette différence dans la santé est la preuve d'une bonne amélioration qui se fait avec épargne, puisqu'on est dispensé de la construction d'étables et de leur entretien.
Si l'on profite de ce bon état des troupeaux pour relever leur taille, pour rendre la laine plus abondante, et pour en perfectionner la qualité, on augmentera le produit du troupeau relativement à ces trois objets, et l'on y parviendra par un seul moyen.
Ce moyen est peu dispendieux en comparaison du profit que l'on en tirera très promptement ; il suffit, comme je l'ai proposé dans plusieurs mémoires, de se procurer un bélier qui soit de plus forte taille que les brebis du troupeau que l'on veut améliorer, et dont la laine soit de meilleure qualité et en plus grande quantité. Si l'on choisit ce bélier dans le canton où l'on se trouve, ou à quelques lieues de distance, il ne sera pas beaucoup plus cher que celui qu'il remplacera. Le surplus du prix rentrera au double dès la première année par la vente de sa toison, et celles d'une trentaine d'agneaux qu'il produira, et par la valeur de ces agneaux, si l'on juge à propos de les vendre, car tous ces objets seront plus profitables qu'ils ne l'auraient été avec le bélier que l'on a rebuté. Mais si l'on compte le profit que l'on retirera dans les années suivantes, on le trouvera au double, au centuple de ce que pourrait coûter un bélier qui viendrait de Roussillon ou d'Espagne, ou de Flandre, ou d'Angleterre.
Ces profits toujours plus considérables dans la Généralité de Paris que dans les autres, à cause de l'immense consommation de toutes choses qui se fait dans cette grande ville, dont les richesses refluent de toutes parts, et en plus grande quantité dans les lieux qui en sont le plus près.
J'ai fait sur les toisons des observations qui peuvent être utiles pour les propriétaires des troupeaux dans tous le Royaume. On y distingue communément dans une toison trois sortes de laines par leurs différences de degré de finesse. La plus fine est nommée prime, c'est-à-dire, première laine ; on l'appelle aussi mère laine, parce que ses qualités surpassent celle des deux autres sortes de laine ; la seconde, moins fine que la prime, est plus fine que la troisième sorte de laine que l'on appelle tierce, et qui est d'une qualité inférieure à tout le reste.
La prime est autour du cou, sur le dos jusqu'à la croupe, sur le faut des épaules, des côtés du corps et des cuisses.
Dans toutes les toisons, l'on regarde comme seconde laine, celle qui est sur la croupe, sur le haut des cuisses, sur le bas et le côté du corps, et sur le ventre.
La laine tierce est sur le bas des épaules et des cuisses, sur les fesses, sur la queue et autour de son origine.
On évalue la seconde laine et la tierce à 1/5 de la toison, en comptant 1/20 pour la tierce, et près d'1/7 pour la seconde laine ; ainsi la prime serait le 4/5 de la toison : il y a même des gens qui n'en comptent que les 3/4 pour la prime.
Ces estimations peuvent être justes pour les toisons qui ne sont pas superfines ; mais elles sont fausses à plusieurs égards, pour les toisons superfines. J'ai observé avec grande attention la laine d'un bon bélier de race d'Espagne sur les différentes parties de son corps ; j'ai trouvé de la laine superfine sur tout le corps, excepté sur le bas de l'avant-bras et de la jambe proprement dits, sur les fesses et les parties moyennes et inférieures de la queue, et dans certains moutons sur le bord du fanon depuis la poitrine jusqu'au garrot.
En Espagne, on tond séparément la laine du ventre, et l'on en fait un second triage pour en mettre une partie avec la prime. J'ai observé que la laine du ventre était aussi fine que celle du dos, des côtés du corps, etc. Mais elle est plus sujette à être salie, parce que le mouton se couche sur le ventre ; c'est pourquoi les Espagnols lavent les laines avec grand soin ; ils emploient de l'eau tiède pour faire un premier lavage dans des baquets ; ensuite on jette la laine dans des ruisseaux bien clairs, où elle est encore lavée successivement dans trois retenues d'eau. C'est ainsi que les Espagnols rendent leurs laines parfaitement blanches, tandis que les nôtres ont en comparaison une teinte jaunâtre : nous ne les lavons pas à l'eau tiède, mais seulement dans des corbeilles en plein d'eau, ou sur le corps du mouton dans une rivière ou dans un étang. Comme les laines de ma bergerie n'ont été jusqu'à présent lavées que sur le corps du mouton, et qu'elles n'ont pas été triées, M. de Cretot, manufacturier à Louviers, M. Oger, Directeur de la manufacture des Gobelins, les ont trouvées après le dégrais un peu moins blanches que les laines Léonnaises impériales, qui sont les plus belles primes d'Espagne, mais elles sont devenues très blanches à la foulerie. Ces observations prouvent la nécessité de laver nos laines avec autant de soin que le font les Espagnols.
Nous devons aussi être très attentifs à tenir la laine propre sur le corps du mouton, et à ne la tondre qu'au temps de sa maturité. Les anciens agriculteurs prenaient à ce sujet des précautions singulières. Feu M. Grofley, de l'Académie Royale des Inscriptions, m'a écrit peu de temps avant sa mort, une lettre où il rapporte des passages de Columelle, de Varon, d'AElien, de Pline, d'Horace et de leurs commentateurs, qui ne permettent pas de douter que les Tarentins et les Mégariens n’aient couvert leurs moutons avec des peaux qu'ils faisaient venir d'Arabie. On donnait à ce moutons la dénomination d'Oves pellitoe. On le couvrait ainsi, suivant Varon, pour empêcher que leur laine ne se gâtât, et qu'elle ne fût dans le cas de ne pouvoir pas être bien nettoyée, bien lavée et bien teinte. La laines de Tarente et de l'Attique, étaient les plus belles que l'on connût alors.
Les Romains donnaient dans un grand luxe, et avaient beaucoup d'esclaves ; la soie leur manquait ; il n'est pas surprenant qu'ils employassent des moyens très recherchés pour avoir les laines dont on faisait des robes de Sénateurs, de Consuls et d'Empereurs. Nous ne savons pas ce que nous ferions nous-mêmes, pour nous procurer de très belles laines, si nous n'avions point de soie pour nos vêtements.
L'on ne peut prévoir ce que deviendrait la laine d'un mouton, si elle était continuellement couverte sur le corps de cet animal par une peau. Il y a des gens qui mettent sur des chevaux de prix une couverture de toile blanche de lessive, et pardessus une couverture de laine que l'on ôte le soir ; le cheval couche avec sa couverture de toile, que l'on est obligé de changer chaque jour, parce qu'elle se salit pendant la nuit. On prétend que ces couvertures maintiennent le poil du cheval, lisse et uni, et qu'elles contribuent à la bonne santé de l'animal, en le préservant de la poussière qui boucherait les pores de la peau, et ralentirait la transpiration.
Quelques auteurs modernes ont cru que les anciens habitants de Tarent et de l'Attique, ne couvraient leurs moutons que pour empêcher qu'ils ne perdissent leur laine en passant dans des broussailles : cette précaution marquerait que l'on attendait pour tondre la laine, le temps de la parfaite maturité.
Quoi qu'il en soit, l'autorité de Varon mérite assez de confiance pour que l'on fasse l'expérience des moutons couverts : je la tenterai sur quelques-uns dans ma bergerie, qui est vouée depuis longtemps aux expériences sur les troupeaux. C'est au moins un objet de curiosité.
Il y en a un plus important sur lequel les fermiers ont une prévention bien mal fondée. Ils croient que le fumier des tables leur est plus utile que ne le serait le parcage des moutons dans les champs, et le fumier qui se ferait dans le parc domestique en plein air : ils sont dans une erreur très nuisible à leurs intérêts. Pour se détromper par leurs propres observations, je ne leur demande que de faire de petits essais sur ces deux objets ; c'est le moyen le plus facile, le plus sûr et le moins dispendieux pour se déterminer sur différentes pratiques d'agriculture : si l'on trouve de la difficulté à faire des essais par soi-même, il faut consulter les fermiers qui font parquer leurs terres. Ils diront qu'ayant une fois connu les bons effets du parcage, ils ont fait le plus grand cas de cette pratique.
Quant à la différence qui est entre les fumiers des étables et ceux qui se font en plein air dans un parc domestique, il y a 30 ans (1756) que la comparaison en a été faite par M. Dailly à la ferme du Trou-d'Enfer, dans la forêt de Marly. Cet habile fermier tenait ses moutons sans abri dans la cour de sa ferme ; il y reconnut bientôt que leur fumier fait en plein air, produisait plus d'effet sue les terres pour les fertiliser, que fumier renfermé dans des étables, où il est sujet à s'échauffer, au point de perdre sa propriété fécondante en prenant une couleur blanche.
Par les moyens d'amélioration que je propose pour les troupeaux, les fermiers auront non seulement de meilleurs fumiers dans une quantité proportionnée à leurs pailles, et des récoltes que le parcage rendra plus abondantes, mais ils auront aussi de meilleures laines. Celles de ma bergerie et celles d'un petit troupeau qui est venu de ma bergerie à l'Ecole Royale Vétérinaire, se sont vendues au prix des laines d'Espagne : les draps qui en ont été faits dans plusieurs manufactures, sont aussi beaux que les draps des plus belles laines d'Espagne, comme il est bien prouvé par les observations que M. Crétot, manufacturier à Louviers, a faites en fabriquant un drap avec la laine de ma bergerie, et en le comparant à un drap qu'il fabriquait en même temps avec la plus belle laine d'Espagne, qui est la Léonnaise Impériale.
Que faut-il donc faire pour se procurer tous ces avantages ? Il suffit de mettre de bons béliers dans les troupeaux.
L'amélioration des laines sera proportionnée à la qualité des béliers, et par conséquent au prix qu'ils auront coûté. Si on les prend dans le voisinage, ils coûteront peu, mais l'amélioration qu'ils produiront sera médiocre. Si on les fait venir de Roussillon pour avoir des laines superfines, ou de Flandre pour avoir des laines longues, ils seront plus chers, mais l'amélioration sera plus profitable. Si l'on tire des troupeaux entiers de béliers et de brebis du Roussillon ou d'Espagne, de Flandre ou d'Angleterre, on aura lieu d'espérer un plus grand profit, mais il y aura plus de risques à courir, et il en coûtera beaucoup. J'ai proposé tous ces différents moyens dans l'instruction que j'ai publié pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux. En agriculture, les entreprises qui ont des améliorations pour objet, doivent être combinées de manière que l'une ne nuise pas aux autres, par rapport à l'argent dont on peut disposer ; c'est ce qui m'a déterminé à présenter l'amélioration des troupeaux à différents prix, afin que l'on pût choisir les moyens les plus convenables à sa fortune ou à ses intentions.
M. l'Intendant de Paris se propose de procurer de bons béliers aux habitants de sa Généralité, que ne pourraient faire aucune dépense pour améliorer leurs petits troupeaux. "La sagesse et la bienfaisance du Roi lui ayant inspiré d'ordonner que les secours qu'il est dans l'usage d'accorder à la partie malheureuse de ses peuples, lui seraient donnés, autant que possible, en nature, plutôt qu'en argent", M. Bertier a déjà rempli les intentions de Sa Majesté, en faisant acheter un nombre considérable de vaches qui ont été distribuées aux familles pauvres de la Généralité de Paris. Dans les mêmes vues et pour le même emploi, M. Bertier fera venir du Roussillon et de Flandre un nombre de béliers qui seront placés dans les Troupeaux des Communautés de sa Généralité, et chez des fermiers qui auront donné des preuves de leur intelligence et de leur zèle pour l'amélioration des troupeaux. Les béliers de Roussillon seront mis dans les cantons où le terrain maigre et sec produit l'herbe convenable aux moutons à laine superfine. Les béliers de Flandre seront distribués dans les plaines dont le terrain fertile produit des pâturages assez abondants pour les moutons de haute taille qui portent des laines longues. Par ces moyens et par toutes les précautions nécessaires que prendra M. Bertier pour en assurer le produit dans les troupeaux, on aura des laines superfines et des laines longues pour suppléer celles que nous tirons de l'Etranger. Les gens qui n'ont que de petits troupeaux, les amélioreront sans être obligés d'avoir d'autres béliers que ceux du troupeau général de leu Communauté, et de cette manière, ils participeront aux secours apportés par le Roi, en ce qu'ils auront des agneaux plus gros, des moutons plus grands qui se vendront plus cher ; les toisons seront plus pesantes et de meilleure qualité, et par conséquent d'un plus grand prix.
 

1786

MÉRINOS DE LA BERGERIE DE RAMBOUILLET

La bergerie de Rambouillet et les Mérinos, par Léon BERNARDIN ancien directeur. Paris 1890. 136 pages.
Extrait p. 2-3


Les mérinos espagnols, alors en grande réputation, qui déjà avaient attiré l'attention de plusieurs contrées d'Europe, ne pouvaient être oubliées.
M. d'Angivillier, intendant général du domaine de Rambouillet, consulta Daubenton et Tessier à leur sujet, et sur l'avis de ces deux hommes de science et d'expérience, il fit demander par Louis XVI, à son parent le roi d'Espagne, la liberté d'importer des cavagnes ou bergeries si renommées de son pays, un troupeau de bêtes à laine superfine.
Cette demande fut très favorablement accueillie, et le 15 juin 1786 un troupeau était réuni aux environs de Ségovie et partait pour la France sous la conduite de bergers espagnols.
En se mettant en marche, ce troupeau comprenait 383 têtes dont : 334 brebis, 42 béliers et 7 moutons conducteurs.
Ces bêtes provenaient des cavagnes suivantes, toutes de races léonaises :

Pérales : 58 têtes
Perella : 50
Paular : 48
Negressi : 42
Escurial : 41
Alcola : 37
San Juan : 37
Portago : 33
Iranda : 20
Salazar : 17

Dix-sept moururent durant le voyage. Au dire de M. Bourgeois père, placé à la tête de l'établissement rural le 14 août, à l'arrivée à Rambouillet le 12 octobre 1786, il ne restait plus que 366 têtes dont : 318 brebis, 41 béliers et les 7 moutons conducteurs. etc.
Tout tend donc à prouver que la première importation de mérinos faite à Rambouillet, la seule qui à vrai dire ait constitué le troupeau se composait réellement d'animaux d'élite.
 

1787

Le voyageur agronome anglais Arthur YOUNG évoque le rôle de DAUBENTON en visitant l'Ecole vétérinaire d'Alfort

Arthur YOUNG, Voyages en France

p.195-196
19 octobre 1787
Visite de l'École vétérinaire d'Alfort. 
Elle fut créée en 1766 ; en 1783, une ferme lui fut annexée, et l'on fonda quatre autres chaires : deux pour l'économie rurale, une pour l'anatomie, une autre pour la chimie. On m'apprit que M. Daubenton, qui est à la tête de cette ferme, avec un traitement de 6 000 livres, fait un cours d'économie rurale, particulièrement sur les moutons, et qu'un troupeau était spécialement destiné à ses démonstrations....
Quant à la ferme, elle est sous la direction d'un grand naturaliste (Daubenton), tenant une place éminente dans les académies royales des sciences et dont le nom est célèbre dans toute l'Europe pour son mérite dans les branches supérieures de la connaissance. Je montrerai que je suis incapable de juger de la nature humaine, si je m'attendais à trouver chez de tels hommes des capacités pratiques. Ils penseraient sans doute qu'il est indigne de leurs recherches et de leur situation dans le monde d'être de bons laboureurs, de bons sarcleurs de navets, de bons bergers ; je trahirais ma propre ignorance de la vie en exprimant quelque surprise d'avoir trouvé cette ferme dans un tel état que j'ai préféré en omettre la description (1).

Note 1 : Le reproche d'Arthur Young ne semble pas très fondé, car la ferme de Maisonville n'était pas une ferme-modèle, mais un champ d'expériences scientifiques ; on y fit d'ailleurs de belles plantations d'arbres fruitiers et exotiques. Peut-être aussi Young se fait-il l'écho des dires de Chabert (Philibert Chabert, né à Lyon 1737-1814, professeur à l'École vétérinaire, puis inspecteur des Écoles Vétérinaires) le directeur de l'École, qui en 1787, avait fait supprimer les chaires de Daubenton, Fourcroy et Vicq d'Azyr, ce qui était fâcheux, car ces chaires représentaient, à cette époque, le seul établissement d'enseignement agricole. 

1794

2ème édition de l'Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux

1798

Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux ; avec d'autres ouvrages sur les moutons et sur les laines ; par DAUBENTON. Troisième édition, publiée par ordre du gouvernement ; avec des notes. A paris, de l'Imprimerie de la République. An X. (1802)

AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR (écrit au commencement de l'An 7 : septembre 1798)

Jusqu'à présent les laines d'Espagne ont été nécessaires dans les manufactures pour faire des draps fins ; toutes les nations ont été obligées de tirer des laines de ce pays, lorsqu'elles ont voulu fabriquer du drap de première qualité. En 1766, Daniel-Charles Trudaine, qui était alors intendant des finances, et qui avait le commerce dans son département, prévoyait que les Espagnols refuseraient de nous fournir de la laine, dès qu'ils auraient établi assez de manufactures pour employer toute celle de leur pays. Trudaine senti le grand préjudice que ce changement causerait à notre commerce, puisque nous ne pourrions plus faire de draps fins. Il s'occupa des moyens de prévenir ce dommage, et de libérer en même temps la France d'une sorte de tribut de plusieurs millions qui lui en coûtait chaque année pour avoir des laines d'Espagne. Ce moyen était unique : c'était faire croître en France des laines aussi fines que celles d'Espagne, avec lesquelles on ferait d'aussi beaux draps.
Trudaine me communiqua son projet pour savoir si je croyais qu'il pût réussir. Je dis que je l'espérais, puisque l'état de domesticité avait suffi pour changer le poil du mouflon, qu'il était le bélier sauvage, en laine d'Espagne, et le poil du mâtin, qui était le chien des Gaules, en poil fin de bichon ; qu'en faisant des essais de mélanges médités de différentes races de béliers et de brebis, on ferait plus promptement et plus sûrement l'amélioration de la laine que le hasard n'avait pu le faire. Trudaine accepta cet augure, et me demanda si je voudrai me charger de faire les expériences que je croirais nécessaires pour améliorer les laines de France au point de finesse des laines d'Espagne, en me permettant de me procurer tout ce que je croirais bon pour y parvenir. J'avais depuis longtemps des liaisons avec l'homme qui me faisait ces propositions ; je connaissais son intégrité et l'intérêt qu'il prenait aux affaires de son département : je me chargeai avec plaisir d'une entreprise qui devait s'exécuter sous ses auspices. En effet je n'en eus que de la satisfaction : mais je n'en jouis pas longtemps ; un mal de poitrines, qui menaçait ses jours, se termina trop tôt, en 1769. Sa mémoire m'est encore présent avec autant de regret que de vénération. Son fils lui succéda ; il me donna les mêmes facilités pour le succès de l'amélioration des laines en France, et y prit le même intérêt : mais son administration dura peu ; il fut trop tôt enlevé, à la fleur de l'âge, par une mort subite : je le regrette de tout mon cœur.
Je me trouvais alors en relation avec un intendant du commerce. Je sentis bientôt que je n'y aurais pas les mêmes agréments ; mais heureusement mon entreprise avait déjà réussi au point qu'elle pouvait se passer de protection. En 1777, quoiqu'il y eût déjà 11 ans que je faisais des expériences, j'avais nombre de bons béliers à vendre et quantité de belles laines. Ma bergerie se soutint par elle-même ; quoique mes expériences soient toujours coûteuses. Mais le produit de la vente de mes béliers devait diminuer à mesure que je les multipliais ; plusieurs agriculteurs s'en procuraient ; et en suivant ma méthode, ils avaient bientôt eux-mêmes des béliers à vendre au lieu d'être obligés d'en acheter. Il y avait un autre inconvénient que je ne pouvais pas prévoir ; c'était le discrédit des laines fines, qui ne se vendaient pas dans les années dernières, parce qu'on ne faisait que des draps de seconde qualité pour les troupes. Ces deux pertes diminuèrent beaucoup le revenu de ma bergerie, et me firent prendre le parti forcé de mettre fin à mes expériences sur l'amélioration des laines : mais j'y renonçai bien malgré moi, après 30 ans (1766-1796) que je m'occupais de cet objet intéressant avec autant de succès que de plaisir. Mes amis me conseillèrent de demander à la commission d'agriculture quelque indemnité pour me mettre en état de continuer une expérience qui ne sera jamais répétée aussi longtemps et avec autant d'exactitude ; et ce qui est très remarquable, c'est que l'amélioration de la laine au point du superfin s'est déjà soutenue depuis plus de 30 ans par les descendants des premiers béliers qui furent mis dans la bergerie en 1766 et 1776, sans qu'il y soit jamais entré d'autres étalons depuis ce temps (Voyez le Mémoire sur le premier drap de laine superfine du cru de la France, page 356). Les membres de la commission d'agriculture ayant jugé cette grande expérience importante à plusieurs égards, ma bergerie subsiste en pleine activité.
Quelque utilité qu'ait une innovation, elle ne peut plaire à tous les gens à qui elle cause des pertes. J'ai rencontré des manufacturiers qui ne favorisaient pas l'amélioration à laquelle je travaillais (On peut répéter encore aujourd'hui les mêmes plaintes que Daubenton disait alors. Trop souvent l'intérêt particulier se trouve en contradiction avec l'intérêt général ; et jamais, ou presque jamais, le premier n'a fait de sacrifice volontaire au second. HUZARD).
Je n'ai trouvé que difficilement des jeunes gens qui voulussent être bergers dans un pays de vignoble (Montbard en Bourgogne), où cet emploi n'est pas en honneur, parce qu'il n'y a pas de grands troupeaux comme dans les pays de plaine, où j'aurais pu trouver des bergers, mais imbus de tant de mauvais préjugés, que j'aimai mieux prendre un vigneron qui n'était plus assez fort pour la culture des vignes, et qui ne savait que peu de choses sur l'éducation des moutons. Je pris aussi au service de ma bergerie une pauvre veuve, avec ses deux enfants, dont le plus jeune n'était âgé que de dix ans ; mais il avait une vocation si décidée pour l'état de berger, qu'il devint bientôt le maître des miens. Je e plaisais à l'instruire. J'ai été fort content de lui pendant 27 ans qu'il a passé dans ma bergerie, et je lui ai toujours témoigné de toutes manières, et encore le mois dernier, par un certificat de bons services que je lui ai donné, et que je suis obligé de rétracter aujourd'hui, parce que j'ai appris qu'il m'avait manqué, depuis plusieurs années, dans une des principales parties de son service, qui était de tenir mes troupeaux en plein air, sans aucun abri, jour et nuit et en toute saison ; ce qui a été exécuté fidèlement jusqu'en 1784 : alors la paille étant fort chère dans le canton de ma bergerie, où elle est toujours rare, mon berger m'écrivit pour me demander la permission de les mettre sous un hangar et dans de petites écuries par les temps humides, pour épargner la litière. J'y consentis, mais sous la condition expresse de les remettre à l'air dans les temps secs et froids. Comme j'avais toujours été obéi ponctuellement, je fus dans la plus grande sécurité jusqu'au mois de brumaire dernier, que l'on m'apprit que mes troupeaux n'avaient point été mis dans le parc domestique depuis sept ans*. Je fus très surpris et indigné de cette infidélité ; j'écrivis tout de suite pour les faire remettre dans le parc domestique, quelle que fût l'humidité du temps et la cherté de la paille. J'ai été d'autant plus sensible à cette infidélité de la part de mon berger, que j'ai toujours suivi la plus exacte vérité en exposant le détail de mes expériences : je me reprochais amèrement d'avoir dit souvent à Paris que mes troupeaux étaient en plein air, tandis qu'il les mettait à l'abri. Cependant mon expérience n'a pas été si longtemps interrompue ; car j'ai au Jardin des Plantes, depuis quelques années, plusieurs béliers que j'y ai fait venir de ma bergerie, et qui sont continuellement en plein air.
Au surplus, je n'ai fait l'Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux, dont je publie un nouvelle édition (3e), qu'après plus de 30 années d’observations ; j'ai ajouté à ce que j'ai vu par moi-même, les pratiques les lieux fondées que j'ai apprises des gens de la campagne, ou qu j'ai tirées des livres écrits en France ou dans d'autres pays. Je n'ai pas jugé à propos de me citer pour les choses que j'ai découvertes ; ce qui m'est personnel eût été de trop dans cette Instruction : j'ai seulement cité la bergerie que j'ai établie dans le département de la Côte-d'Or, près de la ville de Montbard, où je fais mes expériences sur les moutons et sur les pâturages. Ces citations feront remarquer les principaux résultats du grand nombre d'épreuves que j'ai faites.
J'ai disposé cette Instruction par demandes et par réponses, pour la rendre plus facile à entendre et à retenir de mémoire. Je l'ai divisée par leçons : les premières ont pour objet ce que l'on doit se procurer avant de se charger d'un troupeau ; tels sont le logement, les bergers et les chiens : les leçons suivantes contiennent les connaissances nécessaires pour choisir les bêtes à laine, pour les conduire au pâturage, les nourrir, les accoupler, pour perfectionner les laines, etc.
J'ai été obligé d'y joindre des planches gravées, qui étaient nécessaires pour la faire mieux entendre. Il y a des gens de la campagne qui ne sauraient pas faire usage de ces planches ; j'ai expliqué dans la XVe leçon la manière dont il faut s'y prendre pour distinguer les objets qui sont à remarque dans les figures des planches.
Je n'ai rien négligé de ce qui pouvait m'instruire moi-même ; et je continue mes expériences sur les troupeaux de ma bergerie et sur ceux que j'ai au Jardin des Plantes à Paris, pour acquérir de nouvelles connaissances. Je ne me suis pas pressé de publier mon ouvrage : avant de donner des leçons, on ne peut trop s'assurer du succès qu'elles auront dans la pratique. Celui qui m'a paru le plus important et qui m'a fait les plus de plaisir, c'est l'amélioration des laines au degré du superfin, parcs qu'il était le principal objet de mes expériences, et qu'il sera le plus utile pour les manufactures. A présent que les laines de mes troupeaux sont superfines, je vais observer ce qu'il arrivera de génération en génération par rapport à leur finesse et à leurs autres qualités.
J'ai mis à la suite de l'Instruction pour les Bergers, des mémoires et des extraits de quelques autres que j'ai faits sur les bêtes à laine, sur les laines, sur la fabrication des draps etc. ; ces mémoires et ces extraits seront utiles aux bergers, aux propriétaires de troupeaux, aux commerçants et aux manufacturiers en laine.


* Si cette anecdote n'avait été qu'une simple récrimination de Daubenton contre son berger, je n'aurais pas hésité à la supprimer ; mais elle intéresse trop évidemment le succès de ses expériences et l'amélioration, pour que je doive la passer sous silence. On répétait partout, et surtout les partisans nombreux de l'ancienne méthode, ou plutôt de l'ancienne routine, que les préceptes donnés par Daubenton, dans son ouvrage, étaient en contradiction avec sa propre conduite ; qu'il avait été forcé d'y renoncer, et de remettre son troupeau à l'abri comme autrefois, pour le conserver. On respectait le repos et la vieillesse de cet homme vénérable ; on souriait lorsqu'il parlait de son troupeau, et personne ne le détrompait. Ce n'est qu'après une visite à Montbard par un de ses amis, qu'il sut la vérité et qu'il se hâta de se justifier (HUZARD).
 

1799

Daubenton décrit l'important élevage de moutons mérinos de M. CHANORIER à Croissy-Seine-Seine

le 24 juin 1799 à l'Institut national

Troupeau de bêtes à laine de race pure d'Espagne, du Citoyen CHANORIER, Membre associé de l'Institut national, à Croissy-sur-Seine, près Chatou, département de Seine-et-Oise. 
p. 1-8.
Il y a environ 15 ans (1786), que le Citoyen Chanorier commença, dans sa propriété de Croissy-sur-Seine, l'établissement d'un troupeau de pure race d'Espagne : il fit alors l'acquisition de 20 animaux, que l'intendant des finances Trudaine avait fait venir des environs de Ségovie. Depuis ce temps, le Gouvernement ayant obtenu de l'Espagne l'extraction du superbe troupeau qui a été placé à Rambouillet, il en fut accordé, à différentes époques, deux lots au Citoyen Chanorier. Alors l'établissement de Croissy reçut un tel accroissement, qu'il est devenu la source de beaucoup d'autres, formés avec des élèves et d'après les principes de ce cultivateur.
Le troupeau de Croissy est composé d'environ 350 animaux de pure race, et chaque année il augmente de plus de 100 élèves, ce qui donne au propriétaire la facilité d'en vendre le même nombre. Le terrain, extrêmement léger de ce canton, est tellement favorable aux bêtes à laine, que l'espèce d'Espagne, sans y avoir rien perdu de sa finesse primitive, s'est élevée, et donne des toisons beaucoup plus fortes. Les béliers de deux ans produisent environ 4,4 kg (9 livres) de laine en suint ; c'est-à-dire, sans être lavée ; plus âgés, 5,87 kg (12 livres), et souvent davantage ; tandis que les bêtes à laine des environs de Paris, ont des toisons qui ne pèsent que la moitié de celles d'Espagne, et dont la laine se vend un tiers de moins.
Le Citoyen Chanonier, n'a jamais vendu de laine de son troupeau au-dessous de 1,40 fr en suint, ce qui correspond à 4,50 francs lavée, parce que les toisons d'Espagne sont très grasses et perdent au lavage près des 2/3 ; mais aussi il les a vendues jusqu'à 1,80 fr ; et l'année dernière, s'il les eût vendues 15 jours plus tard, il en eût tiré 2 fr la livre en suint, ce qui correspond à plus de 5 fr la livre lavée.
En rapprochant donc la différence qui se trouve dans la quantité et dans la valeur de la laine, entre les bêtes de race pure d'Espagne et celles des environs de Paris, on voit qu'un animal espagnol pur, rend au moins 15 fr, tandis que le français rend au plus 2,50 fr ; et cela, par la laine seule, sans parler des agneaux qui sont d'un prix bien supérieur.
Ce rapprochement est trop frappant pour avoir de nouvelles observations.
Ce n'est qu'après une longue suite d'années, et en faisant de grands sacrifices, qu'un propriétaire peut se procurer un troupeau de race pure : il en existe très peu en France ; mais il est des moyens de s'assurer, à moins de frais, dès les premières années, des bénéfices considérables, en opérant une telle amélioration, que les laines se vendent la 6e année, un prix égal à celles d'Espagne. Il faut faire saillir des brebis de France ; et, si l'on peut, les plus fines du pays, par de beaux béliers de pure race d'Espagne ; il en résulte une espèce métisse assez fine, et plus chargée de laine que les mères ; enfin à la 4e génération on obtient des toisons tellement fines, que les plus habiles marchands ont de la peine à les distinguer de celles d'Espagne. En l'an V (1797), le Citoyen Meunier, maître de poste au Bourget, et cultivateur distingué, vendit ses laines métisses le même prix que celles des établissements de pure race de Rambouillet et de Croissy.
Il est cependant un avantage que n'ont jamais les mâles métis ; c'est celui de pouvoir, comme béliers, soutenir et régénérer les races, à l'exemple de ceux d'Espagne. Très certainement ces animaux produiront une amélioration, mais ils retarderont le raffinement des élèves des brebis déjà améliorées, au lieu de l'augmenter, tandis que les étalons purs ajouteront toujours de la finesse.
Il faut donc que le cultivateur, jaloux de rendre ses laines superfines, fasse châtrer, chaque année, tous les béliers métis, et qu'il jouisse ensuite de leurs toisons, qui se vendront toujours un bon prix, jusqu'au moment où il lui conviendra de les engraisser.
Le propriétaire qui veut former une belle amélioration, doit se procurer 200 brebis communes, de 3 ans ; il faut qu'il choisisse la laine la moins grosse, et, s'il le peut, sans tache, parce que les toisons blanches sont recherchées pour être employées écrues. Ce propriétaire, pour féconder ces 200 brebis de France, doit acquérir 8 beaux béliers de race, qui, n'ayant pas plus de 3 ans, pourront, pendant 5 ou 6 années, faire des montes avec succès ; il doit enfin, s'il n'est pas dans le voisinage d'un établissement pur, acheter un nombre égal de brebis de race, afin de pouvoir se procurer des élèves qui puissent remplacer les béliers, lorsque la maladie et la vieillesse viendront suspendre leurs travaux. Mais les cultivateurs qui se trouveront assez près d'un établissement de race pure, pour pouvoir y envoyer chercher de beaux béliers, obtiendront plus de succès que s'ils les prenaient chez eux.
Une précaution, fruit de l'expérience du C. Chanorier, et qu'il recommande à tous les cultivateurs qui se livreront à cette intéressant amélioration rurale, c'est de ne pas acheter des brebis françaises trop élevées ; il en vu de la Belgique, et d'autres d'une espèce aussi fortes, ne recevoir que très rarement, aux premières et secondes générations, le caractère qui distingue les races espagnoles, tandis que, lorsqu'elles sont moins fortes que les béliers auxquels on les allie, dès la première génération, les succès sont surprenants. Il est difficile d'assigner la cause de cet heureux résultat ; on en peut cependant conclure que l'animal régénérateur étant plus fort, les productions tiennent plus de son espèce. Cette remarque a été faite sur d'autres animaux. On se rappellera donc qu'il ne faut pas que les brebis françaises soient aussi fortes que les béliers espagnols auxquels on les allie ; il ne faudrait cependant pas qu'elles fussent trop faibles.
Les cultivateurs qui suivront les préceptes qui viennent d'être prescrits, auront, au bout de 2 ans, un troupeau amélioré ; et au plus tard, à la 6e année, ils vendront leurs toisons au même prix que celles d'Espagne : mais on le répète, que jamais ils n'emploient de béliers métis, quelque beaux qu'ils soient, même à la 4e génération ; ceux auxquels ils donnent le jour, apportent souvent les toisons communes de leurs aïeules, tandis que les brebis métisses, lorsqu'elles sont alliées à des béliers de race, donneront toujours plus fin qu'elles.
Le C. Chanorier, ainsi qu'on l'a vu au commencement de cette instruction, n'a que des animaux de race pure.
C'est le C. Gilbert membre de l'Institut national, qui, dans le temps où il administrait l'établissement de Croissy, fit vendre tous les métis, quelque beaux qu'ils fussent. Le C. Chanorier, depuis 5 ans (1795), a encore élevé la taille de son espèce, et en a raffiné les toisons, faisant soustraire aux plaisirs de la paternité tous les béliers qui ne réunissaient pas une belle conformation à la laine la plus fine.
Prix des Béliers de Croissy ; Epoques de la livraison.
Pendant le cours des assignats, les animaux de race pure de Croissy se sont vendus, aux ventes publiques de Rambouillet, à de tels prix, que la réduction en numéraire, allait jusqu'à 240 francs.
En l'an V (1797), on a vu, aux mêmes ventes, les béliers vendus jusqu'à 200 fr, et les brebis plus chères.
Dans la même année, le C. Chanorier vendit à Croissy, des béliers 200 fr, et des brebis 240 ; mais il se détermina, par la rareté du niméraire, à fixer, pour l'an VI (1798), le prix de ses béliers à 96 fr, et celui des brebis à la même somme, avec 24 fr de plus, lorsqu'un cultivateur en voulait deux, et ne prenait qu'un bélier.
Depuis ce temps, le C. Chanorier prenant en considération, tantôt la rareté du numéraire, tantôt le bas prix des grains, a varié ses pris pour l'an VII et l'an VIII. Cette année-ci la cherté des grains, en accroissant ses frais, augmente la faculté des fermiers qui voudront acquérir : en conséquence, il fixe son prix à 90 fr pour les béliers et les brebis indifféremment. L'acheteur donnera de plus 3 fr par tête d'animaux, au berger du C. Chanorier à titre de gratification. Le C. Chanorier observe qu'il ne vendra point de brebis sans bélier, qu'il ne fournira pas plus de deux brebis aux cultivateurs qui ne prendront qu'un bélier, et quatre à ceux qui en désireront deux, toujours dans une double proportion, mais pas plus forte. Sans cette précaution, il ne lui resterait pas assez de brebis pour fournir à ceux qui viendraient chercher des béliers. Au surplus, ces animaux régénérateurs ne trouvassent-ils pas à se revendre là où ils seront conduits, ne pourront être pris en charge, puisque, déduction faite d'environ 7 fr, prix de la nourriture, il resterait sur celui de la toison environ 9 % des 90 fr que le bélier aurait coûté. Ces prix ne paraîtront pas considérables lorsqu'on saura qu'un cultivateur établi près de Paris loua, il y a quelques années, un bélier 300 fr, et qu'il le vendit le double à la fin de l'été. Ces deux marchés se firent en espèces.
Le C. Chanonier ne livra des béliers et des brebis qu'au 5 Messidor (24 juin), après la tonte et le sevrage ; mais, ne fit-on conduire ces animaux à leur destination qu'à la fin de Messidor, il y arriveraient avant l'accouplement, cette époque n'ayant lieu que du 20 au 30 Thermidor, dans les département printaniers, et beaucoup plus tard dans ceux où les herbes sont tardives, parce que dans ces derniers, il ne faut pas faire naître les agneaux trop tôt, afin de ne pas être forcé de les nourrir longtemps dans les bergeries.
Les cultivateurs qui désireront se pourvoir d'animaux de race pure, pourront s'adresser au C. Chanorier, membre associé de l'Institut national, à Croissy-sur-Seine, près Chatou, ou à la Caisse d'Amortissement, dont il est administrateur. Ceux qui lui écriront les premiers, auront les premiers choix, mais aucuns ne seront médiocres. Les cultivateurs qui désireront choisir eux-mêmes et marquer les animaux, pourront, à commencer du 10 Floréal, et plutôt, si cet avertissement leur arrive avant cette époque, se rendre à Croissy-sur-Seine, près Chatou, par Nanterre, à une 1h 30 de distance de Paris, les décadis et les quintidis, entre midi et deux heures, temps auquel les troupeaux seront dans les bergeries. A dater du premier Prairial, on pourra les voir tous les jours aux mêmes heures.
Les cultivateurs qui enverront chercher les animaux de race qu'ils auront retenus, pourront, s'ils le veulent, envoyer leurs bergers une ou deux décades à l'avance ; le C. Chanorier les logera, et ils se nourriront à Croissy. Ces1786 bergers pourront, pendant ce petit séjour, prendre une idée des moyens qui, depuis 14 ans (1786), ont été employés avec avantage dans cet établissement.
On avait contesté aux laines des animaux de race pure, acclimatés en France, l'avantage de faire les beaux draps de nos premières manufactures, qui sont teints en laine, et se fabriquent avec les toisons pour lesquelles, chaque année, la République paye un tribut à l'Espagne ; il était réservé aux CC. Leroy et Rouy, propriétaires d'une manufacture à Sedan, de vaincre ce préjugé. Ils ont fabriqué, avec de la laine de Croissy, du drap bleu, teint en laine, qui rivalise c qui a été fait de plus beau dans ce genre ; le C. Chanorier a présenté ce drap à l'Institut national. Voici l'extrait du rapport fait à ce sujet.
Extrait du Rapport fait à l'Institut national des Sciences et des Arts, par le CC. Daubenton, Fourcroy et Desmarets, du Mémoire du C. Chanorier, membre associé, sur un drap bleu teint en laine, et fabriqué avec les toisons du troupeau de race pure d'Espagne établi à Croissy-sur-Seine, département de Seine-et-Oise en 1786, par le C. Chanorier.
Il résulte de ce rapport, que les CC. Daubenton, Fourcroy et Desmarest, après avoir examiné avec soin l'échantillon de drap présenté à l'Institut par le C. Chanorier, et l'avoir comparé à un drap de même couleur et de première qualité, fabriqué avec des laines d'Espagne, déclarent à l'Institut, que le C. Chanorier a mis beaucoup de soins pour conserver, pendant 14 ans, un troupeau de race d'Espagne dans toute sa pureté ; qu'il a donné la preuve de ce succès, par le drap qu'il a fait fabriquer avec ses toisons, lequel réunit la force à la souplesse, qui caractérisent les draps fabriqués avec les laines qui arrivent d'Espagne et des cantons les plus renommés.
Il résulte enfin de ce rapport, que les CC. Daubenton, Fourcroy et Desmarets pensent que l'Institut, en louant le zèle du C. Chanorier, membre associé, doit l'inviter à poursuivre les effets, pour achever de vaincre un préjugé nuisible à la France, et qu'il est bon d'en faire mention à la prochaine séance publique, ainsi que du succès de la fabrication des CC. Leroy et Rouy, de Sedan.
Fait à l'Institut national, le 6 Messidor an VII de la République française (24 juin 1799).
Signé DAUBENTON, FOURCROY, DESMARETS.
La Classe approuve le Rapport, et décide qu'il sera envoyé avec le Mémoire du C. Chanorier, au Ministre de l'Intérieur, pour être imprimé et répandu dans les départements de la République.
Certifié conforme, à Paris, ce 16 Messidor an VII de la République française.
Signé LASSUS, secrétaire.
A PARIS, de l'Imprimerie de Madame HUZARD, rue de l'Eperon Saint-André-des-Arts, N° 11.
 

1800

Éloge historique de Daubenton par Georges Cuvier

Institut de France. Académie des Sciences. Notices et discours. Tome cinquième 1963-1972. Paris. Gauthier-Villars. MCM LXXII (1972)
Georges CUVIER (1769-1832). Certains aspects de sa carrière par Robert Courier Secrétaire perpétuel. Lecture faite en la séance annuelle des prix du 14 décembre 1970.
p. 651
Quand Daubenton mourut en 1800 (31 décembre 1799), Cuvier le remplaça au Collège de France. Il consacra à son prédécesseur un magnifique éloge qui fut le premier de ceux qu'il prononça en qualité de Secrétaire perpétuel lors des séances publiques de l'Institut.
p. 653-654
C'est le 5 avril 1800, que Cuvier dans une séance publique, lut l'éloge historique de Daubenton. Montbard, la petite ville de Côte d'Or qui l'a vu naître était aussi la patrie de Buffon. Un goût violent pour les plaisirs semblait destiner ce dernier à une toute autre carrière que celle des Sciences ; il fixa cependant son choix sur les sciences naturelles. Mais à cette époque, il fallait tout revoir, tout observer, tout disséquer, et l'esprit impatient de Buffon ne pouvait lui permettre ces pénibles travaux. Il chercha un collaborateur pour n'être en quelque sorte que "son œil et sa main", il le trouva dans le compagnon de son enfance. Cuvier dessine un parallèle saisissant entre les deux hommes. Buffon, d'un naturel impérieux, semblait vouloir deviner la vérité et non l'observer. Son imagination se plaçait à tout instant entre la Nature et lui. Daubenton, d'un tempérament faible, portait dans ses recherches la circonspection la plus scrupuleuse, il ne croyait pas ce qu'il avait vu et touché, c'était un modèle de précision et d'exactitude. En réalité, Buffon avait trouvé un guide fidèle "qui lui indiquait les précipices". Je cite ici des phrases entières de Cuvier. Et je ne résiste pas à la tentation de raconter l'histoire du certificat délivré à Daubenton par la Section des Sans-Culottes. Daubenton s'intéressait beaucoup à l'amélioration des laines ; il insistait sur l'utilité du parcage continu, sur les suites pernicieuses de la stabulation hivernale, sur l'amélioration de la race par la distribution de bons béliers aux propriétaires de troupeaux. Aussi avait-il acquis une réputation qui devint fort utile dans une circonstance dangereuse. Lors de la Révolution, il dut, pour conserver son poste, fournir un certificat de civisme. Un professeur, académicien de surcroît, aurait eu peine à l'obtenir, la République n'avait pas besoin de savants. C'est alors qu'on le présenta comme berger, et ce fut le berger Daubenton qui obtint le certificat nécessaire en l'an II de la République (1793). Le président de la Section des Sans-culottes donna même l'accolade à ce berger patriote. Patriote, il l'était sûrement.
 

1802

3ème édition de l'Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux

Partie 1

Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux ; avec d'autres ouvrages sur les moutons et sur les bêtes à laine ; par DAUBENTON. Troisième édition, publiée par ordre du Gouvernement avec des notes. A Paris, de l'Imprimerie de la République. An X (1802), 536 pages.
Notice historique et bibliographique sur les éditions et les traductions de l'Instruction pour les bergers. Par J. B. HUZARD.

[Jean-Baptiste HUZARD (1755-1838), Vétérinaire diplômé d'Alfort.]

Paris, le Ier pluviôse an 10 (21 janvier 1802), (Le ministre de l'Intérieur est à l'époque Jean-Antoine CHAPTAL)

p. xxxi-xlj (31-41)
Extraits.

C'est en 1766 que Daubenton commença, sous les auspices de Trudaine, à s'occuper des moyens d'améliorer cette branche de l'agriculture (amélioration des bêtes à laine). Les deux premières années employées en préparatifs et en importation d'animaux, ne peuvent entrer en compte pour l'amélioration, quine date réellement que de 1768 ; mais ces deux années ne furent pas perdues pour l'observation. 
Dès 1768, Daubenton lut à l'Académie royale des sciences un Mémoire sur la rumination et le tempérament des bêtes à laine, et il en lut un second, à la fin de 1769, sur les bêtes à laine parquées toute l'année. 
En 1777, il lut à la même Académie le résultat de ses observations sur l'amélioration des bêtes à laine. 
En 1778 et 1779, il lut à la Société royale de médecine deux Mémoires sur les remèdes les plus nécessaires aux troupeaux, et sur le régime qui leur convient le mieux. La même année 1779, il lut à l'Académie royale des sciences un Mémoire sur les laines de France comparées aux laines étrangères.
Ces mémoires présentés dans les séances publiques, étaient destinés à faire connaître les améliorations dans l'éducation de nos troupeaux ; ils furent bien reçus : les journaux du temps en donnèrent des extraits ; et la preuve qu'on s'en occupa et qu'on les lut, c'est qu'on écrivit contre les principes qu'ils contenaient, que beaucoup de gens regardaient comme dangereux ou impraticables.
En 1782, Daubenton publia la première édition de son Instruction pour les bergers et pour les propriétaires de troupeaux ; à Paris, de l'imprimerie de Ph. D. Pierres, imprimeur ordinaire du roi, rue Saint-Jacques, in-8°. de xvj (56) pages pour les titres, l'avertissement, la table des leçons et celle des planches, 414 pages pour le texte et la table des matières, un feuillet non chiffré pour les approbations de l'académie des sciences et de la société de médecine, avec XXII planches dessinées par Fossier, et gravées par Patas et Queverdo.
Cette instruction est divisée en quinze leçons ; et Daubenton y ajouta les mémoires qu'il avait lus précédemment à l'académie des sciences et à la société de médecine : ces mémoires, qui faisaient partie du recueil de ces sociétés, se trouvèrent ainsi beaucoup plus à la portée de ceux auxquels ils étaient plus particulièrement destinés.
La publication de cet ouvrage réveilla les contradicteurs et les critiques ; mais elle éveilla aussi l'attention des propriétaires, et l'amélioration fit des progrès assez rapides. MM. de Charôst, d'Amour, d'Isjonval, Leblanc, l'archevêque de Bourges [Philipeaux], de Guerchy et plusieurs autres, s'empressèrent de suivre les préceptes qu'il contenait, et en obtinrent des succès bien capables d'encourager. Le dernier (de Guerchy) publia même, en 1788, une Instruction sur la manière de soigner les bêtes à laine, suivant les principes de Daubenton, à l'usage des cultivateurs ; in-8° de 22 pages, approuvé par la société royale d'agriculture de Paris.
L'abbé Carlier et M. de Lormoy furent, parmi les contradicteurs, ceux qui se distinguèrent le plus par la quantité de mémoires qu'ils communiquèrent au Gouvernement sur cet objet, et qu'ils firent imprimer séparément ou dans les journaux. Plusieurs de ces mémoires éclaircissent différents points contestés, et ne furent pas sans utilité. M. de Tolozan, intendant du commerce, fit réunir les observations les plus importantes, et les communiqua à Daubenton, qui donna les explications qu'on lui demandait : j'ai cru devoir imprimer cette pièce, qu'on trouvera à la suite de cette notice.
La critique s'acharna à toutes les parties de son ouvrage. On reprocha à Daubenton la forme de catéchisme qu'il lui avait donnée, les caractères qu'il avait employés pour l'impression, et jusqu'aux planches qu'il avait mises. Il ne répondit point : les critiques furent bientôt oubliées et l'ouvrage ne le fut point ; l'édition fut même assez rapidement enlevée, et les exemplaires acquirent plus du double de leur valeur, malgré les ouvrages qui parurent depuis sue les bêtes à laine. 
Ces derniers motifs déterminèrent Daubenton en faire imprimer une édition sous le titre d'extrait, à Paris, de l'imprimerie de Didot jeune, l'an 2 de la République, 1794, petit in-12 de xij (52) pages pour les titres, l'avertissement, la table des leçon et l'errata, et 204 pages de texte. Il supprima les planches et les mémoires ; il n'y conserva que les treize premières leçons, auxquelles il en ajouta une quatorzième qui n’était point dans l'édition de 1782, sur les remèdes les plus nécessaires aux troupeaux, et il annonça dans la préface la réimpression de la première édition.
Cet extrait, bien plus à la portée du grand nombre, fut d'autant plus rapidement enlevé, que la commission d'agriculture et des arts, qui s'occupait alors de l'amélioration de nos bêtes à laine, le fit connaître et distribuer dans les départements, en en prenant un assez grand nombre d'exemplaires aux frais du Gouvernement. On le réimprima deux fois en l'an 3 [1785], d'abord chez Didot jeune, du même nombre de pages ; et ensuite dans l'imprimerie de Dupont, de 202 pages de texte, le caractère étant un peu plus petit. L'errata de l'édition précédente fut corrigé ; et Daubenton ajouta à la suite de l'avertissement, le rapport fait à la commission d'agriculture et des arts, et la lettre de cette commission aux administrateurs de district pour le répandre.
C'est à cette même époque que la commission d'agriculture obtint de la Convention nationale le décret pour la réimpression de l'édition originale aux frais du Gouvernement, et qu'elle obtint aussi deux autres objets également importants à l'amélioration de nos bêtes à laine, la conservation du beau troupeau national de Rambouillet et celle du troupeau de Daubenton, que les circonstances le forçaient à vendre : un légère gratification annuelle le mit à portée de conserver le fruit de ses expériences, et de les continuer jusqu'à sa morts.
La publication du décret de la Convention nationale dans les journaux, fit croire aux étrangers qu'on avait effectivement imprimé alors cette nouvelle édition ; mais différentes circonstances s'y opposèrent dans le temps. Elles furent les mêmes qu'en l'an VII [1798], lorsque le ministre de l'intérieur (François de Neufchâteau) ordonna l'exécution du décret. Daubenton ne jouit point du plaisir de voir son ouvrage réimprimé avec les augmentations qu'il y avait faites ; c'est au profit de sa veuve, sous le ministère et par les ordres du Citoyen Chaptal (Ministre de l'Intérieur) , que cette édition a été exécutée à l'Imprimerie de la République, avec tous les soins qui caractérisent les ouvrages confiés au Citoyen Duboy-Laverne, directeur de cette imprimerie.
Mais les étrangers qui s'occupaient de l'amélioration des troupeaux et des laines, n'avaient pas négligé de s'approprier la première édition de cet ouvrage, en le traduisant dans leur langue, et tous lui conservèrent la forme de catéchisme que lui avait donné Daubenton.
M. Wichmann en publia une version allemande, in-8°, en 1784, à Leipsic de Dessau, dont M. Beckmann rendit compte, la même année, dans sa Bibliothèque physico-économique, tome XIII, 3e partie, page 441 et suivantes.
La seconde édition, que j'ai sous les yeux, est intitulée : Katechismus der schaafzucht zum unterrichtefür schoefer und schoeferey-herren, nach anleitung eines Franzoesischen werkes von Ludwig-Johann-Maria DAUBENTON, zum besten der schoefereyen Deutschlands bearbeitet und herausgegeben von Christian-August WICHMANN. Neue, durchgehends berichtigte und stark vermehrte auflage : mit 22 kupfer-tafeln, Liegnitz und Leipzig, by David Siegert, 1795. Elle est in-8°, comme la première : elle a lij (52) pages pour la préface de la première édition, pour celle de la seconde, pour la table des leçons, des mémoires et des planches ; 648 pages pour le texte et la table des matières, et XXII planches.
Dans la préface de la première édition, M. Wichmann fait l'historique de l'amélioration des laines en France et l'éloge de Trudaine, il rend compte des travaux de Daubenton, d'après l'avertissement mis en tête de l'édition française, et des motifs qui l'ont déterminé à publier cette traduction. Il avait interrogé le public allemand dès la même année où parut l'ouvrage en France ; les réponses encourageantes qu'il reçut, et la liste des souscripteurs insérés dans la première édition, prouvent tout le cas que faisait de cet ouvrage un pays où le produit des troupeaux a été depuis longtemps un objet considérable de commerce. M. Wichmann a cru devoir supprimer dans sa traduction, ce qui ne pouvait être applicable à son pays, comme aussi il a cru devoir ajouter et refondre dans chaque leçon les observations et les expériences qui sont particulières à l'Allemagne, et que Daubenton ne pouvait ni connaître ni employer : quelques-unes de ces observations pourraient être utiles à l'amélioration et surtout au régime de nos bêtes à laine. Enfin, il fait des vœux pour la destruction du droit de pâturage et des jachères forcées, qui existent encore en Allemagne, en général, et dans la Saxe en particulier, et qui s'opposent également à l'établissement des prairies artificielles, au parcage des troupeaux et à leur nourriture à l'étable.
Dans la préface de la seconde édition, il dit un mot des progrès que l'amélioration de nos laines a faits en France après la publication de l'Instruction pour les Bergers ; progrès qu'il croit avoir été interrompus par notre révolution. Il fait connaître ensuite le bien qu'a produit l'ouvrage de Daubenton en Allemagne : c'est principalement dans le duché de Saxe-Cobourg, dans le margraviat d'Anspach et de Baireuth, en Franconie et dans l'évêché de Würtzbourg, que la réforme des abus dans le régime des troupeaux, l'abolition des droits de pacage et l'introduction des béliers d'Espagne à laine fine, ont le plus contribué à l'amélioration des bêtes à laine. En Bohème, en Silésie, en Bavière et en Saxe, quelques particuliers éclairés, possesseurs de grands troupeaux, en ont également profité, sans que le gouvernement y ait contribué par aucune amélioration dans les lois rurales.
"M. Arthur Young, ajoute M. Wichmann, en parlant du Catéchisme pour les bergers, prétend qu'une instruction verbale de peu de minutes, donnée par un vieux berger à un apprenti, instruira ce dernier plus sûrement que la lecture de ce livre. Cette décision de M. Athur Young, continue M. Wichmann, est un de ces grands mots de peu de sens, que l'on trouve sur presque les pages des écrits nombreux de ce demi-savant en matière d'économie politique ; et il n'est pas plus difficile de répondre à M. Arthur Young sur cet objet, que sur beaucoup d'autres." (Préface de la seconde édition allemande, page xxxvj.). 
Les figures de cette seconde édition de la traduction de M. Wichmann paraissent usées par le tirage ; et elles ne péviennent ni par le dessin, ni par la gravure. Il y a ajouté quatre mémoires publiés par Daubenton depuis l'impression de son ouvrage. Un de ces mémoires, sur les remèdes purgatifs bons pour les bêtes à laine, avaient déjà été traduit en allemand et inséré dans le premier volume du recueil publié par M. Ludwig sous le titre de Auserlesene beytroege zur thierazney kunst? Leipzig, 1786, in-8°.
Les Italiens en publièrent une traduction sous ce titre : Instruzione per pastori e proprietarj di gregge ; per ben allevar pecore, custodirle, condurle, pascerle, alloggiarle, tenerle monde et sane, guarirne le malattie, migliorarme la lana, castrarle, tosarle ; governar l'ovile, chiuderlo, coprirlo ; stabbiare, ec. Opera utilissima, fondata in replicate sperienze, di Mr DAUBENTON, della regia accademia delle scienze, della regia di medicina ; lettor et professore di storia naturale nel real collegio di Francia, custode e dimostratore del gabinetto di storia naturale del Giardino del re ; delle accademie di Londra, Berlino, Pietroburgo, Vergara, Dijon e Nancy. Tradotta dal Francese. In Venezia, MDCCLXXVII (1777). Apresso Gio. Antonio Pezzana ; con licenza de' superiori, et provilegio, In-8°, de viij pages pour le titre, l'avis, la table des leçons et les approbations ; 228 pages pour le texte, la table des matières et celle des planches, avec XXII planches meilleures que celle de la traduction allemande. Cette traduction italienne est littérale et sans aucune augmentation à l'édition française. J'ignore le nom du traducteur.
M. Gonzalez, professeur à l'école royale vétérinaire de Madridn en publia une traduction espagnole sous le titre : Instruccion para pastores y ganaderos escritta en Francès por el C. DAUBENTON, profesor de historia natiral en el museo de Paris, Traducida de orden del rey y adicionada por Don Francisco GONZALEZ, maestro de la real escuela de veterinaria de Madrid ; con superior permiso. Madrid en la Imprenta real, por D. Pedro Pereyra, impressor de camara de S. M. Ano de 1798. Petit in-8° de quatre feuillets non chiffrés pour le titre, l'épitre dédicatoire au prince de la Paix, et la préface ; 335 pages de texte, une page l'errata et deux planches : la première représente un bélier et une brebis d'Espagne à laine fine ; la seconde est celle de la saignée du mouton, planche XXI de Daubenton.
Cette traduction, qui, comme on le voit dans le titre, a été faite par ordre du roi, contient seulement les 14 leçons de l'extrait ; et M. Gonzalez a mis à la duite de chacune, des additions qui en rendent l'application bien plus utiles à l'Espagne. Quelques-unes de ces additions, celles sur les maladies des bêtes à laine entre autres, ne seraient point étrangères à la France ; et je me propose de les faire connaître plus particulièrement.
Il ne me reste plus qu'à dire un mot sur l'édition que je publie aujourd'hui.
Depuis 1782 jusqu'à l'an 4 (1796), Daubenton a lu à l'académie royale des sciences, à la société royale de médecine, à la société royale d'agriculture et à l'institut national, plusieurs mémoires sur les draps fabriqués avec nos laines fines, sur la comparaison de ces laines avec les plus belles d'Espagne, sur le parcage des bêtes à laine et sur la suppression des jachères, sur l'amélioration des troupeaux dans les environs de Paris, sur les expériences qui se font sur les moutons au Jardin des plantes, etc. Ces mémoires ont été insérés dans les recueils publiés par ces sociétés ; quelques-uns ont été imprimés et publiés séparément par ordre du Gouvernement ; mais, comme je l'ai déjà dit des premiers, ils ne sont pas, dans ces volumineux recueils, à la portée de ceux qui doivent les lire, et ils disparaissent et se perdent promptement après leur publication isolée. Il faut donc, pour qu'ils soient constamment utiles, les réunir en un seul corps, comme je l'ai fait, à la suite des autres et dans l'ordre que Daubenton leur avait assigné lui-même en arrangeant les matériaux de cette nouvelle édition qui m'ont été remis par Mme Daubenton avec les corrections, les changements et les additions qu'il avait jugé nécessaire d'y faire.
On y trouvera une leçon de plus que dans la première ; c'est la XIVe sur les remèdes les plus nécessaires aux troupeaux : elle est l'une des plus importantes de l'ouvrage, surtout par la nouvelle méthode de saigner les moutons que Daubenton y indique ; méthode qui réunit la commodité à la simplicité. Daubenton pensait au surplus, avec raison, qu'il était bien plus facile et bien plus avantageux aux propriétaires et à l'Etat, de prévenir les maladies que de les guérir ; et il m'a répété plusieurs fois que le vétérinaire le plus utile n'est pas toujours celui qui guérit, mais bien au contraire celui qui sait prévenir le mal.
Le Ministre de l'Intérieur, en me chargeant de mettre des notes à l'ouvrage de Daubenton, m'a donné à remplir une tâche peut-être au-dessus de mes forces ; deux de mes collègues avec lesquels je m'occupe successivement, depuis longtemps, de l'administration économique du troupeau de Rambouillet ; le Citoyens Gilbert et Tessier, auraient sans doute rempli les vues du Ministre beaucoup mieux que moi. Mais la perte irréparable du premier, dans une mission uniquement destinée à accroître nos connaissances et nos richesses en ce genre ; et l'historique de l'importation des bêtes à laine fine, en France, dont le Ministre (Chaptal) a chargé le second, m'ont laissé seul cette tâche importante : l'ouvrage de Daubenton est un bois sacré dans lequel on n'entre qu'avec respect ; et j'ai cru devoir me borner aux notes qui m'ont paru indispensables. J'ai conservé les noms des mois de l'ancien calendrier à côté de ceux du nouveau, et les anciens poids et mesures à côté de ceux qui sont actuellement en usage : les uns et les autres ne pourront de longtemps encore être à la portée des habitants des campagnes. J'ai aussi, comme l'avait fait M. Wichmann dans sa traduction, ajouté aux noms français et triviaux des plantes, les noms latins de Linné, pour qu'elles puissent être reconnues par tous ceux qui liront l'ouvrage, dans quelque pays que ce soit.
Les corrections, les additions et les augmentations m'ont forcé à refondre entièrement et à augmenter de beaucoup la table générale des matières. Cette table formera un répertoire d'autant plus complet, que j'ai retrouvé dans les papiers de Daubenton quelques notes qu'il n'était plus possible de faire entrer dans l'ouvrage, et j'ai placées, dans la table, aux articles Agneaux, Brebis, Chiens, Laine, etc.


Paris, le Ier pluviôse an 10 (21 janvier 1802)
[Jean-Baptiste HUZARD (1755-1838), Vétérinaire diplômé d'Alfort.]

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