GRASLIN Jean-Joseph-Louis (1728-1790)

Publié le par histoire-agriculture-touraine

Dictionnaire des scientifiques de Touraine, Presses Universitaires François-Rabelais de Tours, 2017, 414 p.
Extrait p. 230-231
 

GRASLIN Jean-Joseph-Louis

Né le 13 décembre 1728 à Tours

Décédé le 11 mars 1790 à Nantes

Économiste

Membre de la Société d'agriculture de Limoges et adepte de la doctrine économique des physiocrates (à la même époque, Turgot est intendant de la généralité de Limoges)

" Contrairement aux physiocrates, il montre l'intérêt de l'impôt indirect et soutient que la productivité ne provient pas fondamentalement de la terre, mais essentiellement du travail, que celui-ci sot appliqué à l'agriculture, à l'industrie ou au commerce. Graslin dédie son manuscrit à la Société royale d'agriculture de la Généralité de Tours dont il est membre depuis sa création en 1761 [à vérifier !!] , et qui est défavorable aux idées physiocratiques."

SOURDEVAL (de) Charles, "Recherches sur la vie, les doctrines économiques et les travaux de J.-J; Graslin  par M. Luminais", Annales de la la Société d'agriculture d'Indre-et-Loire; t. 41, 1862, p. 125-132

1767

La Société et la doctrine physiocratique

 

GRASLIN J.-J.-Louis, Essai analytique sur la richesse et sur l'impôt 1767 ; publié avec introduction et table analytique par A. DUBOIS, professeur d'économie politique et d'histoire des doctrines économiques à la faculté de droit de Poitiers. Lib. Paul Geuthner, Paris 1911. 215 p.

P. V-VI
L'origine de cet ouvrage paru pour la première fois à la fin de l'année 1767 et qui n'avait jamais été réédité depuis est bien connue. A l'instigation du président Turgot, intendant de la généralité de Limoges, la Société royale d'agriculture de Limoges institua en 1766 un prix de théorie économique subventionné par l'intendant lui-même. Le premier sujet mis au concours fut le suivant : Démontrer et apprécier l'effet de l'impôt indirect sur le revenu des propriétaires des biens-fonds.
Un programme explicatif fut rédigé, vraisemblablement par Turgot, imprimé et publié. Il supposait admise, comme vérité hors de doute, la théorie physiocratique sur l'incidence de l'impôt. […] Dix mémoires furent remis ; deux furent récompensés. L'un obtint le prix, il était dû à de Saint-Péravy qui avait fait siennes les idées des Physiocrates ; l'autre, qui les avait critiquées, n'obtint qu'une mention honorable. L'auteur de ce second Mémoire ne se fit pas connaître de la Société mais on sut bientôt dans le public que le second lauréat était Jean-Joseph-Louis Graslin, alors receveur général des fermes du roi à Nantes.
 

p. VIII
Il [Graslin] dédia son Essai à la Société royale d'agriculture de Tours dont il était membre depuis 1761 (Sourdeval 1862), et qui avait rejeté la "science nouvelle"


p. XXXIII-XXXVI
A messieurs de la Société royale d'agriculture de Tours
Messieurs,
Agréez l'hommage libre et désintéressé du compatriote qui partage avec vous le désir d'être utile à l'humanité. Le sujet de l'ouvrage que je vous présent n'est point étranger à votre institution. Vous connaissez les opinions que je combats ; vous les avez vu naître, et se répandre avec un succès dont vous seriez surpris, si vous pouviez ignorer que, souvent, les plus grandes absurdités ont obtenu des suffrages éclatants et presque universel. Avant Descartes, tout fléchissait sous fléchissait sous la tyrannie du péripatétisme [doctrine d'Aristote]. Ce philosophe immortel, l'honneur de notre Touraine, entreprit le premier de tirer la raison de cet asservissement honteux. Le flambeau de la philosophie naturelle, rallumé par ses mains, perça peu à peu le voile de l'erreur, et rétablit enfin la vérité dans ses droits.
Il serait affligeant pour l'humanité, Messieurs, que la philosophie politique n'eût pas le même sort ; et que de futiles hypothèses éteignissent sans retour les premiers rayons de la science, dont la connaissance influe souverainement sur la prospérité des Empires. Attentifs aux progrès de cette science importante, vous la voyez chanceler encore autour de son berceau, en attendant qu'une théorie solide et profonde vienne remplacer les idées systématiques qui la défigurent, et qui s'opposent à son accroissement.
Je me croirais heureux, si mes faibles efforts pouvaient du moins préparer cette révolution. J'ai appliqué aux matières économiques la méthode du Restaurateur de la Philosophie [Descartes], en n'établissant aucuns principes qu'après les avoir soumis à l'épreuve du doute et de l'expérience ; mais je n'ai pu qu'ébaucher le plan d'un édifice immense, qui demandait une main plus habile : il n'est donné qu'à des génies du premier ordre de s'élever à ces hauteurs, d'où l'esprit, en jetant les fondements d'une science, en aperçoit les limites, et embrasse, d'un coup d'œil, tout le détail des vérités qui lui appartiennent.
Comment, dans une science toute de faits, et bornée, par sa nature, à la recherche des rapports que les hommes ont entre eux, et avec les objets de leurs besoins, des suppositions gratuites ont-elles pu s'accréditer au point d'en imposer même à des Sociétés savantes ? Ce n'est point l'ascendant de la vérité qui leur a procuré ce succès, c'est l'attrait naturel de la science économique. Semblable à une flamme bienfaisante, dont la chaleur anime et vivifie tout ce qui se trouve inscrit dans la sphère d'activité, le patriotisme a excité dans les esprits une effervescence générale ; et, chacun brûlant du désir de s'initier à la connaissance des principes de cette science, on a pris les lueurs du crépuscule pour l'éclat du jour qu'elles annonçaient. Quand on marche dans les ténèbres, la moindre clarté peut faire illusion.
Pour donner du poids aux opinions modernes, on a cru qu'il suffisait de les étayer par des calculs : on s'est trompé. Les calculs ne sont que des raisonnements rendus sensibles par le moyen des signes sur lesquels on opère. Mais, comme les raisonnements les plus exacts ne concluent rien, s'ils ne sont appuyés sur des principes évidents, de même les calculs les plus justes ne prouvent qu'autant qu'ils sont les conséquences de quelque vérité déjà connue. Ainsi, calculer, en matière de science, ce n'est rien moins que combiner des signes abstraits, suivant une loi donnée ; c'est chercher, par une méthode abrégée, le résultat de principes analysés avec précision ; c'est comparer les rapports de quantité qui sont dans les choses ; rapports que le calcul suppose, mais qu'il ne produit pas.
Des réflexions aussi simples devaient-elles échapper à nos calculateurs politiques ? S'ils les eussent connues, ils n'auraient pas prodigué au Tableau économique une admiration servile et exclusive ; et le commentateur [Quesnay ?] de cette formule, qu'on appelle un des chefs-d’œuvre de l'esprit humain, ne se serait pas écrié : Homme de tout culte et de tout sens, la loi physique de la nature vous est développée ; il ne sera plus temps d'en alléguer l'ignorance, le crime par essence vous est désigné.
Malgré cet anathème solennel, je n'ai pas cru devoir admettre la nouvelle doctrine [physiocratique] sans examen ; et j'ai osé, en suivant les traces de l'erreur jusqu'à son origine, mettre à découvert les racines de ce nouvel arbre de vie. Peu à peu le temps les desséchera ; le souffle de la vérité dissipera sans retour ce prestige du moment ; et les plus grands sectateurs des opinions récentes, que trop d'enthousiasme a égarés, en deviendront eux-mêmes les plus zélés adversaires.
Pour vous, Messieurs, que ces opinions n'ont pu séduire, et qui n'avez vu dans la rapidité de leur progrès, qu'une épidémie dont vous avez su vous préserver, vous ne trouverez dans cet ouvrage que l'exposition de vos sentiments. Eloigné de vous [Graslin, natif Tours, habite Nantes ; est-il membre de la Société d'agriculture de la Généralité de Tours ?], et privé de vos conseils, j'ai senti combien ce secours manquait à mon travail. Il ne manque pas moins à mon cœur de vivre avec vous au sein de notre commune patrie, et d'y jouir de la douceur de votre commerce.


Molliter austerum studio fallente laborem. [Montaigne]


Je suis avec respect,
Messieurs,
Votre très humble et très obéissant serviteur *** [GRASLIN Jean-Joseph-Louis]

1861

LUMINAIS R.-Mie, Recherches sur la vie, les doctrines économiques et les travaux de J.-J.Louis GRASLIN
Annales de la Société académique de Nantes et du département de Loire-Inférieure, Tome XXXII, 1861, p. 377-450

1862

Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire. Deuxième Tome XLI, Tours, 1862. 

Résumé par Charles Sourdeval du texte paru dans les Annales de la Société académique de Nantes paru en 1861


Extraits p. 125-132


Recherches sur la vie, les doctrines économiques et les travaux de J.-J.-Louis Graslin par M. Luminais. Ouvrage couronné par la Société académique de la Loire-Inférieure. In-8° de 76 pages, Nantes, veuve C. Mellinet. 
Article signé par SOURDEVAL (de) Charles, secrétaire perpétuel.

"M. Luminais, à qui le département d'Indre-et-Loire doit la création d'une importante valeur agricole par le dessèchement de l'étang de Rillé, a en outre représenté ce département à l'Assemblée nationale de 1848. Retiré à Nantes aujourd'hui, il vient d'honorer les loisirs de sa retraite en se livrant à d'intéressantes recherches sur la vie et les travaux d'un homme éminent, dont le nom appartient à la Touraine à plus d'un titre, car il vit le jour dans les murs de cette ville, et il fit partie de la première Société d'agriculture de Tours, lors de sa fondation, en 1761.
Jean-Joseph-Louis Graslin naquit à Tours, le 13 décembre 1728, d'une famille honorable et considérée dans la finance [....] Ses connaissances, sont haut savoir l'avaient fait remarquer ; il fit partie de plusieurs académies, le la Société d'agriculture de Tours, de celle de Limoges, de l'Académie impériale de Saint-Pétersbourg.[....]La Société royale d'agriculture de Limoges, adoptant les doctrines économiques, alors en vogue, de l'école de Quesnay, mit en 1767, au concours, la question suivante : Démontrer apprécier l'effet de l'impôt indirect sur les revenus des propriétaires de biens-fonds.
L'école de Quesnay, dite des Physiocrates, avait proclamé que la production agricole était seule réelle, que les autres n'en étaient qu'une modification de peu d'importance, où les avantages étaient balancés par les frais. La conséquence de cette proposition était que, la terre seule produisait, elle devait être chargée directement de tout impôt, et que l'impôt indirect était une vaine forme employée, puisqu'il retombait toujours sur la propriété. [....] M. Graslin, qui pendant son enfance avait résolu un problème d'arithmétique par la seule intuition, saisit avec la même facilité l'erreur jusque là non combattue à laquelle se livrait la Société royale de Limoges dans le courant naissant de la science économique. [....] Il reçut une mention honorable, laquelle eut les honneurs d'une savante explication donnée par l'illustre Turgot, alors intendant de la généralité de Limoges, et présidant, pour la circonstance, la Société royale d'agriculture. Le mémoire ainsi mentionné fut publié la même année sous le titre de : Essai analytique sur la richesse et sur l'impôt (Londres, 1767, in-8° de 408 pages). Le volume parut sans nom d'auteur, et la ville de Londres est un pseudonyme pour Paris. etc...

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