OUVRARD Gabriel (1788-1871)

Publié le par histoire-agriculture-touraine

Gabriel OUVRARD

Né en 1788 à Veigné

Fils de Gabriel Ouvrard et de Marie Morice

Décédé le 27 juin 1871 à Veigné

Cultivateur

1846

Recensement Veigné 1846

La Guéritaulde 

P.22
Delavilleleroux, Laurent Justinien, propriétaire et maire, le chef, marié, 63 ans
Petit Louise, son épouse, 51 ans
Laurent Henri, cocher, marié, 49 ans
Petitin Gabriel, femme de chambre, sa femme, 48 ans
Troublé Éléonore Catherine, cuisinière, mariée, 48 ans
Blondel Jules, domestique, marié, 40 ans

P. 17
La Belle Jonchère 
Ouvrard Gabriel, cultivateur, le chef, marié, 58 ans
Vachedor Anne, sa femme, mariée, 56 ans
Ouvrard Gabriel, cultivateur, leur fils, célibataire, 24 ans
Ouvrard Auguste, cultivateur, leur fils, célibataire, 19 ans
Ouvrard Pierre, domestique, célibataire, 22 ans
Martineau François, domestique, célibataire, 16 ans
Vry Marie, domestique, célibataire, 26 ans 

1848

Annales Société Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire, tome XXVIII, année 1848

Rapport des prix d'agriculture par le secrétaire perpétuel.
p. 88
Nous allons vous entretenir de ces autres cultivateurs, placés dans une condition plus modeste, mais animés d'un zèle non moins grand, non moins digne d'estime, auxquels vos prix sont adressés.
Nous avons le bonheur de pouvoir vous en présenter plusieurs qui font une honorable, et même on peut le dire pour deux d'entre d'entre eux, une brillante exception à routine qui plane encore sur l'agriculture du département. Ces deux agriculteurs si dignes d'éloges sont MM. Desloges [ferme des Usages commune de Manthelan] et Ouvrard.

p. 93-94
Après la ferme des Usages, nous avons visité celle de la Jonchère, commune de Veigné, cultivée par M. Ouvrard. Le sol de la Jonchère, bien supérieur à celui des Usages, est un bournais franc et profond qui ouvre largement son sein aux travaux et aux espérances du cultivateur. Ouvrard, formé à l'école intelligente de M. Delaville-Leroux, exploite depuis plusieurs années, comme fermier, la terre de la Jonchère ; il le fait avec habileté, avec courage, nous pourrions même dire avec enthousiasme, car l'énergique cultivateur est, pour ainsi dire, animé du feu sacré de Cérès. Il a la foi dans le résultat de ses efforts, et certes sa confiance est légitime, puisqu'elle est appuyée sur le travail, sur l'expérience, sur le succès. Les terres de la Jonchère ont été amenées, par une suite de labours exécutés avec des instruments perfectionnés, par une suite d'assolement bien entendus, et par de riches fumures, à un état de docilité féconde qui leur fait produire en abondance tout ce que demande leur honorable directeur. Le colza, les betteraves, les plantes sarclées y réussissent à merveille. Le trèfle, la luzerne, les vesces occupent les terres qui, chez d'autres seraient en jachères. De magnifiques récoltes en froment tombent chaque année sous la sape, petite faux flamande, qu'Ouvrard a introduite de concert avec M. Delaville-Leroux, au grand avantage de ses terres qui sont toujours propres et de ses récoltes qui rentrent bien plus entières. 
Ouvrard et Desloges sont, par leurs travaux intelligents, par leur généreux élan, par leur esprit, à la foi hardi et positif, le vrai modèle du cultivateur. Les récompenses matérielles qu'ils ont à attendre de nous ne sont qu'une expression bien imparfaite de ce qui est dû à leur mérite. Puissent nos paroles servir de supplément à notre faible offrande ! Nous n'hésitons pas à dire que si la culture en France était généralement aux mains d'hommes tels que Desloges et Ouvrard, la France serait deux fois plus riche qu'elle ne l'est.

p. 98
Prix Cultures 
Pour le meilleur succès dans la culture des plantes sarclées : M. Ouvrard [père], fermier cultivateur, à la Belle-Jonchère [propriété de M. Delaville-Leroux], à Veigné,  150 fr.

p. 132-134
Culture de la ferme de Varennes, 1848
Je suis entré en jouissance de cette ferme le 24 juin 1847. À cette époque, il y avait sur la ferme, qui se compose de soixante hectares, dix hectares de blé et un hectare soixante dix ares de seigle, et quatre hectares d'avoine, cette dernière avait été ensemencée, au printemps, par moi, d'après un arrangement que j'avais fait avec le fermier sortant. J'ai pris en outre la récolte de quatre hectares de blé, ou la moitié du produit de huit hectares qui, avant mon entrée à Varennes, dépendaient de la ferme de Tafonneau, et qui depuis ont été annexés à ma nouvelle ferme. Comme il était convenu que je prendrais la moitié du blé et du seigle de battage, il n'est peut-être pas inutile de citer le nombre du grain que nous avons partagé avec le fermier sortant : dix hectares de blé ont donné quatre-vingt-cinq hectolitres soixante litres, ou huit hectolitres cinquante-six litres à l'hectare. Un hectare soixante-dix ares de seigle a donné quatorze hectolitres vingt-cinq litres. On peut voir qu'en partageant une aussi médiocre récolte, j'ai fait une entrée peu favorable, pourtant la récolte des huit hectares m'a un peu récompensé ; nous avons eu à partager avec le fermier sortant de Tafonneau cent vingt-un hectolitres soixante-dix de blé qui met le produit par hectare à quinze hectolitres vingt-un litres.
On serait tenté de croire que la terre qui a donné huit hectolitres soixante-cinq litres de grain à l'hectare, est une terre infertile et bien au-dessous de celle qui a donné quinze hectolitres vingt-un litres. On se tromperait cependant, car moi, qui connais depuis quarante ans le sol des différentes terres dont se composent les deux fermes, je sais très bien que la partie qui a donné le plus haut produit ne vaut pas, comme valeur intrinsèque, la partie qui a donné le plus faible produit ; mais on le pense bien, il y eu négligence de la part de mon prédécesseur, surtout à la dernière année ; car on lui a vu doubler le produit que j'énonce plus haut, dans le courant de son bail.
Comme je savais qu'il n'avait point été semé de trèfle dans les blés, et que je n'avais pour tout pacage que trois hectares de prés où je ne me souciais nullement de mener mes vaches, je semai au mois de juillet un carré de raves sur un vieille jachère, ce qui me fut d'un grand secours dans les mois de septembre, octobre et novembre. Comme je laisse sortir mon bétail de l'étable le moins que je peux, dans la crainte de perdre mes fumiers, j'ai tâché de lui procurer une nourriture abondante pendant l'hiver ; pour cela, je fais au printemps 1847 deux hectares quatre-vingt ares de betteraves qui m'ont donné, au mois de novembre, trente-sept mille deux cents kilogrammes de racines qui, à commencer de l'époque de leur rentrée, m'ont duré jusqu'au mois de mai 1848. Ces racines ont contribué à l'engraissement de quarante moutons, de deux bœufs et à la nourriture de huit vaches. 
Voici pour cette année la situation de la culture des terres : treize hectares de blé d'automne, sur lesquels j'ai semé sept hectares de trèfle ; trois hectares de blé de printemps, sur lesquels j'ai semé de la luzerne ; trois hectares de betteraves ; sept hectares de seigle qui ont été fumés avec du tourteau de colza ; quatre hectares de trèfle servant de pacage, vu qu'il n'est pas assez fort pour être fauché. Le reste des terres est en jachère pour recevoir du blé et du colza. On voit que l'année prochaine j'aurai dix hectares de prairies artificielles, sans compter les vesces que je compte faire cet automne ; avec cela mon bétail sortira de l'étable et je pourrai aussi augmenter la masse de mes fumiers que j'ai trouvée si faible à mon entrée. 
Dans la quantité de soixante hectares de terres labourables qui composent la ferme de Varennes, il se trouve sept hectares de mauvais sables que j'ai semés de sapins ; à ma sortie, c'est-à-dire dans dix-huit ans, je prendrai la coupe et je laisserai le terrain vide, comme je l'ai pris.
G. OUVRARD 
Certifié la signature de Gabriel Ouvrard,
DELAVILLE-LEROUX,
Maire [de Veigné].

p. 135-137
État de la culture des terres de la Belle-Jonchère, 1848.
Dix-sept hectares de blés d'automne, sur lesquels il a été semé six hectares de trèfle. 
Ces blés ont été faits sur : 1º cinq hectares de colzas d'automne qui avaient reçu du fumier lors de leur plantation, par conséquent le blé n'a pas été fumé ; 2º cinq hectares de trèfle qui ont reçu une demi-jachère fumée. D'habitude on rompait le trèfle lors de l'ensemencement du blé ; mais vu la chétive récolte des trèfles de 1847, on mit de suite la charrue dedans après la première coupe ; 3º quatre hectares cinquante ares de betteraves et un hectare de vesces de printemps, le tout fumé ; par conséquent le blé qui succède n'a pas reçu d'engrais ; 4º un hectare cinquante ares de trèfle incarnat, demi-jachère, et fumé avec du tourteau de colza. Total dix-sept hectares.
Cinq hectares de blé de mars, sur lesquels on a semé de la luzerne. La récolte précédente était du blé d'automne. 
Sept hectares de vesce d'hiver. C'est la cinquième récolte d'un assolement de cinq ans dont voici la description :
Première année, betteraves fumées ; deuxième année, blé avec trèfle ; troisième année, trèfle ; quatrième année, avoine de printemps ; et cinquième année, vesce d'hiver. Je ferai remarquer que les betteraves seules ont été fumées. 
Deux hectares cinquante ares de jarousse sur avoine.
Un hectare cinquante ares de mélanges, vesce et jarousse sur avoine d'hiver.
Sept hectares de trèfles. Ces trèfles avaient été semés sur blé en 1847.
Six hectares d'avoines sur blé. Je sais qu'en bonne culture c'est une mauvaise méthode, mais c'est une condition de mon bail.
Trois hectares de betteraves, qui ont reçu du fumier. Ces racines sont après blé d'automne. 
Un hectare de pommes de terre. 
Six hectares de colza d'automne, fait sur jachère fumée. 
Total cinquante-cinq hectares, plus deux demi-hectares qui se trouvent de l'autre côté ajoutés aux cinquante-cinq, forment cinquante-six hectares. 
Voilà à peu de chose près le système que je suis .depuis huit ans [1840]. Ainsi, on voit d'après le détail que je donne, que j'ai annuellement vingt-deux hectares de prairies artificielles, c'est presque la moitié de terres qui sont destinées à la nourriture du bétail, encore fais-je de quatre à cinq hectares de racines. 
On pourrait remarquer qu'en parlant des colzas je n'ai point fait mention si je le sème en ligne ou à la volée ; il est vrai que cette année ils ont été semés en place et à la volée vu que la terre aurait pu, si nous avions pris le temps nécessaire pour rayonner, perdre la fraîcheur qui contribue si efficacement au succès de la germination ; mais en tout autre cas nous les cultivons en lignes. Bien entendu qu'il en est de même pour nos racines. La herse (petite) triangulaire et la houe à cheval nous sont d'un grand secours pour abréger nos sarclages qui, des années, nous sont très coûteux. 
G. OUVRARD 
Certifié pour la signature qui précède :
DELAVILLE-LEROUX
Maire 
 

1851

Annales de la Société d'Agriculture Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire, Tome XXX, 1851, p. 130-186.

Varennes.
Après avoir consacré à la visite des Hubaudières, plusieurs heures bien insuffisantes à constater la régénération qui s'y est opérée, reprenant notre course, nous nous sommes dirigés vers la ferme de Varennes, commune de Veigné, confiée au sieur Gabriel Ouvrard. Ce nom vous est familier, messieurs, et plus d'une fois sur un autre terrain, nous l'avons vu à l'œuvre.
C'est une bonne fortune, pour le propriétaire du domaine que le concours de cet actif cultivateur, qui sait s'approprier tous les progrès agricoles quand il ne les imagine pas, et qui possède avec une ténacité convaincue, l'art difficile de les faire passer dans les habitudes de ses auxiliaires. Nous n'oublions pas que c'est à lui plus particulièrement, que nous devons l'introduction dans l'assolement de son canton, depuis plus de dix ans [1840], du colza, cette plante industrielle dont l'extension prend chaque jour de nouvelles proportions, en offrant au travailleur du sol une récolte supérieure de plus ; qu'il est un des premiers qui ont pratiqué sur une grande échelle, les cultures amélioratrices des racines, solution du problème longtemps négligé de l'éducation du bétail par voie de conséquence de l'augmentation des engrais ; en préparant mieux le sol à la prodigalité de ses nouveaux dons.
Nous prenons un intérêt d'autant plus vif à son succès, que dépourvu d'un capital livré souvent trop facilement aux chances de l'avenir, il doit trouver dans son génie inventif, dans son énergie persévérante, les moyens de faire face à la rente du sol et à la rémunération de ses laborieux travaux.
Vous savez aussi, messieurs, que tous les instruments lui sont faciles, et qu'il se sert avec un avantage dont lui seul sait raconter les détails, de la sape flamande pour la moisson des céréales.
La ferme dont il est question contient quarante-six hectares. Dans ce nombre, quinze hectares e blés sur colza, trèfle et betterave, présentent un aspect également satisfaisant. Sur la partie succédant au colza et au trèfle, le terrain avait été préparé avec 500 kilog. de tourteau de colza à l'hectare. Après la betterave, aucune fumure n'avait été épandue, le sol, pour une racine, dans son opinion, ayant été disposé de telle sorte, qu'en assurant la réussite, il se trouve dans la meilleure aptitude à la venue du blé qui la remplace.
Quatre hectares d'avoine ont été faits sur blé, ce qui vicie un peu les principes de la culture alterne, ainsi que l'a très bien reconnu Ouvrard, en nous expliquant que le trèfle sur cette terre ne durant qu'une année, il lui est impossible de faire ses avoines sur prairies artificielles. Cette céréale qui protège un trèfle nouveau est cependant de la plus belle apparence. Cinq hectares de betteraves sur chaume de blé ont reçu deux labours : l'un avant l'hiver, le dernier au moment de l'ensemencement. Le sol a été pourvu de trente-six mètre cubes d'engrais à l'hectare, les racines semées en ligne et espacées de quarante-cinq centimètres ; à leur sortie de terre, elles avaient eu un léger sarclage ; pendant notre séjour, nous leur avons vu donner un second plus énergique. Ce cultivateur regarde comme un fait capital les soins minutieux donnés à cette plante pendant les premiers mois de sa croissance, pour sa bonne fin d'abord, et de plus pour celle du blé qui doit lui succéder. Ces frais de nettoiement sont estimés au minimum à 15 fr. l'hectare.
Huit hectares de colza, dont six repiqués sur chaume de blé en un terrain médiocre, sont beaux relativement à cette cause et à la température contraire. Deux hectares semés sur place, sont remarquables et donneront un abondant produit. Ouvrard, le promoteur de cette culture qu'il chérit comme un père, en offrant libéralement ses indications à ceux qui veulent s'y livrer, la proclame hautement, la providence du fermier, dans ces dernières années, si pénibles à traverser par l'avilissement exagéré du prix des céréales.
Nous avons trouvé sept hectares de luzerne, dont un hectare ensemencé cette année sur orge, dans un terrain pierreux et trop difficile à travailler. Cette légumineuse, s'y frayant un passage malgré les obstacles, donne au fermier un moyen d'utiliser ainsi ce terrain qui, autrement, serait pour lui un embarras.
Deux hectares de vesce ont été faits sur colza et blé, en vue de la nourriture au vert du bétail, réservant seulement pour graine un coin nécessaire à l'ensemencement des terres qui y sont destinées.
En approfondissant certaines parties du sol, Ouvrard met à découvert nombre de roches, dont l'extraction dans l'intervalle de ses travaux, fait surgir un terrain neuf au grand profit du fermier et à l'avantage du domaine.
Revenus au point de départ, nous avons compté, outre les bêtes de travail au nombre de quatre et d'un âne pour le charroi quotidien et rapide du fourrage vert vers l'étable, sept mères vaches et huit génisses de bonne espèce, en stabulation permanente, et nourries avec de la vesce, du trèfle incarnat et commun, de la luzerne ; et pendant l'hiver avec des betteraves, à raison de trente kilogrammes par tête ; plus cent moutons en moyenne dont le nombre augmente dans le rapport des cultures fourragères : tous placés dans des conditions de propreté minutieuse et d'aération suffisante.
Dans cette visite, de même que dans celles qui l'avaient précédée, nous avons reconnu dans le sieur Ouvrard, l'agriculteur intelligent, l'oreille toujours au guet des indices nouveaux, et cependant dont les essais doivent être médités avant l'exécution ; car, si, à chaque jour suffit sa peine à chaque jour aussi il lui faut trouver dans son travail le prix rémunérateur de la terre, celui de ses avances et le pain quotidien.

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