HUET Gaston (1910-2002)

Publié le par histoire-agriculture-touraine

2001

Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Touraine, 2001, Tome 14, p. 23-25
 

IN MEMORIAN GASTON HUET
1910-2002

[Membre de l'Académie Académie des Sciences Arts et Belles-Lettres de Touraine de 1998 à 2001]

Marcel GIRARD (Vice-Président de l'Académie. Réside à Rochecorbon depuis sa retraite en 1982. 
Il s'est mis au service des vignerons et a été nommé Grand Dignitaire de la Confrérie de la Chantepleure.)

Gaston Huet représentait à lui seul, au sein de l'Académie, le volet "Agriculture". En l'appelant à siéger dans nos rangs, nous n'avions pas oublié que notre Compagnie avait pour origine la Société royale d'agriculture de la Généralité de Tours, fondée par arrêté du roi le 24 février 1761, - la plus ancienne de France - et que même après 1806, quand elle a pris le caractère d'une véritable académie polyvalente, l'agriculture a continué de figurer dans sa raison d'être, précédant la mention des Lettres, des Sciences et des Arts. L'un de ses prédécesseurs ne fut-il pas Charles Vavasseur, prestigieux viticulteur et maire de Vouvray entre les deux guerres ? Nous devions à la viticulture, cette mamelle de notre région, d'être honorée par notre Académie en la personne de Gaston Huet, le plus éminent de nos maîtres vignerons. 

Il incarnait la fine fleur de la profession. Pourtant, dans ses jeunes années, rien ne semblait n'y prédestiner. Né dans le Massif-Central où il passa son enfance, il s'orientait vers une carrière d'ingénieur agronome, quand ses parents acquirent par hasard, sur un coup de foudre, séduits par la beauté du site, l'ancienne et très séduisante demeure du Haut-Lieu, au-dessus des coteaux de Vouvray. Gaston Huet abandonna la préparation des concours et se mit au service de ce qui allait devenir une brillante exploitation familiale. Dès lors toute son existence s'est concentrée sur la production d'un vin que sa science, son intelligence, sa persévérance, sa passion et son goût infaillible allait porter au sommet d'un des plus grands crus de France. Reconnu sur le plan national et international, il eut l'honneur d'être appelé au Conseil de l'Institut national des appellations d'origine, où ses avis étaient respectés. Ainsi portait-il très haut la réputation de la Touraine dans le monde entier.

Mobilisé en 1939, prisonnier en 1940, Croix de Guerre, lieutenant-colonel de réserve, il a voulu servir dans tous les domaines où sa conscience l'y appelait. Succédant à Charles Vavasseur, il est entré dans la vie publique au point de devenir maire de Vouvray (il y restera pendant 42 ans de 1947 à 1989) et Conseiller général du canton de 1951 à 1982. Son dévouement à la collectivité ne s'est pas limité à ses fonctions électives : toute sa vie il a créé, soutenu, présidé, animé diverses associations œuvrant à améliorer la condition des habitants de sa commune : Centre intercommunal d'action sociale, Syndicat intercommunal d'adduction d'eau, Office du tourisme, Syndicat intercommunal pour la gestion du collège, Comité de jumelage, et d'autres organisations qui visent à affirmer la solidarité des vignerons du Val de Loire. Jusqu'à son dernier jour il a été présent partout avec sa gentillesse, sa modestie, et son humeur souriante. 
Voilà des titres qui déjà justifiaient son entrée dans notre Académie !

Ce qu'il faut ajouter, c'est que Gaston Huet était également un homme de grande culture et de grand talent. Resté seul après la disparition prématurée de sa femme, une fois élevés ses trois enfants (une de ses filles a épousé Noël Pinguet, vigneron réputé, qui a pris en charge les vignes du Haut Lieu), il a suivi attentivement l'activité intellectuelle, culturelle et artistique de notre pays. Sans y prétendre, il portait discrètement sur les œuvres et les hommes des jugements d'une pertinence qu'aurait pu lui envier beaucoup d'intellectuels patentés. 

Sa conception du monde s'inspirait largement d'un de ses ancêtres préférés : Olivier de Serres. Dans le Théâtre de l'Agriculture, paru en 1600, où on retrouve aussi les leçons de Caton, de Pline, de Virgile, il puisait plus que des recettes agronomiques encore valables : un art de vivre selon la nature au rythme des saisons. Mais c'est la lecture de François Rabelais qui l'avait le plus marqué, au point de s'identifier à lui dans son parler truculent ; il le savait par cœur et le citait souvent. Au-delà des couplets sur le vin et des délices bachiques, il avait compris, médité et largement fait sienne la philosophie profonde du père de Gargantua et de Pantagruel. 

Dans ses écrits et dans ses discours il s'amusait à parodier le style du grand Chinonais, Grand Maître de la Confrérie de Chantepleure, il présidait les mémorables " chapitres " d'intronisation dans les Caves de la Bonne-Dame, et chacun se souvient de ses brillantes allocutions en " vieux français ", qui faisaient l'étonnement de l'assistance française et étrangère. De ce langage " rabelaisien ", nos Mémoires ont conservé un échantillon (tome VI, 1992). " La main du vigneron " est un est un vrai petit chef-d’œuvre de verve et d'invention verbale, qui n'excluent pas la sensibilité et la gravité du sujet. Qu'importe si les spécialistes n'y reconnaîtront guère la langue du XVIe siècle ! Balzac non plus, dans ses Contes drolatiques, ne s'est pas astreint à l'authenticité, - Balzac que Gaston Huet connaissait parfaitement, comme en témoigne son article sur Balzac et Vouvray (tome XI de nos Mémoires). Ce style de fantaisie possédait une vertu : il avait pour effet de sublimer, pour ainsi dire, le travail de la vigne et du vin, car l'usage de la langue à ancienne signifiait la durée, l'épaisseur, la dignité, la longue tradition de travail de la vigne en Touraine. 

Un seul mot résume la personnalité de Gaston Huet : c'était un humaniste. C'est-à-dire un homme total. Les pieds à ancrés dans sa terre nourricière, la tête dans les livres et dans les idées, le cœur ouvert à tous. Aussi doué pour manier le sécateur ou le multimètre que pour la plume et le mot. On ne le verra plus s'affairer dans les chais, mais le Haut Lieu restera à jamais marqué par le souvenir de ce petit homme aux yeux rieurs, qui fut grand par le travail et par l'esprit.
 

1998

Mémoires de l'Académie des Sciences Arts et Belles-Lettres de Touraine, - Mémoires incluant le - Bicentenaire de la naissance d'Honoré de Balzac 1799-1999, 1998
p. 131-146

BALZAC ET VOUVRAY 
Gaston HUET (Membre de l'Académie. Maire honoraire de Vouvray)
 

1992

Mémoires de l'Académie des Sciences Arts et Belles-Lettres de Touraine, 1992
p. 177-178 

LA MAIN DU VIGNERON
Gaston HUET
(Grand Maistre de l'ordre des Chevaliers de Chantepleure)
 

Publié dans Personnage, viticulture

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