CONCOURS RÉGIONAL AGRICOLE DE TOURS 1873

Publié le par histoire-agriculture-touraine

1873

Journal d'agriculture pratique, janvier à juin 1873 Tome I. 1873
p. 790-796
CONCOURS REGIONAL DE TOURS.
Tours, du samedi 3 au lundi 12 mai 1873, pour la région comprenant les départements de l'Allier, du Cher, de l'Indre, d'Indre-et-Loire, de Loir-et-Cher, du Loiret et de la Nièvre.
Eugène GAYOT (membre de la Société centrale d'agriculture de France, ancien directeur de l'Administration des Haras  )

Tours a été, cette année, le siège du concours agricole de la région formée par les sept départements suivants : Allier, Cher, Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret, Nièvre.
Nous ne sommes plus au temps où les solennités de ce genre fournissaient l'occasion de jeter un coup d'œil rapide sur la région entière. Ce travail a été fait et bien fait pendant les premières rotations des concours ; il a mis en relief les principales richesses du pays, et nous pouvons bien dire qu'aujourd'hui l'agriculteur connaît la France agricole. Très peu la soupçonnaient, au contraire, dans le passé, avant la création des grands concours. A l'époque où les diverses régions s'ignoraient les unes des autres, il y avait entre leurs divers intérêts un antagonisme non justifié et très regrettable. Que cette opposition se soit à peu près effacée, c'est assurément un résultat en soi heureux et considérable. Constatons, car cela est vrai, que les concours régionaux n'ont pas été étrangers, mais favorables à cet important résultat.

1. La première division du concours a formé pour l'espèce bovine, quatre catégories sous les chefs ci-après : - race charolaise, - race durham, - croisements durham, - toutes autres races que les précédentes, spécialement appréciées au point de vue de l'aptitude particulière à la production de lait.
La race charolaise était représentée par 92 têtes ; celle de durham en comptait 65 : il y avait 55 croisés-durham et 66 animaux dans le groupe des races qualifiées laitières.

Je ne crois pas que la race charolaise ait jamais réuni un meilleur ensemble de reproducteurs. A cela rien d'étonnant. Les familles d'élite de la race sont aux mains d'éleveurs capables, très expérimentés et grands connaisseurs. Les premiers améliorateurs ont disparu ; mais ils ont eu d'habiles successeurs et ceux-ci ont peu à peu mis le sceau à la perfection. Au début, on ne s'est pas inquiété de savoir si la bête de trait disparaîtrait, un jour, sous le type le plus accentué de l'animal de boucherie ; il y avait trop loin d'ailleurs de l'un à l'autre pour que vînt à personne une pareille préoccupation. Celle-ci n'est venue que plus tard, lorsqu'on a bien reconnu, chez la bête à viande précoce, l'impossibilité absolue de pouvoir donner tout à la fois abondance de viande grasse et travail rémunérateur. La précocité appartient aussi bien au producteur de force musculaire qu'au producteur de viande de boucherie, mais les deux aptitudes ne sauraient se rencontrer sur le même individu par cette raison péremptoire qu'elle se développent par des moyens contraires, qu’elles résultent d'u régime différent ; d'une hygiène tout autre, et cela dès le commencement de la vie, pendant la période la plus active du développement. Quoi qu’il en soit, la race entière a profité, dans une très large mesure, des améliorations introduites par les éleveurs les plus habiles, et les animaux qu'à dessein on retient, dès le plus jeune âge, en deçà de la bête exclusivement poussée vers la production de viande, eussent été considérés autrefois comme les meilleures bêtes d'engraissement. Le travailleur de ce temps-ci a tellement progressé dans le sens de l'animal de boucherie qu'en réalité il ressemble peu à celui qui l'a précédé. Dans les stalles du concours, occupés seulement par des reproducteurs, les éleveurs distinguent facilement les animaux qui seront consacrés à la reproduction des travailleurs, de ceux dont la descendance devra aller directement à l'abattoir. Ces derniers diffèrent des autres en ce qu'ils ont les membres plus courts et les extrémités plus fines ; ils n'ont plus de "base", disent ceux qui demandent encore du travail aux charolais. Par contre ils ont de la "substance", c'est-à-dire le corps bien roulé, compacte, ferme ; celui-ci ne présente de creux ni extérieurement ni intérieurement ; il est dans toute l'acception du mot, un solide. Les autres, ceux auxquels on fera faire un détour avant de les envoyer au marché d'approvisionnement, ont plus de longueur de jambes, les extrémités plus fortes, de plus larges assises. Ils donneront des sujets plus aptes à la marche et capables d'une certaine résistance à la fatigue. Ce sont les travailleurs du jour, mais parfaitement appropriés les uns et les autres à leur destination immédiate. Les éleveurs savent bien ici ce qu'ils veulent ou plutôt ce qui leur convient le mieux ; et ils s'y attachent avec une habileté qui ne laisse rien à désirer. Le producteur exclusif de viande n'est pas détourné de sa voie, mais le travailleur est soigneusement maintenu dans la sienne à la limite même du possible. Aussi le jour où il cessera d'être mis sous le joug, il s'acheminera promptement et avantageusement vers la condition finale pour donner à l'étal viande abondante et de bonne qualité. La force des choses mènera certainement, dans un laps de temps moins long qu'on ne le suppose, à enlever la race charolaise à tout travail quelconque. Il est bien aisé de constater qu'avant longtemps elle y sera de moins en moins appropriée. Ici les générations se succèdent vite ; de moins en moins on les laisse vieillir, et de plus en plus on les nourrit comme demandent à être nourris des fabricants de viande pressés. Eh bien, ce jour-là, le travailleur très modifié que nous montrent les concours aura peu de chemin à faire pour rejoindre celui qui l'a précédé dans la carrière. L'élevage ne sera pas pris au dépourvu, tout converge vers ce but, rien ne lui fait obstacle ; tout concourt à assurer ce résultat, dans un avenir assez prochain. Cela revient à dire que la hausse très prononcée du prix des chevaux créé en ce moment un intérêt à revenir à leur production intelligente. Dans la plus grande partie de cette région, l'industrie chevaline, à peu près oubliée, fait défaut. C'est une situation anormale qui ne saurait plus se prolonger beaucoup. Il y a profit à faire de la viande ; il y en aura tout autant à produire de bons chevaux. Bœufs et chevaux ne font pas double emploi ; ils ont l'un et l'autre destination spéciale, utilité particulière, haute valeur. Ils vont fort bien ensemble. Loin de se nuire, ils se complètent, là où manque l'un des deux, il y a perte. Longtemps obscurcie par un défaut d'équilibre entre les profits résultant de la demande active du gros bétail et le peu de bénéfice que l'on trouvait à produire le cheval, que l'on ne recherchait guère, cette vérité va reprendre tous ses droits sous l'influence d'une même recherche.
Tel est le fait, - un fait nouveau, - qui se dégage de la situation actuelle. Sans produire moins de bêtes bovines, dont la culture doit se faire de plus en plus intensive, de manière à élever chaque produit à son maximum de puissance, on comprendra bientôt, - demain, si ce n'est aujourd'hui, - la nécessité de faire naître et d'amener à bien une nombreuse population équine, et l'agriculture sera d'autant plus incitée à revenir à cette industrie que tout se prépare pour lui donner les moyens de prendre un développement proportionnel aux divers besoins de l'époque. A cette région, cela va de soi, on demandera de produire, en une sorte perfectionnée, le cheval qui, tout en se parachevant au travail, se vendra le mieux après avoir rendu les meilleurs services à l'éleveur. Mais ce sujet va revenir un peu plus bas, à l'occasion du concours hippique qui a été annexé aux différentes divisions du concours régional. La chose à retenir, en ce qui concerne la race charolaise, c'est que, au point de départ des améliorations qui l'ont successivement transformée, nul à coup sûr n'avait prévu un résultat aussi complet dans un laps de temps aussi rapproché. Il y a moins loin aujourd'hui de la situation actuelle à celle que l'on peut facilement entrevoir pour une époque peu éloignée qu'il n'y a de ces commencements au point où elle se trouve en ce moment. Notons encore ceci, à savoir : à supposer que, dans les familles améliorées et pourtant les moins avancées de la race, le sang durham ait été introduit à une dose quelconque ; cette dose a été si ménagée qu'elle a laissé à la race française sa forme propre et sa caractéristique, non seulement dans ce que l'on a appelé le caractère spécifique, mais aussi, et d'une manière très accusée, dans ce que l'on a appelé les caractères secondaires. Le jour donc où l'on cessera tout à fait de la faire travailler, la France possèdera dans la race charolaise une race spécialisée pour la boucherie, une race de grande valeur, s'appartenant ben et taillée sur un autre patron que celui de Durham. Il est bien regrettable que la formation d'un herd-book soit chose si difficile. Le livre d'or de la race charolaise eût été d'un grand secours à son avancement rapide et plus certain. On finira sans doute par se rendre compte des avantages d'un pareil livre ; mais la race au profit de laquelle on l'institut en tire plus d'avantages encore dans ses commencements qu'à son apogée.

A Tours, la race durham s'est montrée ce qu'elle est partout, ni plus ni moins. Si pourtant j'établis par souvenir comparaison entre cette dernière exhibition et nombre d'autres, je dis avec certitude que celle-ci n'est pas, de toutes celles qu'il m'a été donné d'étudier, la plus brillante ou la meilleure. Il est plus facile de conserver que d'acquérir. J'appliquerais volontiers ce dicton aux races perfectionnées, et je n'aurai aucune peine à l'appuyer de preuves irrécusables ; mais ce n'est point le lieu. J'ajouterai cette simple remarque, afin que l'on ne m'accuse pas de détruire, à propos du durham, qui a son dictionnaire généalogique, l'observation que je viens de faire à propos de la race charolaise, qui n'a pas encore de herd-book.
La race durham est très disséminée France. Elle n'y existe d'ailleurs qu'en nombre infinitésimal si l'on en compare les existences au chiffre des groupes considérables que forme sur une surface relativement peu étendue chacune de nos grandes races. A n'en pas douter, les individualités éparses sont très malaisément maintenues au sommet de la race à laquelle elles appartiennent. Les animaux d'élite sortent bien plus facilement du grand nombre. De là vient que, pour entretenir à leur première élévation des colonies établies loin du berceau de la famille, on est de temps à autre, obligé de recourir à de nouvelles importations. C'est ce qu'on a appelé "rafraîchir le sang". Lorsqu'on emplie ce moyen, on fait en réalité que se conformer à la pratique usuelle. On emprunte à une famille voisine le reproducteur mieux doué, qui alors se recommande, et dont on n'a pas l'égal en ce moment, sauf à lui rendre la pareille dans une génération subséquente. La hauteur à laquelle se maintient chez nous la race durham témoigne d'un grand art de la part des hommes intelligents qui la cultivent. Mais je ne vois pas qu'elle se propage beaucoup, et les sérieux progrès qui ont avancé nos diverses races vers leur point de perfection ou relative ou absolue disent assez clairement que nous avons à faire sur nous-mêmes nos principales conquêtes. L'introduction des races étrangères a eu sa raison d'être et a rendu de signalés services à notre économie du bétail, mais l'ère en est très probablement fermée. En apprenant comment ont été perfectionnées les races chez nos voisins, nous avons appris à améliorer les nôtres : nous saurons bien les élever à leur apogée.
 
Une catégorie spéciale aux croisements durham était bien en situation ici ; elle y a été un peu inégale dans sa composition, mais généralement bonne. Le défaut d'uniformité est, au surplus, bien plus apparent que réel, car l'ordre tout fortuit des inscriptions nuit beaucoup à l'ensemble du groupe. C'est assurément une grande maladresse. On n'ouvre sans doute, dans un concours de reproducteurs, une catégorie aux produits issus, par le père, du durham que pour mettre en saillie l'utilité de ce croisement. Le but serait d’autant plus sûrement atteint que les produits se montreraient dans tous leurs avantages, plus près les uns des autres que disparates. Il serait naturel alors de les réunir pour groupes distincts. Ils gagneraient énormément à ce simple arrangement, qui aurait placé à côté les uns des autres tous les durhams-charolais, tous les durhams-manceaux, tous les durhams-cotentins, voire les durhams-parthenais ou poitevins, au lieu de les mêler ou de les enchevêtrer au hasard, ainsi qu'on le fait dans tous les concours. Comprendrait-on un semble méli-mélo pour l'ensemble même des exhibitions, et ne se figure-t-on pas aisément que chaque groupe perdrait s'il cessait d'être composé par les semblables ? On a plaisir à voir ensemble tous ces charolais, tous ces durhams ; on n'éprouverait aucune satisfaction à les cherche dans le tas : on les étudierait alors plus malaisément et avec plus de fatigue ou d'ennui que de charme. Il en est ainsi de tous ces disparates qu'on place là, sous prétexte de croisement, dans un ordre qui jette la confusion dans l'examen et la recherche. A degré de croisement égal, tous les durhams-charolais se rapprochent et se ressemblent, mais ils diffèrent des durhams-manceaux ; et les durhams-cotentins n'appareillent pas plus ceux-ci que les autres. C'est bien assez des différences profondes qui séparent les individus d'un même groupe, nés du même croisement à ses divers degrés. Il y a loin, en effet, d'un métis au premier sang à celui que le croisement continu a plus ou moins rapproché de la race croisante. Nous avons toujours demandé que l'on exigeât des exposants d'animaux croisés des renseignements plus complets sur l'ascendance de ces métis. On a fait la sourde oreille. A cet égard, les exhibitions n'apportent en réalité aucune lumière à ceux qui aiment à s'enquérir. L'enseignement aurait son utilité ; à plaisir on le laisse dans l'ombre. Non, les concours - par la faute de ceux qui président à leur organisation, - ne donnent à la pratique que la plus faible part du bon enseignement qu'il comportent. Le croisement de nos races indigènes par le taureau Durham a presque partout rencontré une vive opposition. Il a généralement soulevé de formidables objections. On a tenu pour absurde l'opposition, et on l'on a dédaigné les objections. Cette manière d'agir n'a pas avancé la solution des questions posées, et l'on mettra un siècle à rendre évidents les résultats que nous aurions obtenus expérimentalement en quelques années. La première objection a été relative au travail. On avait tout d'abord prétendu que les métis durham seraient moteurs aussi énergiquement que les produits de nos meilleures races de trait. L'élevage n'a pas donné dans cette visée, et de la manière la plus absolue s'est refusé à croiser par le durham les races vouées à la fatigue. Il a bien fait. Le bœuf de Durham est aux antipodes du bœuf né pour le travail. On n'a pas insisté. Et cependant, le bœuf dont on n'exige moins que par le passé, et qu'on envoie beaucoup plus tôt à l'abattoir, gagne à recevoir quelques gouttes de sang durham. La seconde objection est celle qui a été faite à l'introduction du sang durham dans les veines des races laitières. L'opposition n'a pas été moins formelle que pour le cas précédent. Nonobstant, quart sang ou demi-sang, une petite dose de sang durham, loin de nuire à la laitière beurrière, améliore le produit de ses mamelles en ce sens qu'il accroît sa richesse en beurre, tout en diminuant un peu la quantité du liquide qui le contient. Il était facile de faire ressortir la réalité de ces résultats ; on n'y a pas songé. On s'est dès lors exclusivement rabattu sur l'aptitude à produire abondamment de la viande précoce, et à cela se borne depuis longtemps le rôle de la race durham parmi nous. Les croisés qu'on appelle, dans les concours, au bénéfice d'une exhibition et de quelques primes (à Tours, 14 prix donnent une somme de 3 000 francs), n'ont d'autre prétention que celle d'être meilleurs producteurs de viande que les produits de race indigène. Eh bien, ce fait apparaîtrait d'une manière beaucoup plus appréciable, si le degré du croisement était connu. C'est aux concours de boucherie qu'il appartient de mettre en saillie les divers degrés d'aptitude à croître rapidement, à murir vite par conséquent, correspondant aux divers degrés de croisement. Au premier sang, les formes de l'animal ne révèlent pas, il s'en faut, toute l'étendue des facultés transmises par le père. La plus grande somme de celle-ci paraît s'être concentré dans la faculté d'assimilation dont les formes dépendent essentiellement, car en l'espèce elles ne peuvent qu'être consécutives. La puissance d'assimilation utilisant la nourriture est cause, le développement du corps est effet. Au deuxième sang, la conformation extérieure se rapproche proportionnellement beaucoup de celle du corps. Alors on apprécie mieux, - dans son apparence, - l'amélioration due à deux croisements successifs. Il suit de là qu'au point de vue spécial de la production de viande, le premier métis a plus de valeur qu'il n'en montre extérieurement. De là vient aussi qu'en vue de certaines destinations trois-quarts sang est souvent trop de sang. Ce serait le cas spécial de la laitière et plus encore de l'animal à soumettre au joug avant de l'envoyer à l'abattoir. A la catégorie des croisements durham a été une condition qui appellerait un examen. "Ne peuvent être admis dans cette catégorie, annonce le programme, que les animaux ayant pour père des taureaux durham ou des taureaux croisés durham. Le produit d'un croisement à l'envers serait donc repoussé. Le fils d'un vache durham, inscrite au herd-book, et d'un taureau charolais ne serait ni admissible ni admis. Il en serait ainsi de tout produit né d'un étalon manceau, cotentin, flamand, hollandais, que sais-je ? et d'un femelle qui serait elle-même le produit d'un croisement durham. D'où vient cette exclusion ? sur quoi s'appuie-t-elle ? On n'en perçoit ni le motif ni la raison. durham-charolais, durham-manceau, durham-cotentin, sont réputés croisés durham ; mais charolais-durham, manceau-durham, cotentin-durham sont réputés d'autre sorte et n'entrent point dans la catégorie des croisements durham. A Tours ils sont allés se réfugier dans la catégorie réservée aux races laitières, espèce d'ommium qui, si l'on n'y prend garde, va tout simplement remplacer l'ancienne catégorie des races diverses, connues ou inconnues, nommées ou innomées, et cette autre - supprimée aussi - des croisements divers. Je comprendrais tout autrement l'utilité de cette catégorie : j'aime à croire que, après le premier essai qu'elle vient de subir, on la définira mieux ; on saura préserver des intrusions et lui demander le précieux enseignement quelle est appelée à donner à la pratique.
 
A Tours, ce groupe spécial [Races laitières] avait réuni soixante-six inscriptions. On lui a donné une somme de 2 500 francs. Les honneurs et l'argent sont revenus à la race cotentine. Sur treize prix, cette race en a remporté 11. Les deux autres ont été attribués à une vache mancelle (!) de quarante et un mois, et à une vache parthenaise de huit ans. La cotentine a de plus obtenu la faveur d'une mention honorable.

Il fut un bienheureux temps où l'on donnait aux instruments les plus nouveaux, les moins connus ou les plus excentriques, force médailles de toute sorte. Plus tard, on les a soumis à des semblants d'essais qui les déshonoraient parfois sans les servir jamais. Aujourd’hui on les soumet, par séries, à des épreuves plus complètes ; les meilleurs en tirent avantage et le public est plus à même de bien les apprécier.
Pour faire bien connaître les races laitières, il y a mieux, beaucoup mieux à faire que ce qu'on vient de commencer, en ce qui les concerne, dans les concours régionaux de 1873, y compris, bien entendu, celui de Tours.
 
II. Dans l'espèce ovine, les races perfectionnées se maintiennent à leur hauteur dans les magnifiques troupeaux des grands éleveurs de la région, et les anciennes races locales, naguère si défectueuses ou si arriérées, avancent manifestement vers une bonne situation. Elles sont dès à présent, dans un état satisfaisant et tout à fait encourageant. Les races berrichonnes et solognotes, à en juger par les spécimens envoyés au concours, sont en progrès très marqué. Le vieux moule a été brisé ; berrichons et solognots d'aujourd'hui ont singulièrement distancés ceux d'il y a seulement vingt à vingt-cinq ans.
Des southowns et des dishleys, il n'y a plus rien à dire. On sait ce qu'ils valent ; on sait aussi où il faut les placer, les milieux qui leur sont le plus favorables, les conditions culturales qui leur conviennent le mieux. A Tours, le lot des southdowns était particulièrement remarquable. Composé de 70 bêtes, il arrêtait le visiteur et se faisait longuement admirer. Aux sept prix que leur attribuait le programme, le jury a ajouté quatre mentions honorables parfaitement justifiées. La liste des récompenses dira les noms des lauréats ; la lecture en est toujours intéressante et instructive. Le retour fréquent des mêmes noms est ici un témoignage de supériorité. On sait alors où l'on peut aller prendre les reproducteurs les mieux racés et les plus aptes.
Moins nombreuse (24 têtes), la race de dishley a vaillamment emporté les quatre prix qui lui étaient affectés.
La race charmoise, classée au programme, était représentée par 50 têtes : - 20 béliers et 30 brebis. Ce n'est pas sans peine que celle-ci a conquis ses titres de grande naturalisation. Longtemps contestée et ballottée, la voilà enfin bien assise. On a fait le possible et l'impossible pour la jeter aux oubliettes ; elle a eu toutes sortes de malheurs, mais elle a tenu bon. A ses créateurs intelligent, Malingiére et fils, succèdent des patrons non attentifs et soigneux, et la série de ses succès ne paraît pas devoir s'éteindre de sitôt. Mais les beaux animaux que les charmoises, et en quelle uniformité ils se montrent. "Point n'est besoin de chercher l'étiquette du sac, disait un visiteur en arrivant aux premiers du groupe, voilà les charmoises : ils sont faciles à reconnaître". Et leur éloge de commencer. Ils font mentir le proverbe : Ils sont prophètes en leur pays. Aux six prix que leur offrait le programme, deux mentions honorables ont été ajoutées. Les animaux exposés venaient du Cher, du Loir-et-Cher, de l'Allier et d'Indre-et-Loire.
Malgré leur petit nombre (17 bêtes), les mérinos et métis-mérinos font bonne contenance. Les promesses du programme s'arrêtaient à trois prix ; le jury en a ajouté un quatrième. Cela revient à dire que le lot était méritant.
Je viens d'exprimer mon sentiment sur les solognots et les berrichons. Aux quatre petits prix qu'on leur avait offerts sont venus s'ajouter deux mentions honorables. Si le programme prenait en considération les progrès déjà réalisés par les meilleurs éleveurs de ces deux races, le nombre des récompenses à leur décerner s'élèverait bientôt au niveau du résultat à atteindre.
Le lot des croisements divers comportait plus de 100 têtes. Il y avait ici de tout un peu et un peu de tout. A étudier cet ensemble, on était bientôt conduit à en détacher deux groupes, dont les individualités disséminées auraient beaucoup gagné à être réunies., - celui des croisements charmoise et celui des southdowns-berrichons. Ils contenaient tous deux de très bons animaux qui faisaient égal honneur aux races croisantes. Par ces mots, j'exprime plus qu'une appréciation personnelle, car le jury a porté le même jugement. En effet, sur les six prix accordés, j'en vois quatre affectés au croisement charmoise, et deux aux southdowns-berrichons.
Cette catégorie, nécessairement hétérogène, par suite de la multiplicité des combinaisons parmi lesquelles il y en a d'étranges, a besoin d'être revue, corrigée et considérablement diminuée. Elle serait d'ailleurs mieux placée transitoirement aux concours des bêtes grasses que dans une exposition de reproducteurs.
Le jury n'a pas décerné le premier prix affecté aux mâles.
 
Le concours de l'espèce porcine laissait à désirer surtout par le nombre ; il n'a réuni que 30 inscriptions pour 12 prix donnant ensemble la somme de 1 650 fr.
Que penser de ces 30 inscriptions ? sont-elles le fait d'abstentions regrettables, ou bien n'accorde-t-on plus dans cette région à l'élevage du porc l'importance qu'il y a eu autrefois ? Le recensement de 1873 aurait dû nous éclairer à cet égard ; mais ses résultats, qui ne sont point venus à Pâques, ne viendront pas davantage à la Trinité, et de ces choses, si intéressantes pour l'agriculture et pour l'économie publique, nous ne saurons rien de sitôt.
La race craonnaise a brillé d'un vif éclat. Elle se maintient au premier rang. Aux quatre prix offerts on en a ajouté un cinquième, fortifié par une mention honorable. La catégorie ne comportait que treize inscriptions.
Ce nombre est aussi celui de la catégorie des races étrangères pures ou croisées en elles. Ici les combinaisons se multiplient. Mais le but que se propose l'éleveur est un, le même pour tous, partout ; il en résulte que le mélange ne contrarie en rien le résultat cherché. Quel que soit l'animal primé, toujours il représente la même pensée ; en primant on couronne toujours le même effort, dirigé dans le même sens. Il n'y a ici ni vues divergentes, ni voies différentes : il n'y a qu’une route à suivre : ceux qui s'y engagent ne peuvent arriver qu'au même point, alors même qu'ils s'attarderaient, à moins pourtant qu'ils ne veuillent systématiquement s'arrêter en deçà.
Cette catégorie, au surplus était brillamment représentée, le jury lui a rendu bonne justice en lui décernant deux prix supplémentaires et une mention honorable.
Très pauvre la catégorie des croisements divers (quatre têtes) à laquelle on a enlevé deux prix sur les quatre offerts par le programme. Si l'espace ne me manquait, je dirais comment on pourrait la rendre l'une des plus intéressantes de nos concours.
 
142 lots peuplaient la volière et le clapier. Autant étaient beaux, dans leur race, les oiseaux de basse-cour, autant étaient défectueux et mauvais les animaux qui ont occupé les cases réservées aux lapins et léporides. En la pénurie actuelle de la viande, on n'a pas l'air de se douter que les petites espèces susceptibles d'être élevées par les plus pauvres comme chez les plus riches, pourraient apporter un très notable contingent à l'alimentation publique. Il y a ici tout à la fois et du dédain et de l'oubli, c'est un double tort. Je comprends qu'à regarder des lapins et des léporides de l'acabit de ceux qui ont figuré à l'exhibition de Tours, loin d'en devenir enthousiaste, on se sente pris d'un véritable éloignement pour de pareilles bêtes, sans en excepter le lapin blanc aux yeux rouges pour lesquels nombre de consommateurs ont une invincible répugnance ; mais il y a de bonnes race et de beaux et bons animaux qui attirent, à l'éducation desquels il est naturel qu'on s'intéresse et dont la présentation aux convives, quand le moment arrive, excite l'appétit tout en récréant les yeux. Ici, le jury a été plein d'indulgence ; mais les prix attachés à de mauvaises bêtes n'encouragent personne à se procurer les semblables. C'est en cela seulement qu'ils servent. Par ce motif, j'applaudirais à la médaille accordée à d'affreux animaux, si je ne me souvenais qu'il en est des races très supérieures et que, partout, on devrait s'empresser de les substituer aux autres. Par malheur, les bons ici ont fait défaut. Ils restent paisiblement chez eux où savent bien venir les prendre ceux qui préfèrent le bon au mauvais, le beau au le laid, les animaux qui produisent viande abondante et de bonne qualité à ceux qui fabriquent, sur de gros os, une petite quantité de chair molle et filandreuse ; ceux qui croissent vit à ceux qui ne se développent qu'avec une extrême lenteur ; ceux qui mangent leur ration avec appétit à ceux qui en gâchent une partie. A élever de bonnes races, il y a toujours profit.
Parmi les poules figuraient nos grandes races françaises ; mais la vraie pondeuse, de toute la plus féconde, la poule de ferme, ne brillait que par son absence. Les étrangères, ces belles dépensières, étaient en force et ont eu leur facile succès de chaque année. Bêtes d'amateurs, elles sont là pour l'ornement et la gloriole ; le nôtres n'existent que pour l'utilité et ne sont entretenues que pour leur rendement élevé.
Les dindons, les oies, les canards, les pintades, tous de bon choix, - à classer parmi les meilleurs et les plus utiles. Restent les pigeons. Mettez-les pour la plupart au pays de la fantaisie, et tirez l'échelle, car il n'y a rien après.
 
J'ai parlé un eu tôt. En effet, il y a encore un concours hippique et un concours de maréchalerie, après quoi nous aurons à jeter un coup d'œil sur les machines et les instruments ; sur l'exposition des produits agricoles et matières utiles à l'agriculture. Pour aujourd'hui ce serait trop, car la liste des récompenses allonge démesurément le compte rendu le plus rapide d'un concours régional.
Voici la partie de cette liste qui regarde la prime d'honneur, dont il faut bien aussi faire connaitre les lauréats, et celle qui concerne les diverses catégories de reproducteurs qui ont donné le sujet des précédentes observations.

PRIME D'HONNEUR.
M. Raoul Duval (lauréat de la première catégorie des prix culturaux), propriétaire exploitant directement le domaine de Marolles, situé dans la commune de Genillé, arrondissement de Loches (Indre-et-Loire).

PRIX CULTURAUX DES FERMIERS (2e catégorie).
M. Goossens, fermier à Sorigny, arrondissement de Tours (Indre-et-Loire).

PRIX SPECIAL DE VITICULTURE.
M. le marquis de Quinemont, pour les résultats remarquables obtenus par lui dans son vignoble de Paviers, à Crouzilles, arrondissement de Chinon (Indre-et-Loire).

Médaille d'or (grand module), M. Goussard de Mayolle, fermier, commune de Brizay, arrondissement de Chinon (Indre-et-Loire), pour ses cultures fourragères, pour l'emploi des engrais chimiques et des instruments perfectionnés.

Médaille d'or, M. Avril, à Preuilly (Indre-et-Loire), pour la bonne tenue de sa ferme.

PRIME D'HONNEUR SPECIALE AUX FERMES-ECOLES
M. Nanquette, directeur de la ferme-école des Hubaudières, arrondissement de Loches (Indre-et-Loire).
 

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