LAFON Philippe (1870-xxxx)
Philippe LAFON
Né le 7 mai 1870 à Brantôme (Dordogne), fils de Pierre Lafon (1839-xxxx) cordonnier, et de Jeanne Andrieux
Épouse Françoise Mathilde Marie TARRADE (1874-xxxx), le 22 octobre 1895 à Limoges, avec qui il a trois filles : Jeanne en 1898, Germaine en 1899 et Suzanne en 1901. Françoise Mathilde Marie TARRADE est fille de François Adrien TARRADE (1844-1880), pharmacien et maire de Limoges.
Décès : inconnu
Études
École nationale des Arts-et-Métiers d'Angers de 1886 à 1889, où il obtient le diplôme d'ingénieur civil.
Carrière :
Corbeil (Essonne)
Ingénieur aux Grands Moulins de Corbeil : 1890-1902
Tours (Indre-et-Loire)
Ingénieur constructeur
Il s’installe à Tours en 1903 et démarre un atelier de fabrication d’appareils de meunerie, rue Georges Sand n° 18.
En 1913 il déménage son atelier dans des locaux plus vastes, rue Louis David n° 4, pour créer une grande usine qui fonctionnera jusqu’en 1940. Il réside avec sa famille, Avenue de la Tranchée n° 43.
CHÉRON Claude et AUPETIT J. Industries de Touraine. Regards croisés 1921-2005. Éd. Sutton, 2006, p. 127-128
2. Appareils de minoteries, rizeries, malteries, boulangeries
Il y a deux usines importantes, l'une à Tours [Établissements Lafon], l'autre à Esvres. Ce sont des établissements modèles avec machines-outils et outillage les plus perfectionnés ce qui leur permet de livrer du matériel irréprochable.
Ces établissements qui occupent environ 300 ouvriers, produisent chaque année plus de 1 500 tonnes de machines et appareils divers, dont 20 % vont à l'exportation, surtout en Amérique du Sud.
1895
Il publie un article : CNUM (Article) en 1895
https://cnum.cnam.fr/pgi/sresrech.php?4KY28.45/218/stTdmstTdp
1917
Article signé Philippe LAFON
La Dépêche du Centre et de l’Ouest, Jeudi 8 février 1917
OPINIONS
L'Organisation régionaliste
J’ai lu dans la Dépêche du 4 février, l’article intitulé « Tours, chef-lieu de région » et ne suis pas de l’avis de l’auteur qui voudrait, au profit de la ville de Tours, modifier la division de la France en régions proposées par M. Vida de la Blache. L’auteur de cet article, probablement un Tourangeau, éprouve un sentiment respectable d’affection pour la Touraine, mais ce sentiment ne doit pas lui faire oublier que l’intérêt de la France passe avant celui des petites patries. Il est impossible de rattacher la Touraine à une autre région que la région nantaise, et cela pour un grand nombre de raisons dont les principales sont d’ordre économique.
La Touraine communique en effet avec la région nantaise par la Loire, et les trois départements les plus intéressés par la Loire doivent être réunis en une seule région ; car ils s’efforceront de la rendre navigable ou créeront un canal latéral en attendant le reboisement des régions dénudées.
Quoique Tours soit la mieux placée au carrefour des voies nationales de Paris en Espagne et de Nantes en Suisse, cette ville ne peut être un chef-lieu de région ; l’Espagne en effet ne mène à rien et ce n’est pas de ce côté que nous devons tourner nos regards si nous voulons assurer la future prospérité économique de la France. C’est au contraire un grand avantage pour Tours de communiquer directement et facilement avec Nantes et Saint-Nazaire, c’est-à-dire avec la mer, source future de toute grande prospérité. Qu’on le veuille ou non, l’Amérique est en effet destinée à devenir un des principaux centres de l’activité mondiale, et la route Tours-Angers-Nantes mène directement aux Antilles, à l’Amérique Centrale, au Pacifique par Panama, etc. N’oublions pas que les Allemands disaient : « L’avenir de l’Allemagnes est sur l’eau ». Qui sait si cette formule qui renferme les espoirs perdus de l’Allemagne ne serait pas plus juste appliquée à la France. Les échanges entre notre pays et l’Amérique deviendront de plus en plus importants et favoriseront le développement de l’industrie et du commerce français, ce serait donc un grand avantage pour notre région qu’elle soit rattachée à Nantes, le port français qui communique directement avec l’Amérique par un grand nombre de lignes de navigation. De même que l’État allemand avait délimité les sphères d’action des grandes compagnies maritimes allemandes, la France devrait adopter la même division, Saint-Nazaire se trouverait, par sa position favorisée, tête de ligne des compagnies de navigation faisant le service avec les Antilles, l’Amérique centrale, la côte américaine du Pacifique via Panama. C’est de son trafic que l’Allemagne tirait ses principales ressources, c’est le blocus qui l’aura vaincue et il appartient à la France de prendre en partie sa place dans le commerce mondial.
La Touraine ne peut former le centre d’une province, car elle tributaire de Nantes et de Saint-Nazaire par ses échanges avec l’étranger, et seule sa réunion à la région nantaise peut assurer sa prospérité. Il est nécessaire pour assurer le développement d’une région de centraliser chaque spécialité dans la région où cette spécialité peut le mieux se développer, c’est ainsi que Paris se spécialise dans les articles de luxe, Bordeaux le commerce des vins, etc.
La seule spécificité de la Touraine a été le tourisme, car la beauté de ses paysages et la douceur de son climat ont de tout temps attiré les visiteurs, depuis les rois de France qui en avaient fait leur séjour de prédilection, jusqu’aux nombreux touristes qui la visitent chaque année. Au point de vue touristique seulement, la Touraine se rattacherait à Paris qui est un centre de tourisme, mais tous ses autres intérêts exigent qu’elle soit rattachée à la région nantaise. La Loire créé en effet entre les départements qu’elle traverse un lien autrement puissant que ceux qui peuvent exister entre les départements situés au nord et au sud du fleuve, et si certaines modifications peuvent être apportées à la carte de M. Vidal de la Blache, ces modifications ne doivent pas chercher à faire de Tours un chef-lieu de région. Nous sommes au contraire tout à fait de l’avis que certaines provinces sont favorisées au détriment des autres, en général, les provinces sont en effet trop petites, et certaines comme celles qui auraient pou chef-lieu La Rochelle n’a aucune raison d’exister, la Charente et la Charente-Inférieure se rattachent naturellement à Bordeaux, principal centre viticole de la région., la Vendée et les Deux-Sèvres devraient être rattachées à la région nantaise.
Grâce à la Seine canalisée, Paris est le premier port de France, pourquoi la Loire ne donnerait-elle pas les mêmes résultats de tonnage ? Les transports par eau sont tout indiqués pour servir aux marchandises lourdes ayant relativement peu de valeur, les bois du Nord ou du Canada par exemple, lesquels arrivent à Nantes en grandes quantités, les charbons anglais, etc. Par Nantes seraient exportés en Amérique les produits de l’art français, les modes françaises, les machines pratiques et bien étudiées, ainsi que les produits supérieurs de son sol merveilleux. S’il était créé dans chaque port des marché spéciaux, Nantes pourrait également devenir un centre de l’industrie des engrais. De même l’État devrait diviser les régions coloniales d’action de chaque port et ne subventionner que des lignes dans ce sens ; Tours, Angers et Nantes par Saint-Nazaire communiqueraient directement avec les Antilles et l’Amérique centrales, alors que Lyon et Marseille seraient reliées à Salonique, la mer Noire, l’Algérie, Madagascar et les Indes. Bordeaux serait tête de ligne pour toute la côte occidentale de l’Afrique et l’Amérique du Sud. Brest ; Cherbourg, Le Havre, Dunkerque rayonneraient sur l’Amérique du Nord, l’Angleterre, la Russie-Baltique. Cette dernière ligne éviterait à nos marchandises, à destination de la Russie, de traverser l’Allemagne, où elles seraient espionnées et où les noms de nos clients seraient relevés.
Si en France les partis économiques étaient organisés aussi fortement que ses partis de politique pure, la France serait la première nation du monde ; il y a malheureusement chez nos trop d’esprit exclusivement critique et démolisseur et pas assez d’esprit pratique et organisateur ; or, ce sont surtout les solutions pratiques qu’il faut rechercher, et par là seulement nous arriverons à assurer la future prospérité de la France. Le clémencisme a vécu, l’intrigue doit disparaître, et vivre et prospérer la France des travailleurs, celle des Sully et des Colbert.
Philippe LAFON
1917
Article signé Philippe LAFON
La Dépêche du Centre et de l’Ouest, Jeudi 22 février 1917
L'organisation régionaliste
Je tiens à déclarer, après avoir lu le nouvel article de M. Louis B. au sujet de l’organisation régionaliste, que je n’ai qu’un seul but en en m’occupant de cette question : être utile à mon pas et aussi à ma ville d’adoption et non être désagréable aux Tourangeaux. La grandeur de notre pays doit être notre principale préoccupation et tous nos efforts doivent tendre vers ce but ; pas une ligne de mon article du 8 février n’a été écrite dans une autre pensée. Mon distingué contradicteur ne commet-il pas une erreur lorsqu’il dit que mes conclusions sont hostiles aux intérêts locaux de la ville de Tours ? Je voudrais le persuader du contraire ; j’ai en effet autant que lui le désir d’assurer la prospérité de la Touraine, et si nos opinions sont en apparence contradictoires, c’est parce qu’il se place surtout au point de vue local, alors que j’envisage également le point de vue national. Je le félicite de ses sentiments pour sa petite patrie, que je trouve du reste tout naturel et que je partage. Si j’ai exprimé ma pensée sous une forme un peu vive et rapide, c’est que ma main habituée à manier l’outil plutôt que la plume, ne s’embarrasse pas de littérature superflue. Le bon sens n’en a du reste pas besoin pour s’exprimer et s’affirmer.
J’avoue qu’à première vue, la lecture de la brochure de M. Hennessy et la carte de M. Vidal de la Blache, rattachant l’Indre-et-Loire à la région nantaise m’avaient surpris, mais à la réflexion je me suis rendu compte que cette réunion seul pouvait assurer le développement de la Touraine. Tours profite de sa situation à l’intersection de trois grandes lignes de chemin de fer, mais de là à en tirer la conclusion que Tours est un centre principal, non ; cette ville est surtout le centre de la Touraine, et c’est mal comprendre son intérêt que de vouloir faire d’elle une province exclusivement terrienne, elle doit plutôt porter ses regards vers la mer – là est son avenir.
Tours est trop près de l’Océan pour développer le chef-lieu d’une région essentiellement terrienne, ces régions seront du reste très rares par suite des dispositions géographiques de notre pays et seules les villes telles que Dijon, trop éloignées de la côte, et certaines exceptions comme Paris, pourront devenir les capitales de ces provinces. Tours est surtout un des centres de rivières les plus importants de Fiance, et seule sa dépendance de Nantes lui permettra d’en tier parti et de mettre en valeur cette situation exceptionnelle. Les transports par eau deviendront plus que jamais un facteur important de la force et de la grandeur du pays, car les bateaux coûtent moins chers et durent plus longtemps que les wagons (à tonnage égal bien entendu) : mais si l’exemple des grands ports allemands est désagréable à M. Louis B., qu’il examine le rôle joué par les grands ports anglais dans le développement de la prospérité de l’Angleterre, l’importance des ports américains et canadiens, qu’il se souvienne de ce qu’Anvers est à la Belgique.
Tours ne tire actuellement aucun parti de sa merveilleuse situation au nœud de nombreuses vois navigables ; quels avantages n’en retirerait-elle pas par ses relations avec Nantes ?
Le développement industriel de Tours depuis quelques années est bien peu de chose si on le compare à celui de la région du Nord, à Lyon, à Nancy, et surtout à celui des régions des Alpes et des Pyrénées qui, grâce à la « houille blanche », sont en train de devenir les régions les plus industrielles et les plus prospères de France. La Touraine n’est pas industrielle, mais puisque, d’autre part, on prétend qu’elle l’est, prenons ce point de vue, c’est le plus favorable à notre thèse. Or, de quelle façon la Touraine tire-t-elle parti de ses voies fluviales, malgré son récent développement industriel ? Le Cher et la Loire sont des champs d’activité réservés exclusivement aux évolutions des bouchons des pêcheurs à la ligne, et le canal, malgré les usines de Saint-Gobain et de Saint-Pierre des Corps et les nouveaux ateliers de chemin de fer P. O. est toujours une « mare stagnante », suivant la forte expression qu’un grand ministre de la troisième République appliquait à certaines vues politiques. La situation actuelle donne le maximum de tranquillité aux ponts et chaussées, aux pêcheurs à la ligne et aux actionnaires des compagnies de chemins de fer.
Est-ce donc pour ce triple résultat que tant de millions ont été dépensés pour l’amélioration de nos voies fluviales ? C’est une excellente chose que Tours centralise les produits de la Touraine, mais à cela ne doit pas se borner son activité économique, et il faut ensuite que par des voies à grand débit, dont la meilleure est évidemment la Loire dans la direction de Nantes, elle envoie ces produites au dehors et reçoive par la même voie ceux qu’elle ne produit pas et qui lui sont nécessaires, et qu’elle pourra ensuite répartir dans sa zone par ses voies ferrées.
Tours, perd des éléments de premier ordre pour son futur développement lorsqu’elle n’utilise pas sas rivières. Enfin les « affinités provinciales » ne jouent plus un grand rôle maintenant, et les facteurs principaux sur lesquels se sont basés MM. Hennessy et Vidal de la Blache en établissant leur carte des régions, sont surtout des facteurs économiques. Ils se sont efforcés de tirer le meilleur parti possible des richesses naturelles des diverses parties de la France, lesquelles assureront la prospérité du pays tout entier. Il n’y a tout de même pas entre les habitants des diverses provinces de France des différences de mœurs, de tempérament et d’habitudes comparables à celles qui existent entre les différentes races qui ont contribué à former chaque État des États-Unis d’Amérique, lesquels sont pourtant devenus, malgré cette diversité, un des pays les plus puissants de monde. Ce n’est donc pas une objection sérieuse que de se refuser à la réunion de la région tourangelle et de la région nantaise, à cause de certaines petites différences entre le caractère des habitants de ces deux régions.
Les deux sources de vie sont l’eau et l’arbre ; Orléans aurait pu devenir, grâce à a situation privilégiée, la capitale de la France si le régime de la Loire avait été réglé par des reboisements et des barrages comme l’a été celui de la Seine.
Il n’est pas question de réduire à la seule ville de Nantes les relations de la Touraine avec l’extérieur, au contraire ! Si la Touraine développait ses voies fluviales, beaucoup de marchandises chargées à Tours pourraient aller par eau à Bordeaux o à d’autres ports de la côte, pour être ensuite expédiés en Amérique du Sud ou vers nos colonies d’Afrique occidentale. Pour assurer le développement des voies fluviales de Touraine, il est nécessaire de ne pas morceler la région du cours inférieur de la Moire, sinon elle ne sera jamais utilisée, mais perdue. La réunion de la Touraine à la région nantaise n’empêcherait nullement le projet dont parle M. Louis B., qui consiste à établir des relations économiques entre le port de Saint-Nazaire et la Suisse. Ce projet est excellent, et la Suisse française en souhaite la réalisation afin de se libérer de la dépendance économique de l’Allemagne. Les marchandises destinées à la Suisse étaient en effet débarquées avant la guerre à Anvers ou Rotterdam, et elles empruntaient ensuite la voie du Rhin pour arriver enfin en Suisse. Il est incontestable que le chemin de Saint-Nazaire en Suisse par la Loire est de beaucoup plus direct que celui employé précédemment, mais cela ne démontre par la nécessité de faire de Tours un chef-lieu de région, la ville de Nantes étant mieux qualifiée pour cela. Bourges et Dijon sont au contraire tout désignés pour devenir des centres provinciaux à cause de leur situation.
La France était mal préparée à la guerre, il s’agit maintenant de bien la préparer à la lutte économique mondiale qui suivra la paix. Les idées de M. Louis B. permettent-elles à notre pays de lutter contre ses concurrents mondiaux ? Si oui, on s’empresse de les mettre en pratique. Si, au contraire, il y an d’autres qui sont meilleures, pourquoi ne pas les adopte ? Tous les Tourangeaux, et surtout ceux qui emploient, comme M. Louis B., toutes leurs forces pour assurer la prospérité de notre beau département, devraient apercevoir les grands avantages qu’il pourrait retirer d’un groupement qui, tout en lui laissant le bénéfice de sa situation géographique, lui procurerait la vigueur, les relations et les moyens nécessaires pour développer son réseau fluvial. Il faudrait créer la Fédération des régions intéressées à la Loire, laquelle Fédération aurait vite fait de mettre un projet sur pied et de faire exécuter les travaux qui nous permettrait enfin de tirer parti du plus log fleuve de France. Si, au contraire, la Touraine devient le centre d’une région exclusivement terrienne, la Loire continuera à être pour la France une honte nationale au lieu de devenir, ce qu’elle devrait être depuis longtemps, principale voie de communication. Rien qu’au point de vue touristique, la réalisation de ce projet, serait une source de richesse pour notre région, sans compter les avantages économiques qu’elle en retirerait.
La Touraine n’est pas le pas des réalisations immédiates, c’est pourquoi on trouve le loisir de comparer des opinions différentes avant que les idées qu’elles préconisent soient mises à exécution, de cette comparaison seule peut du reste sortir la vérité, et je voudrais convaincre les Tourangeaux qui me font l’honneur de discuter avec moi, que la Touraine rattachée à la région nantaise, n’est pas une Pologne qui meurt, mais que cette réunion lui permettrait, au contraire, de connaître une vie plus active et une prospérité nouvelle.
Ce sont là, il me semble, des arguments autrement décisifs à l’époque actuelle, que ceux tirés de l’archéologie ou du moyen âge, ou encore des affinités provinciales ou des affinités de races, lesquelles n’ont plus vraiment aujourd’hui en France qu’une importance bien secondaire.
Philippe LAFON
1917
Article signé Philippe LAFON
La Dépêche du Centre et de l’Ouest, Jeudi 15 mars 1917
L'Organisation régionaliste
De l'utilité de choisir comme chefs-lieux de régions des villes maritimes, placées autant que possible à l'embouchure de nos grands fleuves.
La divergence de vues qui existe entre M. Louis B. et moi, au sujet de l’organisation régionaliste, se réduit à proprement parler à défendre à défendre et à contester les droits de la ville de Tours à la dignité de capitale provinciale, car je suis complètement d’accord avec lui au sujet de la doctrine régionaliste. Je considère en effet l’organisation régionaliste comme une chose nécessaire pour assurer la vitalité française dans l’avenir, mais je suis convaincu que l’on n’obtiendrait pas ce résultat en créant de trop petites régions, lesquelles n’auraient ni assez de ressort, ni assez de moyens pour faire de grandes choses. Quant à compter sur l’État pour s’occuper des affaires de l’État, rien de mieux, mais il ne faudrait pas se reposer sur lui des questions qui, tout en intéressant la nation entière, sont plus directement rattachées à la prospérité d’une région déterminée. C’est ainsi que l’importante question de la Loire navigable (à laquelle je reviens toujours parce que je la considère comme une question primordiale) ne sera jamais solutionnée par le pouvoir central, mais bien par l’union des grandes villes de son cours inférieur. Ce ne sont pas là des « probabilités d’avenir purement hypothétiques » que de considérer la prospérité de la Touraine assurée par sa réunion à la région nantaise, car les exemples prouvant que la ville maritime a toujours dominé la ville de l’intérieur, surtout si la ville maritime est située à l’embouchure d’un grand fleuve, ne manquent pas.
Pourquoi New-York est-il maintenant la véritable capitale des États-Unis, et sa population a-t-elle atteint en 1910, le chiffre formidable de 5 500 000 habitants en comprenant les faubourgs, alors qu’en 1790 elle n’était que de 33 000 habitants ? Parce que New-York est situé à la porte des États-Unis, à l’embouchure de l’Hudson, que l’o a pu appeler le « Rhin américain » et qui débouche dans l’Atlantique en face de l’Angleterre et de la Manche, à l’endroit de la plus faible distance entre les États-Unis et l’Europe. Si la ville de New-York a pros cette importance, dont toute l’Amérique profite, elle le doit uniquement à sa situation géographique.
Si maintenant nous portons les yeux sur une carte de la Chine, nous nous rendons compte que les causes du développement de Shanghaï sont exactement les mêmes que celles que celles du développement de la grande ville américaine. Le port de Shanghaï placé en face du Japon, est en effet situé au débouché du Yang-Tsé-Kiang, et par ce fleuve il est en relation avec les grandes villes de Nanaking, Hankéou, Wuxhang et Nganking. Cette région, principalement au point de vue industriel, de développe d’une manière fantastique et nous réserve des surprises pour plus tard. C’est uniquement à sa situation géographique que Shanghaï dot sa prospérité et qu’elle tend à supplanter Pékin comme capitale de la Chine.
Le développement de l’arrière pas dépend naturellement de celui du port situé à l’embouchure d’un grand fleuve et la prospérité de ce port assure celle de son arrière-pays.
Pourquoi Nantes et Saint-Nazaire qui occupent une situation identique à celle de New-York, de l’autre côté de l’océan Atlantique, au débouché du plus long fleuve de France, ne pourraient-elles pas espérer une pareille prospérité de leur excellent situation géographique ?
Paris, du reste, comprenant l’importance des communications maritimes, met aujourd’hui à l’ordre du jour le projet de Paris port de mer, qui est bien l’œuvre la plus utile qu’il soit de réalise en France à l’heure actuelle. On sait déjà que depuis plusieurs années des marchandises chargées à Londres viennent directement à Paris par eau.
La création d’une région ayant pour chef-lieu la ville de Tours serait artificielle et de peu de durée, et cette région serait tôt ou tard obligée de disparaître et de se confondre avec la région nantaise.
Un grand nombre d’exemples démontrent en effet la prépondérance toujours grandissant des villes maritimes, et nous n’avons que l’embarras du choix pour citer les plus caractéristiques. Les capitales créées au centre du pays tendent en effet à disparaître peu à peu devant l’expansion formidable des grandes villes maritimes. Sans parler de New-York et Shanghaï déjà citées nous en trouvons des exemples les plus rapprochée en Espagne, où Madrid perd de son importance au profit de Barcelone ; en Belgique où le port d’Anvers devenait peu à peu la capitale économique du pays, en Suisse où Zurich est six ou sept fois plus peuplé que Berne, grâce à sa situation sur le lac de Zurich, et même au Maroc, où des ports comme Casablanca, et surtout Rabat deviennent de plus en plus importants, alors que Fez, l’ancienne capitale, ne pourra plus les rattraper.
Pierre le Grand s’est rendu compte du rôle des communications maritimes pour l’avenir de son empire, lorsque pour assurer à la Russie des relations faciles avec l’Europe occidentale, il abandonna Moscou pour fonder Petrograd. Autrefois, lorsqu’il n’y avait pas de chemin de fer, les transports par eau étaient les moins coûteux et les plus pratiques, et les chemins de fer et le moyen de communications en se développant n’ont rien changé à cela ; la situation géographique d’une ville est toujours de première importance, bien que les moyens de communications rapides abrègent sensiblement la distance.
Les capitales créées au bord de la mer, ou sur le cours inférieur d’un grand fleuve, sont au contraire restées capitales et n’ont cessé de s’accroître : Londres, Lisbonne, les capitales des pays scandinaves et Constantinople en Europe ; Calcutta dans l’Inde ; Alger, Tunis et le Cap en Afrique ; Sidney et Melbourne en Australie ; Tokyo au Japon ; Buenos-Aires, Rio-de-Janeiro et Valparaiso en Amérique du Sud en sont les meilleurs exemples.
Si Marseille, qui se prétend la deuxième ville de France, et Barcelone qui est pour le moment la deuxième ville d’Espagne, et dans vingt ans sera la première, ne se trouvent pas au débouché d’un fleuve, cela prouve que mieux l’importance de la situation maritime des villes.
Depuis une cinquantaine d’années les questions économiques ont dominé la vie de certains pays, mais la France s’est laissé distancer, recroquevillée qu’elle était sur elle-même depuis 1870. N’allons-nous pas profiter de cette dure leçon ? Si le travail était organisé en France, nous ne manquerions certes pas de produit à exporter, et notre région n’aurait pas plus qu’une autre à craindre d’aller vers la mer les mains vides, comme dit M. Louis B.
Puisque mon distingué contradicteur me reproche de ne pas tenir compte des productions du sol dans la formation des régions, je me permets de lui faire remarquer que ces trois départements du cours inférieur de la Loire réunis à la Vende, forment la deuxième région de France pour la production de blé ; ils viennent immédiatement après le Nord et avant la Beauce dans les statistiques agricoles sur la production de blé. Ces quatre départements ont une autre culture commune qui est celle de la vigne, et les vins de Nantes, Saumur et Vouvray présentent de grandes analogies. Si l’on se place du point de vue agricole, ces départements n’ont donc aucune raison d’être séparés.
Enfin, le développement de nos ports et de nos voies fluviales, en facilitant nos échanges ave les grandes régions consommatrices et productrices du monde, aura pour résultat de diminuer le coût de la vie, ce que l’on ne pourrait obtenir par aucun autre moyen. De plus, la faible natalité française qui, avec l’armement, a été la principale cause nous mettant, au début de la guerre, en état d’infériorité vis-à-vis de l’Allemagne, ne pourra être développée sans que soit développée en même temps la force économique de notre pays, sans quoi la vie qui est déjà si chère en France deviendra impossible. Seuls les débouchés à gros débit vers la mer nous procureront la vie à bon marché. Pourquoi les individus d’un grand nombre de nations différentes qui peuplent New-York se sont-ils fixés dans cette ville et leurs familles ont-elles prospéré ? Parce que la vie est facile à New-York, car si le prix des denrées est assez élevé, les salaires sont élevés dans la même proportion.
Les salaires français sont parmi les plus élevés qui existent, et cela pourra devenir un véritable danger pour nous après la guerre si nous n’y prenons pas garde, en nous mettant hors d’état de lutter avec nos concurrents mondiaux, à cause de la cherté de notre main-d’œuvre. Le seul moyen de diminuer le coût de la main-d’œuvre est d’organiser le travail français et de diminuer le coût de la vie. Ne pourrons-nous pas, après avoir été déclaré le peuple le plus spirituel de la terre, ambitionner d’autres mérite ? Pour cela, si nous voulons après la guerre établir notre organisation régionaliste, nous devons dès maintenant nous rendre compte que le mouvement économique ne dépend pas du mouvement administratif, il domine au contraire, dans tous les cas, lorsqu’il n’a pas été précédé, d’intuition, par lui.
Philippe LAFON
1921
ADIL, Recensement Tours-Saint-Symphorien, 1921, p. 5
Avenue de la Tranchée n° 43
LAFON Philippe, né à Brantôme en 1870, Chef, Ingénieur
TARRADE Marie, née à Limoges en 1874, épouse
LAFON Jeanne, née à Paris 7e en 1898, fille
LAFON Germaine, née à Paris 4e, en 1899, fille
LAFON Suzanne, née à Paris 7e, en 1901, fille
1938
Établissements Philippe LAFON
https://pop.culture.gouv.fr/search/list?auteur=%5B%22Etablissements%20Ph.%20Lafon%20%28constructeur%29%22%5D
Auteur de l'œuvre ou créateur de l'objet : Etablissements Ph. Lafon (constructeur)
Personne morale créatrice de l'objet : Etablissements Ph. Lafon (usine)
Lieu de création
Lieu d'exécution : Centre, 37, Tours
Siècle de création : 2e quart 20e siècle
Année de création : 1938
Description historique : Ce cylindre construit par l'entreprise Ph. Lafon à Tours (37) date de 1938.