Association Centrale des Laiteries Coopératives des Charentes et du Poitou

Publié le par histoire-agriculture-touraine

L'agriculture en Charente-Maritime au XXe siècle. Guide et jalons pour la recherche. Fondation Xavier Bernard. Geste éditions. 2016. 517 p.
p. 199-215

Extraits
Une coopération laitière pionnière 
Le modèle de l'Association Centrale des Laiteries Coopératives des Charentes et du Poitou.

La crise du phylloxéra : un événement capital pour le développement de l'activité laitière 
Avant la crise du phylloxéra (insecte qui détruit la vigne), les Charentes constituaient un pays de vignoble. Déjà, au XVIIIe siècle, le RP Acere écrivait : "le pays n'est planté que de vignes ". Au XIXe siècle, le vignoble de Charente-Inférieure était devenu le deuxième de France et occupait plus du tiers de la superficie cultivée. 
L'apparition du phylloxéra en 1874 allait modifier complètement la physionomie agricole des Charentes. En 1885, le vignoble avait disparu et le désastre semblait irréparable car la teneur du sol en calcaire allait s'opposer, pendant de nombreuses années, à la reconstitution du vignoble avec des plants greffés. Il aura donc suffi d'un insecte pour entraîner une véritable révolution dans l'économie agricole d'une région !

Origine de la production laitière 
Les terres abandonnées furent reprises par des agriculteurs venus des départements voisins, qui apportaient avec eux les habitudes de leurs terroirs et essayaient de les adapter à leurs nouvelles exploitations. Après de nombreux tâtonnements, on se rendit compte que, dans beaucoup des terres des Charentes, principalement dans les terrains jurassiques appelés "groies", les cultures les plus variées, notamment les céréales et les cultures fourragères, réussissaient parfaitement. D'ailleurs, l'emploi des engrais chimiques, qu'on utilisa dès le début, facilitait cette transformation culturale. 
Les vaches commençaient à se répandre, et, alors qu'en 1882, on en avait seulement recensé 42 000, on en comptait déjà 60 000 en 1892. D'autre part, l'écrémeuse centrifuge, qui avait été introduit en France en 1878, permettait la création d'usines guerrières. Des industriels s'établirent dans les Charentes peu après la disparition du vignoble et achetèrent le lait aux producteurs à raison de 6 à 8 centimes le litre. Quant aux cultivateurs, qui faisaient leur beurre eux-mêmes, ils le vendaient péniblement 1,50 franc le kilo. 
Chacun cherchait évidemment à améliorer cette situation qui faisait l'objet des conversations d'alors, et c'est ainsi que quelques cultivateurs de Chaillé et de Saint-Georges-du-Bois, du canton de Surgères, apprirent à leurs compatriotes qu'internés en Suisse, en 1871, avec l'armée du général Bourbaki, ils avaient vu fonctionner dans d'excellentes conditions des coopératives de fromageries : les fruitières. L'idée plut, notamment à Eugène Biraud, lui-même modeste cultivateur Chaillé. Il s'agissait, en somme, d'adapter à la laiterie ce que, depuis longtemps, on faisait dans la région pour le pain fabriqué en commun dans les boulangeries coopératives : les sociétés de panification (celle de Surgères datait de 1867). Eugène Biraud se mit résolument à l’œuvre et, à la fin de 1887, il avait obtenu 84 adhésions à Chaillé et dans les villages voisins. Il loua alors un local dans lequel on installa des appareils à bras. Chaque sociétaire versa 25 francs comme part contributive à l’installation de la laiterie et le 13 janvier 1888, la laiterie coopérative de Chaillé ouvrit ses portes. Douze adhérents seulement apportèrent leur lait qu’ils écrémaient eux-mêmes. La première expédition faite à Paris comptait… trois mottes de beurre !
Le grand mérite d’Eugène Biraud fut de démarrer avec sa douzaine de fidèles ; il fut d’ailleurs vite récompensé de ses efforts : le beurre de Chaillé se vendit bien et, dès la fin de février, le lait fut payé 0.12 francs le litre. Immédiatement, les autres adhérents apportèrent eux aussi leurs produits et les prix payés par la jeune coopérative atteignirent 0,15-0,18 francs le litre. Le succès de Chaillé eut un retentissement énorme dans la région ; les visiteurs affluèrent et, immédiatement, de nouvelles laiteries coopératives furent fondées. À la fin de 1889, il y e avait cinq dans le canton de Surgères. Puis le mouvement s’étendit dans les départements voisins, en particulier les Deux-Sèvres et la Vendée. En 1900, douze ans seulement après la création de la coopérative de Chaillé, 95 coopératives virent le jour dans la région Charente-Poitou. Le mouvement ne s’arrêta pas là ! Il va s’accélérer et s’étendre à 134 coopératives en 1932, puis 145 en 1952 !


L’Association Centrale des Laiteries Coopératives des Charentes et du Poitou : création et développement.
Après l’éclosion des premières coopératives qui réunissaient déjà un millier de sociétaires, les intéressés se rendirent rapidement compte que le cadre était trop étroit et qu’l fallait un organisme d’ensemble pour grouper les intérêts, donner une direction unique et constituer une force qui, avec l’ampleur et les ressources nécessaires, traiterait avec hauteur les grandes questions dont la prospérité des sociétés dépendait. L’Association Centrale des Laiteries Coopératives des Charentes et du Poitou s’est ainsi constituée en 1893. Son siège était à Niort, l’administration et les bureaux à Surgères.
Débutant avec une vingtaine d’adhérents, l’Association Central a vu ce nombre augmenter rapidement, avec notamment l’adhésion de coopératives de départements voisins comme l’Indre, l’Indre-et-Loire, la Loire-Inférieure, la Gironde, la Dordogne. […]
Pourquoi créer l’Association Centrale ? Cette structure s’est avérée nécessaire en raison de l’extension même du mouvement coopératif. Il s’agissait d’être mieux en mesure d’affronter des difficultés d’ordre juridique et technique :
-    Difficultés d’ordre juridique : il fallait lutter contre les fraudes sur le lait, les évasions de sociétaires… Des procès en découlaient, rendus interminables par les incertitudes de la législation devant l’apparition d’un nouveau type de société : les sociétés coopératives ;
-    Difficultés d’ordre technique : il fallait améliorer les produits souvent défectueux, rechercher des débouchés, notamment en prenant part aux expositions, etc.
L’Association Centrale constituait entre les coopératives adhérentes un lien de défense en commun et un organisme d’étude. Elle avait aussi le double souci de concilier les intérêts des producteurs et consommateurs :
-    Aux consommateurs, elle visait à procurer un mieux-être par l’amélioration de la qualité des produits ;
-    Aux producteurs, elle voulait assurer la rentabilité maximum de leurs efforts.


Hommage à Pierre Dornic : animateur et guide de l’Association Centrale pendant 36 ans !
Ingénieur agronome en 1889, il fut nommé directeur du laboratoire de l’École de laiterie de Mamirolle en 1892. C’est là qu’il entreprit ses travaux maintenant classiques sur l’acidité du lait ; d’autre part, le Docteur Gerber venait de faire connaître sa méthode acidobutyrométrique pour l’analyse de la matière grasse du lait et il contribua largement à sa diffusion en France. Envoyé dans les Charentes et le Poitou comme inspecteur des Laiteries Coopératives de l’Ouest en 1897, il mit au point, malgré la routine du personnel d’alors, la technique qui a fait la réputation des beurres de la région, et il dut organiser la lutte contre la fraude. Cela l’amena à demander la création de la Station d’Industrie Laitière de Surgères qu’il obtint en 1902, et celle de l’École Professionnelle de Laiterie qui ne fut réalisée qu’en 1906. Quand la fabrication de la caséine commença, il se livra à de nombreuses recherches, à la fois pour améliorer cette fabrication et pour permettre l’analyse du produit fabriqué. Vulgarisateur remarquable, il a collaboré à la Revue générale du lait et fourni de nombreux rapports à la Société Française d’Encouragement à l’Industrie Laitière, puis à partir de 1906, c’est surtout par l’industrie du beurre qu’il a répandu ses idées. […]
 

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