COMICES AGRICOLES EN FRANCE

Publié le par histoire-agriculture-touraine

1785

Premiers Comices agricoles en France

Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des lettres en France depuis MDCCLXII (1762) jusqu'à nos jours ; ou journal d'un observateur. Tome 34. A Londres, chez John Admamson, MDCCLXXXIX (1789)

p. 258
7 mars 1787. On commence à parler beaucoup d'une institution formée par l'Intendant de la Généralité de Paris. Ce sont des Comices Agricoles ; ils ne ressemblent pas encore tout à fait à ceux du peuple Romain ; mais enfin ils sont louables et peuvent être utiles en leur genre. On aurait cru M. Berthier (1), personnage très frivole, capable d'un établissement aussi réfléchi. En voici l'origine.
En 1785, M. l'Intendant voulant encourager l'agriculture, le premier des arts, imagine de réunir dans chaque élection douze laboureurs des plus recommandables. Ils s'assemblent chaque mois un jour marqué chez le Subdélégué ; ils rendent compte de tous les faits intéressants relatifs à l'économie rurale ; ils correspondent avec la Société royale d'agriculture, et dès 1786 celle-ci a nommé des Commissaires pour aller recueillir, par eux-mêmes, lors de la tournée de l'Intendant, les lumières qu'ils pourront puiser dans chaque assemblée : ainsi, indépendamment de la Correspondance, cette récolte personnelle doit se faire une fois par an.
Il se distribue à chacune des séances une médaille décernée au Laboureur le plus méritant de l'aveu de ses confrères. C'est le Commissaire départi lui-même qui donne le prix.

(1) Louis Bénigne François BERTIER de SAUVIGNY (1737-1789) 

1819

Circulaires, instructions et autres actes émanés du Ministère de l'Intérieur, ou relatifs à ce département. Seconde édition, publiée par ordre du Ministre. Tome III. 1816 à 1819 exclusivement. A Paris, de l'Imprimerie royale. 1823.
p. 552-553
(Assemblées agricoles)
Paris, le 27 décembre 1819.
Le Ministre de l'Intérieur (Comte Decazes) (1),
Aux Préfets,
J'ai l'honneur de vous transmettre des exemplaires d'une notice sur les assemblées agricoles qui se tiennent en Angleterre. Dans ces sortes de comices, formés volontairement par des souscripteurs de tout rang, et principalement par des propriétaires et des cultivateurs ; tenus avec ordre, mais sans appareil, souvent en plein air ou dans des champs de foires, s'établissent les vrais intérêts de l'agriculture, les meilleurs méthodes à suivre pour obtenir des récoltes abondantes et de bonne qualité, le choix des graines et des plantes les plus utiles, la composition et l'emploi des amendements, les bons procédés, soit pour l'amélioration, soit pour l'engrais des bestiaux. Les concurrents y sont jugés par leurs pairs, en présence de tous, et les décisions des juges ne sont que l'expression de l'opinion générale. Le 9 décembre dernier, une assemblée de ce genre a eu lieu dans l'emplacement servant de grand marché pour l'approvisionnement de Londres en bestiaux. Il y a été distribué en prix environ 4 000 francs, et des médailles pour la valeur de plus de 600 francs., aux particuliers qui ont présenté les bœufs, les moutons ou les cochons les plus gras, engraissés de la manière la plus économique. Personne ne dédaigne de se présenter à ces concours, et un pair d'Angleterre s'est honoré d'avoir obtenu, à celui dont je parle, une prime de 150 francs, pour un bœuf de quatre ans nourris dans ses étables.
Il m'a semblé que si de pareilles institutions pouvaient s'acclimater dans un état aussi avantageusement situé que la France, notre agriculture en retirerait des fruits précieux ; nos cultivateurs, mettant ainsi en commun leurs connaissances pratiques et leur expérience, seraient mieux appréciés et s'attacheraient davantage à leur état. L'émulation s'augmenterait chez les propriétaires ; ils sauraient mieux tout le parti qu'ils peuvent tirer de leurs domaines, en y donnant eux-mêmes les soins qu'exige leur amélioration.
Tout ce qui sert à la nourriture de l'homme se perfectionnerait en qualité, et s'accroîtrait en quantité. Nos marchés s'approvisionneraient mieux et plus abondamment, et un surcroît d'aisance générale serait un des résultats heureux des associations agricoles que nous aurions eu le bon esprit d'emprunter à nos voisins.
Ces considérations me font désirer que vous examiniez attentivement jusqu'à quel point et par quels moyens les institutions qui font l'objet de cette lettre pourraient s'introduire parmi vos administrés. Il sera à propos de répandre, autant que possible, la notice que je vous adresse, en la faisant insérer dans les journaux de votre département, et en distribuant les exemplaires ci-joints de la manière la plus convenable.

(1) Comte Elie Louis DECAZES (1780-1860) : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lie_Decazes

1820

Annales de l'agriculture française. Deuxième série - Tome IX- Paris 1820.
p. 5-20
Des Assemblées agricoles an Angleterre ; par J. - B. HUZARD Fils, Médecin-vétérinaire, correspondant de la Société royale et centrale d'agriculture.
Imprimé sur ordre de S. Exc. le Ministre de l'intérieur.


En Angleterre, une institution répand, parmi la foule des agriculteurs praticiens qui n'ont pas mes moyens d'étudier, des connaissances agricoles, que nos Sociétés d'agriculture ont de la peine à répandre parmi un petit nombre d'agriculteurs instruits. Cette institution est celles des Assemblées agricoles.
Comme elles sont le résultat de certaines associations, il est nécessaire, pour en donner une juste idée, de faire connaître d'abord quelles sont ces associations.
Association s qui donnent lieu aux Assemblées agricoles.
1°. Dans tous les chefs-lieux des Comtés, et même dans presque toutes les villes un peu considérables, il y a une corporation. Cette corporation, composée de tous les principaux habitants, soit propriétaires, soit commerçants, et dans le sein de laquelle sont pris des magistrats, s'occupe de tous les objets qui peuvent augmenter les richesses de leur contrée, et le perfectionnement de l'agriculture est partout un de ces objets.
Pour s'en occuper, la corporation choisit dans son sein un comité ou bureau d'agriculture, qu'elle compose assez ordinairement ainsi qu'il suit :
1°. D'un président, choisi parmi les personnes de distinction, afin qu'il donne de la considération au bureau ;
2°. D'un vice-président, chargé plus particulièrement de la direction du bureau ;
3°. D'un secrétaire et d'un trésorier, qui tiennent les comptes des fonds fournis au bureau ;
4°. De trois ou quatre juges, choisis parmi les cultivateurs praticiens et instruits ;
5°. De membres-conseillers en nombre indéterminé.
Le président, le vice-président et les juges sont changés ou renommés tous les ans, le secrétaire et le trésorier sont à vie, et les conseillers sont tous les membres de la corporation qui sont agriculteurs.
Ce bureau ou comité n'a d'autre occupation que d'examiner quelles sont les branches de l'agriculture qui ont le plus besoin d'être encouragées, et de fixer des prix à décerner aux agriculteurs qui leur feront faire des progrès. Comme ces opérations n'exigent pas beaucoup de temps, le bureau ne s'assemble qu'aux époques indiquées pour la distribution des prix qu'il a proposés antérieurement, et c'est alors qu'il fixe les prix à distribuer dans la prochaine session.
Les juges sont spécialement chargés de l'examen des concurrents aux prix, et de déterminer qui les ont mérités.
Les fonds de ces prix sont faits par la corporation, et prélevés sur les revenus de la ville ou de la commune si elle en a, o bien sur les produits d'une souscription ou abonnement individuel ad hoc des membres de la corporation.
Ces distributions de prix sont assez généralement lieu deux fois par an : au printemps et en automne.
2°. En outre des corporations, il s'est formé dans beaucoup d'endroits des associations composées d'agriculteurs seule ment, et dont l'unique but est l'encouragement de l'agriculture : ces associations ont eu le plus ordinairement, pour fondateurs, des grands ou des agriculteurs instruits et riches, que l'amour du bien public faisait agir. Telles ont été celles formées par lord Bedford, par lord Somerville. Telle est celle dirigée, en Norfolkshire, par le cultivateur Coke.
Ces secondes associations, quand elles sont parvenues à mériter la confiance publique, ont donné lieu à des Assemblées agricoles, qui quelquefois ont été plus suivies que celles établies par les corporations des villes.
Elles forment ce que l'on appelle en Angleterre les Sociétés d'agriculture (Agricultural societies) ; elles ne s'occupent néanmoins, comme les bureaux d'agriculture des corporations, que de distribution de prix. Les fonds sont faits par une souscription individuelle volontaire, qui rend membre de la Société toute personne admise à la payer. Cette souscription est au moins d'une guinée (25 francs).
Le bureau est composé comme celui des corporations ; avec cette différence que tous les membres de l'association en sont membres-conseillers.
Les tavernes sont assez ordinairement les lieux où se font les réunions générales et les délibérations des sociétés. Leurs distributions de prix ne diffèrent en rien des premières, et se font aux mêmes époques.
3°. Une troisième espèce de Réunions donne encore lieu à des assemblées agricoles ; voici ce qui arrive : une personne connue fait savoir, soit par feuille publique, soit de toute autre manière, que tel jour, à telle heure, tous les cultivateurs du district pourront se réunie en tel endroit (une taverne), pour y discuter un sujet de culture qu'elle indique. Le résultat d'une pareille réunion est bien souvent la détermination de fonder un prix à l'agriculteur qui, par des expériences bien faites, donnera solution de la question proposée.
Une souscription est ouverte, les fonds du prix sont faits sur-le-champ, un bureau est nommé, le temps nécessaire pour faire les expériences convenables est fixé, et la réunion se sépare jusqu'à l'époque déterminée pour l'adjudication du prix : quelquefois les seuls souscripteurs, souvent tous agriculteurs peuvent concourir. L'adjudication du prix est ordinairement renvoyée à l'époque de la distribution des prix de quelque corporation ou société.
Cette troisième espèce d'association n'est que momentanée ; elle a été néanmoins à l'origine de quelques-unes des associations agricoles actuellement existantes.
Ces trois espèces d'associations ont pour but, comme nos sociétés d'agriculture en France, l'avancement de cette branche d'industrie ; seulement les moyens qu'elles emploient sont plus efficaces, et cependant plus simples, puisqu'ils consistent uniquement dans les distributions de prix faites dans ces assemblées publiques. Voyons ce qui se passe dans ces assemblées.
Assemblées agricoles.
Au premier jour de ceux fixés pour la distribution des prix proposés par une des associations dont je viens de parler, les juges se rendent à l'endroit indiqué ; le président, le vice-président, le secrétaire, le trésorier et la plupart des membres de l'association, s'y rendent avec eux. Le lieu est communément un champ, ou une place de marché devant la maison de réunion des membres de l'association.
C'est sur ce champ, sur cette place, que les juges font l'examen des concurrents, souvent sans autre abri contre le temps qu'un petit hangar provisoire et ouvert de tous côtés.
Là, toutes les discussions sont publiques, le premier venu peut dire librement son avis et faire ses observations aux juges. Les instruments nouveaux sont exposés à tous les yeux (les inventeurs se sont arrangés d'avance de manière à pouvoir les mettre en action) ; les bestiaux qui doivent concourir pour les prix sont amenés, examinés ; la validité des certificats de leur origine ou de la manière dont ils ont été élevés, est contestée, etc., etc. De cette manière, il ne peut y avoir de coteries ni d'injustice : l'opinion générale décerne d'avance les récompenses, et les juges, le plus souvent, n'en sont que les interprètes.
C'est une espèce d'arène dans laquelle s'empresse de descendre tous ceux qui sont mus par l'appât du gain ou le désir de se distinguer, et autour de laquelle ont intérêt à se ranger tous les autres cultivateurs, pour connaître les inventions nouvelles, et pour ne pas rester en arrière tandis que leurs voisins augmenteraient leurs connaissances et leurs richesses. Aussi, tous se rendent-ils avec empressement à ces assemblées dans le temps qu'elles se tiennent, et n'est-il pas rare que les endroits près desquels elles ont lieu, ne puissent pas loger le nombre de personnes qu'elles attirent.
Pendant qu'elles durent, les auberges deviennent de véritables écoles d'agriculture pratique, dont les leçons sont d'autant meilleures qu'elles ne se montrent pas sous forme de leçons. Là, les cultivateurs, en prenant leurs repas, discutent le mérite des concurrents aux prix ; les vaincus cherchent encore à disputer la victoire, mais sont obligés de céder à l'évidence ou à l'opinion du grand nombre.
Le cultivateur, témoin, dans ces Assemblées, des succès des autres, ne peut les voir sans émulation ; l'intérêt, l'amour-propre, quelquefois même la jalousie, sont autant de stimulants de l'industrie individuelle qui portent chacun à mettre à profit ce qu'il a vu. Dans deux ou trois jours, passé à une de ces Assemblées, le fermier anglais a beaucoup réfléchi, beaucoup appris, et a trouvé souvent de quoi s'occuper, en améliorations, pendant plusieurs des années qui vont suivre.
L'institution de pareilles Assemblées coûte aux corporations et aux particuliers qui s'associent pour les établir ; mais si l'on fait attention d'abord à la quantité d'argent qu'elles attirent dans les lieux où elles se font, par la consommation de la foule des spectateurs qui s'y rendent, ensuite le nombre des affaires de commerce qu'elles facilitent ou auxquelles elles donnent lieu ; enfin, à la masse des connaissances pratiques qu'elles répandent sur un espace d'autant plus étendu que le nombre de spectateurs est plus grand, l'on verra qu'il y a réellement avantage pour ceux qui les instituent, avantage pour ceux qui viennent y assister, et l'on ne sera plus étonné de les voir multipliées et très suivies.
Sujets de prix.
Toutes les espèces d'améliorations agricoles deviennent successivement des sujets de prix ; mais la bonne éducation des animaux domestiques et leur amélioration exercent une influence si marquée et si avantageuse sur les autres branches de l'agriculture, que toujours une grande partie des prix proposés y est relative. Je citerai les prix les plus ordinaires pour faire voir les clauses qui accompagnent quelques-unes.
20 livres sterling (480 francs), au propriétaire du meilleur étalon propre à donner des chevaux de chasse et de carrosse.
20 livres sterling (480 francs), au propriétaire du meilleur étalon propre à donner des chevaux de trait pour l'agriculture.
Les gagnants sont obligés de garder leurs animaux dans le district pendant le temps de la monte, et ne peuvent pas exiger, pour la saillie des juments, au-dessus d'un prix fixé par les clauses du concours.
20 livres sterling (480 francs), au propriétaire du meilleur taureau.
Le gagnant est tenu de garder l'animal dans le canton pendant un temps déterminé, et de ne prendre pour chaque saillie qu'un prix fixé dans les clauses du concours.
20 livres sterling (480 francs), au propriétaire du meilleur bélier.
20 livres sterling (480 francs), au propriétaire du meilleur lot de cinq moutons ou de cinq brebis d'un an et de la plus belle laine.
20 livres sterling (480 francs), au propriétaire du lot de cinq moutons gras, d'un âge déterminé et destinés à la boucherie.
10 livres sterling (240 francs), au propriétaire de la meilleure vache laitière d'un âge fixé.
5 livres sterling (120 francs), au propriétaire du meilleur verrat.
A la charge qu'il gardera l'animal pendant deux ans dans le canton, et qu'il l'emploiera à saillir pour un prix que l'on fixe.
Dans quelques endroits les Sociétés adjugent encore des prix aux propriétaires des animaux qui ont coûté le moins à nourrir, et qui, lorsqu'on les tue, donnent à la fois le plus de produit et ceux de la plus grande valeur. Les animaux qui concourent pour ces prix sont amenés. On apporte avec ux un registre légalisé de ce qu'ils ont coûté à nourrir, on les pèse, on les tue, on les dépèce et on calcule comparativement la valeur de tous les produits que chaque animal donne. Le plus grand bénéfice de la personne qui obtient ce prix n'est pas dans le prix lui-même, mais dans la valeur relative qu'il donne aux autres animaux de la même famille, qui, à cause de la facilité qu'on leur suppose à s'engraisser, sont vendus quelque fois des sommes exorbitantes.
Les autres prix sont relatifs aux objets suivants : 
Pour le cultivateur qui a obtenu la plus belle récolte des navets semés au semoir, sur un espace de terrain spécifié et d'une qualité donnée ;
Pour celui qui a obtenu la plus belle récolte de froment semé au semoir, sur une terre spécifiée et d'une qualité donnée ;
Pour celui qui aura introduit une nouvelle culture, soit de chanvre, soit de colza, etc. ;
Pour celui qui remplacera un mode d'assolement sur une espèce de terre par un assolement plus avantageux ;
Pour le cultivateur ou le mécanicien qui inventera un nouveau semoir, qui perfectionnera les charrues, les charriots, les moulins, les machines à battre les grains, etc. ;
Pour celui qui aura les plus belles prairies artificielles ;
Pour celui qui trouvera un moyen d'augmenter les engrais ou de les rendre meilleurs, ou de les appliquer plus avantageusement ;
Pour celui qui desséchera et rendra la culture les marais improductifs ;
Pour celui qui défrichera des landes, qui fera des plantations, etc., etc.
Il sera superflu, je pense, d'ajouter que les Associations ne distribuent pas des prix pour tous ces objets dans chacune de leurs Assemblées, mais seulement à mesure que leurs fonds le leur permettent, et qu'elles aiment mieux en distribuer moins, mais les rendre d'une valeur plus considérable pour mieux stimuler l'industrie.
CONCLUSIONS.
Il serait à désirer que des Associations se formassent en France pour créer de pareilles Assemblées agricoles, et certes celui qui réussira dans une semblable entreprise aura bien mérité de ses concitoyens.
Dans l'exécution, il est essentiel de ne pas oublier que le seul moyen de faire remplir à ces Assemblées le but de leur institution, est de rendre entièrement publiques les discussions des juges chargés de nommer les cultivateurs qui auront gagné les prix, et que pour cela il faut que ces discussions aient lieu dans des endroits où toute personne puisse entrer, sans aucune espèce de façons, en bottes, en blouse, en guêtres ; que la place la meilleure est un champ, au milieu des instruments, des animaux et de la foule des curieux ; que la confiance dans les juges fera seule tout le bien, et que pour que cette confiance ait lieu il faut d'abord des juges instruits, et ensuite que chaque personne, sans distinction, puisse juger ceux qui concourent aux prix, et puisse, pour ainsi dire, les leur adjuger elle-même.


N.B. En adressant aux préfets une notice de M. Huzard fils, sur cette institution d'un peuple voisin, S. Exc. le Ministre de l'intérieur leur a adressé la lettre suivante :
M. le Préfet,
"Dans ces sortes de comices, formés volontairement par des souscripteurs de tout rang, et principalement par des propriétaires et des cultivateurs, tenus avec ordre, mais sans appareil, souvent en plein air ou dans des champs de foires, s’établissent les vrais intérêts de l'agriculture, les meilleures méthodes à suivre pour obtenir des récoltes abondantes et de bonne qualité, le choix des grains et des plantes les plus utiles, la composition et l'emploi des amendements, les bons procédés, soit par l'amélioration, soit pas l'engrais des bestiaux. Les concurrents y sont jugés par leurs pairs, en présence de tous, et les décisions des juges ne sont que l'expression générale. Le 9 décembre dernier, une assemblée de ce genre a eu lieu dans l'emplacement servant de grand marché pour l'approvisionnement de Londres en bestiaux. Il y a été distribué en prix environ 4 000 francs, et des médailles pour la valeur de 600 francs, aux particuliers qui ont présenté les bœufs, les moutons ou les cochons les plus gras, engraissés de la manière la plus économique. Personne ne dédaigne de se présenter à ces concours, et un pair d'Angleterre s'est honoré d'avoir obtenu, à celui dont je parle, une prime de 150 francs, pour un bœuf de quatre ans nourris dans ses étables. 
Il m'a semblé que si de pareilles institutions pouvaient s'acclimater dans u état aussi avantageusement situé que la France, notre agriculture en retirerait des fruits précieux ; nos cultivateurs, mettant ainsi en commun leurs connaissance pratiques et leur expérience, seraient mieux appréciés, et s'attacheraient davantage à leur état. L'émulation augmenterait chez les propriétaires ; ils sauraient mieux tout le parti qu'ils peuvent tirer de leurs domaines, en y donnant eux-mêmes les soins qu'exige leur amélioration.
Tout ce qui sert à la nourriture de l'homme se perfectionnerait en qualité, et s'accroîtrait en qualité. Nos marchés s'approvisionneraient mieux et plus abondamment, et un surcroît d'aisance générale serait un des résultats heureux des associations agricoles que nous aurions eu le bon esprit d'emprunter à nos voisins.
Ces considérations me font désirer, M. le préfet, que vous examiniez attentivement jusqu'à quel point et par quels moyens les institutions qui font l'objet de cette lettre pourraient s'introduire parmi vos administrés. Il sera à propos de répandre, autant que possible, la notice que je vous adresse, en la faisant insérer dans les journaux de votre département, et en distribuant les exemplaires ci-joints de la manière la plus convenable.
Agréer, etc. "
Le Ministre Secrétaire d'état de l'intérieur,
Le Comte DECAZES.

1820

Annales de l'agriculture française. Deuxième série - Tome IX- Paris 1820.
p. 300-347
RAPPORT sur les Travaux agricoles des correspondants et des membres résidants à Paris.

Extrait :
Instructions.
La création du Conseil d'Agriculture, l'institution des correspondants départementaux, l'établissement des fermes d'expériences et des bergeries royales, tels sont, Sire, les moyens d'action qui sont actuellement en nos mains et vont être mis en œuvre, pour réduire en pratique, sur tous les points du royaume, les saines doctrines qu'appuient de leur autorité les plus habiles agronomes régnicoles et étrangers. Ajoutons à ces moyens d'action, ceux qui propagent l'instruction et la rendent vulgaire. C'est dans cet esprit que l'établissement des Sociétés d'agriculture d'arrondissement a été conseillé et autorisé. Leur nombre est actuellement de 165, et s'accroîtra successivement. C'est dans les mêmes vues que le Conseil a cherché à naturaliser en France l'institution anglaise des Assemblées agricoles [Comices]. Une instruction destinée à la faire connaître est actuellement répandue dans les départements. Ces assemblées, composées de fermiers et de laboureurs, forment un jury rural qui prononce sur le mérite, soit des méthodes, soit des instruments aratoires soumis à son jugement, et décerne le prix à ceux des concurrents qui présentent les plus beaux résultats.
C'est une véritable amélioration de nos anciens comices agricoles, interrompus par la révolution ; c'est un moyen également simple et puissant d'établir entres les cultivateurs des communications profitables, de les intéresser tous aux travaux de chacun, de développer chez eux les germes de l'émulation et de propager rapidement, jusqu'aux lieux les plus reculés, l'emploi des pratiques que couronne le succès.

Comte Elie Louis DECAZES (Ministre de l'Intérieur)

1820

Annales de l'agriculture française. Deuxième série - Tome XV- Paris 1821.
p. 289-328
RAPPORT AU ROI
Sur les travaux du Conseil d'Agriculture et de ses membres correspondants, pendant l'année 1820.
p. 325-328
Comices agricoles.
Cependant, quelle que dût être l'utilité de ces associations, on ne pouvait se dissimuler qu'il nous manquait quelque chose pour compléter le grand système d'amélioration ; et le dernier moyen proposé a été la création des comices ruraux. Ces comices, analogues à des réunions existantes depuis longtemps en Angleterre, seraient des associations volontaires composées d'hommes qui pratiqueraient eux-mêmes l'art honorable et difficile de la culture. Ils pourraient s'assembler souvent dans un village et dans un champ. Leur but serait de se concerter sur les prix à distribuer au cultivateur qui aurait, à une époque déterminée, obtenu le plus de succès dans un genre quelconque de culture, présenté le plus beau taureau, les meilleurs troupeaux, le plus bel étalon ; perfectionné les instruments aratoires, ou fait l'application la plus heureuse de ceux qui sont en usage.
Ce plan, dont l'idée première est due au fils de M. Huzard (1), membre du Conseil, et à M. Levavasseur, correspondant de l'Oise, a été l'objet d'un examen approfondi. M. le comte de Chaptal (2), dont le zèle est connu de VOTRE MAJESTÉ, n'a pas négligé de faire ressortir les avantages d'une semblable proposition. Des objections ont été faites dans quelques départements. On a dit que les habitudes de l'homme des champs en France, le morcellement des propriétés, l'intérêt privé et exclusif ne permettaient pas de songer sérieusement à ces sortes d'institutions. Mais le plus grand nombre de réponses a été favorable : des réunions agricoles ont eu lieu déjà sur plusieurs points, des projets de statuts ont été dressés. Tout annonce que l'Aveyron, l'Aude, l'Ariège, le Loiret, Maine-et-Loire, les Hautes-Alpes, la Marne, vont avoir leurs comices. La première impulsion étant donnée, elle s'étendra, sans doute, dans plusieurs autres départements. Ainsi sera complété, selon les augustes intentions de VOTRE MAJESTÉ, le système des institutions favorables aux progrès de l'agriculture française. Le Conseil général est, dans cet ordre d'idées, le sommet où tout vient aboutir ; les membres correspondants et les Sociétés d'Agriculture se placent naturellement à la suite du Conseil. Les comices agricoles composeront le dernier anneau qui unira la pratique à la théorie : ils seront, comme on l'a dit, le lien de la science avec son application.
Il me resterait, SIRE, à mettre sous les yeux de VOTRE MAJESTÉ le tableau des correspondants nommés en 1820, avec l'indication détaillée de leurs travaux et des services qu'ils ont rendus ; mais j'ai cru pouvoir en ajourner la présentation jusqu'au moment où ils auront atteint le nombre fixé. Le nom de plusieurs d'entre eux s'est déjà trouvé sous ma plume. J'aurai pu en désigner beaucoup d'autres, dont les opinions, dont les expressions mêmes, sont consignées dans ce rapport. Mais la multitude des mémoires qu'ils ont adressé n'a pas permis d'en faire une analyse complète ; et je me ferai un plaisir plus tard, de rendre à ceux dont les noms étaient dignes de figurer ici, un témoignage non moins solennel de satisfaction. Ce sera, si VOTRE MAJESTÉ daigne le permettre, l'objet d'un second rapport, auquel je joindrai également le tableau des agriculteurs qui, sans être membres correspondants du Conseil, auront mérité par leurs travaux, d'obtenir des encouragements et de fixer les regards du Prince.
Je suis avec respect, SIRE, DE VOTRE MAJESTÉ (Louis XVIII), le très dévoué et très fidèle serviteur et sujet, Le Ministre secrétaire d'Etat au département de l'Intérieur. SIMÉON (3)
Approuvé : signé LOUIS. Par le Roi : signé SIMÉON (3)

(1) Jean-Baptiste HUZARD fils (1793-1878) https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Huzard_fils

(2) Jean Antoine CHAPTAL (1756-1832)  http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Antoine_Chaptal

(3) Joseph Jérôme, comte SIMÉON, (1749-1842) https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_J%C3%A9r%C3%B4me_Sim%C3%A9on
 

1824-1859

Dordogne

MARACHE Corine, "Encourager plus que l'agriculture. Le rôle du comice central de la Double dans le développement rural local", Ruralia [En ligne], 16/17 | 2005. http://ruralia.revues.org
p. 2
Dans les années 1820, le département de la Dordogne commence à se doter de comices agricoles. Les deux premiers sont respectivement fondés en 1824 à Lanouille et en 1827 à Montagrier. Mais, comme dans le reste du pays, le phénomène ne prend toute son ampleur que dans les années 1830-1840.
Trente-cinq comices sont dénombrés au terme de la monarchie de Juillet [1848], pour une quarantaine de cantons.

Lanouille : 1824
Montagrier : 1827
Ribérac : 1837
Saint-Aulaye : 1840
Montpon : 1856
Mussidan : 1859
 

1838-1870

Sarthe

VIVIER Nadine. Les comices agricoles et la Société d'agriculture de la Sarthe. Bulletin de la société d'agriculture Sciences et arts de la Sarthe, n° 873, 2011.

Extraits :
« Les comices agricoles sont institués dans le département de la Sarthe par arrêté du 28 juin 1837. »
« En 1838, douze comices sont créés etc. »
« C'est en 1839 que sont créés les premiers comices de l'arrondissement de La Flèche. »

« Peu après leur constitution, les comices ont tendance à s'étioler. Le nombre des membres décroît dans les années 1839-1855, c'est le cas du comice de la Ferté-Bernard (de 100 en 1838 à 25 en 1855), à Mamers de 83 à 53. »


« Sous le Second Empire, les comices de canton connaissent le succès. La plupart des cantons, spontanément, réclament le leur, sans que s'exerce la pression du préfet. En 1859 existent 17 comices etc. »
 

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