Concours départemental d'agriculture : Indre-et-Loire 1848

Publié le par histoire-agriculture-touraine

Annales de la Société d'agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire, Tome XXVIII, Année 1848, p. 88-96
 

Rapport des prix d'agriculture,
Par le Secrétaire perpétuel 

Le ministre de l’Agriculture ayant, par une lettre du 17 février dernier [1848], mis à disposition de la société une somme de mille francs qui devait être répartie, moitié pour la culture, proprement dite, et moitié pour l'amélioration des races d'animaux domestiques, la société a, par ses annonces, provoqué au concours, les agriculteurs du département. Mais comme elle désirait que cette somme, partagée en fractions modiques, pût arriver principalement aux simples cultivateurs qui font prospérer leur domaine plutôt à l'aide de leur travail et de leur économie, qu'au moyen de capitaux préexistants, elle a invité les grands propriétaires à se produire dans la lutte au point de vue honorifique seulement. 
L'appel a été entendu comme nous devions l'espérer. Sans doute, il existe dans le département beaucoup de cultivateurs de mérite qui ne se sont pas présentés, mais nous sommes heureux d'avoir à vous faire connaître ceux qui nous ont envoyé leurs titres justificatifs. Votre Commission s'est transportée dans plusieurs centres d'exploitation ; elle a eu le regret de ne pouvoir se rendre à toutes les invitations qui lui étaient faites, le temps ou les moyens ayant manqué.
Nous allons commencer par vous entretenir des agriculteurs dont le concours est désintéressé. 
M. le docteur Dubreuil Chambardel vous est déjà connu par ses magnifiques plantations de mûriers, auxquelles vous avez décerné une médaille en 1845. M. Chambardel est propriétaire du domaine de Marolles, dont le nom se rattache à d'intéressants souvenirs pour l'histoire de la Touraine, puisque ce château fut le berceau de Claude de Marolles, le fougueux ligueur, et du célèbre abbé de Marolles. Ce domaine, composé de 400 hectares, était, en grande partie, couvert de bruyères, il y a quelques années encore, et le reste, traité par une culture routinière, produisant un mince revenu. 
M. Chambardel, entré en possession de ce domaine en 1843, en a entrepris par lui-même le défrichement et l'amélioration. Il a énergiquement attaqué les surfaces improductives de bruyères et il les a remplacées par la culture. L'emploi du noir animal lui a assuré de belles récoltes dans toutes ses terres nouvelles. Ses terres anciennes étaient tellement épuisées qu'elles ne pouvaient produire de prairies artificielles, mais elles ont été réparées à forces d'engrais et mises en état de produire les céréales et les fourrages. Le sol sur lequel M. Chambardel a travaillé est de qualité très médiocre ; la terre végétale, peu épaisse, est superposée à une couche de glaise ; il a fallu des travaux importants pour assurer l'écoulement des eaux et dessécher des surfaces déprimées qui formaient des marécages. Les travaux de M. Chambardel ont été l'objet d'une étude faite sur les lieux par M. M. Millet-Robinet pour la Société d'agriculture.

La culture intelligente que fait M. le général de l'Espinay sur la ferme des Herbes-Blanches, [Vouvray], dépendante du domaine de la Chardonnière, vous est connue aussi par un rapport que nous vous en avons fait en 1845. Depuis lors, cette culture n'a fait que se perfectionner avec l'aide du temps et par les soins assidus du propriétaire. La masse des fourrages et celle des fumiers se sont augmentées l'une par l'autre. La luzerne, auparavant inconnue sur ce sol, y occupe aujourd'hui huit hectares en plein rapport, le trèfle en contient dix ; plusieurs autres hectares sont recouverts par le trèfle incarnat, le sarrazin, les choux et diverses plantes sarclées, si bien qu'aujourd'hui, la ferme des Herbes-Blanches nourrit, avec abondance, six chevaux de labour, onze vaches, deux cent-quatre-vingts moutons. Cette ferme de quatre-vingts hectares, cultivée par quart, est ensemencée, chaque année, de 20 hectares en froment, autant en avoine ; le reste entièrement recouvert de fourrages, ne connaît plus de jachères. Plusieurs instruments perfectionnés ajoutent au succès de cette agriculture ; les charrues, les herses sont d'une bonne confection ; un coupe-racine, un hache-paille, un cylindre à broyer l'avoine assurent au bétail une bonne digestion et un état de santé constamment vigoureux. 
Nous vous citerons encore la culture faite par M. Mauger, dans la commune d'Azay-le-Rideau ; M. Mauger est parvenu à cultiver, pour la seconde année, sans jachère son domaine de la Clousière. Les plantes fourragères et les plantes sarclées occupent près de la moitié de cette propriété de 21 hectares. C'est un résultat recommandable. 
Les trois propriétaires que nous venons de vous nommer sont dignes de tous nos éloges, de toutes nos sympathies : ils doivent être cités par nous comme étant le modèle du propriétaire qui veut honorer sa vie par les travaux de l'agriculture.
Nous allons vous entretenir maintenant de ces autres cultivateurs, placés dans une condition plus modeste, mais animés d'un zèle non moins grand, non moins digne d'estime, auxquels vos prix sont adressés. 
Nous avons le bonheur de pouvoir vous en présenter plusieurs qui font une honorable, et même, on peut le dire pour deux d'entre eux, une brillante exception à la routine qui plane encore sur l'agriculture du département. Ces deux cultivateurs si dignes d'éloges sont MM. Desloges et Ouvrard
La ferme des Usages, exploitée par le sieur Desloges, est située commune de Manthelan ; elle occupe deux cents hectares sur un plateau inégal où les ondulations du sol alternent l'aridité brûlante avec le marécage. Ce terrain, couvert de bruyères sur les trois quarts de sa surface, était affermé, il y a trente ans, à la modique somme de 150 francs. Il est juste de dire que le propriétaire a commencé les défrichements, qu'il a amené la ferme à produire un revenu double de son bail primitif. Mais là ne devait pas s'arrêter le progrès. Le père de Desloges, venu de Normandie à la sollicitation d'un riche propriétaire voisin, se rendit fermier des Usages, il y a huit ans, et s'établit avec sa famille dans les bâtiments chétifs destinés à l'exploitation de ce domaine réputé sans valeur. Il y commença des travaux intelligents ; mais la mort l'ayant bientôt surpris, ce fut son fils, encore fort jeune, qui hérita de son courage et de sa noble tâche ; c'était là, à peu près, toute sa fortune. Le jeune Desloges, depuis lors, n'a négligé aucun moyen d'améliorer sa ferme. Les défrichements ont été poussés avec tant d'ardeur qu'il ne reste plus aujourd'hui trace de bruyères. Mais ce n'étais pas assez d'avoir labouré cette terre, il fallait encore lutter contre sa nature ingrate et stérile. Son sol, sans résistance à la pluie comme à la sécheresse, se détrempe outre mesure pendant l'hiver, se durcit comme le marbre pendant l'été ; il produit spontanément une foule de plantes, ennemies acharnées de la culture, comme l'aunée, la menthe, le tussilage, la camomille, les brômes, les festuques, l'agrostis spica venti. On a dû vaincre tant d'obstacles à force de labourage et d'engrais. Desloges emploie la charrue américaine, qui, suivie de fortes herses, dompte et ameublit convenablement ce sol rebelle. 
L'expérimentation des engrais donne lieu à des observations importantes : la marne et le d'alun ne produisent qu'un effet inappréciable sur ce sol capricieux. Le noir animal, au contraire, y assure d'excellents effets, surtout dans les terres récemment défrichées ; le tourteau de colza réussit à l'égal du noir, et, de plus, il étend partout ses effets fertilisants ; c'est un engrais surtout que Desloges affecte à ses récoltes de céréales, et il le fait avec grand succès, car ses récoltes dépassent de beaucoup celles de ses voisins, lors même que ceux-ci ont un renom comme cultivateurs. Les fumiers d'étable sont tout entiers consacrés à la culture du colza. Ces engrais sont faits uniquement à l'aide de la paille de colza qui est en telle abondance sur la ferme, qu'elle suffit à tenir constamment le bétail sur litière fraîche, et qu'elle tapisse, en outre, les cours et les abords des étables. 
Desloges, ne pouvant consommer ses pailles de céréales en sus de ses tiges de colza, les vend en totalité et en retire une somme de trois mille francs qu'il emploie en engrais chimiques. Sa vacherie, composée d'animaux de Touraine et de Gâtine, se recrute d'elle-même par des élèves bien nourris et en voie d'amélioration. Quatre bœufs sont appliqués au travail avec autant de chevaux. Nous aurions désiré une force motrice plus considérable ; mais l'habile cultivateur nous a fait espérer qu'avec le temps son écurie se fortifiera. 

Après la ferme des Usages, nous avons visité celle de la Jonchère, commune de Veigné, cultivée par M. Ouvrard. Le sol de la Jonchère, bien supérieur à celui des Usages, est un bournais franc et profond qui ouvre largement son sein aux travaux et aux espérances du cultivateur. Ouvrard, formé à l'école intelligente de M. Delaville-Leroux, exploite depuis plusieurs années, comme fermier, la terre de la Jonchère ; il le fait avec habileté, avec courage, nous pourrions même dire avec enthousiasme, car l'énergique cultivateur est, pour ainsi dire, animé du feu sacré de Cérès. Il a la foi dans le résultat de ses efforts, et certes sa confiance est légitime, puisqu'elle est appuyée sur le travail, sur l'expérience, sur le succès. Les terres de la Jonchère ont été amenées, par une suite de labours exécutés avec des instruments perfectionnés, par une suite d'assolement bien entendus, et par de riches fumures, à un état de docilité féconde qui leur fait produire en abondance tout ce que demande leur honorable directeur. Le colza, les betteraves, les plantes sarclées y réussissent à merveille. Le trèfle, la luzerne, les vesces occupent les terres qui, chez d'autres seraient en jachères. De magnifiques récoltes en froment tombent chaque année sous la sape, petite faux flamande, qu'Ouvrard a introduite de concert avec M. Delaville-Leroux, au grand avantage de ses terres qui sont toujours propres et de ses récoltes qui rentrent bien plus entières. 
Ouvrard et Desloges sont, par leurs travaux intelligents, par leur généreux élan, par leur esprit, à la foi hardi et positif, le vrai modèle du cultivateur. Les récompenses matérielles qu'ils ont à attendre de nous ne sont qu'une expression bien imparfaite de ce qui est dû à leur mérite. Puissent nos paroles servir de supplément à notre faible offrande ! Nous n'hésitons pas à dire que si la culture en France était généralement aux mains d'hommes tels que Desloges et Ouvrard, la France serait deux fois plus riche qu'elle ne l'est.
Après ces deux agriculteurs éminents, nous avons apprécié par divers renseignements les exploitations de plusieurs cultivateurs dignes encore de votre attention et de vos suffrages. 
Le sieur Thomassin, dans la commune de Nouans, lutte, comme Desloges, contre la bruyère et la stérilité. Il sème les prés et fait naître l'engrais qui doit le rendre maître de sa terre. Semelle, dans la commune de Joué, fait apparaître aux yeux des incrédules de magnifiques tapis de luzerne et de trèfle. Sur une telle base, son bétail prend de la valeur, et ses récoltes, bien fumées, sont abondantes. Ronsin à Saint-Antoine-du-Rocher, travaille sur un calcaire brûlant qu'il sait ménager par le choix des engrais. Le trèfles, les luzernes y croissent ; les betteraves, le chou vendéen y assurent la nourriture du bétail ; les terres bien fumées, y sont devenues fécondes. Nous mentionnerons le soin intelligent qui préside chez lui à la confection des fosses à fumier. Des citernes à purin permettent d'arroser fréquemment l'engrais, et lui communiquent une richesse trop peu connue. Brizard, à Athée, et Faucillon, près Chinon, que nous regrettons de n'avoir pu visiter, suivent de près, s'ils n'égalent les dernières cultures que nous vous avons signalées. 
Nous vous dirons deux mots de la culture courageuse, digne d'intérêt qu'un homme peu fortuné a entreprise avec ses seules mains dans un très petit domaine de la commune de Brizay. M. Cochet nous a adressé un récit touchant de son agriculture en miniature, et de ses labeurs énergiques, absorbés, hélas ! par une bien faible mesure de terre. L'homme aux prises avec la difficulté, opposant le courage à la fortune, est toujours digne de nos hommages. 
Enfin, à Saint-Barthélemy, près Tours, le sieur Château et les frères Bézard se recommandent par leurs procédés perfectionnés d'agriculture. Le premier à introduit l'usage de l'extirpateur dans sa commune ; les autres s'appliquent à multiplier les fourrages qui sont le principe de toute amélioration agricole. 
C'est en effet le peu de foi dans l'utilité des fourrages qui cause la pénurie de l'agriculture en Touraine. Nous en avons vu une triste preuve dans le concours d'animaux d'agriculture que nous avons provoqué pour la répartition des prix annoncés. Les animaux présentés ont été en si petit nombre qu'à peine avons-nous trouvé à placer les prix. Le bétail, en Touraine, n'est malheureusement d'objet d'aucun commerce. Sur chaque point où il est placé, il ne figure guère que pour un capital insignifiant, donnant un intérêt de lait et de fumier d'autant plus mince que la nourriture est plus maigre. Il résulte de cette absence de commerce, qu'aucune rame améliorée ne peut trouver une place avantageuse dans notre culture, car les individus de ces races n'y conserveraient pas leur prix. Aussi, les meilleurs cultivateurs se bornent-ils à nourrir convenablement les espèces locales. La lisière septentrionale du département produit avec avantage des chevaux qui se vendent à bon prix dès l'âge de six mois. Il serait à désirer que cette industrie prît de l'extension, et que les animaux dont elle est l'objet fussent améliorés par un bon choix des générateurs. La Colonie de Mettray possède de bons chevaux qui lui viennent du Finistère et des Côtes du Nord. Nous désirons beaucoup qu'elle améliore cette partie et qu'elle arrive à une production modèle pour les chevaux forts et légers à la fois. Votre commission a visité ses écuries et ses étables qui sont garnies d'animaux bien entretenus et bien nourris. Nous avons remarqué, dans la vacherie, une race normande sans cornes qui offre un modèle de force moyenne, bon pour le lait et la boucherie, et qui nous a paru très apte à réussir dans l'agriculture de Touraine. Un beau taureau et plusieurs vaches de cette race habitent depuis quelque temps les étables de la Colonie. La stabulation est permanente à Mettray, la grande quantité de plantes fourragères et sarclées qui se cultive autour de ce bel établissement permet ce régime si profitable. La porcherie de Mettray mérite aussi d'être citée ; nous avons remarqué à Mettray de fort belles espèces de porcs, venus d'Angleterre ; l'une noire et glabre, l'autre blanche et peu chargée de soies. Ces races, à formes rondes et potelées, ont l'avantage d'engraisser facilement, ; il est à regretter qu'elles n'aient pas de faveur dans le commerce.
Nous allons maintenant vous faire connaître la distribution des prix arrêtés par la Commission. 

DISTRIBUTION DES PRIX.
Mention honorable, avec rappel de médailles précédemment obtenues :

M. Chambardel, propriétaire cultivateur à Marolles, commune de Genillé.
M. le général de l'Espinay, propriétaire, à Rougemont, pour la culture établie et dirigée par lui, sur la ferme des Herbes- blanches, à Vouvray. 

Cultures.
Pour le domaine le mieux cultivé et le mieux tenu, eu égard à la nature du sol et des circonstances. M. Desloges, fermier cultivateur, aux Usages, commune Manthelan. 200 fr.

Pour le meilleur succès dans la culture des plantes sarclées. M. Ouvrard, fermier cultivateur, à la Belle-Jonchère, commune de Veigné. 159 fr.

1er Prix, ex aequo.

Pour le meilleur succès dans la culture des plantes fourragères.

M. Thomassin, fermier cultivateur, communes de Nouans. 75 fr.
Et M. Serelle, fermier, à Vaugarny, commune de Joué. 75 fr.

2me prix ex aequo. Idem. M. Ronsin, fermier cultivateur, à la Prévenderie, commune de Saint-Antoine-du-Rocher. 40 fr.
M. Brizard, fermier cultivateur, à Athée, 40 fr.
M. Faucillon, cultivateur, commune de Chinon. 40 fr.

Bétail. 
 

TAUREAUX.
1er prix, pour un taureau de races croisées. M. Sylvain Verger, fermier, dans la commune de Lariche. 140 fr.
2e prix, pour un taureau de races croisées. M. Tuslane, fermier, à la Pécaudière, commune de Parçay. 90 fr.
 

BÉLIERS.
1er Prix, pour un bélier croisé anglais et Poitevin. M. Guépin-Chéreau, boucher, à Luynes. 100 fr.
2me Prix, pour un bélier mérinos. M. Rose-Leroux, cultivateur, à Monnaie. 70 fr.
 

VERRATS. 
Prix unique, pour un verrat anglais, race blanche, dite Prince-de-Galles. M. Barry, à Saint-Avertin. 100 fr.

Enfin la société d'agriculture, ayant pris connaissance du bel établissement de culture maraîchère, de l'importante melonnière, et de la culture du pêcher, disposée pour établir une école de la taille de cet arbre, fondée par M. Vacher, aux Maisons-blanches, près Saint-Cyr, a résolu de décerner à M. Vacher, en témoignage d'encouragement, une médaille d'argent. 
C. S. [Charles de Sourdeval]
 

Culture de la ferme de Varennes, 1848

Je suis entré en jouissance de cette ferme le 24 juin 1847. À cette époque, il y avait sur la ferme, qui se compose de soixante hectares, dix hectares de blé et un hectare soixante-dix ares de seigle, et quatre hectares d'avoine, cette dernière avait été ensemencée, au printemps, par moi, d'après un arrangement que j'avais fait avec le fermier sortant. J'ai pris en outre la récolte de quatre hectares de blé, ou la moitié du produit de huit hectares qui, avant mon entrée à Varennes, dépendaient de la ferme de Tafonneau, et qui depuis ont été annexés à ma nouvelle ferme. Comme il était convenu que je prendrais la moitié du blé et du seigle de battage, il n'est peut-être pas inutile de citer le nombre du grain que nous avons partagé avec le fermier sortant : dix hectares de blé ont donné quatre-vingt-cinq hectolitres soixante litres, ou huit hectolitres cinquante-six litres à l'hectare. Un hectare soixante-dix ares de seigle a donné quatorze hectolitres vingt-cinq litres. On peut voir qu'en partageant une aussi médiocre récolte, j'ai fait une entrée peu favorable, pourtant la récolte des huit hectares m'a un peu récompensé ; nous avons eu à partager avec le fermier sortant de Tafonneau cent-vingt-un hectolitres soixante-dix de blé qui met le produit par hectare à quinze hectolitres-vingt-un litres.
On serait tenté de croire que la terre qui a donné huit hectolitres soixante-cinq litres de grain à l'hectare, est une terre infertile et bien au-dessous de celle qui a donné quinze hectolitres-vingt-un litres. On se tromperait cependant, car moi, qui connais depuis quarante ans le sol des différentes terres dont se composent les deux fermes, je sais très bien que la partie qui a donné le plus haut produit ne vaut pas, comme valeur intrinsèque, la partie qui a donné le plus faible produit ; mais on le pense bien, il y eu négligence de la part de mon prédécesseur, surtout à la dernière année ; car on lui a vu doubler le produit que j'énonce plus haut, dans le courant de son bail.
Comme je savais qu'il n'avait point été semé de trèfle dans les blés, et que je n'avais pour tout pacage que trois hectares de prés où je ne me souciais nullement de mener mes vaches, je semai au mois de juillet un carré de raves sur un vieille jachère, ce qui me fut d'un grand secours dans les mois de septembre, octobre et novembre. Comme je laisse sortir mon bétail de l'étable le moins que je peux, dans la crainte de perdre mes fumiers, j'ai tâché de lui procurer une nourriture abondante pendant l'hiver ; pour cela, je fais au printemps 1847 deux hectares quatre-vingts ares de betteraves qui m'ont donné, au mois de novembre, trente-sept mille deux cents kilogrammes de racines qui, à commencer de l'époque de leur rentrée, m'ont duré jusqu'au mois de mai 1848. Ces racines ont contribué à l'engraissement de quarante moutons, de deux bœufs et à la nourriture de huit vaches. 
Voici pour cette année la situation de la culture des terres : treize hectares de blé d'automne, sur lesquels j'ai semé sept hectares de trèfle ; trois hectares de blé de printemps, sur lesquels j'ai semé de la luzerne ; trois hectares de betteraves ; sept hectares de seigle qui ont été fumés avec du tourteau de colza ; quatre hectares de trèfle servant de pacage, vu qu'il n'est pas assez fort pour être fauché. Le reste des terres est en jachère pour recevoir du blé et du colza. On voit que l'année prochaine j'aurai dix hectares de prairies artificielles, sans compter les vesces que je compte faire cet automne ; avec cela mon bétail sortira de l'étable et je pourrai aussi augmenter la masse de mes fumiers que j'ai trouvée si faible à mon entrée. 
Dans la quantité de soixante hectares de terres labourables qui composent la ferme de Varennes, il se trouve sept hectares de mauvais sables que j'ai semés de sapins ; à ma sortie, c'est-à-dire dans dix-huit ans, je prendrai la coupe et je laisserai le terrain vide, comme je l'ai pris.
G. OUVRARD 
Certifié la signature de Gabriel Ouvrard,
DELAVILLE-LEROUX,
Maire [de Veigné].
 

État de la culture des terres de la Belle-Jonchère, 1848.

Dix-sept hectares de blés d'automne, sur lesquels il a été semé six hectares de trèfle. 
Ces blés ont été faits sur : 1º cinq hectares de colzas d'automne qui avaient reçu du fumier lors de leur plantation, par conséquent le blé n'a pas été fumé ; 2º cinq hectares de trèfle qui ont reçu une demi-jachère fumée. D'habitude on rompait le trèfle lors de l'ensemencement du blé ; mais vu la chétive récolte des trèfles de 1847, on mit de suite la charrue dedans après la première coupe ; 3º quatre hectares cinquante ares de betteraves et un hectare de vesces de printemps, le tout fumé ; par conséquent le blé qui succède n'a pas reçu d'engrais ; 4º un hectare cinquante ares de trèfle incarnat, demi-jachère, et fumé avec du tourteau de colza. Total dix-sept hectares.
Cinq hectares de blé de mars, sur lesquels on a semé de la luzerne. La récolte précédente était du blé d'automne. 
Sept hectares de vesce d'hiver. C'est la cinquième récolte d'un assolement de cinq ans dont voici la description :
Première année, betteraves fumées ; deuxième année, blé avec trèfle ; troisième année, trèfle ; quatrième année, avoine de printemps ; et cinquième année, vesce d'hiver. Je ferai remarquer que les betteraves seules ont été fumées. 
Deux hectares cinquante ares de jarousse sur avoine.
Un hectare cinquante ares de mélanges, vesce et jarousse sur avoine d'hiver.
Sept hectares de trèfles. Ces trèfles avaient été semés sur blé en 1847.
Six hectares d'avoines sur blé. Je sais qu'en bonne culture c'est une mauvaise méthode, mais c'est une condition de mon bail.
Trois hectares de betteraves, qui ont reçu du fumier. Ces racines sont après blé d'automne. 
Un hectare de pommes de terre. 
Six hectares de colza d'automne, fait sur jachère fumée. 
Total cinquante-cinq hectares, plus deux demi-hectares qui se trouvent de autre côté ajouté aux cinquante-cinq, forment cinquante-six hectares. 
Voilà à peu de chose près le système que je suis, depuis huit ans [1840]. Ainsi, on voit d'après le détail que je donne, que j'ai annuellement vingt-deux hectares de prairies artificielles, c'est presque la moitié de terres qui sont destinées à la nourriture du bétail, encore fais-je de quatre à cinq hectares de racines. 
On pourrait remarquer qu'en parlant des colzas je n'ai point fait mention si je le sème en ligne ou à la volée ; il est vrai que cette année ils ont été semés en place et à la volée vu que la terre aurait pu, si nous avions pris le temps nécessaire pour rayonner, perdre la fraîcheur qui contribue si efficacement au succès de la germination ; mais en tout autre cas nous les cultivons en lignes. Bien entendu qu'il en est de même pour nos racines. La herse (petite) triangulaire et la houe à cheval nous sont d'un grand secours pour abréger nos sarclages qui, des années, nous sont très coûteux. 
G. OUVRARD 
Certifié pour la signature qui précède :
DELAVILLE-LEROUX, 
Maire 
 

Rapport sur le domaine de Vaugarny

Le domaine dit de Vaugarny, d'une contenance de cinquante-quatre hectares, sis commune de Joué (Indre-et-Loire), appartenant à M. Bouchet-Desvaux, de Tours, est exploité, à titre de fermage, par le sieur Serelle. Ce cultivateur, en possession seulement depuis dix ans et à la suite d'une culture routinière et inintelligente, en a rétabli l'assolement quaternaire après amendement préalable à l'aide de la marne argileuse et au moyen d'engrais abondants provenant notamment de l'abattoir de la ville, dont il était adjudicataire. Le sol en général, d'une fertilité secondaire, brûlant par l'excès de la silice qui rend la perméabilité funeste, doit être combattu par des efforts persévérants sous peine d'en voir l'effet neutralisé et les sacrifices antérieurs en pure perte.
Dans ce moment, quatorze hectares de blé, bien en dehors de la culture ordinaire de la localité, témoignent des soins qui leur ont été prodigués, par leurs tiges vigoureuses, les épis droits et bien nourris, exempt d'herbes parasites et sans aucun mélange appréciable de blé noir attribué par l'observation du colon à la dégénération du même grain itérativement employé sur les mêmes terrains qui lui ont donné naissance. 
Quatorze hectares d'avoine ne sont pas moins remarquables et hors ligne malgré les difficultés de l'ensemencement cette année, plus particulièrement dans la nature de terrain précitée. 
Quatorze hectares de prairies artificielles en trèfle, plâtrés avec soin, et en sainfoin, déjà recueillis une première fois, devront être encore incessamment, grâce aux soins qui ont présidé à leur bonne constitution. Leur produit, réuni à la récolte des quatorze derniers hectares en vesce d'hiver, et qui dans cet instant sont constamment travaillés et ameublis pour l'ensemencement prochain avec le fourrage de quatre hectares de prairies naturelles, servent à l'alimentation de trois chevaux et d'une paire de bœufs utiles au travail de la ferme ; de dix vaches laitières ou jeunes taures, et de cent moutons qui, en dehors de leur produit quotidien ou espéré, préparent les engrais nécessaires au développement successif des nouvelles cultures. 
La tenue de la ferme, en ce qui concerne les étables, leur aération, et les autres conditions hygiéniques, nous a semblé laisser à désirer. Mais sur nos observations le propriétaire nous a confirmé qu'il était engagé à remédier à l'état des choses avec les matériaux de deux petites bicoques occupées momentanément au profit du fermier par les ouvriers du chemin de fer à Bordeaux. 
En somme, le sieur Serelle nous a paru digne de fixer l'intérêt de la société. Cultivateur pratique, et demandant au labeur le pain de chaque jour, dénué des ressources qui permettent à l'intelligence d'avancer au sol dans la prévision raisonnée qu'il ne sera pas ingrat, il a dû puiser seulement dans son expérience la conviction de ses efforts, quoique contraintes aux idées générales du pays, ne seraient pas vains. En effet, les renseignements que nous nous sommes procurés nous l'on présenté comme ayant acquis, par son travail, une aisance bien différente de sa position à son début dans la carrière. 
BONNÉBAULT 
Ce 8 juillet 1848.
P. S. La culture du colza doit être entreprise cette année par le sieur Serelle, sur une étendue d'un hectare.
 

Rapport sur la propriété de Marolles, fait à la Société d'Indre-et-Loire, pour le concours de 1848.

La propriété de Marolles, consistant aujourd'hui en 400 hectares de terres en culture, était, il y a quatre ans, dans l'état le plus pitoyable ; une grande patrie des terres était en friches ; l'autre, cultivée selon l'usage du pays, était arrivée au dernier degré d'épuisement, et ne donnait que les plus chétives récoltes. Quelques bestiaux erraient çà et là, attestant par leur maigreur la dégradation de sa culture. Aucune pièce de terre n'avait de forme régulière ; aucun chemin n'était tracé. Les fermiers ne suivaient, pour leur culture, d'autre règle que leur caprice ; de sorte que dans chaque champ l'on pouvait voir une portion en culture, une autre en friche, puis une troisième en bruyère ; tout cela distribué selon le caprice du hasard. 
Aucun travail n'ayant été fait pour retirer et diriger les eaux, de nombreux ravins et de nombreuses places stériles, par excès d'humidité, venaient encore attrister l'aspect de cette propriété. 
Pour donner une idée plus exacte de l'état du domaine de Marolles, à cette époque, et nous en servir comme d'un point de comparaison avec l'état actuel, nous allons donner le chiffre du produit brut de la propriété, au moment où M. Chambardel commença à la cultiver. 
Les produits bruts, en y comprenant l'accroissement des bestiaux, les volailles, les fruits, etc., etc., qui ne laissait guère au propriétaire, déduction faite des frais de culture, qu'un revenu de 5 000 fr.
Essayons maintenant de décrire l'état actuel de la propriété. 
Toutes les terres sont en culture ; les bruyères, les ravins, les marais ont disparu ; on ne trouve plus la plus petite parcelle de terre inculte ; partout les chemins ont été redressés ; des fossés entourent toutes les pièces de terre ; de nombreuses plantations bordent les chemins ; de magnifiques récoltes couvrent le sol ; des constructions vastes et commodes ont succédé aux anciennes. Plus de 15 000 mûriers de toute nature sont plantés et cultivés avec le plus grand soin. 
Enfin, on peut dire sans craindre le reproche d'exagération, que l'on rencontre partout l'aspect de l'abondance et de la fertilité là où l'on ne voyait, il y a quelques années, que la stérilité la plus absolue. 

NATURE DU SOL.
Le sol est partout argileux, offrant toutes les nuances des terrains de cette nature. 
Sur les plateaux, aucune pierre ne se trouve mélangée avec la couche de terre végétale, qui peut être classée dans les terrains doux, connus dans le pays sous le nom de bornais. Au contraire, sur les pentes, une très grande quantité de rognons de silex se trouvent mélangés à la couche de terre végétale, elle représente ce que l'on appelle dans le pays peruche. 
Toutes les nuances intermédiaires entre ces deux extrêmes existent sur la propriété ; le sous-sol est partout formé par une couche d'argile imperméable. La couche de terre végétale est généralement d'une faible épaisseur (15 à 20 centimètres environ). L'épuisement de ce sol est tel, qu'aucune prairie ne réussit sans engrais, même avec de bons labours. 

DÉFRICHEMENTS.
Les défrichements occupent une place très importante dans l'exploitation de Marolles. Les méthodes nouvelles d'après lesquelles ils ont été opérés, sont surtout dignes de la plus grande attention ; nous pouvons même affirmer que cette année, par leur étendue, leur variété, la magnificence des récoltes, ils offrent aux cultivateurs l'exemple le plus remarquable qui existe peut-être en ce genre dans le département. Nous ne donnons aucun détail à ce sujet, préférant joindre à ce rapport la copie d'un autre rapport fait sur la demande de la Société nationale et centrale d'Agriculture de France, par M. Millet, membre correspondant de cette société. 

ASSOLEMENT. 
Dans toute exploitation bien entendue, l'assolement est la chose la plus importante ; de ce point de départ, en effet, dépend tout le succès de l'opération. 
M. Chambardel, convaincu, dès le début, que les belles récoltes seulement donnent du bénéfice, tandis que les mauvaises produisent certainement de la perte, n'a rien négligé pour arriver à la plus haute production d'engrais possible. Pour atteindre ce but, son principe d'assolement est calculé de manière à entretenir toujours la moitié de la superficie de la terre en culture fourragère. Cette règle est invariable, aucune circonstance n'y apporte de modification ; la succession des récoltes, au contraire, varie suivant la nature des terrains, et d'une foule de circonstances particulières : voici cependant la règle qui est la plus souvent adoptée. 
1ère année, Froment d'automne, 
2e année, Trèfle, 
3e année, Trèfle, 
4e année, Blé d'automne sur trèfle versé, 
5e année, Avoine ou orge,
6e année, Culture fourragère (racine, vesce, maïs, etc.)

Cet assolement donne le plus de produit possible avec le moins de frais de main-d’œuvre possible ; aucun autre ne nous offrit les avantages de celui-ci ; la grande quantité d'engrais que l'on emploie permet de faire revenir plus souvent les cultures épuisantes que dans un autre assolement. 

ENGRAIS.
Tous les fourrages étant consommés sur l'exploitation, il en résulte une grande production d'engrais ; d'un autre côté, toutes les pailles sont vendues et le produit de la vente est employé à l'acquisition d'engrais artificiels. La paille est remplacée pour la litière des bestiaux par la marne. On conçoit facilement quelle puissance de production doit donner un pareil système, car il est bien évident que la production dans une exploitation est toujours en raison de l'engrais que l'on y emploie. 

MÛRIERS. 
Plus de 15 000 mûriers de toutes les espèces sont plantés sur la propriété. Ces mûriers ont déjà été l'objet d'un rapport spécial à la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire, qui a décerné une médaille de vermeil à M. Chambardel. 
Nous nous bornerons ici à constater que, ces plantations, grâce aux bons soins qui leur ont été donnés, ont parfaitement prospéré, et se trouvent déjà en état de donner une très grande quantité de feuilles ; on en a vendu l'année dernière, à Mlle Pécherard, de Loches, pour une somme de 200 fr. Il est certain que cette année, sans les circonstances politiques qui ont empêché Mlle Pécherard de faire une éducation, on aurait pu lui en livrer pour une somme trois ou quatre fois plus considérable, sans nuire aux plantations qui demandent beaucoup de ménagements, à cause de leur jeunesse. 

ÉVALUATION DES PRODUITS POUR 1848.
Le produit brut pour 1848 peut être évalué ainsi :
Céréales d'automne, 140 hectares à 400 fr. l'hectare..... 56 000 fr.
Céréales de printemps, 60 hectares à 200 fr. l'hectare..... 12 000 fr.
Fourrages de toute nature..... 10 000 fr.
Graine de trèfle au minimum..... 3 000 fr.
Produit d'un petit moulin à battre le trèfle et à broyer le plâtre..... 600 fr.
Produit de six hectares de vignes..... 1 500 fr.
Total..... 83 100 fr.
Les frais de l'année dernière 1848-1849 qui devront être supportés par la récolte que nous venons d'apprécier peuvent être calculés avec certitude de la manière suivante :
15 domestiques abonnés, à 400 fr. l'an.... 6 000 fr.
6 journaliers à l'année, à 350 fr. l'an..... 2 100 fr.
Moisson, battage, chaumage..... 4 000 fr.
Vignes, mûriers, plantations..... 500 fr.
Entretien et usure de 12 bœufs de travail..... 1 200 fr.
Maréchal..... 1 000 fr.
Charron..... 300 fr.
Bourrelier..... 300 fr.
Usure du matériel et entretien des bâtiments..... 600 fr.
Impôts et assurances..... 1 500 fr.
Rente du fonds et du capital..... 18 000 fr.
Acquisition d'engais..... 15 000 fr.
Total...... 55 300 fr.
Ces chiffres, dont nous garantissons l'exactitude, n'ont pas besoin de commentaires, ils sont la preuve de ce que l'on peut attendre d'une culture énergique dans notre département, et la confirmation de cette vérité, que nous ne nous lasserons jamais de proclamer, c'est que toutes les exploitations agricoles, où on ne cherche pas dès le début à produire d'immenses quantités d'engrais, ne produiront jamais que des désastres ; tandis que celles où l'engrais à haute dose sera produit, et employé dès le début, donneront les plus beaux résultats, si elles sont en même temps soumises à une bonne administration. Cette vérité est absolue et ne souffre pas d'exception. 
Toutes les économies que l'on croirait faire pour éluder cette rigoureuse nécessité auront toujours pour but d'occasionner des dépenses stériles, tandis que les dépenses considérables, en apparence, que l'on est obligé de faire pour obtenir des masses d'engrais nécessaires au début ne sont en réalité que des avances pour un temps très court, puisqu'elles sont remboursées par les premières récoltes. 

DUBREUIL-CHAMBARDEL,
D.- M
Pour le maître et l'adjoint absents, les conseillers municipaux soussignés certifient le présent rapport parfaitement exact. 
Mairie de Genillé, le 4 juillet 1848.
A. BODIN
VENIER
 

La ferme des Usages.
(Note fournie par M. de la Ferrière)

La ferme des Usages exploitée par le sieur Desloges, cultivateur à Manthelan, est d'une contenance de 200 hectares. Lorsque le fermier actuel l'a prise à bail (1840), il y avait encore plus de la moitié des terres en bruyères, et la partie qui se trouvait en valeur ne donnait qu'un très faible produit ; on sait généralement, et le propriétaire actuel a déclaré que le domaine entier avait été affermé pour la somme de 300 francs. Le sieur Desloges, depuis le commencement de sa jouissance, n'a pas négligé une seul des améliorations qui pouvaient être introduites sur la ferme. Les défrichements ont été poussés tous les ans avec une telle vigueur qu'il ne reste plus en ce moment la moindre partie de bruyères. Les bâtiments de servitudes qui ont dû être considérablement augmentés par suite du développement de la culture sont garnis de bestiaux en bon état, et malgré les 60 têtes de gros bétail et un troupeau de 200 moutons que le fermier entretient habituellement, les engrais ne se trouvant pas en rapport avec les besoins d'une ferme aussi étendue, le sieur DESLOGES se procure au dehors tous ceux qu'exigent les cultures. Il a acheté cette année, pour suppléer aux fumures qui lui manquaient, 90 milliers de tourteaux et en outre une assez grande quantité de poudrette. Aussi depuis longtemps déjà les résultats sont-ils tels qu'il avait droit de les espérer. Tous les produits sont de la plus riche apparence, les colzas surtout avaient une vigueur de végétation d'autant plus remarquable que les terres où ils étaient situés ne sont pas de bonne qualité, que la culture de cette plante est tout à fait exceptionnelle dans la localité et qu'on ne peut attribuer un tel succès qu'à la perfection des labours de préparation, aux soins particuliers et à la grande quantité d'engrais appliqués par le sieur Desloges. Les récoltes se divisent ainsi cette année sur la ferme de Usages : Colza 23 ha, Blés d'hiver 47 ha, Avoine 40 ha, Vesce de printemps et maïs en vert 2 ha, Betteraves et pommes de terre 2 ha, Trèfle et ray-grass 30 ha, Semis de colza préparé 12 ha. Total 56 ha. Les 44 ha qui ne sont pas ensemencés sont les derniers défrichements qui ont été faits cette année et qui sont dès à présent préparés à recevoir des ensemencements de blé et des colzas repiqués. Le sieur Desloges se propose de semer cette année 60 ha de froment et au moyen des 12 ha de semis de colza qui resteront en place, il compte en les éclaircissant en repiquer 15 ha qui porteront en totalité sa culture de colza pour 1849 à 27 ha. A partir de cette année la jachère n'existe plus sur le domaine des Usages. Dans la commune de Manthelan et dans plusieurs autres environnantes, les terres ne s'afferment guère au-delà de 10 francs / ha et le prix de ferme que paye le sieur Desloges établit ce prix moyen pour toute la contenance de son domaine, dont le sol est généralement humide et difficile à égoutter. Il est donc facile de se rendre compte des sacrifices qu'il a fallu faire et des soins qui ont dû être pris pour obtenir le résultat qui est aujourd'hui contesté et qui ne permet pas d’évaluer la récolte brute de cette année à moins de 32 000 francs. Il faut aussi ajouter que le 10 juin, époque où on commence le sciage du colza, jusqu'au 1er novembre, le sieur Desloges n'emploie jamais moins de 50 ouvriers qu'il nourrit sur son domaine et que pendant le reste de l'année ce nombre s'élève à 25, et ce non compris tous les travailleurs qui ont jusqu'à ce jour effectué les défrichements à la tâche.
 

Rapport sur l'exploitation de M. Thomassin, cultivateur à Nouans, canton de Montrésor, arrondissement de Loches.


M. Thomassin, cultivateur, et longtemps fermier dans le département de l'Eure, habite la Touraine depuis 12 ans (1836), et depuis 10, il exploite une petite ferme à Nouans, composée de 42 ha de terres, dont 3,5 ha en pré et 5 ha en friches, en nombreuses parcelles situées autour et à chaque distance du bourg même de Nouans. Ce terrain, sur les pentes et les plateaux voisins des trois ruisseaux qui se réunissent près de cette commune, est un composé d'argile et de silice, mélangé de silex, superposé aux couches marneuses gisant à peu de profondeur ; il est généralement maigre et, comme tout le pays, cultivé depuis des siècles à l'aide de l'ariau à fer de lance, sans coutre à versoir. Cette propriété d'un fermage de 600 francs n'avait pas offert de grandes ressources aux fermiers précédents, mais entre les mains d'un homme ayant les connaissances de l'art agricole, elle pouvait servir de base à une exploitation susceptible de prendre un certain développement ; en effet, une route départementale venait d'être créée de Blois au Blanc, et un certain nombre de petits propriétaires possédaient des terres exploitées à partage de fruits par divers fermiers voisins ; M. Thomassin, pour se fixer dans cette localité, conçut l'idée d'y établir un relai de poste et de réunir à son exploitation les terres qui seraient à sa convenance. Ce plan d'établissement fût aussitôt exécuté, un brevet de maître de poste fut obtenu, afin d'utilise les attelages et d'y trouver un avantage supplémentaire au début de cette exploitation. M. Thomassin reconnut tout d'abord que des cultures soignées avec un bon instrument et une fumure moins exiguë, devait avoir des résultats heureux ; la production abondante du fumier était donc là, comme partout, la condition du succès ; la poste devait bien y pourvoir en partie, mais il était facile de comprendre que les fourrages obtenus sur les prés de la petite ferme seraient fort loin de suffire à l'entretien des animaux de trait indispensables et du bétail de rente nécessaire ; là était bien la difficulté qu'il fallait résoudre d'une manière économique et cependant certaine : voyons comment ce but a été atteint, ce sera le moyen d'apprécier la capacité du cultivateur et du chef d'établissement, dans une position fixée. A cette époque, les récoltes en blés et avoines, les seuls demandés aux sols, étaient assez chétives, à moins d'une année particulièrement favorable, dans laquelle le cultivateur trouvait, dans les circonstances atmosphériques, tous les avantages désirables, au lieu des difficultés habituelles ; il fallait donc obtenir nécessairement des produits supérieurs sur un sol d'une qualité évidemment inférieure. Le seul moyen d'y parvenir sûrement et économiquement ne pouvait se trouver que dans une abondante production fourragère.
C'est aussi cette culture qui fut adoptée par M. Thomassin, au moyen d'un assolement libre de 6 à 7 ans, se rapprochant suivant les convenances de la relation suivantes :

1ère année, blé ;
2e, avoine ;
3e, 4e, 5e, herbages ;
6e, jachères ;

renfermant une division par quart de toutes les terres. Quelques portions de terres, prises dans le quart en herbages, sont plantés en pommes de terre, notamment après un trèfle de deux ans.
Les herbages sont :

1° le trèfle rouge durant deux ans ;
2° la cuinette, deux ans :
3° le trèfle incarnat d'un an de durée ;
4° le trèfle blanc durant trois ans ;
5° et le sainfoin durant sept ans.

Les labours sont donnés au versoir pour la première culture des jachères et les autres à la charrue de pays, avec ornes ou sillons, pour le blé ; pour l'avoine, la culture unique est donnée au versoir en planches larges. Les terres ne sont pas hersées après labours, parce que M. Thomassin a remarqué que les hersages pulvérisaient trop la terre et la rendaient plus susceptibles de recevoir les impressions défavorables de la température ; il conserve par ce moyen la terre en mottes, pour éviter en partie l'inconvénient des terres battantes, en termes de pratique. La fumure est d'un mètre cube à deux mètres cubes par boisselée de pays, ou neuf à douze voitures par hectare. Les instruments de culture sont : la charrue de Brabant avec sabot, versoir en fonte, construction Bomes de Contres ; herse triangulaire de fer pour préparer les semailles d'avoine ; herse bataille pour couvrir les semailles d'avoine, et déchaumer les blé coupés raz-terre, aussitôt après l'enlèvement de la récolte, soit pour trèfle incarnat, soit pour préparation des terres destinées aux avoines. On sait que cette herse produit l'effet énergique de l'extirpateur. Les animaux de trait sont 5 chevaux formant l'attelage de deux charrues, deux et trois par charrue ; 4 pour la herse bataille ; 2 et 3 pour la herse, suivant le besoin. Dix à quinze vaches consomment les fourrages suivant leur abondance ; continuellement nourries au pâturage, d'avril en novembre, pour l'engraissement, elles sont vendues depuis juillet, à mesure qu'elles atteignent un état convenable. C'est ainsi que ces animaux peuvent payer une rente satisfaisante, et qu'habituellement un capital de 800 francs, prix d'achat, s'élève souvent au-delà du double à la vente, en produisant un rapport de 45 à 52 francs par hectare, pour une valeur locative de 9 à 10 francs tout en améliorant le sol graduellement. L'exploitation primitive, composée de 42 ha dépendant de la ferme, est actuellement de 55 ha, au moyen des acquisitions personnelles de l'exploitant, outre 16,5 ha cultivés chaque année à partage de fruits avec les propriétaires. Ce système d’exploitation produit un travail supplémentaire largement rétribué par les récoltes partagées ; M. Thomassin se trouvant en position de choisir toujours parmi les terres qui lui sont offertes journellement, celles qui peuvent mieux répondre à ses soins ; ce qui lui permet d'imposer aux propriétaire les obligations nécessaires à son système, telles que de suivre son assolement et de semer des fourrages pour obtenir le fumier indispensable à toute amélioration. Tout propriétaire ne remplissant pas ses engagements à cet égard, étant immédiatement remercié, ce qui arrive rarement, parce que les récoltes de moitié étant peu inférieures à celles de l'exploitant, les offres de terre dépassent tous les besoins, et chaque propriétaire cultivé à moitié est intéressé à faire le nécessaire pour obtenir des produits plus élevés que ceux obtenus précédemment. Il est résulté que ce système de culture ce fait capital très remarquable, que toutes les récoltes de blé et avoines sont pour la presque totalité supérieures à une grande partie des terres voisines, non pas de toutes, parce que déjà plusieurs voisins cultivateurs et propriétaires sont entrés dans la même voie, mais de celles appartenant aux plus endurcis dans le culte de la routine ; et déjà les trèfles et les pâturages, qui ne se voyaient nulle part, deviennent de plus en plus une culture usuelle ; l'impulsion générale est donnée largement dans cette commune ; il y a évidemment amélioration et progrès dans un rayon partant du centre communal, qui doit s'étendre rapidement aux confins. On reconnaît facilement dans l'exploitation de M. Thomassin la main du praticien consommé ; partout se rencontrent de ces traces parlantes aux yeux les moins exercés ; ici se voit une prairie pérenne établie sur des terres en plaine, dont la culture n'était pas profitable et qui donne un foin abondant et nutritif ; la se trouve un défrichement de pré naturel opéré dans un but d'amélioration ; une culture de quelques années, avec fumure abondante et marnage complet, donne d'excellentes récoltes auxquelles succède un semis de graines de foin qui rétablit immédiatement le pré dans son état primitif, avec une production supérieure de plantes fourragère choisie. Les semences sont employées sur cette exploitation dans les proportions suivantes : Blé, 120 litres/ha ; Avoine, 160 l/ha, Trèfle rouge, 7 à 8 kg/ha ; Trèfle blanc 6 kg/ha ; Trèfle incarnat, 18 kg/ha, semés avant la 1à août, donnent un pâturage pour le 10 avril ; Cuinette, 12 kg/ha ; Graines de foin épurée, 375 kg/ha. Les produits sont, en moyenne, de 12 à 13 hl/ha de blé, et de 18 à 19 hl/ha d'avoine. Les récoltes de l'année en blés et avoines sont généralement belles, même celles faites à partage de fruits. Le but de M. THOMASSIN étant d'obtenir une abondante production de fumier, nous en avons trouvé une preuve de plus en voie d'exécution. Un trèfle incarnat de trouvant en excédant fut destiné à un enfouissement en vert, mais la sécheresse n'ayant pas permis d'opérer à temps, il ne voulut pas que la destination fût changée ; la coupe étant nécessaire, il fit établir sur place deux grandes meules de compost formées de plusieurs couches de fourrage, avec couches de chaux vive alternativement et couches de fumier pailleux intercalées, dans la proportion de 7,5 hl de chaux pour 2 voitures de trèfle de 400 kg chacune, et 3 m3 du fumier. L'établissement du chemin de fer du Centre avec embranchement par Châteauroux ayant réduit à néant le relais de poste, une modification des conditions de l'exploitation devenait nécessaire, pour occuper attelages et personnel de culture ; aussi M. Thomassin prit-il aussitôt le transport des pierres destinées à la route départementale de Saint-Aignan à Châtillon, ce qui lui donne un produit brut de 12000 francs par an. C'est ainsi que partout se révèle l'intelligence de l'homme placé à la tête de cet établissement, qui, entre les mains d'un autre, n'eût été qu'insignifiant et chétif, comme tant d'autre placés dans les mêmes conditions., sur tout le territoire cantonal de cette partie du département, dont la situation générale est connue ; mais qui, dirigé par un homme possédant des connaissances spéciales et une capacité supérieure, a su tirer part de toutes les circonstances, introduire un système de culture des plus avancés sur des terrains maigres et secs qui produit d'abondants fourrages, des fumiers suffisants, des bêtes à l'engrais et en définitive une occupation lucrative, au milieu d'un pays privé généralement de tous ces avantages et dont la culture arriérée n'offre partout que stériles travaux, sans aucun bénéfice pour l'exploitant ;et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est qu'ici ce n'est pas un grand propriétaire disposant d'un capital considérable, produisant des récoltes abondantes, sans se rendre compte du prix de revient ou qui fait de grandes dépenses rendues productives, grâce à la complaisance du compte des améliorations foncières, mais bien un simple fermier, qui, avec des moyens restreints, obtient des résultats fructueux et ne fait pas une seule dépense sans être certain du remboursement de ses avances avec un intérêt suffisant pour rémunérer son travail et ses soins. C'est donc une exploitation hors ligne, qui peut être citée comme modèle à suivre, et qu'il serait à désirer de voir imiter non seulement dans les environs, mais encore dans tout le département, car elle offrait des résultats encore plus avantageux partout où les circonstances seraient moins favorables.
16 juillet 1848
BRETON 
 

Ferme des Herbes-Blanches.

Nous, maire de Vouvray, conformément aux dispositions arrêtées par la Société d'Agriculture du département d'Indre-et-Loire, en date du 8 juin dernier, inséré au journal du département le 14 du même mois, soussigné, certifie que la ferme des Herbes-Blanches, située à 3 kilomètres de Vouvray, contenant 93 hectares 20 ares 70 centiares de terres labourables, et 3 hectares 70 centiares en nature de pré, est exploitée depuis 18 années par M. Lespinay, propriétaire, lequel nous ayant déclaré vouloir concourir pour la première série du programme sus-énoncé, par la Société d'Agriculture du département, dans sa séance du 8 juin dernier, avons constaté aujourd'hui, 7 juillet, que ladite ferme des Herbes-Blanches, dont l'assolement alterne, est cultivé comme suit : un quart en blé, un quart en avoine, un quart en prairies artificielles, et le dernier quart en récoltes sarclées et dérobées, se compose de la contenance des prairies artificielles et récoltes sarclées suivantes :
Conformément au tableau ci-annexé, dressé par nous sur les lieux, ce dit jour :
Voir tableau.....
RÉCAPITULATIF DES FOURRAGES. 
Luzernes.... 8h. 10a. 99c.
Trèfle ordinaire et incarnat... 10h 19a 01c
Vesces..... 0h 79a 14c
Sarrazin....0h 40a 0c
Colza....0h 54a 0c
Coupage de seigle.... 0h 57a 69c
Total.... 20h. 60a. 84c

RÉCOLTE SARCLÉE.
Pommes de terre.... 1h. 64a 88c
Choux du Poitou.... 0h. 52a. 76c
Betteraves.... 0h. 33a. 0c
Rebbes, Turneps et pois... 0h. 40a 46 c
Total.... 3h. 0a. 10c
Totaux réunis.... 23h. 60a 94c

En foi de quoi nous avons signé le présent état ci-dessus pour servir en tant que besoin sera.
Fait à Vouvray, le 7 juillet 1848.
BORDES,
maire.
 

Publié dans Etat de l'Agriculture

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article