Vignoble de VOUVRAY (Indre-et-Loire)
Monographie de la commune de Vouvray, par Auguste CHAUVIGNÉ
Mars 1909
Bibliothèque municipale de Tours, section patrimoine, en accès libre : cote 944.54 VOUV
Deux chapitres très intéressants sur la viticulture à Vouvray au XIXe siècle et début XXe :
Avant le phylloxéra : p. 29-39
Pendant la crise phylloxérique : p. 122-139
Extrait p. 122-124
Chapitre VI
LES CULTURES
La viticulture, les vignobles. - L'attention toute spéciale que nous avons apportée à l'étude du sol dans le chapitre 1er de cette seconde partie a déblayé, à dessein, la question de l'état actuel des cultures de tout son ensemble théorique ; nous n'y reviendrons que pour en tirer des conclusions en dirigeant toute notre étude et tous nos efforts vers une connaissance complète du vignoble et de ses crus fameux.
Bien que nous ayons conduit déjà le lecteur jusqu'au seuil de ce siècle, notre regard doit remonter plus haut, de quelques années ; l'histoire réelle du vignoble actuel [1909] date de sa reconstitution et c'est sur cette période entière de sa résurrection que doit s'étendre notre vue.
La question de la replantation des vignes blanches de Vouvray fut la plus troublante qui soit au monde pour un viticulteur devant lequel – malgré les exemples des autres vignobles français – la terrible question de l'adaptation au sol et de l'affinité des greffons se dressait pleine de mystères.
On comprend qu'il ait été hésitant, qu'il ait mis un certain temps à prendre confiance et courage et il ne faut pas le regretter aujourd'hui, cars ses recherches lentes ont été sûres, elles lui ont permis, sauf quelques essais malheureux inhérents à tout début, de posséder actuellement un merveilleux vignoble, robuste, sain, solidement établi, et promettant le retour des plus beaux des anciens succès.
C'est grâce aux enseignements du professeur Dugué, à ses conférences, à celles organisées par la Société d'Agriculture, Sciences Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, grâce aux champs d'expériences, aux pépinières de plants greffés qu'on est arrivé à faire la sélection convenable, que les sujets qu'on est arrivé à faire la sélection convenable, que les sujets impropres ont été négligés pour laisser la place aux cépages de choix.
C'est aussi grâce à l'heureuse initiative de quelques propriétaires, à leur foi dans l'avenir, à leur exemple pratique signalé comme modèle, que le mouvement de la reconstitution fut généralisé. Au premier rang il convient de citer M. Ch. Vavasseur, propriétaire du domaine des Bidaudières, qui, dès le début, fut à la tête du progrès viticole de Vouvray.
Aux origines, la série des producteurs directs a fait de timides tentatives, le Noah, le Jacquez, l'Othello n'arrêtèrent pas l'attention et les viticulteurs restèrent plus préoccupés de la résistance des porte-greffes dans les terres calcaires, à sous-sol tuffeux, des grands vignobles vouvrillons.
Des essais nombreux furent faits de 1888 à 1890. Une légion de porte-greffes en sortirent vaincus plus ou moins par les épreuves faites en terrains calcaires ; parmi ceux qui donnèrent les meilleures espérances nous pouvons citer : le Riparia Gloire, le Rupestris-Monticola [Rupestris du Lot ou Rupestris Phénomène du Lot, ou Monticolz)], le Riparia-Rupestris 3309, le Riparia-Rupestris 1202, le Mourvèdre-Rupestris, le Bourrisquou-Rupestris, l'Aramon-Rupestris n°1.
Mais dès les premières plantations, les allures du Riparia-Rupestris 3309 et du Rupestris-Monticola les firent distinguer et, selon les terrains reçurent des faveurs marquées.
Après vingt ans [1888-1908] d'expériences, voici le résumé des observations faites sur les meilleurs porte-greffes dans les terres de Vouvray et leur classement par ordre de mérite :
1° Riparia-Rupestris 3309. - Se comporte à merveille dans les terres contenant plus de 30 % de calcaire, offre une affinité parfaite avec les greffons des gros et menu pineau, est fructifère et résiste à la sécheresse. Est employé surtout spécialement pour les vignes blanches.
2° Rupestris-Monticola. - Mêmes qualités que le précédent, mais est moins fructifère et offre un peu mois de résistance dans le calcaire, il supporte moins la sécheresse.
3° Riparia Gloire. - Végétation parfaite surtout dans les terres argileuses ; ne supporte pas le calcaire aisément de 20 à 25 % ; au-dessus, il chlorose et meurt. Convient par excellence aux vignes rouges des vallées, et présente une belle affinité pour les côts, les groslot, les gamays.
4° Tous les autres porte-greffes américains ont des qualités variées et des défauts plus grands qui les ont fait reléguer en deuxième plan par des études spéciales et une longue expérience.
La Touraine possède un Riparia dit Gloire de Touraine qui a montré ses énormes qualités ; il n'est autre qu'un dérivé très voisin du Riparia Gloire de Montpellier, et a été employé dans la région presque indistinctement.
Quand les essais furent suffisants, que les exemples des initiateurs donnèrent confiance, le mouvement se dessina dans la masse des vignerons et ils se mirent à l'œuvre.
C'est alors seulement que le greffage de la vigne se fit en grand selon les trois principaux modes connus : les greffes anglaise, en fente et de côté dite de Cadillac.
Pour les greffages sur table destinés aux pépinières pour la préparation des plants, la greffe anglaise fut de beaucoup la plus usitée, alors que pour les greffages en place, sur des souches de deux ou trois ans, la greffe de côté était préférée.
Les ligatures étaient faites avec des brins de raphia passés au sulfate de cuivre et les greffes, après stratification dans le sable ou dans la mousse, pendant quinze jours à trois semaines dans les caves, au cours des mois d'avril à juin, étaient mises en pépinière.
Les greffes étaient extraites de terre après racinement, soit au mois de novembre suivant, pour la plantation d'automne, soit en mars pour celle de printemps, qui était généralement préférée.
Lors de la plantation la disposition des ceps s'est sensiblement modifiée, les anciens modes de plantation ont été abandonnés et remplacés en grande partie par les alignements en cordons tendus sur fils de fer.
De fort pieux supportent la tension aux extrémités, d'autres moins gros soutiennent, par intervalle de 10 mètres, les deux ou trois fils placés dans les rangs, à distances égales, pour les accolages à partir de 0,30 m du sol. Les rangs sont espacés de 1,50 m pour permettre le labourage avec un cheval et, sur les rangs, les pieds sont plantés à 1 mètre les uns des autres, on en compte en moyenne et selon l'écartement de 6 000 à 7 000 à l'hectare.
Il existe cependant encore des vignes qui ont été reconstituées selon les anciens modes de plantations, soit en rangs de 1 mètre sur 1 mètre avec échalas portant chaque cep et deux liages de paille. Les façons de ces dernières sont toutes faites à la main, mais c'est l'exception. Les labours sont effectués comme nous l'avons déjà dit, avec cette différence qu'ils ont été multipliés en raison des soins plus grands que la culture moderne a exigés du vigneron, sans qu'il en soit cependant plus spécialement récompensé.
Monographie de la commune de Vouvray, par Auguste CHAUVIGNÉ
Mars 1909
Bibliothèque municipale de Tours, section patrimoine, en accès libre : cote 944.54 VOUV
p. 144
«Les grands domaines. Le plus grand domaine compris dans les limites de la commune a été pendant longtemps la Bellangerie [voir Gilbert Wycke], situé au nord-ouest, au-delà de la Fuye, vers les bois du Plessis. Il comptait, il y a dix ans environ [1899], plus de 100 hectares, était cité comme une ferme modèle ayant eu toutes les consécrations des récompenses officielles, Cet état de prospérité a pris fin ; tout en restant une ferme considérable pour le pays, la Bellangerie a vu sa surface considérablement diminuée.,,,, »