CHAUVIGNÉ Augustin-Alexandre (1855-1929)
CHAUVIGNÉ Auguste-Alexandre, dit Auguste-Alexandre, ou fils
Né à Tours le 31 octobre 1855
Décédé à Saint-Avertin (La Mésangerie) le 28 mai 1829
Artiste céramiste, homme de lettres
Président de la Société de géographie fondée en 1883 de Tours, avant 1914
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire de 1886 à 1929
1895
Dictionnaire biographique des notabilités de Touraine Henri JOUVE, Paris le 1/3/1895
CHAUVIGNÉ Auguste (1855-1929)
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire, secrétaire général adjoint de la Société géographique de Tours.
Officier d'Académie.
M. Chauvigné est l'auteur d'un grand nombre de mémoires lus au Congrès des sociétés savantes de la Sorbonne, de plusieurs romans et comédies dont une jouée par les artistes de la Comédie Française.
1908
Publication
Journal d'agriculture pratique. 15 octobre 1908
p. 503-507
DÉLIMITATION DES GRANDS CRUS DE LA TOURAINE
[...] À TRANSCRIRE
AUG. CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Lauréat de la Société des agriculteurs de France
1908
Journal d'agriculture pratique, 9 avril 1908
p. 459
SOCIÉTÉ DES AGRICULTEURS DE FRANCE
Séance du 31 mars 1908
Présidence de M. le marquis de Vogüé, président.
Extrait :
Deux prix de 400 fr. sont attribués à MM. Brunerie, chef de pratique agricole à l'École d'agriculture de Fontaine (Saône-et-Loire), et Chauvigné, président de la Société de géographie de Tours.
1908
Publication
MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE DE VOUVRAY ET DE SON VIGNOBLE
PAR AUGUSTE CHAUVIGNÉ
CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE TOURS
SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES D'INDRE-ET-LOIRE
Ouvrage couronné par la Société des Agriculteurs de France
1er Prix, session de 1908
TOURS
PÉRICAT, RUE DE LA SCELLERIE, 35
LIBRAIRIE DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES D'INDRE-ET-LOIRE
Journal d'Agriculture pratique. 6 mai 1909
p. 551-552
Questions viticoles.
La réputation du vignoble de la Touraine n'est plus à faire, non plus que celle de Vouvray qui en est un des grands joyaux. Mais les études solides sur les phases qu'il a traversées seront consultées avec profit. Tel est le cas pour la Monographie de la commune de Vouvray et de son vignoble, par M. Auguste Chauvigné, secrétaire général de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire, qui a été publiée récemment [1908] (librairie Péricat, à Tours). Cette monographie a été couronnée par la Société des agriculteurs de France, et c'est à juste titre. C'est avec un remarquable esprit d'observation que M. Chauvigné a passé en revue l'histoire du vignoble de Vouvray et de la population qui l'a créé, puis reconstitué ; il décrit, dans tous ses détails, la situation actuelle de la commune, tant sous le rapport agricole que social. "L'amélioration des procédés, l'élargissement de l'esprit d'observation et du raisonnement, ont conduit, dit-il, le viticulteur vers un état de progrès indéniable." Des difficultés ont surgi, sinon pour enrayer le progrès, au moins pour le rendre plus lent ; on peut espérer que la ténacité du vigneron tourangeau en aura raison, sous l'égide des mesures prises en faveur de la viticulture, si elles sont appliquées avec une persévérance suffisante.
Journal d'Agriculture pratique. 10 juin 1909
p. 731
SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance du 26 mai 1909. - Présidence de M. le comte de Saint-Quentin.
M. Cheysson, présente de la part de M. Auguste Chauvigné, secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire, la Monographie de la Commune de Vouvray, belle et consciencieuse étude qui fait partie de la collection des Monographies des communes rurales présentées à la Société des Agriculteurs de France, et qui nous fournissent pour une série de communes types le tableau exact et méthodique de leur situation économique et morale. Cette collection, qui s'enrichit chaque année, est pour les historiens futurs une mine d'un prix inestimable.
1910
Publication
Journal d'agriculture pratique, 27 octobre 1910
p. 539-540
LES VITICULTEURS TOURANGEAUX ET LE COMMERCE
[...] À TRANSCRIRE
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, Lauréat de la Société des agriculteurs de France
1912
Journal d'agriculture pratique, février 1912
p. 170-171
Société d'agriculture d'Indre-et-Loire.
Nous avons signalé la célébration par la Société d'Agriculture, Sciences, arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire, au mois de mai dernier, du 150e anniversaire de sa fondation en 1761. Cette fête fut l'occasion de réunions solennelles et d'excursions qui se succédèrent du 27 au 31 mai, et dont le souvenir restera certainement vivace en Touraine. Le compte rendu qui en a été publié récemment par les soins de M. Aug. Chauvigné, avec un talent méticuleux et un admirable souci d'exactitude, contribuera à conserver ce souvenir. On y lira avec un intérêt particulier le récit des excursions aux domaines de MM. Chataignier, Heurtault, Coubard, Vavasseur, etc., qui ont permis d'apprécier l'excellente direction donnée à l'agriculture et à la viticulture dans cette belle région.
1912
Journal d'agriculture pratique, 13 juin 1912
p. 746
Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire.
La Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire a arrêté le programme de son concours d'améliorations agricoles en 1912. Peuvent concourir toutes les exploitations agricoles, présentant des installations et aménagements divers, mise en valeur de terres incultes, irrigations, ayant un caractère de nouveauté pratique et réalisant des avantages sur les procédés anciens.
Les demandes de visite devront être adressées à M. Auguste Chauvigné, secrétaire perpétuel, rue George-Sand, 4, à Tours avant le 30 juin, délai de rigueur.
1913
Publication
LE VIGNOBLE DE TOURAINE
par Auguste CHAUVIGNÉ
Membre non résidant du Comité de Travaux Historiques et Scientifiques
Secrétaire Perpétuel de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire
Président Honoraire de la Société de Géographie de Tours
Extrait de la Revue de Viticulture
Paris, Bureaux de la "Revue de Viticulture", 35, Boulevard Saint-Michel
1913
35 p.
Bibliothèque municipale et centrale de Tours, section patrimoine, Cote TG1415
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Journal d'agriculture pratique, 27 février 1913
p. 283
BIBLIOGRAPHIE
Le vignoble de Touraine, par AUGUSTE CHAUVIGNÉ.
Brochure 35 pages et nombreuses illustrations (Aux Bureaux de la Revue de viticulture, Paris.)
C'est une véritable monographie de la viticulture tourangelle que vient de publier M. Chauvigné. Il étudie, en effet, tour à tour la répartition du vignoble au nord et a sud de la Loire sur les diverses formations géologiques qui recouvrent le tuffeau de Touraine, la climatologie de la contrée, et il refait rapidement l'histoire de la vigne dans ces régions, puis passe à l'étude di vignoble actuel.
Cette partie du travail qui fixe et précise la disposition des crûs de Touraine, est particulièrement intéressante. Les 40 000 hectares de cet important vignoble sont ainsi nettement étudiés et classés, en même temps que l'encépagement qui le forme est décrit avec précision. Puis ce sont les modes d'exploitation de la vigne parmi lesquels les contrats de closerie sont encore usités qui sont passés en revue, ainsi que les procédés de culture appliqués aux divers cépages. L'étude des vins de Touraine termine enfin cd beau mémoire, et montre nettement que la reconstitution du vignoble qui avait, après la crise phylloxérique, fait perdre à la Touraine sa haute réputation viticole n'a en réalité diminué en rien la valeur de ses vins. Les produits de récoltes comme celles de 1906 et de 1911, obtenus sur vignes greffées, valent tous les vieux vins de l'ancien vignoble franc de pied. Dégageant avec netteté d'un travail aussi documenté que le sien cette conclusion heureuse, M. Chauvigné fait œuvre utile et son beau travail sert bien ainsi les intérêts de la viticulture française.
1914
Publication
Ampélographie Tourangelle
par
Auguste CHAUVIGNÉ
Membre non résidant du Comité des Travaux historiques et scientifiques,
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture, Sciences et Belles-Lettres d'Indre-et-Loire,
Président honoraire de la Société de Géographie de Tours,
Propriétaire Viticulteur
Bibliothèque de la Revue de Viticulture
Paris
Librairie agricole de la Maison Rustique
26, rue Jacob, 26
1914
TABLE DES MATIÈRES
Introduction (p.1)
Chapitre I. Les Porte-greffes (p. 3)
Chapitre II. Les cépages rouges
Le Côt
Le Noble
Le Breton
Le Grolleau de Cinq-Mars
Le Gamay Fréau
Le Petit-Bourchet
Chapitre III. Les cépages rouges divers
Chapitre IV. Les cépages blancs
Les Pineaux blancs
Le Gros Pineau de la Loire
Le Petit Pineau
La Folles Blanche
Le Chasselas Précoce de Malingre
Le Chasselas Doré
Chapitre V. Les Cépages blancs divers
1915
Journal d'agriculture pratique, 4 mars 1915
p. 254
SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance solennelle du 10 février 1915. - Présidence de M. Fernand David, ministre de l'Agriculture
Proclamation des récompenses
Section des cultures spéciales.
Médaille d'or, à M. Auguste-Alexandre Chauvigné pour l'ensemble de ses travaux touchant la viticulture.
1916
Journal d'agriculture pratique, 23 mars 1916
p. 107
Concours entre fermières.
La Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire nous transmet la note suivante :
L'un des plus admirables efforts pour la défense du pays a été accompli par les Femmes des Agriculteurs mobilisés, aidées des membres de la famille que le hasard de l'âge à laissés près d'elles. Grâce à une énergie sans faiblesses, les femmes des cultivateurs, depuis vingt mois, ont travaillé et assuré la culture de la terre ; cette tâche mérite d'être glorifiée et récompensée.
La Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire a décidé, déjà depuis longtemps, d'organiser en Indre-et-Loire un concours dit de La défense de la Terre, destiné à récompenser, par des primes en espèces, des médailles et des diplômes, les femmes des agriculteurs ainsi que les adolescents et les vieillards qui se sont le plus signalés par leur intelligence, leur travail et les succès obtenus dans leurs cultures. Le programme du concours sera publié ultérieurement et une Commission sera chargée de faire une enquête minutieuse sur chaque candidature.
La Société fait appel à ceux de ses membres et aux personnes qui ont eu connaissance de mérites vraiment exceptionnels pour en informer M. Auguste Chauvigné, secrétaire perpétuel, à la Mésangerie, par Saint-Avertin (Indre-et-Loire).
1916
Journal d'agriculture pratique, 16 novembre 1916
p. 403-404
PROPOS D'UN PAYSAN
I.
L'éternel rôle de la terre.
À l'heure troublante et fiévreuse où nos armées marchent méthodiquement vers la victoire, il n'est peut-être pas sans intérêt ni justice de tourner les eux vers la terre, d'apprécier la nature et l'importance de sa mission dans l'œuvre nationale. C'est avec vous, gens du terroir, et avec vous aussi, possesseurs du sol, que je veux dans ces propos, exposer les réflexions qui peuvent naître d'une pensée soucieuse du présent comme de l'avenir, rechercher les devoirs, les droits, les obligations, que nous avons les uns envers les autres, envers l'Etat, dans la formidable tâche, dans l'effort nécessaire et patriotique qui soulève le pas en ce moment.
Il y a longtemps que vous avez entendu parler pour la première fois des dires légendaires de ce roi humanitaire que fut Henri IV, et de son ministre qui resta dans l'histoire un habile administrateur. Sully a dit que "le labourage et le pâturage étaient les deux mamelles dont la France est alimentée", et son maître, "ce Biarnois, comme dit la Satire Ménippée, qui faisait mille tours de Basque, qui ne passait pas si longtemps au lit que Mayenne à table", voulait que "Chaque paysan eût la poule au pot tous les dimanches".
Ces deux paroles, depuis la fin du XVIe siècle, sont restées vraies, elles possèdent encore la puissance de conception, la force de réalité qui les ont fait naître : l'agriculture est l'éternelle nourrice d'un pays comme le nôtre, avantagé par un sol incomparablement fertile et un climat plein de promesses ; au point de vue économique la formule de "la poule au pot", n'est plus qu'un symbole de "la vie heureuse", qui a subi ces temps-ci, un terrible tourmente et qu'il faut, à tout prix, voir resplendir à nouveau dans un avenir prochain, sur vos foyers campagnards.
Il faut vivre au milieu de vous, travailleurs de la terre, pour connaître votre effort, votre ferme volonté et les ressources dont vous disposez. Au loin, dans les villes, on ignore votre vie et surtout votre action ; on trouve tout naturel de voir arriver, chaque jour, au logis, le pain doré et chaud de parfums alléchants, de rencontrer, sur l'étal des boucheries, des viandes fraîches qui aiguisent les appétits ; les ménagères se complaisaient sur les marchés où les yeux se réjouissent à la vue des légumes variés, des primeurs tentatrices, des fruits vermeils ; la force de l'habitude amène ainsi au lieu de consommation les denrées nécessaires. Cela doit être puisqu'il en a toujours été ainsi, et cependant, on ne songe pas que cela ne serait pas sans vous, que cela pourrait ne pas être si, un jour, trop malheureux ou épuisés, vous vous arrêtiez de produire.
Et pourtant, a-t-on songé que les productions du sol auraient pu se raréfier plus encore sans l'effort des campagnes depuis que "la grande guerre" a éclaté, a appelé la plupart de vos bras vers d'autres besognes non moins dures, pour défendre ce sol qui est le vôtre, en particulier, ô, paysans, qui le remuez chaque jour.
A-t-on remarqué que, par des quantités moindres mais suffisantes, les marchés ont été pourvus, depuis deux ans ? Par qui ? Par vous, vieillards attachés à la terre par amour ; par vous, femmes et enfants admirables, qui avez pris pour arme la charrue et menez, sur vos champs l'opiniâtre combat pour la vie de nous tous. Sous votre effort entêté, parce que vous êtes mués par le devoir et par vos intérêts, vous faites surgir du sol les moissons, les troupeaux et les lourdes barriques qui marchent et roulent jusqu'au front.
Devant ce lourd labeur, ô, mobilisés de la terre, volontaires du soc qui ne connaissez pas la contrainte puisque votre pensée et vos mains sont libres, la Terre s'est ouverte à vous, généreuse comme toujours, pour vous livrer ses richesses, et c'est ainsi qu'elle reste l'éternelle et sûre nourrice de nos vaillantes armées et de notre population, coopérant, d'une façon certaine et indispensable, à la victoire.
Cependant, cet énorme labeur s'accomplit dans les conditions les plus pénibles. Parmi vous, depuis quinze ans, des vides se sont creusés par suite de l'attraction funeste des usines et des administrations de la ville voisine. Les nécessités de la défense nationale ont provoqué d'irréparables absences et vous êtes seuls, pauvres paysans, ou trop vieux ou trop jeunes, pour reprendre la tâche d'après-guerre, de laquelle il faut infailliblement faire sortir la renaissance économique du pays.
Ceux d'entre vous qui reviendront du front, ceux qui, mutilés, sont capables de s'occuper encore aux champs, doivent rentre à leur maison champêtre, au métier de la terre pour lequel ils sont fiers d'être nés, parce qu'il n'y en a pas de plus noble et de plus indépendant.
L'œuvre de relèvement qui doit former la France nouvelle, sera votre œuvre, elle ne peur appartenir à d'autres. L'attirance de l'usine, nécessité d'un moment, ne peut vous engouffrer dans la vie écrasante des labeurs qui sont loin de votre idéal, dans des centres populeux où vos familles végéteraient où des salaires illusoires vous donneraient des déceptions, où vous courberiez sous la tyrannie d'un travail qui n'est pas le vôtre.
Hommes de la terre, votre domaine vous attend et vous offre, dans les sillons, l'existence saine, libre de toute entrave, facilitée par des gains certains, sûre du lendemain par vos économies, qui vous permettront d'élever une nombreuse famille sur la terre acquise par vos peines, et où vous pourrez vivre avec l'assurance de reposer vos vieux jours, en réalisant le désir si humain que chacun que chacun porte en soi : vivre et mourir sur un bien qui est votre propriété.
C'est là qu'est l'avenir, soyez-en certains, si vous êtes prévoyants vous vous tournerez vers les biens de la terre ; c'est elle qui fournira les forces nécessaires à la vie, à l'expansion économique et commerciale d'après-guerre, c'est elle qui enfantera la prospérité nationale, parce qu'elle est l'éternelle nourrice.
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire.
1916
Journal d'agriculture pratique, 11 janvier 1917
p. 18
À LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE D'INDRE-ET-LOIRE
La Société d'Agriculture, sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire, toujours en tête pour les initiatives généreuses, ayant organisé un concours de "la défense de la terre" en l'honneur des femmes d'agriculteurs mobilisés, dont l'énergie a assuré la culture de leurs terres, a procédé, le dimanche 10 décembre [1916], à la distribution solennelle des récompenses attribuées.
Cette solennité, à laquelle la présence de plusieurs lauréates en grand deuil donnait un caractère particulièrement émouvant, a eu lieu dans la grande et magnifique salle des mariages de l'hôtel de ville, sous la présidence de M. de Lapparent, spécialement délégué par la Société des Agriculteurs de France, qui avait tenu à s'associer à ce concours par l'attribution d'un certain nombre de récompenses.
Après l'allocution du président, qui a fait ressortir le mérite et le succès de l'œuvre accomplie par la doyenne des sociétés tourangelles et des sociétés similaires en France, puis a indiqué quelques-uns des graves problèmes qui se posent pour l'avenir de notre agriculture nationale, M. Vavasseur, président de la Société, a rendu un chaleureux hommage aux vaillantes femmes, qui, avec l'aide de leurs enfants et de leurs vieux parents, ont assuré la bonne marche de leurs exploitations dans des conditions si difficiles et trop souvent cruelles.
Avant de remettre à leurs destinataires les 303 récompenses décernées, le distingué secrétaire perpétuel, M. Chauvigné, a vivement impressionné les assistants en retraçant avec émotion quelques-uns, parmi beaucoup d'autres, des beaux traits d'énergie, de noblesse morale, de solidarité que le jury avait signalés.
Le très grand nombre de femmes, enfants, vieillards et collaborateurs qui sont venus recevoir les récompenses qui leur étaient attribuées, leur satisfaction évidente, parfois leurs larmes, et la chaleureuse sympathie d'une très nombreuse assistance ont nettement prouvé que la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire avait fait œuvre éminemment utile en instituant ce concours, qui a le double caractère de récompenser l'effort déjà fait et d'encourager à persévérer pour le plus grand bien de la patrie.
X.
1917
Journal d'agriculture pratique, 8 février 1917
p. 57
ACADÉMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance du 24 janvier 1917.
Présidence de M. Jules Develle
Présentation d'ouvrages
M. de Lapparent fait un grand éloge d'une petite brochure que vient de publier M. Chauvigné, secrétaire général de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire : Lettres d'un rural ; c'est somme toute, un tract très clair à répandre dans toutes nos campagnes.
Journal d'agriculture pratique, 8 mars 1917
p. 93
ACADÉMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance solennelle du 28 février
Présidence de M. Clémentel, ministre de l'Agriculture
250 fr. à prélever sur le prix Léonce de Lavergne, à M. Auguste Chauvigné, pour son mémoire intitulé : Les Gardiens de la terre.
1917
P. 59
La Dépêche, Vendredi 16 février 1917
LA RÉGION AGRICOLE
Ses caractères naturels
Il a été publié ici même, il y a quelque temps, trois articles, sur le rôle que Tours doit occuper dans le mouvement régionaliste qui se prépare ; les deux premiers, très documentés et hautement pensés, présentent la question sous l’aspect général d’une situation économique prépondérante et met en relief surtout les raisons commerciales et politiques qui désignent la ville de Tours à la fonction de capitale de la future région.
Le troisième article se place uniquement au point de vue industriel et se déclare favorable au rattachement de l’Indre-et-Loire à une région ligérienne dont la capitale serait Nantes.
Il me semble qu’entre ces deux opinions opposées une lacune se soit produite, qu’elle est effectivement occupée par l’agriculture tourangelle, dont il n’a pas été assez tenu compte dans les conclusions, et qu’il soit de nécessité absolue d’attirer l’attention sur cet important côté de la question.
En examinant le grand projet du maître Vidal de la Blache, un observateur ne peut manquer de remarquer que, sauf quelques exceptions formelles, l’esprit des nouvelles divisions de la France a un intime lien de parenté avec celles de nos anciennes généralités qui disparurent en 1790 pour faire place aux départements. La généralité de Tours comprenait trois provinces de Touraine, du Maine et de l’Anjou, avec Tours comme capitale.
Et alors, en continuant à remonter le passé, par un penchant naturel vers la géographie historique, que voit-on dans la succession des âges évoqués pour un instant seulement ?
Quand Louis le Débonnaire divise, en 818, ses États en Missatica, il groupe l’Anjou, le Maine, et la Touraine dans une région territoriale qui représente, à peu de chose près, la généralité de Tours. Cette disposition dura jusqu’en 1080, époque à laquelle les sénéchaux amovibles, puis héréditaires gouvernèrent sous l’autorité des comtes jusqu’en 1204, les trois mêmes provinces.
Avec le successeur du roi Jean, le régime des grands baillis s’étend sur les limites des trois provinces jusque sous François Ier, lequel, par l’édit du 7 décembre 1542, institue la généralité de Tours, dont il vient d’être question, sur les mêmes bases territoriales des divisions précédentes. Ces circonscriptions, comme on le sait, restèrent en usage jusqu’à la formation des départements français.
Comment se fait-il que ce même groupement de territoires qui vient de loin, à travers l’histoire et les révolutions, soit resté si robuste, au point qu’on parle de s’en rapprocher encore aujourd’hui ?
Cela tient inévitablement, pour une région comme la nôtre où le commerce et l’industrie sont secondaires, à la prédominance du sol et de ses produits de toutes sortes, c’est-à-dire de l’agriculture et de la viticulture.
De longues et arides statistiques pourraient fournir d’abondantes preuves pour toutes les périodes de notre vie économique, il suffirait de parcourir les pages si captivantes du Tableau de la province de Touraine, publié en 1862, par l’abbé Chevalier dans les Annales de la Société d’agriculture d’Indre-et-Loire ; beaucoup d’autres documents sont à notre disposition, mais il convient de rentrer, en hâte, dans l’époque moderne.
La très remarquable Enquête économique d’Indre-et-Loire, de notre distingué et regretté confrère Louis Laffitte, mort si glorieusement à l’ennemi, démontre, sans discussion possible, que, pour le département d’Indre-et-Loire seul, la population vivant de l’agriculture atteint 50,4 % tandis que celle de l’industrie n’est que de 22,4 %, et celle du commerce de 7,2 %.
Si après cette écrasante comparaison, on considère m’importance er la valeur des produits du sol on doit constater que l’Indre-et-Loire donne, en moyenne, en céréales, vins, élevage, récoltes diverses, un produit total de 220 millions de francs.
En ajoutant à ces chiffres la production importante de l’industrie agricole, c’est-à-dire toutes les professions dérivées des produits de l’agriculture, tant en Indre-et-Loire que dans les départements limitrophes, transports, meunerie, distillerie, féculerie, conserves, bois, vannerie, on arrive à se faire une idée de la richesse locale de premier ordre que représente une région dont Tours apparaît nettement comme la métropole historique et future.
Sa division géographique
Cette première conclusion, tirée uniquement de l’étude des produits de la terre, n’engage-t-elle pas à poursuive l’examen des limites de la division, en s’inspirant toujours des mêmes tendances : le sol de la région, sa configuration, son aspect, sa situation autonome ?
Une partie de ces vues ont été exposées, il n’y a pas lieu d’y revenir autrement que pour rappeler que la Touraine a toujours eu des allures de métropole à cause de sa situation au milieu d’un sol homogène, c’est-à-dire d’éléments concordants.
Considérons la répartition des cultures sur la surface de cette région. Nous constatons au nord, que le Loir forme une limite très tranchée par ses deux rives : à sa rive droite confinent les terres qui comportent un élevage intensif de races bovine et chevaline inconnu en Touraine ; c’est aussi l’amorce des pommiers à cidre, qui forme la limite presque immédiate de la vigne. Cette zone suit le Loir jusqu’à la Maine, dont elle contourne la rive droite, pour descendre jusqu’à l’ouest d’Angers. Cette même limite descend au sud en laissant le pays de Mauges à gauche, ainsi que le Bocage vendéen, et réunit naturellement, par le même sol, les mêmes cultures et les mêmes aspirations économiques, les Deux-Sèvres et la Vienne à l’Indre-et-Loire. Au sud-est et à l’est les derniers contreforts du Plateau Central rejettent nettement la plus grande partie des départements de l’Indre et du Loir-et-Cher vers le groupe ainsi circonscrit.
Ce groupe, composé de l’Indre-et-Loire, d’une partie du Maine-et-Loire, de l’est des Deux-Sèvres, de la Vienne, de l’Indre et d’une part du Loir-et-Cher, forme donc une région homogène, qu’on pourrait appeler une région naturelle, pace qu’elle est surtout agricole et viticole, qu’elle offre un élevage restreint et une valeur industrielle réduite.
Des villes qui la composent, sans perdre de leur importance, Tours est sans doute la plus considérable et la mieux placée au centre d’un réseau unique de voies de fer, de terre et d’eau, pour en assurer la suprématie.
Et puisqu’on cherche des divisions novelles, reconnaissant les inconvénients des anciennes, pourquoi ne taillerait-on pas en plein drap, selon la logique et les faits matériels, la robe arrondie de la future capitale ?
Ses relations extérieures
On objecte la nécessité de relier Tours à un grand port, même quand elle en est séparée par 200 kilomètres, en se basant uniquement sur les tendances de l’industrie à l’exportation transocéanique, qui ne commande pas la situation parce que les richesses de son sol ne sont pas de cette nature.
D’autre part, en réfléchissant, on ne voit pas comment Tours, admise ou non dans la région maritime, pourrait souffrir dans des exportations d’outre-mer. Dépendant de Nantes ou capitale du Centre Ouest, notre ville aura toujours, sur un sol français, les avantages offerts par les débouchés nationaux ; quelles que soient les divisions futures, Nantes drainera quand même les marchandises, même du plateau central, quand leur direction sera de ce côté.
Dans ces conditions on ne peut pas soutenir avec raison qu’une région centrale comme la nôtre, ne dépend pas plus de l’Ouest que de l’Est, et que ses intérêts commerciaux, agricoles et industriels, qui se confondent, au point de vue des exportations comme des importations, exigent que ses portes soient ouvertes de tous côtés ?
On en trouve la preuve dans la grande artère fluviale, doublée par sa voir de fer, dans cette Loire, si belle et si majestueuse, qui, depuis Orléans, dispose de tant de charmes sur ses rives qu’elle en garde encore pour son cours inférieur, et qui sera, dans l’avenir, plus encore que dans le passé, quand elle sera navigable, le grand trait d’union entre l’Est, le Midi et l’Ouest.
A-t-on oublié le projet sensationnel de M. Édouard Herriot, ministre aujourd’hui, démontrant la nécessité et la possibilité d’établir entre la France et la Russie, une grande ligne terrestre en dehors du territoire allemand ?
Cette voie constituerait le Transeuropéen méridional qui, partant de l’Atlantique, atteindrait la Russie à Odessa, après avoir traversé l’Italie par Turin et Milan, Trieste, Belgrade, Bucarest.
Tours chef-lieu de région serait une station entre Nantes, Bourges et Lyon ; elle n’a aucun intérêt à être reliée à d’autres régions à l’ouest ou à l’est ; elles économiquement et politiquement au centre, elle doit y rester ; ses voies d’accès et de sortie lui assurent, en dehors de toute délimitations, le trafic de l’avenir aux quatre points cardinaux, comme garantie de son développement futur.
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
La Dépêche Jeudi 29 mars 1917
La Région de Touraine
Après l’abondante et féconde discussion qui s’est déroulée, depuis quelques semaines, tout au long des hospitalières colonnes de ce journal, où les divers points de vue de la question régionaliste en Touraine ont été abordées avec franchise et fermeté, il semble qu’une mise au point soit utile pour essayer de dégager les conclusions du débat.
Les considérations économiques d’ordre général et administratif qui ont été exposées, avec une clairvoyante compétence par M. Louis B., sont en complet accord avec la thèse que nous avons développée, en l’appuyant sur la Région agricole, avec des bases historiques indiscutables et une constitution géographique prédominante dans le passé comme dans l’avenir.
M. Louis B. a été jusqu’à dire : « La tradition n’est pas un vain mot, il y a des choses qui qui sont éternellement vraies ». Nous ne pouvons que l’en remercier, il a tranché la question en reconnaissant avec nous que le passé, qui est acquis, formera la fondation sur laquelle l’évolution de l’avenir établira l’édifice nouveau, Il n’y a pas à insister.
De l’autre côté du fossé, les intérêts industriels presque uniquement envisagés, semblent comme hypnotisés par l’au-delà lointain de la mer. M. P. Lafon, dans son dernier article, poursuit cet idéal en faisant table rase de ce qu’a été notre pays, sans tenir compte de ces éléments de vie, de son originalité locale, et en reléguant, avec quelque indifférence, au rang des légendes archéologiques, une ère pleine de grandeur prête à enfanter un lendemain d’action.
C’est de cette action dans l’avenir qu’il faut nous préoccuper, non pas en fixant nos yeux vers le but unique de nos exportations vers la mer avant d’en avoir fait éclore les produits, mais en étudiant les éléments qui doivent en provoquer la naissance.
Ce que doit être une région
Il y aurait un danger à tracer des régions nouvelles avec des limites trop étroites ; ce serait, de plus, aller contre le principe qui est poursuivi par le renversement des divisions départementales que chacun est d’avis de rénover. Ce danger serait le même si le territoire embrassé était trop vaste. Le mérite sera de trouver le bon équilibre ; il sera donné inévitablement en considérant :
Le caractère géographique ;
Les aspirations politiques qui doivent être basées sur les intérêts généraux ;
Les ressources agricoles, commerciales et industrielles locales ;
Les facilités de communications avec l’intérieur et l’extérieur.
Nous croyons avoir démontré l’unité géographique et agricole de la région tourangelle telle que nous la concevons ; M. Louis B. a prouvé l’homogénéité nécessaire des intérêts économiques, administratifs et politiques ; il n’y a plus à y revenir, la démonstration est faite.
Nous restons donc en présence des aspirations commerciales et industrielles sur lesquelles M. P. Lafon, en homme d’affaires vigilant et de grande distinction, se montre peut-être trop exclusif ; elles demandent un examen réfléchi.
La région doit s’ouvrir à tous les intérêts commerciaux et industriels
Dans la création de la nouvelle région, s’il faut tenir compte, comme base, des ressources acquises dans le passé par la production du sol et des éléments industriels qui s’y sont fixés, il y a lieu de regarder l’avenir et de prévoir le développement que nous pouvons espérer.
Or quelles seront les causes, au lendemain de la grande épreuve, qui provoqueront la croissance ou la création des usines et des maison commerciales dans la région de Tour ?
Les besoins urgents de produits de toutes sortes assureront une reprise d’affaires aux anciennes maisons. Il y a lieu de croire que les besoins seront si grands que des établissements nouveaux se fonderont.
Au point de vue industriel, la nécessité de remplacer les machines usées, de pourvoir les régions dévastées de l’outillage, des constructions mécaniques, des matériaux indispensables, forceront les industriels à chercher l’endroit le plus favorable à leur installation. Pendant de longues années la Touraine peut espérer voir s’élever des usines et des maisons de commerce sur son territoire, parce qu’elle offre une région de choix par son admirable réseau de voies qui assure l’arrivée des matières premières et le départ des produits fabriqués, par la richesse de son sol qui peut nourrir une plus abondante population, par l’attirance de son climat qui traduit ses charmes par des avantages matériels pour ceux qui l’habitent.
Mais, nous voyons poindre l’objection : Si la Touraine doit avoir une extension sensible de ses exportations locales, elle aura fatalement intérêt à être reliée à la région maritime nantaise.
Nous prétendons que la vérité se trouve partagée, tout au moins également à l’autre extrémité du diamètre qui nous sépare ; nous espérons le prouver, et voici comment :
Nul ne peut contester sue Paris, le Havre, Lille, Nancy, Lyon, Marseille, Lorient, Bordeaux, fournissent ou fourniront des ressources considérables d’importations et d’exportations industrielles et commerciales à notre province, et qu’il est raisonnable d’en considérer l’évaluation comme égale, pour ne pas dire plus, à celles qui se présenteraient par l’unique voie de Nantes-Saint-Nazaire.
L’intérêt est partout, et pour s’en convaincre examinons quelques chiffres.
Ce chiffre respectable doit s’augmenter de celui du transit qui n’est pas compris et l’Album de statistique graphique, publié par le ministre des travaux publics, nous montre que Tours occupe le dixième rang pour le tonnage expédié et reçu en petite vitesse ; et que « la section de Tours-Orléans est sur un passage d’un courant de trafic des plus intenses ».
Nous sommes ainsi autorisés à conclure que notre région reçoit « le courant commercial et industriel [illisible] zone que circonscrit [illisible] unissant Le Havre, [illisible] Bayonne ».
Il est donc permis d’affirmer que si Tours captait ce trafic pour le transmettre à Nantes, au profit de l’Ouest océanique, elle se dépouillerait s’autant et ruinerait ses intérêts.
La logique et la justice veulent qu’elle jouisse des avantages de situation naturelle de métropole, situation qu’elle doit conserver.
Nous n’en sommes venus à ce point que pour démontrer l’erreur des aspirations qui considèrent le développement magique des grands ports mondiaux dont parle M. P. Lafon. Ceux-ci se trouvent partout où une situation géographique les a placés fatalement avec des moyens de drainage des marchandises dans une contrée qui, logiquement, a fait naître ces havres opulents. De plus il faut remarquer que ces ports sont, relativement, bien plus des lieux de passage que des métropoles. New-York deviendra peut-être le plus grand port du monde, elle ne sera jamais la capitale des États-Unis. Nous serons toujours fiers de la prospérité de Nantes qui ne peut nuire à la nôtre parce que cette prospérité nous viendra, pour plus de la moitié de sa valeur, de l’Est, du Nord et du Sud ; ainsi que nous venons de le démontrer.
La région doit être un nœud de voies de communication
Un pays et la ville appelée à le dominer, car nous ne nous occupons plus ici que de l’avenir, ne peur obtenir une vie industrielle et commerciale que s’ils sont placés à un point où ; naturellement, se résument les voies d’accès et de départ dans toutes les directions. La ligne ferrée doit compléter les routes de terre, et celles-ci doivent avoir pour complément les voies d’eau. Nul ne peut contester cet argument général que Tours a l’heureuse fortune de posséder par suite d’une prodigalité frappante de la nature.
Tours dispose de huit grandes lignes convergentes de chemins de fer ; elle est placée à l’entrée du Cher canalisé sur la Loire, dont l’importance sera décisive dans l’avenir par son prolongement vers l’Europe orientale et l’Asie. Elle est traversée par le plus beau réseau de routes de terre. Cette condition est la clé de son avenir, et c’est la raison maîtresse qui la désigne, non pas à la dignité, mais à la fonction de capitale régionale. Cette aptitude de la Touraine est déterminée par les divers éléments essentiels que nous avons essayé de mettre en lumière et de résumer, elle lui est assurée enfin, de façon définitive, il nous semble, par l’indépendance qui résulte de sa situation privilégiée.
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture, sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P.205
La Dépêche, Dimanche 17 juin 1917
Les opinions d'un paysan
Le Triomphe du droit
Il faut la conception obtuse et criminelle de l’Allemand et de quelques peuples qu’il a asservis, pour constater que le monde civilisé combat actuellement pour le droit : en dehors de cette séquelle, rebut de l’humanité, parce qu’elle a touché trop bas pour espérer désormais une élévation morale quelconque, il n’y a plus que des êtres, si petits soient-ils, qu’anime l’esprit de justice et qui s’unissent pour le triomphe du droit.
C’est une force à laquelle rien ne peut plus résister, mais à une condition : celle de l’union dans l’effort, plus que jamais, celle de la patience inébranlable, celle de la résignation au sacrifice, celle de l’acceptation absolue des ultimes restrictions.
Ces paroles ne s’adressent pas au front. Nous savons ce qu’il vaut ; il fait ses preuves ; les troupes qui le composent sont entourées, à jamais, d’une auréole de gloire faite du sacrifice du sang, de la ténacité devant l’épreuve, de la volonté de vaincre. Il a vaincu, il vaincra encore ; non seulement il barre la route à la brute, un instant déchaîné, mais il la réduira dans sa tanière. Nos inquiétudes ne peuvent aller de ce côté.
Mais il y a un autre front ; celui-ci s’étend sur tout le sol de la France, c’est celui de l’arrière, où se livre actuellement une lutte aussi rude que sur l’autre et qui doit être aussi décisive, qu’on ne l’ignore pas.
C’est là aussi que le droit doit triompher par le travail acharné et silencieux, par la patience et par l’acceptation des privations nécessaires.
Et voilà comment nous restons en présence, nous ruraux opiniâtres, de notre idéal patriotique au premier chef, celui de travailler, de produite, de nourrir les armées du front qui ne pourront rien sans nous, de nourrir les populations qui préparent la défense, de souffrir, comme nos soldats, des privations qui nous sont imposées, de leur donner notre vie pendant qu’ils donnent la leur pour nous. C’est la plus noble et la plus impérieuse des missions !
Ceux qui sont inutiles et faibles devant l’adversité, - il y en a encore trop, dans nos villes et même dans nos campagnes – ont-ils placé leur esprit égoïste, un instant, en face de cette vérité : Il n’est pas un individu qui, dans la mesure de ses moyens physiques et intellectuels, ne doive avoir sa tâche dans l’heure présente, heure décisive s’il en fut jamais ?
De même ceux dont le courage tend à s’amollir, dont les énergies peuvent décroître, ont-ils songé que si on les écoutait, les sacrifices consentis jusqu’à ce jour, les ruines accumulées, tout, aurait été donné en pure perte, que la détresse du pays en résulterait, quelle serait aussi leur lot dont ils souffriraient, et que, par surcroît, nos morts glorieux se dresseraient pour les mauvais dire ?
Nul doute que les moyens de défendre cet idéal sacré, et de toucher au but, ne sont pas aisés à pratiquer. Tous ceux qui pénètrent nos difficultés culturales actuelles, savent que tout n’est pas toujours ait pour favoriser les paysans déjà âgés et les femmes que leur lourd labeur écrase. Les produits sont chers, la main-d’œuvre manque et est hors de prix, ils sont paralysés souvent dans leur action.
Il faut cependant, le salut est à cette condition, qu’ils restent maîtres de l’heure présente en songeant que la ruine est partout, chez ceux qui, avec l’âge, n’ont même plus le produit de ce qu’ils possèdent pour vivre, et que, à ce prix, nul ne peut espérer autre chose qu’une maigre vie en travaillant pour la Nation.
Nous verrons dans les études qui suivront celle-ci, comment on devrait amener tous les inutiles à prendre leur rang dans l’armée arrière, comment on peut favoriser nos campagnes ; mais chacun doit être convaincu, à la ville comme aux champs ; qu’il ne faut avant tout, ni découragement ni récolte ; qu’une discipline laborieuse et digne est de toute nécessité, si nous voulons vaincre le joug qui nous menace, si nous voulons assurer le triomphe du droit dans un avenir réparateur.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P.218
La Dépêche, Jeudi 28 juin 1917
Les opinions d'un paysan
Les Inutiles
Nul n’ignore dans la tourmente où s’agite le pays, que l’ensemble du peuple accomplit une tâche qui devient chaque jour plus lourde. L’ennemi a des résistances telles que notre effort doit s’accroître d’autant si nous voulons garder notre liberté. Tous ceux qui forment la défense du front sont à la peine et au sacrifice ; tous ceux qui sont à l’arrière et approvisionnent l’armée de ce qui lui est nécessaire sont aussi à la tâche : c’est l’ouvrier et l’ouvrière dans les usines, c’est le paysan dans les campagnes, c’est aussi une bonne partie de la population, de toutes classes, qui se dévoue, d’une façon ou d’un autre, dans les fonctions publiques, l’enseignement, les œuvres, les hôpitaux, les services divers.
Parmi ceux que l’âge et la santé n’exempte pas de toute obligation il en est cependant qui n’ont pas cette vision de leur devoir. De plus, ils parlent, ils parlent trop… ils sont pessimistes, en général, et deviennent ainsi une force inerte au lieu d’une force productrice.
Pourquoi les désigner davantage ? Ils n’ont qu’à regarder autour d’eux pour se rendre compte de leur inaction, de leur faiblesse, de leur inutilité.
Au milieu de nos campagnes on peut dire qu’il n’y a pas d’oisifs ; chacun fait ce qu’il peut, souvent plus ; la terre est là qui sollicite, les vieux ont repris la charrue. Mais un danger existe. Il émane de ceux dont les énergies ne résistent pas à la tempête, ce sont des gens qui ont lutté, des êtres faibles, des illusionnés, qui désertent la terre pour les trompeuses promesses que leur fait la ville.
Il faut aborder la petite ville rurale pour rencontrer les inutiles ; là, les parlottes commencent, on cause, on n’agit pas assez. Mais dans la grande ville, c’est autre chose ; on bute dans les inutiles sur les trottoirs ; ils élèvent la voix dans les trains et les tramways ; ils passent en voiture et ne se privent guère chez eux pendant que d’autres manquent de pain.
Ils discourent, ces gens inconscients sur les évènements de la guerre, comme s’ils étaient en état de savoir et de discuter ce qui se passe dans les sphères de la défense ; ils confient à d’autres des racontars sans base, qui démoraliseraient et sème une mauvaise graine de pessimisme.
Rien n’est tel qu’un faux bruit, qu’une phrase alarmiste lancée à la légère : elle passe de bouche en bouche, se gonfle, rampe, s’insinue ; et, ce qui est plus grave, pénètre dans nos campagnes avec une parure de mystère. On chuchote : « On dit cela, on dit ceci » ; c’est tout de suite une vérité, parce qu’elle vient de la ville, et le mal est fait.
Voilà comment nos ruraux sont exposés à cette gangrène.
Ce mal vient en général des inutiles ; s’ils avaient une occupation, un but, ces vaines paroles ne verraient pas le jour. Il faut donc que l’être inutile et pessimiste disparaisse.
Les commerces de nécessité comme d’alimentation, le vêtement et les administration officielles et privée manquent d’employés, de fonctionnaires, malgré les forces vraiment vitales qui s’y abritent et pourraient être ailleurs. Il n’y a qu’à ouvrir les portes pour recevoir des engagements ou des services bénévoles apportant une contribution à l’œuvre nationale.
Que chacun descende en soi, scrute sa conscience, l’interroge, pour savoir s’il a fait tout son devoir et s’inspire de cette vérité qu’il doit être une unité pour la défense de la Patrie.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P.228
La Dépêche, Dimanche 8 juillet 1917
Les opinions d'un paysan
Les Buts économiques et agricoles de l'Allemagne
Comment cette question, qui paraît d’ordre général, peut-elle se rattacher à notre point de vue régional ? Nous allons essayer de le montrer en écoutant la voix vibrante et énergique qui monte du sillon, pour clamer nos devoirs ; à ce titre-là celui de la Touraine en vaut bien un autre.
Le 16 janvier 1904, dans un discours à la Chambre des seigneurs, le prince Bülow, chancelier de l’empire prononçait la phrase suivante : « Que le roi soit à la tête de la Prusse ; la Prusse à la tête de l’Allemagne ; l’Allemagne à la tête de l’Univers. »
Ces quelques mots sont tout un programme, ils renferment tout l’effort volontaire, tout l’orgueil impudent d’un peuple mercenaire au service de l’ambition.
Cette affirmation de la vanité du pangermanisme n’est pas la seule qui ait été prononcée depuis quarante ans ; on en trouve des semblables, tous les jours dans la presse allemande, dans chaque livre paru, dans chaque discours officiel. Le développement exceptionnel de la natalité, l’essor du commerce et des industries, y compris l’agriculture, ont soutenu cette idée de domination, et un cri unanime s’est élevé dans l’empire insolent : « Ce cri toujours plus haut, ce cri qui monte : Des terres, des terres nouvelles ! »
L’acquisition de ces terres, si avidement réclamées, voici comment les Germains la comprennent : « Organisons bravement de grandes migrations par force des peuples inférieurs… ces lâches sont des lâches de guerre… Aux adversaires qui auront succombé en nous barrant la route, il faudra assigner des réserves, où nous les refoulerons, pour obtenir l’espace nécessaire à notre expansion. »
Entre mille, voici une conclusion donnée par Guillaume II lui-même, en 1890, au banquet du Provinzial Landtag de Bandbourg : « Quant à ceux qui voudraient me gêner dans ce travail, je les écraserai. »
Malheureusement pour la France, elle n’a pas su ou voulu prendre toutes ces menaces au sérieux ; elle n’a pa mesuré la grandeur du danger, elle n’a pas préparé pendant la paix, une défense suffisante, et, en attendant l’heure d’une libération prochaine qui impose de lourds sacrifices, c’est notre sol qui est envahi, c’est le sillon de nos campagnes du nord-est qui demande vengeance et, avec lui, tous les paysans de France sont frappés.
En est-il un de ceux-là – et, dans notre Touraine, ne sommes-nous pas les premiers ? – qui n’ait senti le lien de fraternité qui l’unit à ceux qui souffrent de l’invasion, qui n’ait senti monter en lui une rouge colère, en songeant que c’est notre propre sol, les champs que nous cultivons avec tant d’amour depuis tant de siècles, qu’un ennemi voleur convoite et brutalise.
Ne faisons-nous pas nôtres les souffrances de nos frères, ne sentons-nous pas leurs misères comme si nous étions à leur place dans le malheur ; ne pleurons-nous pas leur comme si nous étions dépossédés de celui que nous fécondons de notre labeur ?
Voilà pourquoi les appétits du monstre, son désir de prendre nos richesses économiques et agricoles, soulèvent la haine des campagnes contre un ennemi séculaire, voilà comment nous devons être tous intéressés au grand œuvre national de libération et de relèvement.
C’est aussi l’une des causes de l’héroïsme de nos campagnes, qui sont si largement représentes au front ; c’est encore pour cette raison que ceux de l’arrière donnent, sans compter leur effort soutenu et silencieux.
Ces réflexions nécessitent une explication dernière : les citations sommaires qui précèdent sont extraites d’une brochure intitulée : Les buts de l’Allemagne annoncés par les auteurs allemands, que vient de publier un grand patriote parisien, M. A. Huillard. Elle contient, en nombre considérables, les preuves irrécusables de la volonté, longuement préméditée, des Allemands de faire la guerre à la France et à ses alliés, de s’emparer de leurs territoires, de ruiner leur influence. On peut lire, pour un prix infime, dans les principales librairies de notre ville ce tract de propagande patriotique qui est un réconfort et la preuve de la fourberie du rêve teuton.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P.257
La Dépêche, Jeudi 2 août 1917
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Semons le blé de France
La question du blé préoccupe tout le monde ; elle a ému nos gouvernants qui ont constaté l’abaissement de la production ; elle a mis en éveil l’administration militaire qui a le souci de nourrir ses armées ; elle alarme la population qui songe aux restrictions qu’on lui impose et au prix qu’elle sera obligée de payer son pain quotidien.
A-t-on, tout d’abord, cherché à remonter vers la cause ? Non. Pendant toute la saison qui finit avec la récolte qu’on se dispose à moissonner le mois prochain, on a songé à recourir aux importations pour assurer la vie de la nation, et, alors qu’on payait le blé 36 francs à l’agriculteur français, on n’hésitait pas à l’acquérir de l’étranger à un prix de revient égal à 50 francs.
Il a fallu que la grande voix du paysan se fasse entendre dans une unanime protestation, pour arriver à constater qu’il a perdu de l’argent pendant toute l’année écoulée en produisant du blé, qu’il lui a été impossible de recevoir même la moindre rémunération de son travail et que la principale cause de la faiblesse de la récolte future vient de là.
De toutes parts il a dit, en présence de son énorme labeur, que son intérêt, sa vie journalière même, lui commandaient d’abandonner la culture du blé et des céréales pour se reporter sur celles qui, moins ruineuses, assuraient à peu près sa subsistance. C’est ainsi qu’on a vu des terres s’abandonner, ou changer de destination, que des protestations, qu’on a prises pour un manque de patriotisme, sont sorties du front et sont allées vers les femmes qui peinent courbées vers la terre avec courage, leur crier : « Vous vous ruinez, ne faites pas de blé l’an prochain ! »
Avaient-elles raison ces voix des poilus ? Qui pourrait dire non en songeant à l’élévation du prix de la main-d’œuvre, des instruments aratoires, des transports, des engrais, des réparations urgentes, des objets indispensables à la culture, à l’habillement, à la vie même ?
Une opinion fausse s’est trop répandue dans le public ; on a confondu, dans une même exclamation contre les profits exagérés du paysan, les diverses cultures : celles qui gagnent de l’argent et celles qui en mangent.
Les abondants versements dans les caisses d’épargne, les remboursements dans les études de notaires des communes, prouvent une vérité, les gains de la petite culture et d’une partie de la moyenne, surtout lorsqu’elles sont pratiquées par le mode familial, avec une suppression presque complète de toute main-d’œuvre étrangère. Ces résultats heureux sont donnés par le potager et le fruitier, par le petit champ et la petite étable, souvent aussi par la petite surface vigneronne.
Mais, dès que l’exploitation comporte une étendu plus vaste, que les champs de blé alternent avec les autres céréales et les terres destinées à nourrir un important cheptel, adieu les bénéfices ! Le cultivateur ne peut pas, comme nous le disons : « Joindre les deux bouts ».
Cette situation a été enfin comprise et l’équilibre sera soudainement rétabli par la décision qui a été prise dernièrement, qu’elle vienne d’où elle voudra et de n’importe quelle cause, décision qui élève à 50 francs le prix d’achat des 100 kg de blé.
Pour être juste, il importe que le cultivateur médite cette bienfaisante mesure, nœud réel de a question di blé ; il n’a plus le droit, momentanément, d’hésiter devant l’emblavure de ses terres pour la saison prochaine. Dès lors qu’on lui donne le moyen de vivre, son devoir renait. Arrière toutes les faiblesses, tous les préjugés et tous les mauvais conseils ! Il doit puiser un nouveau courage dans le double sentiment de son intérêt et de son patriotisme.
En fécondant sa terre il en recevra la récompense, et l’or de la nation, au lieu de courir le monde par l’échange onéreux des importations, restera au pays pour refaire un patrimoine que la plus grave des crises menace.
Il faut, dès que les moissons dorées seront tombées, qu’il se prépare à retourner ses terres ; il faut, quand les fils blancs des couvrailles lui en donneront le signal, qu’il reprenne le large et simple geste du semeur en songeant que la moisson prochaine peut être, grâce à lui, celle de la Victoire, et que le blé de France doit en avoir sa part.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P.282
La Dépêche, Vendredi 24 août 1917
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Pas d'engrais Pas de production
Le pays demande aux ruraux de faire tout leur devoir, de travailler sans relâche, de s’ingénier à faire produire le sol, par tous les moyens ; on sait que c’est l’urgente nécessité, en présence de l’énorme effort national ; celui qui vient de la terre occupe le premier rang.
Dans cette pensée, on a dit ay paysan « Laboure, ensemence, engraisse tes bêtes, taille ta vigne, moissonne, vendange ! » Il a déjà répondu : « Ne placez pas mes bœufs devant ma charrue ; laissez-moi du fourrage ; ne violentez pas mes semences ! » C’est-à-dire : « Donnez-moi les moyens de cultiver ! »
Parmi ce moyen essentiel, il en est un indispensable, urgent, qui ne peut souffrir de retard, d’où dépendent les futures récoltes de 1918, d’où dépendent aussi le courage et les énergies fécondes des campagnes : donner des engrais, en temps utile, à l’agriculteur.
De toutes parts du département il nous revient que les marchands d’engrais, nos fournisseurs habituels, ne répondent pas aux propositions d’adjudications des syndicats communaux, parce qu’ils sont dans l’impossibilité de se procurer, dans les usines, les quantités nécessaires pour remplir les engagements qu’ils prendraient s’ils devenaient adjudicataires.
Nous allons donc, si on n’y remédie pas en toute hâte, nous trouver au dépourvu, et c’est ici où les pouvoirs publics qui assurent la charge de pourvoir, en ces temps difficiles, à tous les besoins de la défense et de la vie du pays, doivent prendre des mesures destinées à combattre victorieusement une telle crise.
Nous n’ignorons pas qu’on s’en occupe en haut lieu. L’Académie d’agriculture et les grandes sociétés agricoles se sont unies, elles ont protesté ; on dit même que les ministères intéressés vont prendre des mesures énergiques. Cela est bien, mais il nous faut des actes certains et rapides. Nous sommes menacés de retards, il y a des lenteurs administratives redoutables ; on se souvient qu’en 1916, à pareille époque, on nous promettait des engrais et que ceux-ci ne sont pas venus en quantités suffisantes.
On sait que les usines, qui travaillent pour la fabrication intense des explosifs produisent d’énormes quantités d’acide sulfurique ; il importe qu’une part soit faite pour l’agriculture, qu’elle soit dirigée vers les fabriques d’engrais qui en manquent, et que les ministères de l’agriculture et de la guerre prennent des dispositions urgentes vers ce but. Il importe aussi qu’on intensifie officiellement la production des engrais et qu’on les mette, en temps voulu, à la portée des fournisseurs et des syndicats.
Une autre action s’impose sans délai ; celle du ministère des transports ; voici comment :
On apprend, avec quelque surprise, que nos bâtiments, qui font le service de notre armée d’Orient, reviennent, trop souvent, à vide en France, après avoir côtoyé presque notre littoral africain. Pourquoi ne les utilise-t-on pas à prendre u passage, dans les ports tunisiens et algériens, les phosphates minéraux qui seraient si utiles dans la métropole et que nous réclamons ?
Ce sont des vérités éclatantes qui viennent d’être signalées aux pouvoirs publics ; on ne peut douter qu’elles entreront sous peu dans la voie pratique et qu’elles donneront satisfaction aux réclamations de l’agriculture.
En attendant, nous joignons notre voix à celles qui s’élèvent, de toutes parts, pour demander :
1° L’intensification de la production des superphosphates, des nitrates et des engrais divers, bases de nos cultures ;
2° L’importation massive des phosphates minéraux de notre Nord-Africain ;
3° L’intensification spéciale des transports, par voie de fer, pour éviter tout retard dans les livraisons.
Pas d’engrais, pas de production ; le temps presse ; il faut donner des matières fertilisantes aux agriculteurs, si on veut voir pousser les cultures, si on veut entretenir le courage du paysan et si on veut que la France soit encore debout pour le triomphe de sa noble cause.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P.292
La Dépêche, Dimanche 2 septembre 1917
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Les Droits de chacun en matière de réquisition
Le problème des réquisitions agricoles prend une telle importance, il donne lieu à tant de controverses confuses, il met en jeu de si gros intérêts opposés, qu’il semble nécessaire d’éclairer la question, sans parti pris, au moment où les agriculteurs se trouvent, une fois de plus, dans l’obligation de satisfaire aux nouvelles demandes de l’État.
Laissons tomber d’abord toutes les vues secondaires, élaguons les brindilles pour ne considérer que les branches maîtresses qui constituent l’armature des rameaux ombreux dont le mystère nous entoure depuis trois ans.
a). Les droits de réquisition. – Les réquisitions sont effectuées par l’Intendance en vertu de la loi du 3 juillet 1877, pour satisfaire aux besoins des armées. Le maire de chaque commune reçoit l’ordre et a le soin de répartir l’importance des prestations entre les habitants, ainsi qu’en a décidé une loi primitive de 1971.
C’est de ces origines déjà lointaines, mal dégagées des formules vagues, d’expressions au sens discutable, que proviennent tous les abus, toutes les protestations et toute l’impopularité dont sont entourées les réquisitions. Dans son ensemble, il ne faut pas perdre de vue que tout mouvement de rébellion serait une erreur, car l’obéissance à la loi est une nécessité et un devoir patriotique.
Il n’en est pas moins vrai que les producteurs doivent défendre leurs intérêts, par les moyens du droit.
b). La valeur de la chose réquisitionnée. – La source principale des conflits provient de l’interprétation donnée au mot « valeur » contenue dabs la formule de la loi de 1877.
L’opinion énergiquement défendue par l’intendance consiste à ne pas accepter le cours commercial local actuel de la denrée réquisitionnée parce que : 1° elle ne peut subir les fluctuations de cours provoquées par elle-même en raréfiant la marchandise ; 2° le droit de réquisition de l’État comporte, de la part du prestataire, un sacrifice qui peut être représenté par son bénéfice de production.
D’autre part, l’Administration s’appuie sur la circulaire du 26 avril 1915 qui dit que : « L’indemnité doit correspondre, non au prix commercial, mais au prix de revient d’une juste quote-part de frais généraux. »
Dans son esprit il s’agit donc d’une indemnité seulement égale au prix de revient.
L’unité d’appréciation n’existant pas, on a cherché, dans diverses régions, à établir la valeur normale, en faisant la moyenne des cours d’une période de quelques années avant 1914.
La thèse du prix de revient a fait faillite devant l’opinion parce que, si elle est possible pour le commerçant qui achète et revend, elle est impraticable pour l’agriculteur, en présence de la hausse continue de la main-d’œuvre et des matières premières.
Celle de la valeur normale moyenne est absolument inadmissible parce qu’elle rétribue avec le cours d’avant guerre, des denrées dont les moyens de production sont ceux de pendant la guerre.
Mais, au milieu de ces diverses méthodes, que devient donc l’action de la commission départementale des évaluations ? Elle est nulle. Quand elle émet des avis qui n’entrent pas dans les vues de l’Administration, on n’en tient pas compte ou on passe outre.
C’était cependant le chemin de la vérité, composée de producteurs et de négociants, elle devait imposer ses décisions. La loi n’a pas su la rendre souveraine, elle n’est que consultative.
Nous restons donc en présence de l’évaluation, surtout pour les vins, sur la taxe du cours commercial au jour de la réquisition, l’argument décisif qui milite en sa faveur vient du décret du 2 août 1877, portant règlement d’administration publique pour exécution de la loi du 3 juillet 1877, qui donne à l’Administration le droit de ne laisser, au pis-aller, au prestataire que les vivres nécessaires pour lui et sa famille pendant trois jours. Pour les grains la limite est portée à huit jours et à quinze pour les fourrages.
N'est-il pas d’une injustice élémentaire que l’indemnité à lui versée soit établie au taux des cours d’achat des denrées de remplacement qui seraient nécessaires à sa consommation et à celle de sa ferme ?
c). L’embargo sur les récoltes. – On a vu maintes fois que l’Intendance, après avoir donné l’avis de réquisition, n’en fixe sa quantité pour chacun que longtemps après ; elle immobilise ainsi des récoltes entières et porte un préjudice sérieux aux producteurs, en les empêchant de profiter de ventes favorables et de se servir de leur argent.
Il n’y a pas de doute à ce sujet : l’article 3 de la loi de 1877 prescrit que « les réquisitions sont toujours formulées par écrit et signées ; elles mentionnent l’espèce et la quantité des prestations imposées ».
Soyons donc avertis et considérons que nous pouvons disposer, vendre et faire circuler nos récoltes tant que nous ne sommes pas touchés par une réquisition régulière.
d). Les quantités. – Il est reconnu que dans bien des communes, la quotité de répartition a dépassé non seulement les disponibilités du prestataire, mais encore sa récolte, parce que l’Administration se base sur ses besoins et non sur le rendement, déduction faite des réserves personnelles indispensables. Nous avons déjà signalé le fait pour les foins. La question est réglée par l’article 3 de la loi citée plus haut, et, dans les cas où la réquisition dépasse les disponibilités, le maire a le devoir d’adresser de judicieuses réclamations à l’autorité compétente.
e). Transports, livraisons à terme, mode de paiement. – Pour les questions complémentaires relatives aux transports, souvent difficiles par des femmes et des vieillards, les denrées réquisitionnées au lieu du dépôt parfois lointain, ainsi que pour les abus irritants des livraisons à long terme et des modes de paiement, il ne saurait y avoir de doute :
Pour les transports onéreux et difficiles, le prestataire doit se prêter aux circonstances dans lesquelles l’administration elle-même se meut avec embarras, à moins qu’il n’y ait un préjudice sérieux et constaté résultant d’une faute de la part de l’Intendance ;
Pour les livraisons à terme, s’il y a préjudice, la responsabilité de l’État est certaine et le prestataire se trouve sous la protection des articles 1136 et suivants du code civil, contre la charge de veiller à la garde de la chose réquisitionnée. S’il y a perte par cas fortuit, entre le jour de la réquisition et celui de la livraison, le prestataire peut invoquer les articles 1302 et 1138.
Pour le mode paiement, la loi de 1877 ne prévoit pas de délais et l’Intendance en abuse parfois. Nous sommes désarmés et il y a lieu de provoquer des mesures favorables au prestataire.
C’est dans cet esprit, et en attendant une législation indispensable, proposée par MM. Paisant et Gaillard-Nancel, que la commission de l’agriculture a demandé à la Chambre de prendre des résolutions destinées à obtenir du gouvernement l’application rigoureuse de la loi de 1877.
Nous attendons ces mesures avec impatience et confiance, la protection des agriculteurs doit prendre, au plus tôt, une forme efficace et décisive.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P. 300
La Dépêche, Dimanche 9 septembre 1917
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Le Problème du vin cher
On a fait beaucoup de bruit, ces temps-ci, atour de la question du vin cher ; elle agite bien des personnalités ; elle a mis les esprits en effervescence, fait couler beaucoup d’encre.
Naturellement les représentants des grandes régions viticoles de France on fait entendre de justes revendications ; ils ont éclairé la situation générale dans la mémorable réunion consultative du 22 août dernier, et, au milieu du tassement qui commence à se faire dans les idées, il semble que le moment soit venu pour la Touraine – qui ne prétend qu’à un rôle plus modeste par l’importance de sa production, mais entend tenir sa place – d’élever la voix avec modération et conviction.
Il ressort très nettement de tout ce qui a été dit jusqu’à ce jour, que la hausse des cours est le résultat de la constatation faite désormais, de façon précise, des trois éléments qui influencent toujours les marchés : le déficit du stock ancien, la faiblesse reconnue de la récolte pendante en face des besoins de la consommation, l’élévation du prix de revient pour le producteur ;
Ces conditions, qui imposent leur rigueur a vignoble français, existent-elles en ce qui concerne notre Touraine ? Note province est-elle, toute proportion gardée un facteur du résultat national ? Doit-elle subir ou revendiquer les mêmes conséquences économiques ?
C’est ce que nous allons essayer de dégager dans l’étude documentaire ci-après.
Le stock ancien. – Pour avoir une base sûre d’appréciation des conditions de l’heure actuelle, il faut remonter le cours des dernières années et apprécier l’importance du stock commercial existant entre les marchands en gros, et, approximativement, à la propriété.
En 1910, par exemple, année déjà lointaine de notre époque troublée, les récoltes antérieures étaient représentées, au mois de juin, par le chiffre respectable de 82 009 hect. Dans les magasins de commerce ; la récolte totale du département avait été bonne. De plus les réserves de la propriété, non encore vendues, atteignaient environ le sixième de la récolte ; nous étions alors dans une période de moyenne abondance, où les vins courants atteignaient seulement le cours peu élevé de 22 à 24 francs l’hectolitre à la propriété.
Depuis cette année jusqu’en 1914, où la récoltes n’a pas été influencée par la guerre comme rendement, nous constatons une diminution à peu près constante du chiffre total des récoltes et une légère amélioration des cours ; nous notons aussi, au mois de juin 1914, un stock commercial de 79 788 hectolitres déjà en baisse. Au mois de juin 1915, il n’est plus de 65 790 hectolitres ; en 1916, il descend à 47 436 hectolitres, et à la même date de 1917, il tombe à 39 437 hectolitres, alors que les caves sont entièrement vides à la propriété.
Cette baisse progressive du stock commercial et la disparition presque totale de celui de la propriété, sont à la base de nos constatations.
La faiblesse des récoltes de 1914 à 1916. – La première conséquence à tirer de la diminution des réserves est celle de la faiblesse des récoltes depuis celle de 1914, production annuel destinée à alimenter le stock commercial. Elle nous est révélée par les chiffres suivants bien que la surface plantée en vigne ait été portée à de 39 119 à 41 200 hectares de 1910 à 1914. Le rendement de 1915 a été de 228 037 hectolitres, ce qui représente 5,54 hect. à l’hectare ; celui de 1916 à 557 242 hectolitres portant le produit à 13,53 hect. par hectare, c’est-à-dire que celui-ci se traduit par un déficit considérable depuis l’ouverture des hostilités.
Ce que sera la récolte pendante. – À l’heure où on se prépare à faire la cueillette de 1917, il est permis, avec les renseignements dont on dispose, très approximatifs cependant, de prévoir ce que sera la récolte de vin, au moins au maximum, car il devrait y avoir une modification à de prudentes évaluations, elle ne saurait être qu’en moins sur les chiffres que nous allons établir.
Sur une surface plantée qui n’a pas varié il est nécessaire d’apprécier l’influence exercée par trois années de guerre au point de vue du rendement : un douzième environ de cette surface, soit 3 434 hectares est incultivée à l’heure actuelle et son produit est nul ; un tiers, soit 13 734 hectares, a été imparfaitement cultivé et donnera, tout a plus, 18 hectolitres à l’hectare, c’est-à-dire 247 212 hectolitres. Enfin, le reste, qui correspond au chiffre de 24 032 hectares bien cultivés et favorisés par les circonstances, peuvent donner une moyenne de 40 hectolites, soit 961 280 hectolitres qui, joints à la quantité ci-dessus, donne un chiffre rond, 1 200 000 hectolitres pour le rendement probable de 1917.
Si nous rapprochons cette somme de celle de la récolte de 1905, par exemple, qui était une année moyenne, avec 1 488 000 hectolitres, nous pensons pouvoir établir que la situation vinicole du département, après récolte de 1917, sera sensiblement au-dessous de ma moyenne.
Les besoins de la consommation. – À côté de cet état du vignoble il y a lieu de tenir compte de ce qu’on a coutume d’appeler la demande. Les besoins de l’Intendance sont considérables, bien que confondus, en parie, avec ceux de la population d’avant-guerre ; la présence des étrangers, l’augmentation de l’ensemble de la consommation pour des raisons diverses qui découlent du mouvement réflexe qui produisit jadis la mévente ; toutes ces causes confinent à l’élévation du taux de demande.
Élévation du prix de revient. – On est d’accord pour admettre que tout augmente, on pousse même des cris désespérés quand on achète, chaque jour, les choses de première nécessité, mais le public, en général, paraît tout surpris quand il entend l’agriculteur se plaindre de l’élévation des éléments de son labeur. Pénétrons un peu chez lui, considérons qu’on y travaille à pleins bras, que, là où il y a de la main-d’œuvre, la journée autrefois de 3 francs vaut 5 francs et même 6 francs dans certains cas ; que les engrais ont passé de 1914 à 1917, de 10 fr. à 22,50 fr. pour les superphosphates d’os ; de 5,25 fr. à 18,50 fr. pour les superphosphates minéraux ; 31,40 à 75 fr. pour les nitrates ; de 25,50 fr. à 165 fr. pour le sulfate de potasse ; de 67 fr. à 210 fr. pour le sulfate de cuivre, etc.
La raréfaction des machines agricoles, les cours du fer pour les maréchaux, du cuir pour les bourreliers, des produits divers et indispensables, ont porté l’entretien des instruments, des attelages, des bâtiments, des objets personnels, la nourriture du cheptel à des prix qui deviennent déconcertants.
La spéculation. – Il a été parlé beaucoup de la spéculation : on lui a attribué une grande part dans la hausse. C’est une erreur qui a été démontrée magistralement pour le Midi, dans la Revue de Viticulture, par un article de M. L.
Cette cause existe encore moins en Touraine où il arrive rarement que le vin soit repris de seconde main d’un premier acquéreur à la propriété ; il ne faut en excepter que quelques spéculateurs dont l’influence est sans portée.
Si cette spéculation a pu affecter quelques régions di vignoble français, le ministre du ravitaillement s’en est ému et a provoqué la nomination de comités locaux de surveillance dont il attend les résultats.
Il est à craindre que leur action soit insuffisante, si même elle doit exister. Nous préférons savoir que, surtout en Indre-et-Loire, la spéculation n’est pour rien dans la hausse du vin.
CONCLUSIONS
Résumons ce qui précède en dégageant les éléments du problème :
Il est prouvé, chiffre en main, que le stock ancien n’a pas été alimenté par les faibles récoltes de 1915 et 1916 ; celle de 1917, quoique meilleure, n’atteindra pas une année moyenne, et la consommation militaire et civile reste hors de proportion. Le prix de revient, considérablement augmenté, pèsera forcément sur les cours et la spéculation n’est pas au fond de leur fermeté.
De tout temps, ces conditions ont été les facteurs de la hausse, elles la motivent et la justifient et il paraît acquis que la Touraine n’a pas de situation spéciale sur le marché ; elle concourt à l’état général du pays.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1918
P.95
La Dépêche, Dimanche 24 mars 1918
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La Rééducation des Agriculteurs mutilés
La pensée généreuse et prévoyante qui anime toutes les œuvres destinées à ramener et à utiliser à la terre les agriculteurs mutilés est l’une des plus belles de celles qui président à l’effort de la nation pour conserver ses richesses naturelles.
Le concours des hommes privés partiellement de leurs moyens de travail représente l’élément, encore bien mince, qui apporte déjà, chaque jour, un peu de force à nos champs, et qu’il importe, de plus en plus, dans l’avenir, de développer.
Les établissements qui recueillent les mutilés pour les rendre au labeur journalier, se multiplient en France, ils vont devenir légion avec le temps, et ce n’est pas sans une amertume profonde, que nous devons penser aux hommes qui devront les peupler, et qui, pour l’heure présente, sont la force, le jeunesse et l’espoir des armées en face d’un ennemi dont le choc suprême est prochain.
Presque toutes ces maisons de rééducation sont dotées d’une section agricole où sont réadaptés aux travaux de la culture du sol, les pauvres épaves de l’implacable mitraille, restées victorieuses des mauvaises théories de désertion.
L’une des plus importantes et des mieux organisées est celle de Lyon dont il a été dit quelques mots, à cette même place, ces jours-ci par l’un des collaborateurs de ce journal. Il a été fait un appel à nos compatriotes mutilés, pour leur recommander le lointain établissement alors qu’il nous semble qu’il est nécessaire d’aller jusqu’aux rives du Rhône pour rencontrer la maison hospitalière et réparatrice des forces sacrifiées glorieusement à la Patrie.
Il existe sur la côte du Cher, aux portes de Tours, un centre de rééducation et d’appareillage des mutilés, à Joué-lès-Tours, que tout le monde connaît, dont nous avons eu occasion de parler plusieurs fois, et qui accomplit une œuvre méritoire hautement appréciée.
Nous avons déjà énuméré tous les ateliers qui reçoivent les mutilés de toutes les professions, mais l’occasion est bonne de parler du groupe agricole qu’on y entretient et dont notre rapport pour 1917 a fait connaître les résultats obtenus.
Les débuts qui avaient été pénibles ont fait place à une organisation plus précise et la persuasion de la masse flottante de milliers d’hommes passant dans le centre de Joué dans le cours d’une année, a pu donner des chiffres appréciables améliorés encore dans le cours de l’année.
Une école de labourage recevant en moyenne une équipe permanente d’une quinzaine de mutilés divers a effectué les labours des terres dépendant de la maison et de celles entreprises chez des propriétaires voisins, cultivant ainsi plus d’une douzaine d’hectares.
Des équipes composées par 507 hommes, de mai à décembre 1917, ont fourni 2 647 journées à l’intérieur de l’établissement et 3 823 journées à l’extérieur, soit un total de 6 470 jours de travail. La proportion mensuelle est représentée par une moyenne variant de 29 à 47 % de mutilés occupés à la terre, permettant de fixer 36 % de la population totale de la maison moyenne de ceux qui passent par la section agricole.
En dehors des salaires réguliers rémunérateurs du travail effectué, les primes instituées avec le concours des souscriptions de la Société d’agriculture d’Indre-et-Loire, à titre d’encouragement exceptionnel, se sont élevées à la somme de 926 fr. 50.
Après ces chiffres il n’est pas sans intérêt de rechercher dans quelle proportion les agriculteurs qui ont consenti à reprendre le travail agricole ont été définitivement reconquis par la terre à leur sortie de l’hôpital. Les chiffres ne peuvent être précis, car il est difficile de suivre tous les hommes quand ils ont recouvré leur complète liberté. Cependant il peut être admis que 50 % des agriculteurs mutilés qui travaillent à Joué reprennent et conservent leur profession rurale.
Faute de mieux il est permis de considérer que la tâche est appréciable, et il est déjà consolant de constater que ces épaves de la grande tempête sont encore sauvées du désastre.
Voilà ce qui est fait au centre de rééducation d’appareillage de Joué, sous la haute direction de M. le médecin-inspecteur Labit, directeur du service de santé, de M. le médecin principal Buot, sous-directeur, de M. le médecin chef Thomas, de M. le docteur Bourreau, médecin chef de rééducation dont les mains de travail sont unanimement appréciées, et de M. le docteur Cousin, médecin chef de l’appareillage, dont les appareils de prothèse sont si habilement préparés.
Les Tourangeaux touchés par l’adversité ont tout intérêt, quel que soit l’endroit où ils sont en traitement, à venir faire leur rééducation à Joué-lès-Tours ; ils y trouveront, au sein de leur pays natal, près de leurs familles, dans l’air pur des coteaux coutumiers de leur jeunesse, le réconfort et l’émotion qui rendent toutes les espérances.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P. 154
La Dépêche, Jeudi 3 mai 1917
Rendons à la terre les agriculteurs mutilés
Il n’est pas de mission plus utile, plus urgente et plus belle que celle qui a pour but de rendre à la vie active et à toutes les espérances, les pauvres épaves de l’effroyable tempête que nous traversons.
À cette simple pensée qui ne se sent pas ému ? Lequel d’entre nous n’est pas irrésistiblement porté vers ces admirables victimes d’une nécessité nationale imposée par la plus orgueilleuse des barbaries, marquée désormais, par l’histoire, d’une infamie sans nom ?
Qu’ils viennent de l’usine, de la bourgeoisie ou de la terre, les poilus de France nous sont sacrés, ils ont communié dans l’horreur et dans l’héroïsme, nous devons nous incliner devant eux.
Nous devons leur donner à tous les moyens qui raniment le courage et rendent la volonté de vivre ; de toutes parts des établissements s’organisent pour la rééducation professionnelle ; cependant, par une tendance naturelle, c’est de notre frère du sillon, de l’agriculteur mutilé, que nous voulons nous occuper aujourd’hui en particulier.
Il a quitté son champ, à l’heure de l’appel de la patrie ; il était marié, il avait des enfants, ou bien il songeait au bonheur prochain près de la promise du voisinage qu’il a dû laisser au hameau en emportant cependant sa fidèle pensée. Il a connu les heures tragiques de lamentable misère et de simple sacrifice, qui sont devenues des mois, des années.
Un jour l’ennemi féroce l’a couché sanglant sur le sol qu’il défendait ; il a cru que tout était fini ; un suprême adieu vers tout ce qu’il aimait s’est envolé de ses lèvres vers le ciel, dans le grand silence qui suivit le tonnerre du combat.
Mais il s’est réveillé au contact des mains compatissantes et habiles qui le soignaient et en entendant des voix qui parlaient de courage ; il a senti ses membres fracassés, ou son côté ouvert, ou sa têe douloureuse, et, pendant son séjour dans les hôpitaux, il a écouté des camarades qui lui disaient :
- T’en fais pas, tu ne laboureras plus, mais tu viendras avec nous à la ville, et tu trouveras un emploi.
Il fut triste d’abord, quelque chose se déchirait en lui, sa conscience et son intérêt lui disaient : « Ne fais pas cela ! ça n’est pas ton métier, tu n’es pas fait pour le servage de la ville, tu es le libre paysan ! »
Mais son incapacité physique le mettait dans le doute. C’est alors qu’il s’est trouvé des médecins avertis qui lui ont démontré que tout n’était pas perdu, qu’avec une jambe, ou un bras, ou une main de précision perfectionnée, il pouvait encore effectuer la plupart des travaux agricoles. Il s’y est essayé, il est entré dans un centre de rééducation, où il a été appareillé méthodiquement, et il a accompli, à sa propre surprise, des travaux pour lesquels il se croyait irrémédiablement perdu.
Ce tableau, nous pourrions dire : ce miracle, est celui qu’on voit aujourd’hui dans les établissements de rééducation militaires ou privés. Il en a été fondé à Paris, à Lyon, à Toulouse, à Bordeaux, etc. À ceux qui sont tentés de croire que ces organisations sont vaines et n’existent que devant les appareils photographiques pour la plus grande gloire des promoteurs, nous pouvons affirmer que leur action est réelle, que leurs services sont de premier ordre et que leur exemple est suivi.
Nous avons la satisfaction de constater que la Touraine n’est pas en retard dans cette voir humanitaire et généreuse. Un groupe de rééducation agricole a été fondé, il y a quelques mois au centre d’appareillage de Joué-lès-Tours, par la précieuse initiative de M. le médecin-inspecteur Labit, directeur du service de santé de la 9e région ; trente agriculteurs mutilés travaillent à la terre et donnent déjà des résultats appréciables qu’un pratique continue va développer très heureusement. Un autre groupe est en formation à l’Aubinière, près de Châteaurenault, par les soins si dévoués du Comité d’assistance aux convalescents militaires, qui a déjà fait tant en faveur de la rééducation professionnelle pour organiser, sur des bases pratique et vastes, un centre de rééducation agricole auquel il n’est pas exagéré de prédire une action utile.
La Société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres d’Indre-et-Loire est heureuse d’avoir été appelée à donner son concours à des œuvres qui rentrent exactement dans son programme des temps que nous traversons, et d’aider, grâce à la générosité de ses membres, des primes au travail agricole des mutilés, et par des récompenses, à faire du bien à nos pauvres agriculteurs, tout en favorisant, par un recrutement vigoureux, leur retour à la terre.
Il n’est pas, parmi les œuvres charitables que la guerre à fait naître, de tâche plus noble et plus émouvante ; montrer au paysan qui a quitté tout pour se faire l’incomparable défenseur de notre patrie et de son idéal de libre civilisation, que son sacrifice est compris et reconnu par les soins qu’il mérite ; rendre aux mutilés la joie de vivre encore et de se refaire un foyer ; retenir vers nos cultures abandonnées ceux auxquels la lutte sans merci a conservé une valeur de production ; consolider leur foi dans le sol qu’il ne se lassent pas de féconder, c’est le défendre et le sauver deux fois, c’est une tâche si grande que toutes les bourses doivent s’ouvrir, selon leurs moyens, pour la soutenir et en exalter la beauté !
En retour, les mutilés ont le devoir de porter leur attention vers les centres tourangeaux de rééducation, de s’y présenter pour y continuer la profession agricole et défendre encore leur sol dans l’avenir de ceux qui les attend.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P.244
La Dépêche, Dimanche 22 juillet 1917
Restriction ou Production ?
Rien de tel, pour juger sainement une crise économique comme celle qui nous étreint actuellement au point de vue de l’alimentation, que de connaître la pensée de ceux dont la fonction ordinaire est de pourvoir pratiquement aux besoins de la population. Autant dire tout de suite que l’avis du paysan devrait être décisif. Il ne l’est pas toujours, on pourrait dire presque jamais, pour cette raison très simple qu’on ne le lui demande pas, et qu’il ne peut aisément l’exprimer puisqu’il n’a, pour ainsi dire pas, de représentants directs et professionnels dans le Parlement.
Mais, passons, et jugeons la situation telle qu’elle est pour le moment.
Au lieu de prévoir à temps la pénurie alimentaire qui se préparait, on l’a laissée approcher et on a commencé à songer aux remèdes quand des mesures énergiques devenaient urgentes. Ces mesures, on les a prises ; c’est déjà tout un honneur dont il faut se féliciter ; mais quel système était donc raisonnable devant cette menace ? Celui des restrictions, sans doute, puisque des règlementations sévères sont intervenues. C’est du moins ce qui a été décidé dans les sphères du ravitaillement. Si on avait consulté le paysan, il aurait répondu, avec son bon sens bien connu, mais méconnu : « Point de ça ! mes beaux messieurs, c’est de la production qu’il nous faut !
Il n’a peut-être pas tort de penser ainsi : en fécondant son sol et en récoltant ses produits le pays en reçoit les richesses au lieu de les exporter par des achats à l’étranger ; la subsistance des populations civile et militaire est assurés, on évite, à tout un peuple, le rationnement sur toutes choses et ses conséquences : le mécontentement, les émeutes, l’abaissement de la force physique, et par suite, l’affaiblissement de la résistance.
Ces résultats sont tangibles, ils éclatent aux yeux les plus voilés. Il ne reste qu’à répondre à l’unique objection : trouver les moyens de produite.
Tout d’abord il nous apparaît à nous autres ruraux, qu’on n’aurait qu’à prévoir et à ordonner plus tôt pour nous fournir, en temps utile, ce dont nous avons besoin. Pour cela il ne faudrait pas, dans les administrations supérieures, des hommes uniquement de bureau, mais pourvus de connaissances pratiques. Puisque, jusqu’à présent, on est arrivé cahincaha, et en manquant souvent le but à cause des retards, à réaliser le concours que doit l’État aux cultivateurs, il semble rigoureux de penser qu’en s’y prenant à temps on pourrait fournir engrais, sulfate de cuivre, machines, semences, tourteaux, aux époques convenables ; il reste à trouver la main-d’œuvre.
Il n’est pas douteux que c’est le point faible de notre effort et la cause dominante de la crise. Est-elle insurmontable ?
Nous allons voir que s’il est impossible de la détruire complètement, on peut, sans nul doute, en amoindrir les effets.
Il a été dit à la Chambre que des mesures ont été prises pour faire face aux besoins de l’agriculture et qu’elles toucheraient environ 270 000 homes. C’est ainsi qu’on nous rendrait tous les auxiliaires agriculteurs des classes anciennes, les bourreliers, les maréchaux, les réparateurs de machines, les entrepreneurs de battages, les ouvriers dont le travail professionnel peut être utilisé pour la rentrée des récoltes. On en parle, mais on ne les a pas encore vus en quantités suffisantes ; la formule administrative, et, ce qui est plus grave, les barrages qui proviennent souvent des commandants de dépôts, empêchent la mise en pratique immédiate des instructions ministérielles.
Pendant ce temps, de même que les dernières semailles n’ont pas été faites à leur heure normale, les foins se rentrent lentement à la mi-juillet, avec trois semaines de retard, et nous voyons s’avance la moisson prochaine.
Un fois de plus le temps presse, il importe que des mesures soient non pas prises, mais exécutées sans délai, et nos paysans, cette armée de l’arrière qui combat contre la restriction par la production intensive du sol, réclament impérieusement :
1° L’envoi immédiat aux champs des auxiliaires des R. A. T., des réformés n° 2, des convalescents et des inaptes qui encombrent les dépôts, les formations sanitaires, les bureaux et les emplois domestiques et inutiles si multiples de toutes parts ;
2° L’élargissement des permissions aux agriculteurs et l’emploi de ceux-ci chez eux ou dans leur région d’origine, quand ils sont ouvriers ;
3° L’envoi en sursis les hommes des anciennes classes dont la profession se rapporte à la culture ;
4° L’emploi rationnel des troupes au repos dans la zone des armées, seul moyen d’accomplir d’énormes besognes et de combattre les dangers de l’oisiveté et de l’alcoolisme ;
5° La vulgarisation de la main-d’œuvre étrangère et coloniale.
Ces mesures, joints à beaucoup d’autres, qui peuvent naître de l’initiative des chefs de corps, renferment la véritable solution du problème de la résistance. Elles prouveraient, si elles étaient énergiquement appliquées, la supériorité de la thèse de la production intense contre celle des restrictions en dotant le pays d’un régime économique meilleur.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P. 268
La Dépêche, Dimanche 12 août 1917
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Les Réquisitions agricoles
Nous avons, tout dernièrement encore, signalé l’urgence d’une protection énergique et efficace du paysan ; nous en avons montré la nécessité absolue en présence de l’action décisive de la production nationale, liée intimement à celle, si glorieuse, de nos armées vers le but de la délivrance du pays.
Les éléments de cette protection sont complexes ; nous les avons déjà énumérés pour la plupart ; le soin que nous devons apporter dans le juste équilibre des réquisitions, et dans leur répartition raisonnée sur nos campagnes, représente l’un des moyens de coopération de l’État avec le cultivateur les plus gros des conséquences immédiates. Il mérite qu’on s’y arrête et qu’on en médite l’application.
Il nous revient, de divers côtés, que tout ne marche pas, à ce sujet, selon l’ordre raisonné des choses. Prenons-en quelques exemples significatifs.
La réquisition des foins vient d’être fait un peu partout ; comment a-t-on procédé ?
L’administration supérieure a fait connaître ses besoins aux services locaux, au lieu de se baser sur les disponibilités, et il s’est trouvé des communes dans lesquelles le paysan, pour satisfaire à la réquisition, en présence de récoltes déficitaires, n’a pu garder que la moitié ou le quart du fourrage nécessaire à ses animaux.
Quelle sera donc la conséquence immédiate de cet état de choses ? Dans l’impossibilité de nourrir leurs bêtes pendant les saisons prochaines, l’agriculteur et le vigneron seront dans l’obligation d’en réduire le nombre jusqu’à la limite de leurs réserves. Ils ne pourront plus, par la suite, cultiver la même surface de terre et le rendement de leur propriété sera réduit d’autant. Du même coup le cheptel national, cette richesse essentielle, sera diminué.
Voilà comment on prépare la résistance économique qui doit être l’un des plus puissants éléments de la victoire. Que fait-on en Allemagne ?
De douloureuses victimes du Boche, ayant vécu près de trois mortelles années en territoire envahi, viennent d’être rapatriées tout dernièrement ; nous avons pu les interroger et elles nous ont appris ce que leurs yeux ont vu.
Évidemment on n’est pas à l’aise de l’autre côté du Rhin ; le « ventre » teuton se serre, l’agonie viendra, mais on en recule l’échéance par de formidables précautions. L’empire est affamé pendant que la Belgique est transformée actuellement en une vaste réserve où s’engraissent d’innombrables troupeaux de bêtes à cornes qu’on ne commencera à abattre que quand le peuple crèvera de faim.
Il y a lieu de croire que ces réserves, composée des animaux belges et français volés par l’invasion, sont répétées sur d’autres points de l’Allemagne, où elles ont été constituées avec les rançons serbes, roumaines et russes.
Cela ne doit-il pas nous donner à réfléchir et ne serait-il pas raisonnable de penser que nous devrions favoriser l’élevage et les cultures vers une production intensive, d’autant plus que nos réserves sont moins abondantes ?
La même question va se poser sous peu pour la question des céréales ; nous sommes en pleine moisson, les battages vont suivre de près et les réquisitions vont être opérées.
Songe-t-on à proportionner leur taux aux disponibilités, à réserver à l’agriculteur les semences nécessaires et à éviter ce qui s’est produit l’an passé : la réduction d’un part des terres emblavées, par suite de réquisition qui ont amené, par endroits, la pénurie des semences ?
Cette année les dissimulations ou le peu d’empressement des déclarations ne sont pas à craindre ; qu’importera au paysan de vendre son blé au commerce ou à la réquisition, puisque le prix rémunérateur en est fixé d’avance ?
Une troisième remarque s’impose à l’approche des futures vendanges, et des réquisitions de vin qui ne tarderont pas à suivre. Elle intéressera, cette fois, non pas la quantité, mais le prix. Voici les faits d’ailleurs, tels qu’ils se sont présentés ces jours derniers :
Des communes qui ont été réquisitionnées, pour des quantités acceptées sans difficulté, en novembre 1916, viennent de recevoir, c’est-à-dire après neuf mois d’attente, l’ordre de livraison.
Non seulement les vignerons ont été obligés de renoncer à la hausse des cours, mais encore ils ont dû soutirer, entretenir, ouiller leurs barriques pour ainsi jusqu’à la récolte suivante et subir, de ce fait, une perte sérieuse, si on considère l’élévation du prix de la tonnellerie, ains que le prix même de la marchandise.
La protestation du vigneron a déjà été élevée, souhaitons que sa voix, qui pourrait devenir menaçante, soit entendue !
Il crie, à tous les échos, qu’on exige ainsi de lui une rançon nouvelle et un impôt auxquels échappent les autres denrées ; qu’on lui inflige un traitement de rigueur, alors qu’après quinze ans de mauvaises récoltes, de luttes et d’inquiétudes devant les ennemis redoutables, il a droit, sinon à des faveurs, au moins à un traitement d’égalité.
Que les échos intéressés recueillent les plaintes qui montent de la glèbe éprouvée, et quand même généreuse, par les plus nobles sacrifices : les labeurs obstinés et le sang !
Il y a lieu de le répéter sans fin ; il faut protéger l’agriculture de toutes les façons ; c’est le devoir de l’État de lui donner, à côté de moyens techniques de culture, l’appui nécessaire pour les réalise. Laissons aux fermiers les fourrages et les semences indispensables ; reconstituons ainsi nos troupeaux et l’emblavure de toutes nos terres ; soyons prévoyants envers les viticulteurs en libérant ses mains des entraves administratives.
Cérès et Bacchus, en ces temps valeureux, sont cuirassés d’airain ; ils se sont dressés aux côtés de Bellone avec, au front, le mot : TENIR ! qui doit être désormais notre devise ; il importe qu’on donne au paysan le moyen d’en faire une vérité.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1917
P.324
La Dépêche, Dimanche 30 septembre 1917
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Pour les mutilées de la guerre
Les mois, les années s’écoulent et nous voyons, sans cesse, la longue et douloureuse théorie des mutilés entrer dans nos hôpitaux. La jeunesse française subit aussi la plus dure épreuve qui soit infligée à une nation : elle passe de l’action virile et laborieuse à un état d’affaiblissement physique qui est un danger pour notre vie nationale future.
Les travailleurs de la terre se raréfient, l’atelier se vide, la main-d’œuvre manque partout. Dans quelles proportions sont touchées les diverses professions ? Quel sont les remèdes mis en usage ? Nous verrons que si les pertes sont cruelles et souvent irrémédiables, il est cependant permis d’escompter de belles espérances des résultats obtenus déjà et dont le développement est certain.
On sait que la classe des agriculteurs est la plus éprouvée parce qu’elle est la plus nombreuse au front et que, avec celle des ouvriers des professions diverses, la proportion des hommes blessés, qui vivent de leur travail manuel, dépasse 90 %. C’est donc une formidable légion – en dehors de deux qui sont complètement perdus pour toute besogne matérielle – que forment les pauvres gens dont les membres ont disparu, atrophiés ou ankylosés doivent être remplacés ou rééduqués au mieux de leurs intérêts.
La tâche est vaste, ardue et belle ; de toutes parts des établissements ont été créés, mais il convient de ne parler ici que de ceux qui s’élèvent dans notre département et, en particulier aujourd’hui, du centre de rééducation et d’appareillage de Joué-lès-Tours, organisé sous la direction du service de santé de la 9e région.
Sous une administration entendue et dévouée de la part de médecins-chefs soucieux du bien-être des hommes, ceux-ci reçoivent la destination justifiée par leurs aptitudes professionnelles et physiques. Tous ceux qui peuvent matériellement continuer le métier qu’ils exerçaient avant la guerre sont conservés précieusement à leur état ; il leur est fourni un membre artificiel ou un outil approprié à leur capacité de rendement, et il leur est enseigné à s’en servir utilement. Ceux qui sont devenus impropres à la profession ancienne qu’ils exerçaient, en embrassent une nouvelle et leur apprentissage est assuré dans les divers ateliers de cordonnerie, de menuiserie, de saboterie, de serrurerie, de bourrellerie, d’imprimerie, d’horlogerie, d’étamage, de ferblanterie, de reliure, de vannerie, de tailleurs d’habits, de matelassiers, etc.
La section agricole reçoit, avec un plein succès, tous les mutilés de la terre encore utilisables ainsi que beaucoup d’autres qui ont été forcés, par l’adversité, d’abandonner l’établi ou l’étau, et c’est là, bien plus qu’on ne le croirait tout d’abord, une source de travailleurs revenant à la terre, lui apportant, après l’héroïsme des combats meurtriers, le reste de leurs forces pour la lutte économique du pays. Plus de 100 hommes sont actuellement dispersés par équipes dans nos campagnes pour les vendanges, pour les battages à la machine, pour la culture des fermes et des jardins ; des placements ont lieu chaque jour, au fur et à mesure des sorties, après une mise complète en état de travail.
Un souffle de grande et noble humanité entoure ces braves qui se reprennent à la vie.
Qui donc parmi nous, agriculteurs, industriels, commerçants, ne désireraient pas faciliter la tâche de nos mutilés de la guerre, en leur procurant du travail, en utilisant les ressources de main-d’œuvre qu’offre le centre de rééducation de Joué ? En alimentant ses ateliers divers, en fournissant des travaux à exécuter – le public tout entier peut s’y intéresser – il en éprouvera une douce et triple satisfaction : il concourra à la réadaptation de mutilés à la vie normale, il en tirera avantage et il favorisera leur retour rapide à l’atelier et au village natal.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1918
P. 273
La Dépêche, Dimanche 25 août 1918
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La Région de Touraine
Nos lecteurs se souviendront peut-être que ce journal a été, dans les premiers mois de 1917, le premier à ouvrir la discussion que la question du régionalisme au point de vue tourangeau par une suite d’articles dus à divers collaborateurs. Après cet échange d’arguments et d’aspirations, qui ont traité le sujet à cette époque dans un ordre général, l’opinion qui a paru dominer a été celle que Tours devait nécessairement devenir chef-lieu de région.
Tel a été en tout cas, notre avis, et nous avons essayé de l’appuyer sur des bases qui embrassaient l’histoire, la géographie, le régime économique et politique de notre pays. Nous n’avons fait qu’effleurer la question, nous permettant d’y revenir en temps utile. Il semble, après les évènements de ces jours derniers, que le moment soit venu d’entrer dans le fond du problème, d’en préciser les aspects de détail et d’unir notre effort à ceux si autorisés qui viennent d’être faits par M. le maire de Tours, par le conseil municipal et le conseil général.
Nous aborderons donc, dans une suite de quelques prochains articles, ce grave examen, avec l’espoir que nous défendrons la plus juste cause.
Regard vers le passé.
Notre passé n’est pas seulement fait de notre histoire, c’est-à-dire de la notation des faits provenant des hommes et, en particulier, des divisions successives qu’ils ont cru devoir donner à nos territoires ; il comprend aussi et avant tout, la formation du sol, la façon dont il est modelé, les raisons pour lesquelles il est devenu ce qu’il est. On comprendra tout de suite pourquoi nous nous insistons sue ce point de vue, dont l’observation nous conduira à déduire les causes naturelles qui paraissent avoir un rôle décisif dans nos conclusions, et nous espérons mettre en relief les caractères du pays, son homogénéité, ses relations physiques avec les contrées voisines, la force matérielle qui a fait que l’antique Cæsarodunum la métropole de tous les temps.
La grande cuvette géologique où s’est assise la région qui a donné son nom au Turonien a été débordée largement sur les plateaux et les vallées limitrophes ; des couches successives s’y sont entassées, creusées par endroits, arrondies par d’autres ?
Le pli central s’est formé, il a été occupé par une grande artère, la Loire, à cause de laquelle, comme un vaste trait d’union, touts les autres vallées se sont façonnées et ont établi l’orographie, l’hydrographie, la topographie donnant à la région l’empreinte indélébile des caractères qui lui sont particuliers.
Mais jetons un dernier regard sur la surface de nos territoires et observons ses aspects comme s’ils étaient vus de très haut, pour établir leurs attaches avec les contrées voisines.
Au nord, la Loire n’a pas creusé un irrémédiable fossé entre nous et les plaines de la Sarthe ; il coule au milieu de terres semblables qui se prolongent au loin et ne sont arrêtées que par le rempart jurassique du nord-ouest et par celui du Permien ardoisier des avancées d’Angers. Leur régime climatérique est composé des mêmes éléments.
Au milieu de tout cet ensemble, comme un centre rayonnant qui attira tous les éléments des prospérités futures, s’est constituée l’armature puissante du pays par le creusement de ses fertiles vallées, la direction de ses crêtes séparatives, formant un groupe homogène, complet, capable de se suffire à lui-même.
Les populations et leur histoire ont passé sur tout cela ; elles ont obéi à l’attirance des lieux, elles se sont moulées pour ainsi dire sur la surface. Le climat aidant, les produits du sol sont apparus, les mœurs se sont installées, et, au cours des âges, depuis la Civitas Turonum des Romains, qui comprenait, à l’ouste la vallée d’Anjou, au nord les bords du Loir, à l’est une partie du Berry, jusqu’au seizième siècle, les pouvoirs féodaux, religieux et militaires, eurent leur centre à Tours.
L’institution de Missatica de Louis le Débonnaire en 818, groupait l’Anjou, le Maine et la Touraine ; les sénéchaux héréditaires de 1080 à 1204, étendaient leur autorité sur ces trois mêmes provinces ; les grands baillis, sous les successeurs du roi Jean, avaient le même domaine ; enfin, l’Édit du 7 décembre 1542, de François 1er, institua les généralités et rendit définitive, en ce qui nous concerne, la réunion de la Touraine, de l’Anjou et du Maine.
Certes les adversaires de notre thèse ne manqueront pas d’objecter que ces aspirations sont surannées et que c’est précisément parce qu’elles étaient défectueuses qu’on demande à les rénover.
Rien n’est plus simple que faire remarquer que l’idée qui a guidé le géographe Vidal-Lablache dans sa première désignation des circonscriptions a subi l’influence du passé. En résumé, avec des variantes nécessitées par le mouvement économique moderne, les groupements futurs reviendront inévitablement vers les éléments naturels.
Pourquoi ? Parce que, en toutes circonstances, on sera obligé de considérer le sol, de tenir compte de tous les points de vue que nous venons d’énumérer et que la raison veut qu’on ne s’écarte pas de la région naturelle dans les futures délimitations en projet.
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire.
1918
P. 281
La Dépêche, Dimanche 1er septembre 1918
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La région de Touraine
Les richesses du sol
La nature des produits qui provoquent l’activité humaine a deux origines selon que ceux-ci proviennent du sous-sol ou de la surface. Leur ensemble forme la richesse des transactions économiques dans le domaine commercial ou industriel, ou bien dans celui, plus considérable encore, de l’agriculture.
Les uns et les autres sont la conséquence directe et inévitable de la base, de la structure mystérieuse des profondeurs géologiques que nous foulons la plupart du temps sans nous en douter ; les extractions sont conformes aux trésors enfouis par les âges pour nos besoins ; les cultures sont ce que les font les éléments chimiques accumulés dans les masses fertilisantes de nos faluns, de nos argiles siliceuses, de nos molasses à zoophytes dont nos vallées sont comblées, dont nos plateaux sont recouverts.
La relation est intime entre les éléments créateurs et les produits, l’union est absolue, elle s’affirme sur tous les territoires que nous avons signalés comme constituant la région géologique qui nous occupe.
Le développement industriel et commercial a suivi la même marche sous les mêmes influences : les mines et carrières sont réduites aux extractions provenant des calcaires, des craies, du tuffeau, de la chaux que fournissent les bords échancrés de nos vallées, où le cœur des anciens plateaux lacustres, à l’exclusion totales des mines et des filons que les gisements qui nous bordent à l’ouest réservent aux régions du Maine et de l’Anjou n’ayant rien de commun avec nous. Pour ces raisons les usines métallurgiques n’ont obtenu qu’une modeste faveur. Les industries alimentaires, chimiques, du cuir, des tissus et des vêtements, le papeteries, imprimeries, etc., ont vu par contre grossir leur modeste importance du début et nous en fournissent une preuve par l’emploi souvent décuplé d’une force motrice qui se traduit par les chiffres suivants :
Puissance en chevaux vapeur :
1899 1914
Indre-et-Loire 7 369 50 000
Loir-et-Cher 4 863 30 000
Sarthe Sud 2 000 20 000
Maine-et-Loire-Est 2 000 18 000
Deux-Sèvres-N.-E. 830 5 000
Vienne-Nord 1 500 15 000
Indre-N.-O. 1 000 5 000
Totaux 19 582 143 000
Il n’est pas sans intérêt de considérer, pour l’Indre-et-Loire, comme se répartit cette force motrice croissante, base inévitable de nos déductions et de nos espérances. Les indications ci-après sont de nature à fixer nos appréciations :
1899 1899 1914 1914
Établissements Chevaux-vapeur Établissements Chevaux-vapeur
Usines et carrières 25 208 30 500
Usines métallurgiques 35 248 45 500
Agriculture 284 2 729 300 30 000
Industries alimentaires 78 754 93 2 000
Ind. chim. et tanneries 30 955 40 3 000
Tissus et vêtements 20 328 32 1 000
Papeteries, imprimeries 14 927 19 3 000
Bâtiments 64 1 220 150 10 000
Il ne nous est pas permis encore de fournir les chiffres correspondant des régions voisines qui procèdent des mêmes affinités, parce qu’il y a lieu, à ce sujet, à se livrer à une longue étude des statistiques pour en extraire les éléments des territoires qui vivent sous notre régime. Cependant les bases ci-dessus nous prouvent que, sur une surface homogène par sa constitution souterraine, des industries de même ordre se sont constituées et installées, qu’il en résulte un mouvement commercial modeste, mais un développement provoquant des spécialisations telles que la meunerie, la distillerie, les conserves alimentaires, la biscuiterie, les bois et charpentes, la vannerie, la carrosserie, la papeterie, l’imprimerie, la pierre de taille dure et tendre, la chaux, la tuilerie et la céramique, la fonderie, les constructions mécaniques, la tannerie, etc.
A milieu de cet ensemble il y a lieu de considérer tout particulièrement les produits de l’agriculture, car c’est à ce point de vue que nous pouvons observer, non seulement la plus grande richesse de notre région, mais celle par laquelle elle occupe une place estimée et spéciale sur le marché national.
En tête des nombreux produits agricoles que fournit notre pays, se placent naturellement les vins dont nous ne parlerons que pour rappeler que leur production atteignait, avant la guerre, dans les grandes années, 1 500 000 hectolitres, avec une moyenne de 700 000 à 800 000 hectolitres et que ces récoltes représentaient alors de 25 à 30 millions de francs. Si nous y ajoutons les quantités récoltées, tout autour du centre tourangeau, sur des dépendances naturelles du Blésois, des bords du Loir, de l’Anjou, de la Vienne et de l’Indre, on peut considérer que la production a approximativement triplé. Comme ont le voit, le vignoble est d’importance et, du 12e rang qu’il occupait, comme rapport, il peut aspirer à une élévation que justifieraient la belle réputation des grands crus du Centre et l’unité des cépages auxquels nous le devons.
Pour tous les autres produits agricoles, céréales, plantes fourragères, légumes, fruits, pommes à cidre, et en y joignant l’élevage on peut admettre une production totale de plus de 300 millions pour l’Indre-et-Loire, quintuplée au moins par l’adjonction des richesses identiques de notre voisinage immédiat.
Pour conclure et montrer combien cette source de la fortune nationale sort d’un même sol, vivant des mêmes éléments et sous les mêmes influences, pour affirmer son unité commerciale et agricole suscitée par le mêmes forces puissantes d’une identique nature, remarquons que le domaine du groupe central s’étend, avec la vigne, au-delà du Loir, en pas du Maine, jusqu’aux régions d’élevage intensif et des champs de pommiers, qu’il déborde à l’est sur le Vendômois et jusqu’aux confins de la Sologne, et que les grosses terres du Berry forment seules sa limite. Au sud, la suprématie des vignes blanches s’unit avec notre Richelais ; à l’ouest, les herbages du pas des Mauges, et la plantureuse Gâtine poitevine sont seulement notre barrière.
Avant que de longues années de progrès industriels n’aient détruit et remplacé, ce qui est peu probable, le caractère avant tout agricole de la Touraine et de sa région, il faudra reconnaître que ses produits sont en rapport direct avec son sol pour lui conserver ses caractères naturels.
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire.
1918
P.297
La Dépêche, Dimanche 15 septembre 1918
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La Région de Touraine
Le tonnage et les voies de communication
Au point où en est notre étude, il convient d’évaluer l’importance du trafic résultant des éléments constitutifs des richesses économiques de la région tourangelle et d’en déduire l’influence sur la formation de son réseau de transports.
La proportion locale de l’agriculture et de l’industrie, bien que dans des proportions très inégales, donne des chiffres considérables dont la révélation est fournie par les remarquables études de L. Laffitte établies à l’occasion de son Enquête économique du bassin de la Loire et par l’Album de statistique graphique du ministère des travaux publics.
Naturellement, nous ne pouvons aborder ici le détail, les ouvrages cités et les documents officiels peuvent être consultés avec fruit. Pour nous tenir dans les limites d’une évaluation d’ensemble, considérant que, pour les produits nés en Indre-et-Loire, sans parler du transit, on relève que l’agriculture et l’industrie, avant la guerre, apportaient approximativement au trafic les éléments ci-après :
Tonnage destiné au trafic des produits locaux
Agriculture
Tonnes
Céréales 130 000
Vins 180 000
Bois 5 000
Cultures maraîchères 10 000
Fruits 8 800
Foins 10 000
Pommes 1 000
Divers 2 900
Total 347 700
Industrie et commerce
Tonnes
Meunerie 60 000
Papeterie 20 000
Terres et pierres 200 000
Chaux hydraulique 50 000
Plâtre 3 800
Céramique et tuilerie 33 000
Meules 20 000
Verrerie 800
Fonderie 5 500
Constructions mécaniques 16 000
Tannerie 7 500
Engrais 100 000
Imprimerie 10 000
Divers de moindre importance 50 000
Total 576 600
Total du trafic : 924 300 tonnes
Il est à remarquer que ces chiffres sont très voisins de la vérité mais conservent cependant le caractère d’approximation et ne portent que sur les produits agricoles et industriels les plus en usage.
Si nous voulons nous faire une idée du trafic qu’offrirait le territoire de la région tourangelle future, telle que nous la comprenons, il y a lieu, par une évaluation globale, d’estimer que la surface exploitée deviendrait environs trois fois plus grande ; par suite, le tonnage du trafic doit être triplé et passerait ainsi à un total de 3 millions de tonnes.
Le second élément de nos appréciations réside dans l’établissement des importations, c’est-à-dire dans l’évaluation du tonnage des marchandises arrivant sur notre territoire pour ses besoins de consommation et pour ceux de l’exploitation de ses produits agricoles, industriels et commerciaux.
Tonnage des importations
Tonnes
Charbon 200 000
Bois d’œuvre 20 000
Bois de chauffage 8 000
Matériaux de construction 20 000
Ardoises 5 000
Fer, fonte, métaux 15 000
Engrais 200 000
Tannerie (matières premières) 20 000
Papeterie et imprimerie (matières premières) 40 000
Tourteaux 500
Tissus laines 10 000
Vins étrangers au pays 3 000
Fût vides 2 000
Épicerie 8 000
Eaux minérales 500
Divers 10 000
Total 562 000
Sans crainte d’être emporté hors de la vérité, on peut estimer à environ 600 000 tonnes le chiffre des marchandises et matières premières qui constituent la base des besoins de culture et industrie de l’Indre-et-Loire. Si nous procédons de la même façon pour évaluer ceux de la future région, nous devons nous servir du coefficient 3, comme ci-dessus, et on obtient le total de 1 800 000 tonnes.
Nous sommes donc en présence, d’un côté, d’une production de 3 millions de tonnes et des nécessités de culture et de fabrication qui s’élèvent à 1 800 000 tonnes. Il suffit de rapprocher ces deux valeurs et d’y ajouter, par la pensée, la somme du transit fourni par les quatre points cardinaux de notre situation géographique pour apprécier l’exceptionnelle importance qui désigne naturellement Tours à la fonction de chef-lieu de région.
Cette réflexion nous conduit inévitablement à l’examen du réseau des voies de communications que cet état de choses a créé et développé au cours des âges.
Présentée sous cet aspect, la question prend une importance de premier ordre, et nous en tirerons notre plus puissant argument en faveur de notre thèse.
La conformation du sol et la situation géographique de Tours sont les éléments qui ont déterminé fatalement des voies d’accès.
Depuis les grands chemins primitifs jusqu’aux routes royales sur lesquelles roulaient les diligences Lafitte et Gaillard, en passant par les voies romaines, jusqu’aux routes nationales et aux voies ferrées ; depuis la période si florissante de la navigation de la Loire par la communauté des marchands et bateliers fréquentant la rivière de Loire, jusqu’à la création du Cher canalisé, du canal du Berry et du canal de Briare, toutes les voies de la région, sans exception, se sont moulées sur notre sol, ont épousé notre relief et ont formé à Tours un incomparable et presque unique réseau de communications.
La ligne directe de Paris à Bordeaux, de Saint-Nazaire à Lyon, de la Rochelle au nord-est, de la Bretagne à l’Auvergne ; la situation de Tours une région médio-ligérienne, ont provoqué, nécessité, imposé cet état de choses.
Une dizaine de directions s’ouvrent de tous côtés, rayonnent et infusent la vie par le flux et le reflux des cinq millions de tonnes dont nous avons donné plus haut uu aperçu sommaire ; il semble utile d’insister : au point de vue des richesses naturelles et de leurs moyens de diffusion, Tours et ses territoires s’affirment une fois de plus dans leur rôle de métropole.
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1918
P. 305
La Dépêche, Dimanche 22 septembre 1918
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La Région de la Touraine
L’orientation des intérêts économiques
C’est devant cette importante question de la direction que doivent prendre nos intérêts économiques que se dresse l’hostilité des convoitises et des jalousies des territoires qu’il est question de morceler, de démembrer, de sacrifier ou de favoriser en traçant les nouvelles frontières des régions françaises.
Nous considérons qu’il y a lieu de s’élever au-dessus de ces vues et des préférences de clocher, que l’intérêt général doit seul guider un jugement sain ; c’est ce sentiment qui renforce encore nos convictions et consolide les bases de nos conceptions ; il fait ressortir, plus que jamais, l’évidence des arguments énoncés jusqu’à présent, il justifiera ceux que nous nous réservons encore de produire.
La première des conditions qui s’imposent est celle qui consiste à apprécier, prévoir et déterminer la direction que nous indiquent ces besoins d’exportation et d’importation.
Du côté des expéditions que remarquons-nous ? Les produits de notre sous-sol s’échappent de tous côtés, sans préférences, non très loin de leur lieu d’extraction, mais, selon les cas, dans les régions voisines dépourvues de matériaux locaux. Pour les productions du sol, le champ est plus vaste ; nos spécialités agricoles et horticoles vont aux quatre points cardinaux mais surtout dans les directions de Paris et du Nord, de la Belgique et de l’Est, où les sous-produits de nos fermes et nos vins sont si estimés. Nos industries, par la tannerie, par le machinisme agricole et industriel, et par le livre, etc., exportent de toutes parts avec des moyens de transport groupés et unifiés, rapides et avantageux, des marchandises dont on a apprécié l’importance.
Dans un grand nombre de cas, l’envoi à l’étranger, les nécessités des besoins des nations européennes et de nos très anciens amis Américains, offrent à notre industrie et à notre commerce, ains qu’à notre agriculture, des débouchés, que, sans contredit, l’avenir développera.
Quant aux arrivages, nous en avons fait connaître les éléments : leurs provenances suivent les mêmes chemins, en majorité par le nord, l’est et le sud.
Certes, nous ne devons pas négliger la valeur de nos avantages résultant d’une quasi-proximité de la mer ; il est de toute évidence qu’une part de nos besoins d’exportation et d’importation trouve son écoulement dans la puissance des trois principaux ports dont nous tributaires naturels : Nantes, Saint-Nazaire et La Rochelle. Mais il n’y a pas lieu d’en exagérer le rôle : il n’excède pas celui que jouent autour nous nos autres débouchés du nord, de l’est et du sud ; il est même inférieur à ces derniers, puisqu’il ne représente qu’une direction sur quatre, c’est-à-dire tout au plus le quart de nos transactions.
C’est là, en effet, que se trouve le nœud délicat à démêler ; il est tout entier dans les relations des futures régions entre elles : les échanges qui se produiront fatalement et heureusement entre les métropoles, de chef-lieu à chef-lieu.
Il apparaît clairement que c’est avant tout pour cette cause que Nantes et Tours ne peuvent être confondues ou résumées ; elles disposent, isolément, de forces puisées dans leurs caractères particuliers, nous allions dire dans leur puissance relative et propre, qui les désignent pour une décentralisation et non pour une absorption.
Mais pour compléter d’une façon urgente l’état actuel des éléments de transport dans l’Ouest, quel est donc l’évènement inévitable à réalise ? Rendre à la Loire, non seulement la navigabilité, mais aussi son rôle de grande artère internationale, unissant l’Atlantique à l’Orient, en dehors des territoires allemands. Cet effort est devenu une nécessité absolue de l’après-guerre ; les divers pouvoirs ne nous ont pas permis de le réaliser pendant la période de paix qui n’a pas su accomplir bien des projets urgents parc qu’ils n’ont pas voulu faire les sacrifices financiers indispensables. Il n’y a pas lieu d’aborder ici la question ; que la Loire soit rendue navigable, ou bien qu’un canal latéral lui soit adjoint, nous aurons, c’est certain, une voie d’eau devenue une exigence de l’avenir.
Nous y verrons passer, pour le plus grand bien de la Touraine, les transactions commerciales inaugurées par les premiers marchands de l’Asie et de l’Europe orientale, aux temps anciens, négoce rénové par les progrès de la civilisation.
L’Allemagne vaincue ne manquera pas de retrouver, très rapidement, des moyens d’action et d’expansion économique ; elle cherchera, soyons-en sûrs, à prendre un semblant de revanche sur nos marchés et sur ceux du monde entier.
Ne nous laissons pas devancer ; dès que nous le pourrons faisons l’effort nécessaire, toutes les parties de la France en retireront une nouvelle prospérité et la région tourangelle sera, par sa situation centrale privilégiée, l’une des premières à en profiter.
Il semble donc que nous ayons de fortes raisons de considérer que nous ne dépendons pas plus de nos débouchés de l’ouest que de ceux des trois autres directions ; notre marché s’oriente presque également de tous côtés, et, si nous devions voir nos intérêts primordiaux avant tout, nous devrions reconnaître que l’Est et le Sud-Est nous attirent. Ils nous permettent toutes sortes d’espérances par le développement de nos relations avec les pays du nord, avec la région rhénane, avec la Suisse, l’Italie, la Dalmatie, l’Autriche et l’Europe méridionale par les promesses des ports de Marseille, de Gênes, de Trieste, de Salonique, de Constantinople et Odessa, tête de la grande ligne en projet dont la Loire, jointe par le Rhône, et les réseaux ferrés, assurent le triomphe.
Nantes et Saint-Nazaire ouvriront leurs ports à l’autre extrémité en même temps que La Rochelle et Bordeaux, dans un ordre secondaire cependant, et tout ce que nous font espérer les relations américaines de l’avenir, vient compléter un accord privilégié entre notre région naturelle et ses affinités extérieures.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1918
P.315
La Dépêche, Lundi 30 septembre 1918
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La Région de la Touraine
Économie politique et conclusions
Dans ce dernier article d’une étude générale des conditions qui doivent diriger l’établissement de la nouvelle région tourangelle, il nous reste à examiner la nature de la vie des populations sur notre territoire et sur ceux qui en sont tributaires.
La question de race se pose et se résout très nettement : il y a unité de caractères sur le sol où notre peuplade primitive s’est fixée ; ses mœurs, ses qualités et ses défauts se sont heurtés et bornés à d’autres natures, souvent opposées, entre les Manceaux et les Berrichons, d’une part, les Angevins et les Solognots de l’autre. Leur langage ne diffère pas moins ; on prétend, et c’est presque vrai, que nous parlons le plus pur français, sans trop de déformations locales ; nous devons constater que nos voisins ont quelquefois des patois encore en usage dans les campagnes, et que, tout au moins, leurs parlers ont des intonations particulières et distinctes.
Sous le rapport du caractère et des aptitudes, le Tourangeau a été, depuis César, victime d’une mauvaise interprétation de la pensée du conquérant des Gaules. Celui-ci a écrit dans les Commentaires la trop fameuse phrase : Molles Turones imbelles, qui survit aux siècles passés. Si une certaine part de mollesse, provenant de la douceur d’un climat exceptionnel, peut être rapprochée de nos compatriotes dans les difficultés de la vie, ceux-ci se défendent, à juste titre, contre la seconde épithète, et prétendent que César les a reconnus peu belliqueux, c’est-à-dire pacifiques, mais non pas impropres à la guerre, ce qui n’est pas du tout la même chose. Il est à croire que cette légende va disparaître devant l’héroïsme journalier des poilus tourangeaux.
Nous préférons naturellement l’avis du Tasse qui disait, à la fin du seizième siècle, en parlant de la Touraine, « ce pays de joie, de douceur et de délices, produit des habitants qui lui ressemblent ».
Dans cette phrase se résume notre pas tout entier que Rabelais a appelé « le jardin de la Franc ».
Notre population s’est adaptée totalement à notre sol et s’y est développée, dans une proportion qui l’a fait classer, comme densité, dans la catégorie de 40 à 100 habitants au kilomètre carré. Il en résulte qu’avant la guerre le département atteignait près de 350 000 habitants et que la région que nous réclamons grouperait dans son ensemble 1 500 000 habitants environ. C’est un chiffre qui s’impose dans l’homogénéité de ses éléments.
Partant de cette agglomération que nous considérons comme fortement établie sur les bases que nous avons énumérées, quels sont donc les besoins et les aspirations de la masse pour évoluer vers l’unité relative qu’elle doit avoir dans sa vie future, unité qui doit la détacher de cette centralisation étatiste qui ne paraît plus compatible avec l’avenir ?
Trois puissances doivent la diriger : le fédéralisme de ses éléments d’activité, l’autonomie de ses ressources financières, l’organisme d’une administration indépendante.
Nul n’ignore que la plus importante parte de la société est organisée selon la loi du syndicalisme ; pour que son action soit utile, saine et florissante, il faut que les facteurs qui la composent soient de même nature, qu’ils obéissent aux mêmes besoins, vers le même but ; ils ne peuvent y parvenir que par le groupement des mêmes richesses et de produits semblables se déplaçant par des moyens de transport faciles vers leurs débouchés.
Il est juste, en second lieu, que les bénéfices et les charges nécessaires à une collectivité soient versés, utilisés, centralisés, dans leur proportion légale, par rapport à l’État, dans la région même de leur production. DE là découle la nécessité d’une assemblée et d’une administration locales, percevant l’impôt, l’utilisant en connaissance de cause, réglant le budget de la région, allégeant le mécanisme, réalisant, par suite, des économies.
Enfin l’administration dans tous les ordres civils, autres que celui des finances, doit provoquer ou tout au moins accueillir les initiatives heureuses relatives aux travaux publics, aux encouragements à l’agriculture, au développement de l’instruction publique, toutes choses mieux provoquées, mieux appropriées, mieux exécutées par un pouvoir local connaissant les besoins et leu importance.
Nul doute, dans cette occurrence que tout ce mécanisme nouveau doive résulter fatalement des nécessités du lieu sur lequel il sera produit, qu’il enfantera les collèges électoraux et la représentation nationale, le tout basé infailliblement sur la région naturelle, à l’exclusion de tout autre territoire.
Après ces considérations le temps est venu de préciser les limites logiques de la région de Touraine telles que nous les concevons.
Il a été dit par Vidal-Lablache lui-même que les futures régions ne devaient pas être uniquement composées de l’ajustage régulier des départements entiers. La région naturelle doit en être la base ; c’est notre thèse, elle résume toutes nos espérances.
Les départements ne sont pas toujours homogènes dans leur composition, tel celui de la Sarthe par exemple. Il y a donc lieu de procéder, quand l’occasion s’en trouve, au détachement d’arrondissements ou même de territoires isolés.
Partant de ce principe établi sur la géologie, l’orographie, les richesses et les produits du sol, sur les voies de transport, les affinités économiques et les considérations politiques, nous tracerons autour de l’Indre-et-Loire une ligne qui lui adjoindra les territoires ci-après.
À l’ouest, la réunion de l’arrondissement de Saumur est justifiée jusqu’aux approches de Trélazé ; il en est de même pour celui de Baugé, parce que ces deux circonscriptions renferment la vallée dite d’Anjou que la Touraine a toujours comptés comme sienne, étant de nature essentiellement semblable.
A nord, toute la partie des arrondissements de La Flèche et de Saint-Calais sont du domaine du Loir réuni à notre culture par la limite de la vigne passant à peu de distance au sud du cours de la Sarthe.
Au nord-est et à l’est les affinités du Vendômois et du Montrichardais sont complètes : la Beauce au-delà de Marchenoir, et la Sologne à l’ouest de Romorantin, ne sont plus ni notre terre, ni nos populations.
Au sud, le département de l’Indre et celui de la Vienne doivent être inévitablement introduits en entier dans notre région ; la Marche et le Boischaut élèvent au-delà leur barrière méridionale.
Enfin su côté sud-ouest, le Seuil du Poitou, la Gâtine poitevine, et les Mauges, déterminent une ligne naturelle jalonnée du sud au nord, par Civray, Sanxay, Thénezay, Montreuil-Bellay, Vihiers, Chemillé, Trélazé.
Ainsi se résument les territoires qu’il est normal de grouper parce que : 1° Ils sont homogènes et n’obéissant à aucune influence historique, ils vont à la rencontre de la vie économique ; 2° Ils placent d’eux-mêmes à leur tête « la Ville-maîtresse, grande initiatrice d’unité » qui est Tours ; 3° C’est là que se forme le nœud des relatons les plus lointaines en un point central : 4° La région médio-ligérienne est un trait d’union entre la mer et l’Orient, et non un facteur de l’Océan ; 5° Il est inadmissible que nous allions débattre de nos intérêts à Nantes.
Nous croyons avoir apporté à cette étude approfondie des arguments sérieux justifiant une opinion qui n’est pas seulement une tendance de sentiment et de satisfaction d’un orgueil. La Touraine a toujours occupé le rôle de métropole, dans tous les ordres d’idées, parce qu’elle était logiquement désignée pour cette mission ; elle doit la continuer. Si les pouvoirs publics qui auront leu voix dans les discussions définitives, commettaient la faute de nous laisser imposer un servage économique inacceptable, ils se montreraient indignes de défendre cette séculaire formule : Le Jardin de la France.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire
1918
Journal d'agriculture pratique, 28 novembre 1918
p. 471-473
LE RÉGIONALISME ET LA TOURAINE
Le mouvement régionaliste en France n'a pas attendu la fin de la guerre pour prendre une activité nouvelle ; les promoteurs ont compris que l'effort économique devait être fait concurremment à la rénovation du marché mondial qui était en préparation.
Sous la poussée de la nécessité ceux qui étaient indifférents sont devenus ardents ; c'est ainsi que, dans notre pays, les évolutions les plus importantes sont lentes à se développer, que leur gravité n'est pas, tout d'abord prise au sérieux. Le régime départemental qui durait depuis plus de cent ans, laissait le projet de modification dans le vague, quand, la guerre se déchaînant avec ses conséquences si imprévues, entraîna une répercussion immédiate sur la conception du régionalisme.
La France s'aperçut alors, au milieu de tant d'autres surprises, qu'elle s'était endormie, pendant une trop longue période, sur son passé agricole, industriel et commercial, sans voir l'énorme développement que prenait, sur ce point, le domaine de nos pires ennemis.
Les hommes qui se sont occupés sans retard, de ces questions ont comparé notre organisation intérieure à celles qui nous entourent dans les États voisins. Ils ont fait la remarque que les groupements territoriaux son presque toujours provoqués par la nécessité d'associer, dans une même unité de défense, tous les éléments qui constituent un pays local : ses intérêts commerciaux, industriels et agricoles, basés sur la nature et la richesse du sol.
Ce que sont d'ailleurs les petits royaumes, les grands-duchés, les provinces naturelles, a paru être la source fertilisante d'un état florissant : on a songé au rôle joué jadis chez nous par nos anciennes généralités, et voilà comment la nécessité d'un regroupement de nos productions nationales est née du besoin de notre expansion économique.
Nous n'avons insisté, tout d'abord, sur ce point que pour établir très nettement nous vues sur les lois qui doivent présider à la formation de nouvelles Régions françaises, et, en particulier celle qui nous est chère : la Région Tourangelle.
Il est des bases d'appréciation dont semble-t-il, on ne peut s'écarter sans commettre une faute grave de jugement ou sans tomber dans un autre danger : les décisions arbitraires ou de parti pris.
L'égoïsme ou l'orgueil de clocher n'ont rien à voir en cette œuvre nationale, le but qu'on recherche est en direction du bien général.
Partant de cette base nous proposons d'établir, par des déductions tirées de l'examen des faits, les motifs qui désignent les territoires à la fonction de Région naturelle, et spécialement la Touraine, au rôle central qu'elle occupe depuis si longtemps.
L'ordre géographique. - La surface, non pas du département d'Indre-et-Loire seulement, mais de tous les territoires qui constituent la Province de Touraine, est homogène et en équilibre complet pour se suffire à elle-même, sans envier ni devoir rien aux terres voisines.
Quel que soit le régime ou le pouvoir auxquels ait été soumise cette région, ses limites sont restées presque identiques depuis l'emplacement des Turons jusqu'au département, en passant par les divisions féodales et par province.
D'où vient cette remarquable continuité de tendances et d'aspiration ? Cette tradition, inusitée dans la plupart de nos anciennes divisions françaises, vient du sol de la région, de sa configuration, de son aspect, de ses éléments physiques qui composent une situation autonome.
Ces éléments sont apportés par le sol coupé d'un pli central par une grande artère, par les hauts plateaux du Nord que traverse le Loir, par l'ouest qui pose comme une "marche" sa vallée d'Anjou, par le Vendômois s'accordant à nos crêtes accidentées pour perdre ses affinités dans les terrains si spéciaux de l'Est qui inaugurent le petite et la grande Beauce. Au sud de la Loire, c'est le régime des fertiles et pittoresques rivières confinant à l'austère Sologne et à la triste Brenne, jadis notre domaine, devenue la terre la plus fertile. Au sud-ouest, les épanchements jurassiques des terres blanches de la Vienne s'attachent profondément au vignoble Richelais, jusqu'au Saumurois qui unit sa couronne vinicole à la nôtre.
Considérés sous ce jour bien particulier, quels sont donc les points de contact et les affinités que peut présenter notre territoire avec celui des départements voisins. Le Loir n'est pas une barrière infranchissable, le Blaisois s'épanche volontiers vers vous, ainsi que le Berry jusqu'au Boischaud, tandis que toutes nos attirances embrassent la Vienne et l'Anjou jusqu'à Trélazé.
La présence des richesses du sol. - Sur ces bases établies avec la nature et la forme extérieure des couches géologiques, on peut aisément déduire quels sont les produits dominants. En l'absence des filons de minerais qui nous font totalement défaut et des seuls gisements calcaires et crétacés qui comblèrent la cuvette du Turonien, lesquels furent eux-mêmes recouverts par les débordements tertiaires du bassin de Paris, nous retrouvons une unité absolue de sous-sol et de surface sur toute l'étendue des territoires que nous venons d'énumérer. Le Tuffeau domine et fournit ses matériaux de construction, sous les formes les plus diverses comme pierre et comme chaux. De cette constatation part la conséquence inévitable des cultures semblables, c'est-à-dire de la présence de la vigne, des céréales, des cultures potagères et fruitières ainsi que des massifs forestiers.
Il n'est pas sans intérêt de constater que, au-delà des points ainsi jalonnés, au pas Sarthois passe la limite de la vigne et de l'élevage intensif ; dans tout l'Est s'étend le domaine unique des céréales ; au sud ce sont les céréales et l'élevage ainsi que pour la Gâtine poitevine et le pays de Mauges à l'ouest.
Toutes ces régions tranchent nettement avec la région Tourangelle, elles lui tracent un cadre qui en fait ressortir l'originale particularité.
L'importance du commerce et de l'industrie des produite agricoles. - Si, comme le démontrent les statistiques, on considère que, dans l'ensemble, la population vivant de l'agriculture atteint 50,4 % de la masse totale, et que l'industrie se chiffre par 22,4 % et celle du commerce à 7,2 %, nous sommes autorisés à déclarer que notre pays est, avant tout agricole, qu'il vit de son sol, et forme, par suite, une région de culture.
L'expédition des produits agricoles locaux représentait, en 1914, plus de 350 000 tonnes, utilisant, pour la production, 50 000 chevaux-vapeur. Avec les produits de l'industrie et du commerce et en y comprenant ceux des territoires qui doivent être annexés pour la future région économique, on arrive à un total de 3 millions de tonnes et à environ 150 000 chevaux-vapeur. Il est difficile, dans ce bref exposé, de chercher à évaluer le prix de cette importante production. Rappelons seulement que la valeur des vins représentait avant la guerre une somme annuelle variant entre 280 et 300 millions de francs ; c'est un élément de richesse qui place la Touraine dans un rang plus qu'honorable.
La disposition et l'importance des moyens de transport. - Avec cet aspect particulier de la question du régionalisme, qui place Tours dans une situation dans une situation spécialement prépondérante, nous abordons, sans contredit, le plus puissant de nos arguments en faveur de la création d'une Région centrale naturelle et médio-ligérienne.
Il est, en effet, peur de centres français offrant un pareil réseau de voies de communication, rayonnant dans tous les sens, vers les principaux centres, directement et rapidement, soit par routes, par chemin de fer ou par voies d'eau. Le trafic général atteint 6 millions de tonnes, sans y comprendre le transit. La prospérité est assurée dans l'avenir d'après-guerre qui nous préoccupe tant, quand les voies seront améliorées, quand on aura enfin créé les voies d'eau indispensables, quand la grande ligne de Suisse-Océan sera réalisée et trouvera à Tours l'un de ses plus puissants débouchés. Ce résultat sera atteint fatalement parce qu'il sera la conséquence d'une situation géographique exceptionnelle.
L'orientation des intérêts économiques. - C'est ici que se pose le nœud du dilemme créé par les convoitises et les jalousies des territoires qu'il est question de morceler, de mutiler, de sacrifier ou de favoriser en délimitant de nouvelles Régions françaises.
Il n'est pas douteux que, selon leur nature, les marchandises iront dans l'avenir comme dans le passé, vers tous les horizons ; notre centre n'est pas fatalement enchaîné à une direction spéciale, encore moins à celle d'un port de l'Océan, comme il en a été question.
Les quatre points cardinaux nous sollicitent également, surtout si l'on songe à la création de la grande voie ferrée, doublée par les canaux, qui doit s'attacher à Saint-Nazaire et se diriger vers l'Europe centrale, en dehors du territoire allemand.
Économie politique eu conclusions. - Il paraît évident que la division politique doit s'inspirer de tout ce qui précède. Le rouage administratif doit être simplifié, administrer un budget régional tirant ses ressources du lieu, lui réservant ses bienfaits et résultant d'une agglomération qui deviendrait d'environ 1 500 000 habitants si l'on adjoignait à l'Indre-et-Loire la plus grande partie des arrondissements de la Flèche et de Saint-Calais dans la Sarthe, celui de Vendôme et le sud du Loir-et-Cher, les départements de l'Indre et de la Vienne, le Saumurois et l'arrondissement de Beaugé.
La région de Touraine, ainsi délimitée, est rigoureusement basée sur la région naturelle, elle est logique et en accord avec le rôle qu'elle a toujours exercé et que l'avenir lui réserve infailliblement.
Les personnalités publiques et les pouvoirs qui ont mission de discuter et de décider ne peuvent manquer de se souvenir que Tours doit rester la capitale du Jardin de la France
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire.
1918
P. 412
La Dépêche, Dimanche 22 décembre 1918
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Les Chambres régionales d'agriculture
L’intention qu’a le Parlement d’entrer résolument dans la voie des améliorations et d’adapter des conceptions rénovatrices aux besoins nouveaux créé par la période grave des évènements que nous venons de traverser, a fait sortir du mystère des bureaux, où elle reposait avec trop de calme, une très vieille question dont nous attendons depuis longtemps la solution.
La création des chambres d’agriculture a été, un fois de plus, envisagée, un projet a été présenté au Sénat, tout dernièrement, et celui-ci l’a adopté jusqu’à ce qu’il lui revienne après avoir été sans doute modifié par la Chambre.
La question est donc de toute actualité, elle entre trop dans les vues que nous avons énoncées, elle touche de trop près au mouvement régionaliste pour que nous ne lui fassions pas tout l’honneur qu’elle mérite.
Nous en avons déjà parlé : les chambres d’agriculture sont une nécessité absolue de l’après-guerre, parce qu’il faut organiser, à tout prix, notre production agricoles dont l’insuffisance a été trop démontrée par les problèmes du ravitaillement, pendant la résistance opposée, cependant victorieusement, à nos ennemis.
Pourquoi la création de ces assemblées est-elle réclamée avec instance ?
Parce que, d’une part, il existe des intérêts agricoles d’une importance capitale, et que, de l’autre, les chambres de commerce qui, en principe, avaient le devoir de s’en préoccuper, n’en ont jamais eu aucun souci.
C’est d’ailleurs cette situation assez spéciale qui détermine la nécessité de l’institution que nous réclamons, et aussi l’esprit dans lequel elle doit être conçues, en séparant le les aspirations de l’agriculture de ceux du commerce et de l’industrie qui lui sont quelquefois opposés.
Cela revient donc à dire que les futures chambres d’agriculture, devant avoir enfin pour mission de protéger la culture, devront être composées uniquement de professionnels qui défendront les droits, les intérêts et les libertés de la grande corporation détenant la richesse primordiale de la nation.
Les problèmes que soulèveront les énergies de demain sont multiple, ils renferment une vie toute nouvelle, leur solution doit être le levier qui retiendra et ramènera les ouvriers et les fermiers à la terre en leur donnant des avantages égaux à ceux des villes. Cette protection intéresse les modes et les moyens de culture, le machinisme, le crédit, l’hygiène, l’économie des marchés, l’équilibre des cours, le renversement de la tutelle administrative qui a été pendant toute la guerre, le joug inique, usant d’une mesure inégale entre les citoyens.
Cette œuvre ne doit pas, comme jadis, rester dans les paperasses des commissions, la Chambre doit lui donner le jour au plus tôt ; il faut débarrasser l’avenir de toutes ces monstruosités ; il faut qu’on donne une arme protectrice à ce qu’on a appelé « la force paysanne » pour se développer, pour se faire respecter, pour atteindre le but national qui l’attend.
Le projet en discussion veut que les chambres d’agriculture soient élues par des comités composés eux-mêmes de membres élus à raison de un par canton. Le collège électoral comprend uniquement des professionnels, c’est-à-dire des agriculteurs propriétaires fermiers métayers et cultivateurs.
Ces organismes, de plus – et c’est ici la nouveauté du projet – seraient pourvus d’une indépendance complète par l’attribution de ressources leur permettant d’exercer une action personnelle pour la recherche des améliorations, des innovations et du progrès.
Enfin la loi décide que ces assemblées seront régionales. À la veille sans doute de l’application du système de la division de la France en régions, la mesure est prudente ; quoi qu’il en soit, elle ne peut que nous satisfaire car elle viendra, une fois de plus, à l’appui de nos désirs de voir se former la région de Touraine. Nous dirons plus, elle confirmera notre thèse, puisque les chambres d’agriculture devant embrasser dans leur action toutes les particularités culturales de leur territoire, ne pourront manquer de s’adapter intimement à leur région.
La chambre d’agriculture de Touraine aura donc un domaine enviable qui se distinguera entre tous les autres.
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture, sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire.
1919
La Dépêche, Dimanche 12 janvier 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN.
Un nuage à l'horizon du vignoble
Il vient de sa passer un fait très grave, ces temps derniers, au cours d’une conversation, entre deux personnes importantes ; son influence peut être considérable pour l’avenir, si incertain de nos vignobles.
Ces deux grosses personnalités sont : un ministre, qui n’est autre que celui de l’agriculture, et le président de la Chambre syndicale du commerce de gros des vins et spiritueux de France, mandataire qui, quand il ouvre la bouche, défend les intérêts d’une corporation dont il fait lui-même partie.
Ces messieurs, que des gens mal intentionnés pourraient prendre pour deux ennemis des vignobles français, causaient allègrement, ils avaient dans les mains une balle élastique, l’un de ces gros ballons qui rebondissent longtemps par leur propre force, et ils disaient : « Va ! bon paysan, saute ! tu retomberas toujours sur tes pieds : »
J’ai entendu la conversation, elle m’a frappé, c’est pourquoi je la répète, dans l’espoir que ceux qui ont des influences et aiment nos campagnes, pourront en faire leur profit.
Le ministre disait au commerçant : « Vous vendez votre vin trop cher ; vous faites des bénéfices exorbitants ; faites attention, si vous ne rentrez pas dans le cours acceptable, j’ouvre les frontières, j’importe des quantités de vins étrangers, et vous verrez bien ! »
Le négociant répondait : « Je ne vous crains pas. Vous n’amènerez jamais assez de vin parce que vous n’avez assez ni de futailles, ni de wagons. C’est cette même cause qui nous oblige à dépenser des sommes folles pour acheter des fûts et pour payer des transports rapides par petites quantités. Les prix dont vous plaignez nous laissent un bénéfice insuffisant. »
Il a semblé à mon simple bon sens vigneron que notre négociant, d’une part, devait bien savoir que c’est surtout la spéculation, dont il est quelquefois la première victime, qui gonfle le prix de vente au consommateur et, d’autre part, que M. le ministre, s’il s’y entêtait arriverait bien à jeter sur la France un gros stock de vins étrangers qui, fatalement, provoqueraient une baisse dans une mesure plus ou moins grande.
Et alors, il est devenu très clair pour moi qu’on se battait, encore une fois sur notre dos.
Si, dans les circonstances actuelles, une baisse sérieuse, capable de satisfaire le consommateur, se produisait sur les cours pratiqués cette année à la propriété, elle pourrait être de nature, pour le producteur, à ramener le prix de vente au-dessous d’un prix de revient qui va toujours se gonflant. Cette différence influencerait d’une façon ruineuse la juste rétribution du travail, sans abaisser les frais, en laissant intacte la marge occupée par le gain illicite, entre le cours commercial au vignoble et le prix de revient de l’honnête négociant.
Cela revient à dire que la situation qui serait faite au viticulteur serait désastreuse et intolérable.
Il est donc permis de penser que celui de nos deux interlocuteurs qui a tort dans sa menace, c’est encore le ministre qui agite le dangereux fantôme des importations en masse.
Il y a d’autres moyens plus hauts, plus urgents, plus patriotiques, plus protecteurs de l’agriculture ; il suffit de rechercher d’où vient le mal et de frapper juste à sa naissance.
Il n’y a pas lieu d’importer des vins ; ceux-ci ne manquent pas en France où la récolte de 1918 est supérieure à ce qu’on attendait. Chacun le crie de tous côtés ; ce sont les fûts et les transports qui font défaut.
C’est à nous en procurer que les efforts de l’administration doivent tendre. Il ne nous appartient pas de connaître les moyens de trouver des wagons ; voilà qui n’est pas notre métier. Les Boches ne nous rendent pas leurs vols, les voies de garage sont obstruées de matériel. Qu’on mette tout cela en circulation.
Quant aux futailles, nous savons comment on les fabrique : il faut des bûcherons pour abattre les chênes et les châtaigniers ; des spécialistes pour préparer cercles et bois de merrains, des tonneliers pour dresser la futaille.
Puisqu’on ne se bat plus, qu’on libère tous ces hommes, quel que soit leur emploi aux armées, en dehors des classes actives ; qu’on les mette, sans délai, au travail, c’est la saison !
Toute mesure autre que celle-là ne peut que maintenir le piétinement sur place. Il faut préparer l’abaissement du prix du vin de 1919 en augmentant le nombre des ouvriers pour diminuer le prix de la main-d’œuvre. Il faut fournir en abondance, les matériaux dont la valeur baissera en construisant des tonneaux qui coûteront moins cher et favoriseront l’écoulement des stocks actuels et futurs.
Nous attendons donc de la bienveillance de M. le ministre de l’Agriculture et du ravitaillement qu’il intervienne auprès de ses collègues au conseil des ministres pour obtenir :
1° La fin d’un régime de transports qui est dû à une bienveillance inexplicable envers les Boches voleurs de wagons, et à l’apathie administrative qui immobilise des rames de wagons dans les gares.
2° La démobilisation immédiate de tous les spécialistes de la tonnellerie jusqu’aux classe de l’active.
L’effet salutaire ne peut se produire qui qu’on fasse, avant la future récolte, mais il ne peut y manquer, à cette époque, et le résultat aura été atteint sans avoir favorisé l’étranger et jeté la panique.
La figure n’est pas exagérée : c’est bien un nuage qui, pour les yeux prévoyants, monte au-dessus de nos vignobles. Qu’on y veille, il est bien probable que les vignerons n’accepteraient pas d’être rentrés chez eux avec des lauriers plein les mains, s’ils devaient payer de leurs deniers des fautes que rien n’excuserait.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture sciences, arts et belles-lettres d’Indre-et-Loire.
1919
La Dépêche ; Dimanche 26 janvier 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La Terre attend.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que la Terre, après les crises les plus cruelles, a prouvé qu’elle est, toujours et quand même, disposée à donner généreusement les plus fertiles vertus qu’elle renferme dans son sein. Elle a montré que, privée de soins, elle savait se contenter de peu ; elle a supporté la longue misère de l’abandon : elle a fait plus : elle a donné à l’infâme mitraille les meilleurs de ses fidèles serviteurs.
Elle attend qu’on lui rende ceux que l’adversité a épargnés.
Elle attend aussi que, ceux-ci rentrés dans les villages, les moyens de rendre leur labeur fécond leur soient donnés.
Que fait-on pour provoquer une activité rapide de ce sol nourricier et de ces bras désireux de s’employer ?
Certes, on fait des efforts dans les ministères, et les fonctionnaires administratifs se multiplient pour élaborer des projets et rédiger des circulaires. Il y a même eu, ces temps derniers, une louable initiative : on a prévu, ce qui est rare, les besoins des agriculteurs en machines agricoles et on a nommé un comité supérieur de l’outillage agricole, composé de notables personnalités.
Un brave paysan qui m’interrogeait sur ce comité, il y a quelques jours, me disait : « Qu’est-ce que c’est que cet outil-là ? »
Évidemment, ce compère, mon voisin, était quelque peu irrévérencieux avec son fin sourire campagnard, mais il avait jugé juste en pensant qu’il était bien de prendre des mesures pour préparer l’avenir, mais qu’il y avait lieu d’en mettre d’autres en œuvre, pour un présent qui s’impose sans délai.
Il n’échappera à personne que les machines agricoles neuves qu’on demandera à l’industrie française ne peuvent être fabriquées en vue d’une utilisation pour les récoltes de 1919. Les usines ne sont pas relevées de leurs ruines ; celles qui seront appropriées ont besoin d’être aménagées ; elles recevront peu ou point de matières premières par suite de la pénurie des transports, et la main-d’œuvre sera insuffisante.
Il faudra du temps pour la production des machines neuves et la terre attend qu’on prépare, qu’on soigne, qu’on rentre la série des récoltes de l’année présente.
À côté de ce qu’on nous promet pour les années prochaines, il importe de prendre des mesures urgentes que comporte la saison actuelle ; il faut donner à la terre les éléments de sa culture destinée à faire renaître la vie, la production, la marche de l’éternelle succession des récoltes.
Ces éléments, sans lesquels rien ne pet être obtenu, sont de trois sortes :
Les instruments aratoires ;
Les matières premières et les transports ;
La main-d’œuvre.
En ce qui concerne les machines, puisque nous ne pouvons compter que sur le vieux matériel, qui est hors de service momentanément, il faut le mettre en état sans tarder, la saison est proche, et, pour atteindre ce but, il faut savoir montrer des énergies suffisantes pour rendre à un travail opportun les hommes retenus par l’autorité militaire sans aucune utilité pour l’armée.
Leur emploi est non seulement indiqué mais urgent pour remettre en usage le seul matériel qui puisse être utilisé dès demain.
Pour les matières premières, engrais, produites chimiques, alimentation du bétail, fabrication et réparation des machines, l’amélioration des transports seule peut apporter la solution du problème en luttant contre l’immobilisation du matériel dans certaines régions, et en obligeant sans faiblesse, le Boche à restituer ses vols.
Enfin, pour ce qui est de la main-d’œuvre, les paysans, qui peinent depuis plus de cinquante mois en l’absence des maris et des fils, n’hésitent pas à dire toute leur pensée.
Déjà bon nombre de mobilisés sont rentrés dans leurs foyers, on fait prévoir un retour prochain des classes suivantes ; c’est beaucoup, mais cela n’est pas assez encore en présence de l’urgence et de la grandeur de la tâche.
Il existe dans les dépôts de corps de troupes des centaines d’hommes versés par les usines, les poudreries, les fabrications de guerre de toutes sortes, dont on ne sait que faire et qui se croisent les bras en songeant à leurs champs abandonnés, car 75 % d’entre eux sont des agriculteurs ou des spécialistes des professions rurales.
L’autorité militaire ne peut de résoudre à les lâcher et il se trouve toujours une vieille ou une jeune circulaire pour établir des équivoques. Dans le doute on stabilise les hommes dans une inaction scandaleuse alors que, de tous côtés, on proclame que la main-d’œuvre est, avant tout, l’élément qui manque le plus à la culture.
Devant une situation qui semble très définie, soyons reconnaissants des efforts destinés à concourir aux prospérités futures, mais songeons que l’heure actuelle s’impose impérieusement. La terre attend, pour reprendre sa généreuse fécondité, que nous lui tendions une main secourable.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture sciences, arts et belles-lettres d’Indre-et-Loire.
1919
La Dépêche, Dimanche 9 mars 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN.
L'Appel à la Terre et à l'Usine
Nous avons déjà protesté contre le principe sue lequel a été basé l’exécution de la démobilisation ; il n’est pas trop tard pour y revenir parce que, de jour en jour, l’erreur se montre plus évidente, et on pourrait encore y remédier.
L’âge et la longueur des services ont été seuls considérés, c’est-à-dire que l’observation du principe de l’égalité entre les citoyens a été l’unique préoccupation. Qu’on ait donné des avantages aux hommes mariés et aux pères, rien de mieux, la famille a besoin d’être protégée, ne nous en plaignons pas ; mais qu’on ait accordé nulle attention au rôle que l’homme est appelé à remplir dans la société après son retour au foyer, voilà qui nous paraît offenser également la raison et la prospérité nationale.
L’égalité entre les hommes nus est chère, elle ne fait de doute à personne, elle est une nécessité et une justice quand elle s’applique aux droits de la conscience ou aux lois fondamentales de l’humanité. Ce mot n’est pas écrit en vain sur le fronton de nos temples divers ; cependant nous ne sommes que des enfants, si nous nous hypnotisons devant un mot, si nous restons aveuglés par une éclatante vérité, si nous refusons à la raison d’interpréter le sens qui s’en dégage quand l’intérêt supérieur de l’État commande.
Au surplus, dans notre pays avide d’idéal, n’a-t-on pas vu toujours cette égalité violentée par les évènements et par le besoin ? Notre histoire, même depuis notre régime démocratique, n’est-elle pas pleine de heurts, de contradictions ? N’avons-nous pas souvent assisté à la lutte des classes sociales pour l’unification de traitement ? Depuis la guerre n’a-t-on pas vu des êtres privilégiés goûter des douceurs inconnues à ceux qui subirent les misères des tranchées et des combats ? N’a-t-on pas vu les réquisitions de toutes sortes traiter inégalement tous les Français ?
Ne savons-nous pas, nous autres paysans, que les nôtres étaient en majorité au front ? L’État n’a-t-il pas pris sur lui, aux heures sombres où la victoire chancelait, où la fabrication intense des engins de guerre était une question de vie ou de mort pour la patrie, de retirer des armées, au mépris de l’égalité, tous les hommes techniques pour les employer dans les usines ?
La guerre étant finie, le danger passait du front à la terre, de laquelle dépendait la faculté de vivre et de remporter la victoire économique, sans laquelle la victoire des armées pouvait être compromise.
L’intérêt supérieur de l’État commandait, là aussi, une exception ; il y avait lieu de négliger la démobilisation par classes, et de choisir les hommes ayant une valeur effective pour les envoyer à leurs mines, à leurs ateliers industriels, à leurs champs.
Chacun obéissant à l’ordre comme il avait obéi au combat, aurait préparé, à l’heure actuelle, une renaissance économique que nous n’entrevoyons pas encore aujourd’hui, où tout manque, le charbon, les métaux, les wagons, les outils, les instruments aratoires, les chevaux, le bétail, sous le fardeau des restrictions et de la vie chère.
Il résulte de cette disposition que notre situation ne s’améliore pas et qu’il faudra de longs mois pour constater des progrès ; au point de vue de la production agricole il nous faudra au moins attendre les récoltes de 1920 pour obtenir quelques solutions satisfaisantes.
Comparons ce qui s’est fait, dans la même circonstance, chez nos alliés et chez nos ennemis.
En Angleterre, quelques jours après la signature de l’armistice, un plan de démobilisation était préparé ayant pour but unique l’utilité sociale et non l’âge et la durée du service de chaque homme. Celui-ci fut l’objet d’un fiche donnant tous les détails techniques et professionnels ; es comités régionaux et locaux, dans les provinces de l’Empire, se chargèrent de l’affectation. Puisqu’on manquait de houille les mineurs partirent les premiers, puis les métallurgistes, les électriciens, et ainsi de suite.
Aux États-Unis, les circonstances ont été très différentes, il n’y a pas eu pénurie d’hommes et la gêne économique n’a même pas été connue, autrement que par les relations commerciales internationales. C’est déjà quelque chose. On y a remédié de suite en revenant, en quelques jours, de l’état de guerre à celui de paix. Le mesures de contrôle de l’État sur les importations et les exportations ont été abrogées, les transactions ont repris dans le monde, sauf avec les ennemis.
Au congrès où il y a, comme en France, hélas ! surtout des politiciens et des légistes, on a conscience de son infériorité pratique et on s’inspire des idées saines et justes qui sont fournies par des comités d’industriels, d’agriculteurs et de commerçants ; on fait ainsi transformer en ls les décisions reconnues bonnes par les intéressés compétents.
La vie et la prospérité ont donc repris déjà leur cours.
Si nous considérons maintenant l’Allemagne d’un peu plus près, nous pouvons voir que, dès le moment où elle a considéré que la guerre était perdue pour elle, non pas une révolution, mais une évolution s’est opérée dans le pays.
Toute l’armature administrative et économique est intacte et inchangée. Les dirigeants sont disparus et renouvelés, ils n’ont fait que changer de face : l’âme est la même, elle est bien allemande, elle ose appeler ouvertement son œuvre : « La République d’Empire » » comme si ces mots ne hurlaient pas de se voir accolés !
Pendant ce temps, le personnel ouvrier et commercial est à la tâche ; des efforts énormes sont faits pour rétablir la production et les Allemands seront probablement prêts avant nous pour la reprise des relations extérieures.
Que prouve donc tout cela ? Que nous n’avons pas assez de liberté d’allures, en France, pour aller droit au but et nous laisser guider par la raison.
Il aurait fallu savoir mettre de côté un principe quand l’intérêt supérieur de l’État demandait d’envoyer, en particulier, tous les agriculteurs à la terre, seul moyen de lutter sûrement contre les restrictions et contre la cherté de la vie. Il est encore temps sans nul doute, si nous voulons en recueillir les bénéfices en 1919.
L’ennemi étant enchaîné, après avoir satisfait à l’appel du front, la France travailleuse doit répondre à l’appel à l’usine et à la terre.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture sciences, arts et belles-lettres d’Indre-et-Loire.
1919
La Dépêche, Mercredi 26 mars 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN
René Boylesve à l'Académie
Celui qui a le mieux décrit les caractères de nos petites villes et de nos campagnes tourangelles, celui qui a évoqué avec le plus de vérité et de profondeur l’âme même de notre pays et de ses populations bourgeoises, René Boylesve, notre compatriote, né à la Haye-Descartes, a été reçu jeudi dernier 20 mars, sous l’illustre coupole de l’Académie française, par l’un des maîtres les plus éloquents de la pensée, le poète Henri de Régnier.
Cette journée n’a pas été seulement le triomphe oratoire de deux auteurs éminents, elle a été aussi celui de la Touraine par la mise en valeur des qualités d’esprit du terroir, développés en des genres divers, depuis Rabelais et Descartes jusqu’à Balzac, et si heureusement complétées par le récipiendaire de cette dernière réception académique.
Il y a plus encore dans cet évènement, il y a une manifestation plus générale, qui s’étend sur la nation entière et que M. de Régnier n’a pas craint de signaler en rappelant que « l’Académie tient à honneur de rechercher, parmi les élites du pays, les représentants les plus notables, par eux elle s’efforce de s’incorporer les plus solides et plus brillantes renommées françaises ». Il a même conclu en déclarant que, par-dessus les qualités littéraires de l’œuvre de Boylesve, ce qu’il veut retenir surtout, « c’est l’amour profond que, tout entière, elle exprime de notre vie française, de notre esprit de France ».
Il n’est pas de plus bel éloge et de plus haut laurier attaché à une renommée définitive.
On a lu, de toutes parts, le texte des deux discours de cette journée de la pensée et de la parole dans laquelle tous les mérites divers se sont largement dépensés. Il n’y a pas lieu d’y revenir ; mais dans cette journée précieuse pour notre province, il a été émis des idées, il s’est dégagé des impressions, il y a eu des enseignements qu’il faut noter.
Il fallait s’y attendre, en parlant de la belle vie de M. Alfred Mézières, son prédécesseur, René Boylesve est resté tout ce qu’il a été jusqu’ici dans sa calme carrière remplie d’un énorme labeur, de ferme volonté réfléchie, d’observation à l’écart de la vie fiévreuse. Il a été grave, il s’est élevé de toute sa hauteur de sa pensée indépendante, il a été ému et bon dans le magistral tableau qu’il a peint de l’illustre devancier. Sa langue est demeurée pure, noble, élégante, dans une diction parfaite, nuancée, donnant l’effet juste et la mise en valeur. Il a été tout droit, sans déclamation, vers l’esprit des lettrés qui l’écoutaient et les a conquis, une fois de plus, après s’être fait aimer d’eux par la lecture de ses livres.
À propos de ce qu’a dit M. Mézières, il a ouvert son âme philosophique et il en laissé s’échapper des idées qui lui sont chères en proclament « l’indépendance de la pensée et de l’art, l’isolement des âmes supérieures au milieu de la foule, non pour la dédaigner, certes, mais pour la servir mieux, enfin un religieux respect envers cette entité mystérieuse que les hommes de son temps divinisaient sous le nom de Liberté. »
C’est alors que le nouvel académicien donna libre cours à sa poétique imagination en reproduisant le songe qu’il fit en pensant à la Liberté, à l’Égalité et à la Fraternité, page qui restera l’une des plus belles de son œuvre.
La thèse qu’il développa à cette occasion, il la résuma par cet énoncé : « Libre, inconsidérée, jeune éternellement – enfin, telle qu’elle est – notre littérature vaut probablement mieux qu’étouffée ou servile. » Puis, le romancier dramatisa la fin douloureuse de Mézières et souleva une émotion intense qui déchaîna d’unanimes et chaudes acclamations.
M. de Régnier, en répondant à M. René Boylesve, montra tout de suite qu’il le traitait en ami disposant de sa haute estime ; rarement, peut-être jamais, la grâce académique ne fut aussi accueillante et sincère ; ce fut déjà tout un éloge. Puis, l’analyse commença, légère, poétique, admirative mais précise en montrant l’enfance du futur romancier, les tendances littéraires de ses jeunes années, ses études, l’influence du milieu et du cadre dans lesquels évolua une prime observation, qui devait rester frappée jusqu’à lui imposer une direction définitive.
M. de Régnier ne parla pas – parce qu’il n’en eut connaissance sans doute – des prix d’honneur de rhétorique et de philosophie du lycée de Tours en 1884 et 1885, ni des véritables débuts littéraires de de l’élève Boylesve dans la modeste Revue de la littérature moderne qui paraissait à Tours et à Paris, et dont le numéro de janvier 1888 marqua les premières armes du futur auteur.
Toutes les œuvres de Boylesve reçurent à la suite, en cet éloge académique et magistral, qui en détermina la nature et la haute portée philosophique et sociale, la place qui leur convient en pleine gloire littéraire. L’éloge n’oublia pas de dire que les débuts de l’auteur tourangeau furent « assez singuliers » en dehors de toute recherche de vaine réclame et sans la moindre provocation à la tentante renommée.
René Boylesve la laissa venir à lui, par la force naturelle de son talent ; M. de Régnier le constata en adressant à son plus jeune confrère, par ces paroles que n’entendit sans doute jamais la solennelle et antique compagnie : « Il semble en effet, que vous avez apporté grand soin à éviter, autant que possible, les moyens de vous faire connaître. » Il n’est pas de consécration plus claire et moins discutable.
À par deux volumes de nouvelles nommées : La Marchande de petits pains pour les canards et le Bonheur à cinq sous qui sont des « à côté » de sa grande thèse, René Boylesve a deux séries d’œuvres nettement séparées, celles qui lancèrent ses débuts : Les Bains de Bade, le Médecin des dames de Néans, Sainte-Marie des Fleurs, le Parfum des îles Borromées, et qui, tout en procédant de la même manière, ont revêtu un caractère général dégagé du terroir tourangeau.
Avec la Becquée, la série locale s’est ouverte par un franc succès, continuée par l’Enfant à la Balustrade, le Bel Avenir, Mon Amour, Le Meilleur Ami, la Jeune Fille bien élevée et Madeleine jeune femme. C’est là le véritable édifice élevé par René Boylesve et il n’a pas assez insisté sur son caractère dominant : la peinture saisissant, vraie, vivante, ironique de la bourgeoisie provinciale pendant la fin de second empire, dans l’infinie douceur des paysages tourangeaux.
Mon Amour est qualifié de chef-d’œuvre par M. de Régnier, il convient d’y ajouter La Leçon d’Amour dans un parc, digne des plus grands conteurs du dix-huitième siècle, et Tu n’es plus rien, étude de guerre, aussi curieuse d’inspiration que belle dans sa psychologie interne.
En partant de ces choses, les deux immortels ont subjugué un auditoire d’élite réuni dans le cadre trop sévère mais traditionnel de l’Institut ; la faveur des uns a été vers M Henri Régnier, dont la parole et le style s’élevaient légers, élégants et gracieux pour répandre tous les charmes et faire sourire ; celle des autres s’est attachée à M. René Boylesve dont la belle voix bien timbrée, les yeux d’ombre percés de lueurs et les phrases profondes ont fait penser.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture sciences, arts et belles-lettres d’Indre-et-Loire.
1919
La Dépêche, Mercredi 9 avril 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN.
La crise des transports et la vie chère
Il a été jeté ici même, à la fin de janvier dernier, sous le titre : Un nuage à l’horizon, un cri d’alarme au nom de la viticulture, sur lequel nous avons fait connaître le danger qui, de loin, nous menaçait dans les mesures que préparait le gouvernement pour l’entrée en France de vins étrangers.
Cette craint d’alors est devenue certitude d’aujourd’hui ; nous voyons se réaliser, héla ! nos prévisions ; les mesures sont prises, le fait est acquis, 500 000 hectolitres de vins espagnols vont entrer en France, sans que désormais nous puissions rien faire pour nous y opposer.
Nous allons assister à ce spectacle étrange : le ministère des transports va trouver les wagons nécessaires pour cette entreprise néfaste de l’introduction de produits étrangers, alors qu’il se déclare impuissant à en procurer aux régions françaises qui en implorent depuis de longs mois pour l’écoulement d’un produit national tel que le vin.
Notre région tourangelle et du Centre n’ont pas vraiment trop à souffrir du défaut de circulation de leurs vins qui sont, à l’heure actuelle où sourit un nouveau printemps, à peu près totalement sortis de la propriété. Mais le commerce régional est frappé ; les stocks ne s’épuisent pas, il en éprouve une gêne, et il ne sera peut-être pas en mesure d’acquérir de grosses quantités quand la future récolte viendra.
Le viticulteur de Touraine est donc quand même intéressé à l’écoulement de ses réserves commerciales ; il l’est aussi à celui des celliers de tous les vignobles français parce que si, par défaut de transports, les récoltes s’accumulent, il peut en résulter une baisse sérieuse des cours avant que les moyens de production soient devenus moins onéreux.
À cette situation vient s’ajouter l’introduction des 500 000 hectolitres dont nous avons parlé plus haut, introduction facilitée par nos ministres dans l’intention, hautement déclarée, de faire baisser considérablement le prix des vins actuels et de proclamer une victoire sur la vie chère.
Nous autres, paysans vignerons, nous sommes bien d’avis que nos vins sont payés trop cher par le consommateur ; nous somme tout prêts à accepter des cours réduits, mais seulement quand il nous aura été permis de produire à meilleur compte et quand on aura cessé, par des transports réguliers d’obliger nos acheteurs à employer des moyens de locomotion qui grèvent lourdement la marchandise.
Cet état de choses ne pouvait manquer de nous alarmer, et il était urgent de provoquer les réclamations de la viticulture par une consultation et une protestation des diverses régions viticoles de France, en séance plénière de la Fédération des Associations viticoles régionales à Paris.
Ces assises ont eu lieu u cours de la semaine dernière, elles ont eu une importance considérable par leurs études et leurs décisions. On a parlé de la spéculation qui s’installe entre le prix de vente du producteur et celui qui est imposé au consommateur et exaspère justement ce dernier ; mais il a été parlé surtout de spéculation licite, du négoce loyal qui est la force d’une nation, et l’unanimité s’est faite pour reconnaître que c’est la crise des transports qui est à la base de la vie chère, et, en ce qui nous concerne, la cause principale des hauts prix des vins. Voici comment :
Il y a deux sortes de spéculations : celle qui est normale et licite, celle qui est anormale et criminelle. La spéculation normale n’est autre chose que le système régulier de échanges, des transactions ; c’est la base du commerce en toutes choses. Si les négociants ne peuvent se livrer à l’échange de leurs produits ou de ceux-ci contre de l’argent, la régularité des opérations est interrompue, détruite, faussée ou paralysée.
Au contraire spéculer normalement, c’est observer, raisonner, calculer ; c’est l’attribution de tout commerçant, c’est l’origine de tout commerce ou de toute industrie, comme celle de toute production naturelle.
Or, nous constatons que, par suite du manque de moyens de transports, les stocks séjournent dans les magasins, le capital ne se renouvelle pas, grevé des intérêts, du travail perdu, du courant des frais généraux, du manque de gain pendant d’interminables délais. La spéculation est alors devenue anormale, c’est-à-dire que le commerce ne suit pas ses règles fondamentales, la passion s’y mêle et, quand un organisme aussi important est faussé, il n’est pas surprenant que les plus funestes conséquences en découlent.
La crise des transports est donc à la base de la vie chère, et, par suite, celle du prix des vins.
Nos ministres, au lieu de songer à faire baisser les cours d’une marchandise dont le prix de revient est un fait acquis, en favorisant scandaleusement l’importation des vins étrangers, ont le devoir de fournir au commerce la wagons qui lui sont nécessaires et d’utilise sans délai un matériel dont le mouvement ne demande qu’à être intensifié.
Dans toutes les grandes gares des divers réseaux français, de très nombreux wagons stationnent, sans chargement, pendant des semaines sur les voies de garage et vont y rester encore pendant que des trains, voyageant par priorité selon les ordres ministériels, iront faire les affaires de nos voisins espagnols.
Voilà tout ce qu’une délégation e la Fédération est allés dire à MM. les ministres des transports et de l’agriculture ; elle en a obtenu l’assurance que ses réclamations recevraient satisfaction : MM. Claveille et Boret ne doivent pas ignorer que tout le monde viticole a les yeux sur leurs actes, prêt à leur rappeler, s’il le faut, que c’est pour la protection de la viticulture qu’ils pourront apporter le plus sûrement un peu de calme dans nos esprits et des avantages aux consommateurs.
Auguste CHAUVIGNÉ
Vice-président de la Fédération des associations viticoles régionales de France.
1919
P.138
La Dépêche : Dimanche 20 avril 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN.
La Semaine de motoculture.
De toutes parts les agriculteurs ont les yeux tournés vers la motoculture parce que tous ceux qui font profession de favoriser la terre s’en occupent, et aussi parce que les exploitants, effrayés par le manque de main-d’œuvre, se réfugient dans cet espoir : le tracteur agricole.
On ne peut nier que des efforts sont faits par l’industrie française et étrangère, le patriotisme et la perspective des affaires fructueuses en forment la base. Bien des gens, parmi nous, s’étonnent que de nombreux appareils, que de multiples batteries ne se soient pas déjà levées sur nos champs comme une bienfaisante moisson. Que ceux-là réfléchissent et reviennent, du haut de leur rêve, vers des réalités plus raisonnées.
Notre glorieux pays s’était à peine mis à la besogne, avant la guerre, pour construire des tracteurs agricoles. Pendant la tempête, il a été totalement occupé à fabriquer des canons et des obus pour sa défense ; de plus, la partie de son territoire où florissait son industrie métallurgique a été totalement détruite.
Il n’y a pas encore six mois que les armes sont déposées et la démobilisation n’est pas terminée ; les usines sortent à peine de leur torpeur, et les ingénieurs eux-mêmes en sont encore à recherche les types d’appareils destinés à rendre le meilleur travail avec la moindre dépense ; l’adaptation précise et rationnelle des modèles destinés à telle ou telle spécialité culturale n’est pas encore décisive.
Dans ces conditions, comment nous attendre à rencontrer, dès maintenant, des machines perfectionnées répondant complètement à tous nos besoins ?
Ayons la patience de donner à nos constructeurs le temps matériel de pourvoir leurs usines ruinées des moyens de fabrication indispensables à une future production, et, en attendant, accommodons-nous des outils dont nous disposons.
Il était urgent de savoir où nous en sommes sur une question aussi importante : la Chambre syndicale de motoculture de France a pris dernièrement cette initiative heureuse en organisant la semaine de motoculture à Saint-Germain-en-Laye au a eu un grand retentissement et a attiré de nombreux intéressés.
Sur les terres fort bien disposées, en pentes progressives, de la ferme de la Jonction la plupart des maisons françaises et étrangères ont offert concurremment leurs essais journaliers du 30 mars au 6 avril. Tous les systèmes et toutes les puissances se divisaient en trois groupes principaux : les appareils portés par des roues donnant directement plus ou moins d’adhérence au sol, ceux qui sont mus par des chenilles du type Tank, enfin ceux qui sont tirés par des câbles d’acier s’enroulant sur des treuils aux extrémités de la pièce à travailler.
Ces derniers, avec leurs monstrueux sextuples socs, disposent de grandes puissances et font regretter le déploiement d’une telle force et d’un tel attirail pour un très ordinaire résultat et pour un travail parfois insuffisant. Ils conviennent surtout à la très grande culture et ne trouvent guère leur emploi dans notre Touraine très morcelée ; ils étaient représentés entre autres, par les Filtz-Grivolas, les Tournand-Latil, les de Dion-Bouton et les Delahaye qui paraissaient fournir les meilleurs résultats.
Parmi les appareils à chenille, généralement très compliqués et auxquels on peut faire le reproche sérieux d’un encrassage très rapide de tous les organes par l’introduction de la terre ou de la boue entre les mailles, ceux qui s’imposent à notre examen, toujours pour la grande culture surtout, sont : la marque Renault si connue, et le tracteur tank, Pidwell, d’importation américaine.
Avec la troisième catégorie des véritables motoculteurs directs nous entrons dans l’examen des machines destinées à avoir un emploi en Indre-et-Loire et dans le Centre.
Toutes les marques les plus connues paraissent donner des résultats peu différents, offrant les mêmes avantages et les mêmes inconvénients d’un mécanisme qui est loin d’avoir dit son dernier mot. Les Moline Phow, le Somua, les Case, les de Dion-Bouton, ont paru recueillir la faveur du public et la nôtre avec des variantes de 18 à 35 HP et de 2 000 à 6 000 kg. de poids. Le Somua de la Société d’outillage mécanique et d’usinage d’artillerie est muni d’une fraise remplaçant les socs. La qualité du travail fait nous paraît moindre à cause du fouillage de la terre qui ne reçoit pas l’aération que donne le renversement. Mais une supériorité marquée semble être attachée aux moyens tracteurs Fordson de MM. Malleville et Pigeon ; l’affluence du public et l’intérêt des spécialistes en témoignaient. Le Ford en effet, destiné, par des modestes proportions 12 22 HP et 1 600 kg, à la moyenne et surtout à la petite culture, réunit les qualités désirables de mobilité, d’adhérence au sol, de force ; de malléabilité, de simplicité de direction. Son travail effectué, s’il n’est pas encore idéal, dépasse en profondeur et en renversement celui des meilleurs appareils ; le prix du tracteur et de sa charrue est de 12 500 fr., les limites de es vitesses sont de 2,5 à 10 km/h et il prétend, en bon terrain, dirigé par un conducteur expérimenté, faire 40 ares à l’heure.
Mais avec ce qui précède, nous restons en présence de l’œuvre de culture des champs et nous n’avons encore rien dit des appareils de labourage et de binage des vignes dont nous sommes sin inquiets.
La raison est fort simple : aucun appareil n’a été présenté aux expériences de Saint-Germain pour le labourage et une seule machine pour le binage par la maison Agricultural. Un autre : le motoculteur Somua, type C. avec une fraise rotative, est adaptable à la toute petite culture et à la vigne par ses dimensions réduites et don poids extra-léger de 250 kg, ainsi que par sa force qui n’est que de 5 HP à deux cylindres.
Les vignerons auront donc eu quelque déception et doivent remettre leurs espérances à plus tard ; il n’y a pas lieu de les abandonner, la motoculture est, sans contredit et infailliblement, la force de demain ; il suffira pour disposer de sa puissance, de donner à notre industrie le temps de se ressaisir après la tempête qu’elle vient de traverser.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d’agriculture sciences, arts et belles-lettres d’Indre-et-Loire.
1919
P. 144
La Dépêche : Mercredi 23 avril 1919
CHRONIQUE LOCALE
[…]
"La Conférence du village".
Tous nos concitoyens connaissant l’existence de l’œuvre « La Conférence au village » (dont le siège social est à Paris, 9 avenue de l’Opéra). Pendant la guerre, cette société a été une de celles qui ont le plus contribué à maintenir aussi élevé le moral de la nation, et aujourd’hui que la victoire nous est acquise, son but est de travailler à l’union sociale et patriotique de tous les Français.
Nous sommes heureux de faire savoir à nos lecteurs qu’un comité tourangeau de cette société existe depuis plusieurs mois déjà dans notre ville.
Il a recueilli l’adhésion de beaucoup de nos concitoyens, et dans un grand nombre de communes, dont Chinon et Loches, des correspondants lui sont déjà acquis.
Dès maintenant, des tracts patriotiques, historiques et économiques du plus haut intérêt sont à la disposition du public, 14, rue des Halles.
D’autre part, des conférences vont être organisées, s’adressant à tous ceux qui ont à cœur l’avenir et la prospérité du pas sans aucune distinction d’opinion.
Tous renseignements sur l’œuvre pourront être demandés à M. Auguste Chauvigné et à M. Marcel Meffre, à Saint-Avertin.
Nous engageons vivement nos concitoyens à apporter leur adhésion à cette œuvre éminemment patriotique à laquelle doivent s’unir tous les Français.
1919
Journal d'agriculture pratique, 24 avril 1919
p. 241-244
UN HERBAGE EN TOURAINE
Ce titre ne sera pas sans provoquer quelque surprise dans bien des esprits parce qu'il n'est pas coutume de considérer cette province comme un pays d'élevage.
[...]
Cet exemple réellement du plus haut intérêt, a été donné par M. le comte Goupil de Bouillé, sur ses terres du Vau-Rozet, commune de Continvoir, canton de Langeais, et dépendant du domaine du château de Pavée, à Bourgueil (Indre-et-Loire).
[...]
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire
Journal d'agriculture pratique, 1er mai 1919
p. 262-264
UN HERBAGE EN TOURAINE
Le bétail. - Les nombreux troupeaux qui se sont renouvelés sur les divers herbages du Vau-Rozet ont donné lieu à des observations sur le choix des races qui leur convenaient ou qui apportaient la source d'un rendement avantageux.
[...]
AUGUSTE CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire
1919
Journal d'agriculture pratique, 15 mai 1919
p. 312
BIBLIOGRAPHIE
Les propos d'un paysan, par Auguste Chauvigné, secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire, lauréat de l'Académie d'Agriculture. - 1 vol. in-12 de 190 pages. - En vente à la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire, à Tours.
Sois ce titre, M. Auguste Chauvigné a réuni des articles qu'il a publiés en 1917 et 1918 dans les journaux de Touraine, et qui sont consacrés à des études économiques, agricoles et de défense de la terre. Si quelques-unes des questions qu'il agite sont spéciales à la Touraine, la plupart sont d'ordre général ; à ce titre elles intéressent tous les agriculteurs. Les observations réunies par M. Chauvigné sur la plupart de problèmes qui ont préoccupé pendant les dernières années sont inspirées par un dévouement absolu aux affaires agricoles.
1919
Journal d'agriculture pratique, 29 mai 1919
p. 353
ACADÉMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance du 21 mai 1919
Présidence de M. Vigier
[...]
M. Viala présente à l'Académie une note de M. Auguste Chauvigné, secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire, relative à l'action de la chaleur sur les pontes de la cochylis dans les vignes de Touraine. etc...
1919
La Dépêche, Dimanche 8 juin 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Pour nos frères des régions dévastées
Pour celui qui vient de traverser l’ancien front [voir voyages organisés par la Dépêche] sur une bonne profondeur, de Châlons à Saint-Quentin, il n’a qu’un sentiment qui s’empare de son esprit : l’horreur, qu’un cri qui s’échappe de sa poitrine : souvenons-nous !
Le spectacle poignant des ruines, la vision des murs pantelants de villes entières, telles que Reims et Saint-Quentin, la contemplation muette, avec les larmes aux yeux, des petits tas de pierre enfouis dans l’herbe représentant tout ce qui reste d’un village, l’épouvante qui serre les cœurs quand on jette ses regards sur de vastes horizons lointains desquels toute vie a disparu, sur la terre mamelonnée par la tempête des obus, trouée, retournée, sillonnée par les lignes blanches des tranchées, tout cela étreint le front ; donne le vertige, faut naître des colères insoupçonnées.
La terre martyre, cette bonne et généreuse terre de France réduite à l’impuissance, à la stérilité, apparaît, dans sa ruine, plus grande que jamais cependant, parce qu’elle proclame avec ses petites tombes, semées ça et là, presque dans l’oubli, l’esprit du sacrifice dressé pour la défense de la liberté.
Mais, pourtant, la vie ne manque pas de reprendre ses droits, tant elle est au fond de la nature et tant il est vrai que notre terre, le grand domaine inaliénable du paysan, est prête à se donner encore à nous pour nous nourrir et nous offrir ses biens.
Sauf des espaces, trop considérables certes, où la bataille a atteint le maximum de son intensité, et sur lesquels de longs et pénibles efforts seront nécessaires pendant un temps impossible à fixer, l’activité du cultivateur se manifeste incontestablement ; elle est d’autant plus admirable que, la plupart du temps, elle est due à son initiative unique et n’est pas assistée comme il le faudrait par une organisation officielle.
Croit-on que les champs dévastés sont peuplés d’équipes de prisonniers de guerre pour remettre en place les surfaces hors d’état de culture ? Suppose-t-on que celles-ci sont occupées à élever des baraquements destinés à abriter les familles paysannes dont les habitations sont rasées ? Non, la plupart des hommes conservés en France pour réparer les désastres qu’ils sont venus y multiplier, sont employés dans les villes au déblaiement des monuments publics dont la restauration ne s’imposera que quand le nécessaire sera assuré pour la rentrée et la vie des populations rurales tenant, dans leurs bras, la richesse économique du pays.
Dans bien des régions déjà, surtout dans celles qui ont été les moins éprouvées, les tranchées, où tant d’héroïsme et de patiente volonté ont été dépensés, se comblent peu à peu par l’effort du paysan, aidé faiblement par la main-d’œuvre prisonnière. Leurs lignes blanches sillonnent tristement les coteaux et les plaines et de chaque côté, les céréales croissent et donneront du grain.
Mais que dire des zones des dernières offensives, les fronts de la Marne, de la Vesle, de l’Aisne et du Chemin des Dames, où la résistance ennemie s’est incrustée si longtemps sur notre sol ? Tout l’élément de culture est anéanti, la terre fertile manque, puisqu’elle n’est plus qu’un amas de pierrailles et de fer ; le désert est complet, puisque que la scie infâme du Boche a passé par le corps de tous les arbres dont les troncs gisent couchés comme des cadavres.
Cette dernière remarque est caractéristique de la manière allemande ; elle n’a d’égale que la sauvagerie de la retraite. La volonté de détruire est visible à chaque pas, elle s’affirme par l’examen des territoires qui n’ont pas connu l’infernal combat, et qui cependant n’offrent plus aucun village debout, la mine et l’incendie ayant rasé toutes les maisons. La commune Germaine, près de Saint-Quentin, que deux municipalités tourangelles : Luzé et Braye-sous-Faye, ont adoptée est dans ce cas ; deux tracteurs labourent les terres en ce moment, la culture va reprendre, mais le village n’est qu’une ruine !
Ce lamentable spectacle qui s’étend sur des départements entiers, ne doit pas être oublié quand le temps tentera de l’effacer : il faut que toute la jeunesse française passe par les régions dévastées, il faut que les images désolées de nos villes et de nos campagnes restent dans les yeux et dans la mémoire de nos enfants pour qu’ils en gardent le souvenir !
Mais il faut aussi qu’on se dise que la guerre la plus monstrueuse de l’histoire a modifié notre avenir et que, dans celui-ci, quelque chose sera changé. Devant une telle tragédie, il importe qu’un recommencement soit impossible ; pour nos frères, les paysans des régions dévastées, et pour nous-mêmes, nous avons le devoir d’agir. Il faut que la force paysanne se lève et s’organise, qu’elle affirme sa volonté de vivre dans l’ordre et la paix, qu’elle se débarrasse des entraves et des erreurs d’un passé qui l’a conduite au désastre, et qu’elle marche, calme et confiante, vers un avenir plus sûr, fait, par elle, de ses droits conquis dans l’épreuve.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et Lettres d'Indre-et-Loire.
1919
La Dépêche, Dimanche 22 juin 1919, p. 80
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Organisons les Agriculteurs.
On a pu remarquer que parmi les récentes revendications des classes ouvrières, il n'a pas été question un instant des agriculteurs ; aucune voix ne s'est élevée pour parler de leurs intérêts, pour la protection de leurs moyens de production, pour cette intensification de rendement qui leur est tant recommandée. Ils continuent à être les éternels oubliés.
On sait que le calme forme le fond du caractère paysan ; on lui a beaucoup demandé dans tous les temps ; c'est lui qui a presque toujours apporté le levier qui remet les crises en équilibre. Pendant la guerre il a même donné plus qu'on ne lui demandait ; il est venu former la majorité dans les tranchées où sa patience coutumière a triomphé ; il en est sorti aux heures décisives, pour verser son sang largement ; tout cela pendant que les femmes admirables et les jeunes enfants faisaient de leur mieux, sur la glèbe, pour nourrir l'armée et la population. Les gens de la terre ont subi les charges des réquisitions et les vexations d'administrations maladroites, et, encore aujourd'hui, quand ceux qui ont été épargnés ont pu rentrer chez eux, ils constatent qu'on ne s'occupe pas assez d'eux, qu'on ne leur donne pas assez vite les éléments indispensables pour entreprendre la rénovation économique si urgente cependant.
Ils veulent que cet état de choses change, et, puisque ceux qui en ont la charge ne font pas le nécessaire, ils veulent s'occuper eux-mêmes de leurs affaires et mettre leur confiance en ceux qui, parmi eux, connaissent leurs besoins, pour mieux les défendre et les protéger.
Un vaste mouvement d'opinion s'affirme dans les campagnes pour l'éclosion et l'évolution d'une organisation paysanne ; chacun éprouve le besoin d'un groupement corporatif avec une tête qui ne sera pas distraite par des préoccupations exclusivement politiques, qui sera composée d'éléments du terroir, d'hommes ayant les connaissances techniques capables d'apporter des solutions pratiques aux problèmes qui se posent, aux crises dont nous souffrons.
Rien n'est tel que d'avoir vécu la vie des campagnes pour en pénétrer les nécessités, pour savoir ce qu'il en coûte quand les éléments fertilisants, les matériaux pour la défense contre de nombreux ennemis, les instruments de production ou de récolte, les transports, n'arrivent pas à temps. Les préjudices causés par des lois incomplètes ou irréfléchies, ne peuvent être calculés que par ceux qui en mesurent les conséquences ; ceux-là seuls peuvent avoir la prévoyance exacte qui évite des pertes dont nul n'est appelé à profiter alors que tous en souffrent.
De tels résultats ne peuvent être obtenus que par "ceux de chez nous" dont la situation inspire confiance, appuyés par le nombre.
Voilà pourquoi le groupement est nécessaire, non seulement par syndicats locaux dont les services, énormes cependant, s'attachent cependant aux intérêts immédiats d'une petite région communale ou cantonale, mais par l'ensemble des agriculteurs et de ceux qui vivent de l'agriculture, par la masse des campagnes liguée, dans un seul faisceau, pour la défense unique de ses intérêts supérieurs et généraux.
Pour marcher vers ce but, chaque département doit songer à développer le mouvement jusque dans sa plus humble commune, organiser avec méthode des ligues locales qui auront pour seul idéal, sans concurrence aux syndicats et associations déjà existantes, de grouper des volontés décidées à combattre pour la cause sainte de l'agriculture, de ses besoins matériels et moraux, ainsi que de ses aspirations jusqu'ici étouffées
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et Lettres d'Indre-et-Loire.
1919
La Dépêche, Vendredi 11 juillet 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN
LE CONGRÈS de l'agriculture française
Les grandes assisses de l’agriculture française ont été tenues à Paris pendant une bonne partie de la semaine dernière ; c’est un évènement considérable, tel qu’il ne s’en est jamais produit dans le pays, avec une énergique volonté, une élévation de pensée encore inconnue, un esprit de solidarité professionnelle fermement exprimé.
L’œuvre si énergiquement provoquée par l’action commune des grandes associations centrales et fédérales des provinces, s’est normalement développée au cours de ce congrès dont la puissance, désormais décisive, s’est affirmée dans une union complète de sentiments et de vues pour marcher vers l’unique but commun : l’organisation de la force paysanne.
Nous l’avons dit ici bien des fois : l’agriculteur a toujours été isolé, pour cette raison il est devenu l’éternel oublié ; il vient sous un souffle de justice et de vie nouvelle, né de la terre elle-même pendant la guerre, de se réveiller plus grand et plus conscient que jamais de sa force réelle et de ses droits. Il affirme sa volonté d’élever la voix de ses revendications, de veiller lui-même à son avenir, de faire gérer ses affaires par ceux des siens qu’il aura choisis.
Le mouvement sort de la terre, il s’est fait jour sous la forme de discussions parfois sévères, il s’est traduit par des études très approfondies, dans chacune des dix sections, entre lesquelles plus de neuf cents délégués se sont divisés pour résoudre les problèmes urgents : 1° de la reconstitution des régions libérées ; 2° de la situation du cheptel national ; 3° de l’organisation de la défense et de la représentation professionnelles de l’agriculture ; 4° de la main-d’œuvre agricole ; 5° de la production coloniale agricole et des besoins de la métropole ; 6° des questions diverses présentées au cours du congrès.
Ce simple énoncé permet de se rendre compte de l’ampleur des intérêts qui ont été soulevés, mais, sans nul doute, le rôle capital a été réservé à la troisième section qui a, par ses résolutions, mis nettement en lumière le désir exprimé par les campagnes, d’organiser leur défense et leur représentation professionnelle, et fait naître l’œuvre même du congrès.
Celui-ci a considéré qu’il n’y avait pas lieu de fonder une association fédérale nouvelle, le nombre en est déjà très grand et le but doit être placé plus haut. Il s’est arrêté sur cette pensée qu’un comité avec un bureau permanent à Paris, issu du vote des grandes associations fédérales, formerait l’organisme rêvé pour prendre en main la défense, sans réserve, de la grande cause agricole.
Le mécanisme du projet était très simplifié et semblait donner toute garanties pour la représentation des masses campagnardes, dont le nombre constitue la force et donne au bureau agissant la puissance des 12 millions de paysans qui sont derrière lui.
À la base, tout agriculteur, depuis le salarié, jusqu’au grand propriétaire terrien, doit faire partie d’un syndicat ou d’une société locale, ceux-ci sont affiliés aux fédérations régionales, lesquelles fournissent, à raison de deux délégués pour chacune d’elles, un comité général de quatre-vingts membres appelés à être convoqués à toute occasion utile.
L’organisme a été complété par l’élection, au sein du comité, d’une commission permanente de vingt membres, sous la présidence de M. Vigier, ancien ministre de l’Agriculture, siégeant à Paris, avec mission de prendre toutes initiatives, d’étudier toutes les questions importantes avant de les soumettre à la discussion et à l’approbation du comité général.
L’unanimité du congrès a approuvé cette constitution qu’il est permis de considérer comme la fondation définitive de la grande ligue agraire, que chacun réclame, même du fond de nos plus mystérieux vallons. Le titre général de Confédération nationale des associations agricoles [C.N.A.A.] a été choisi et semble, en effet, résumer toutes les aspirations.
Le domaine demeure donc désormais largement accessible à tous, ouvriers, fermiers, et propriétaires pour mettre librement et sincèrement dans la communauté professionnelle, tous les appuis, toutes les bonnes volontés, au nom d’une union qui doit être totale si on veut qu’elle soit efficace.
N’hésitez donc pas plus longtemps, hommes attachés à la terre par votre travail quotidien et par votre capital modeste ou opulent ; entrez sans plus tarder dans votre syndicat communal ; là où il n’y en pas, fondez-en, ensuite affiliez-vous aux associations ou aux fédérations régionales !
Par elles vous pourrez faire entendre votre voix autorisée et les revendications de votre région qui ne sont pas toujours celles des autres.
C’est ainsi que de la base au faîte, l’édifice sera consolidé par la compétence, par la solidarité, par la liberté, et que le peuple des campagnes pourra marcher désormais vers ses nouvelles destinées.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et Lettres d'Indre-et-Loire.
1919
P.180 G
La Dépêche, Vendredi 9 août 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Pour les familles agricoles nombreuses
En attendant que nous abordions, bien face, la question si grave de la vie chère, consacrons quelques instants à l’examen de l’un des plus pressants dangers qui menacent actuellement notre grand mais malheureux pays.
Nous assistons, depuis de trop longues années, à la dépopulation de la France, ce mal redoutable a failli nous coûter l’existences au cours de la sanglante guerre ; il nous menace encore, avec plus de gravité, dans la renaissance nationale, et nous ne faisons rien pour y remédier.
Certes, il en est du mouvement des populations comme des autres évolutions, les phases de prospérité et de ruine se succèdent ; nous ne devons pas oublier que, dans des circonstances semblables, la même cause, l’abaissement de la natalité, a provoqué la décadence de l’Empire romain et de la Grèce civilisée, et déterminé les invasions barbares.
Plus près de nous, en des temps qui nous intéressent directement, quel était donc le mouvement respectif des nations selon les chiffres officiels qui nous sont connus ?
En 1875, la population des principales nations européennes se décomptait ainsi par rapport à celle de 1914 :
1875 1914
France 36 millions 39 millions
Angleterre 31 " 45 "
Autriche 35 " 50 "
Allemagne 41 " 65 "
Russie 73 " 134 "
Comment cette situation a-t-elle été préparée par le siècle dernier ? La même source nous l’apprend.
En France, il naissait pour mille habitants :
En 1780…………………….38 enfants
En 1820…………………….30
En 1860…………………….26
En 1880…………………….24
En 1914…………………….19
Cet examen sera complet si nous rapprochons ce qui précède des naissances des autres puissances en 1914, pour mille habitants :
Russie………………………....45 enfants
Allemagne…………………..32
Autriche……………………...30
Angleterre…………………..28
France……………………......19
On peut mesurer l’étendue du désastre qui nous atteint si nous jetons un furtif regard sur la période si triste qui a rendu, de 1914 à 1919, nos foyers déserts. Il est de toute évidence que notre prévoyance, le défaut d’équilibre de notre état économique, compliqués par la guerre, sont à la base d’un manque de main-d’œuvre qui paralyse l’industrie, le commerce, et surtout l’agriculture, base fondamentale de toute la production nationale.
À la terre, cette crise est intensifiée par la désertion vers les villes ; en dehors de ce dernier élément de ruine, dont il y aura lieu de reparler plus tard, nous avons déjà signalé les mesures urgentes que l’État doit prendre pour provoquer une amélioration aussi rapide que possible. Les ministères et les Chambres sont bien trop occupés aux expédients de la vie au jour le jour, produits par la menace immédiate, pour préparer de longue main les remèdes au mal de la dépopulation qui nous ronge. Il faut que les initiatives des associations agricoles et humanitaires se mettent à l’œuvre et cela a déjà été fait dans quelques départements.
L’Indre-et-Loire ne pouvait rester en arrière et la Société d’agriculture apporte son effort à cette entreprise régénératrice en organisant actuellement un concours pour encourager les familles agricoles nombreuses en les récompensant par des primes en argent, des médailles et des diplômes selon leurs mérites.
Tous les agriculteurs qui ont eu de belles familles élevées dans les nobles sentiments du labeur champêtre et des fortes vertus morales, toutes les personnes qui connaissent des candidats à présenter, doivent écrire au signataire de cet article, à Saint-Avertin, pour lui demander le programme du concours et contribuer ainsi au relèvement de notre Touraine.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et Lettres d'Indre-et-Loire
1919
P.31
La Dépêche, Dimanche 21 septembre 1919
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La Vérité sur la vie chère
À ceux qui en sont responsables
I.
Les causes
Le problème de la vie chère revêt, depuis quelques mois, un tel caractère de gravité, tous les discours, tous les écrits, tous les efforts qui ont pour but d’en rechercher la solution, sont devenus si vains et si stériles, qu’il semble indispensable de nous arrêter un instant sur le bord du gouffre qui nous attend, pour considérer les chances de salut possibles à réaliser.
Cette chance de salut nous dirons de suite qu’elle est tout entière contenue dans un seul mot : l’action ; l’action sous toutes ses formes, dans tous les sens, avec toutes les énergies.
Devons-nous la laisser s’évanouir au milieu des incertitudes et des maladresses ? Devons-nous continuer à prêter attention aux déductions fausses, aux raisonnements illogiques, aux initiatives des incompétences ? Pour répondre négativement à ces questions, il suffit de se souvenir et de considérer ce qui a été fait : on a poursuivi les mercantis et les spéculateurs, on a tenté de réduire les intermédiaires qui se placent entre le producteur et le consommateur, on a fait établir des prix normaux dans toute la France.
Pour les premiers on a poursuivi quelques pauvres diables que nous n’excusons pas, certes, mais qui étaient inoffensifs par le peu d’importance de leurs affaires et on s’est gardé de troubler les gros ! les vampires qui suçaient la moelle vitale des consommateurs affolés. En ce qui concerne les seconds, dont un grand nombre ne sont pas recommandables, on a retiré aux plus timides et aux moins dangereux leurs moyens d’existence, en leur interdisant, au nom de la liberté, d’exercer leur métier.
Quant aux commissions des prix normaux, la funeste initiative d’un ministre [Joseph Noulens], non entouré de compétences, qui s’est trouvé dans la nécessité de lancer un lumineux ballon sauveur, pour démontrer combien son prédécesseur [Victor Boret] lui était inférieur puisqu’il n’y avait pas songé, nous sommes désormais fixés sur leur sort et sur le péril nouveau qu’elles ont soulevé devant nous. Nous n’avons pas eu grand mérite à prophétiser, ici même, le danger dont elles nous menaçaient. Après quatre semaines d’efforts incohérents sur le territoire français, ces commissions ont provoqué la hausse hebdomadaire sur les principaux produits, raréfié les marchandises, en particulier en Touraine et en Bretagne, et obligé les commissions – telle celle d’Indre-et-Loire – à refuser provisoirement toute collaboration à une pareille besogne.
Et, cependant, que se passe-t-il après de si inutiles efforts. La crise de la vie s’est encore aggravée, le flot des réclamations monte toujours, et on ne manque pas de dire que c’est encore le paysan qui est cause de tout.
Il y a encore au fond de cette situation sociale ; de telles erreurs conduisant à de si grandes désillusions, rendent à créer des conflits entre la population des villes et celles des campagnes, à mettre en opposition les intérêts de l’ouvrier des villes avec ceux du cultivateur, à dresser l’une contre l’autre deux classes laborieuses au point de semer entre elles la haine, au lieu d’un amour fraternel qui doit prendre la source dans un égal désir de travailler pour le bien du pays !
La faiblesse dans ces résolutions, le manque de clairvoyance sur les suites d’une guerre comme celle dont nous sortons, deviennent blâmables et criminels quand un gouvernement laisse s’écouler onze longs mois sans se faire éclairer, s’il ne le peut par lui-même, sur les moyens logiques, pratiques et rapides de conjurer une crise en lui apportant tout au moins des améliorations.
Il n’est pas permis, et c’est reproche que chacun ne peut manquer d’exprimer à ceux qui tiennent les rênes du char de l’État, ministres, Chambres et administrations qui en dépendent, de ne pas avoir compris que la France, épuisée par une guerre sans exemple, allait avoir, sans délai, à répondre à des nécessités économiques en rapport avec la grandeur des sacrifices qu’elle a faits.
On a oublié que, les armes étant déposées dans l’apothéose de la victoire, la tâche n’était qu’à moitié remplie, et que l’autre victoire économique devait être remportée sur l’autre danger présenté par la nécessité de vivre.
L’effort pour vaincre l’ennemi avait été superbe et héroïque, il fallait rester héroïque devant la lutte pour la vie et organiser, sans trêve, les moyens de notre existence. Il fallait industrialiser la production comme on avait industrialisé la guerre, jeter sur tous les marchés, des quantités considérables de produits sortant des établissements, fabriques, usines, destinés à alimenter toutes les forces vives de la nation : l’industrie, l’agriculture, le commerce.
Plus on cherchera un équilibre par des mesures tracassières, des répressions ou des taxes déguisées, plus on avivera le mal ; ce n’et pas en fixant un prix maximum de vente qu’on réduira le prix de la vie. Les causes remontent plus haut : il faut abaisser le prix de revient du producteur, qu’il soit industriel ou agriculteur. ; il faut produire à outrance, se restreindre comme pendant la guerre et économiser, si nous voulons voir renaître la fortune de la France. Les causes de la crise sont renfermées dans les éléments de la production ; nous essaierons de le démontrer et d’en faire un programme que nos futurs représentants du Parlement devront s’engager d’honneur à faire triompher.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et Lettres d'Indre-et-Loire
1919
Journal d'agriculture pratique, 29 septembre 1923
p. 247
Questions viticoles.
Il est inutile de rappeler combien la question des producteurs directs préoccupe aujourd'hui les viticulteurs dans toutes les régions de France. Ces hybrides se sont de plus en plus répandus au cours de ces dernières années, de telle sorte que le champ des observations s'élargit avec rapidité. Des viticulteurs émérites, comme M. Rouart ou M. Creuzé, se livrent avec une ardeur soutenue à des enquêtes permanentes dont les résultats sont accueillis avec reconnaissance. Mais il est utile que des enquêtes locales dans les principales régions viticoles apportent des renseignements plus détaillés sur les applications qui y sont faites.
La Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire a donc été bien inspirée en ouvrant une enquête dans tout le département auprès de tous les viticulteurs qui se livrent à l'expérimentation ou à la culture des hybrides producteurs directs, en vue de recueillir leur recueillir leurs appréciations, de noter les faits et d'apprécier les résultats. Elle a chargé son secrétaire perpétuel, M. Auguste Chauvigné, dont la compétence et le dévouement sont bien connus, de poursuivre cette enquête, non seulement par des rapports individuels des viticulteurs, mais aussi par des visites et des constatations sur place et par des analyses de vins. Cette mission a abouti à un rapport très documenté et très complet, dont les différentes parties ont été publiées d'abord dans la Revue de Viticulture, et ont été réunies ensuite, sous le titre : Le hybrides producteurs directs en Touraine, dans une importante brochure qui a paru récemment, et que nous signalons avec plaisir.
Le rapport de M. Auguste Chauvigné fait ressortir qu’une très grande partie des hybrides aujourd'hui connus sont cultivés en Touraine, dans des proportions plus ou moins grandes, les uns dans la culture proprement dite, les autres dans des essais en pépinière. Il est impossible d'analyser ici toutes les observations réunies ; nous devons nous borner à constater que M. Chauvigné estime qu'il est possible de recommander actuellement cinq hybrides producteurs directes rouges et treize blancs. Toutefois, il recommande une très grande prudence dans leur emploi ; il ajoute qu'ils ne peuvent être appelés, pour le moment, qu'à remplir un rôle de second plan, et qu'aucun n'est susceptible de fournir un vin susceptible de maintenir la grande et légitime réputation des coteaux de Touraine.
Les intéressés devront étudier la brochure de M. Auguste Chauvigné ; ils pourront se la procurer, au prix de 2 fr. 25, en s'adressant à l'auteur, à la Mésangerie, par Saint-Avertin (Indre-et-Loire).
1920
P.70
La Dépêche : Lundi 18 février 1920
LES PROPOS D'UN PAYSAN
La Liberté du blé
Depuis quelques semaines les consommateurs d’une part, et les producteurs de l’autre, n’attendaient pas sans anxiété le résultat final des études et des discussions auxquelles se livraient une série de compétences et de gens de gouvernement sur la question si grave du prix du blé.
Par un reste opiniâtre de redoutable habitude de régler le sort des plus gros problèmes économiques sans l’avis de ceux qui sont en état de donner des conseils précis et autorisés, l’administration avant commencé par établir un nouveau régime du pain basé sur les conditions désirables, mais non sur la réalité des éléments du marché du blé.
On décida que le blé serait toujours payé 73 francs, c’est-à-dire meilleur marché que toutes les autres céréales. Puis on passa 76 francs et on fixa à 93 francs le prix de vente de la farine.
Naturellement le cultivateur, ne voulant pas continuer un métier pour lequel on lui imposait, toujours par patriotisme, de travailler sans profit, prit ses dispositions pour récolter de l’avoine, de l’orge, du seigle d’un prix plus rémunérateur, et, comme par le passé, la France aurait continué à importer des blés et le contribuable à payer la différence.
Mais il faut se souvenir que, depuis que la guerre est terminée, période pendant laquelle le paysan a eu tant à souffrir, de puissant groupement se sont formés, ils ont protesté contre le danger que ce péril national faisait courir à la culture : les fédérations agricoles régionale ont émis des vœux alarmés, la Confédération nationale a mis ses organes en mouvement et, découvrons-nous, mes amis, pour la première fois, un résultat sérieux et réel, a été atteint.
Il est important de noter pourquoi il a été acquis si heureusement.
Un effort organisé a été donné avec méthode : c’est l’œuvre de la Confédération nationale agricole [C.N.A.A.] ; ensuite cette action a été exercée auprès du ministre, M. Ricard, homme éminent, aux vues profondes, qui, de plus, s’est trouvé être le fondateur de la confédération et son âme directrice toute dévouée.
C’est beaucoup, direz-vous, ô mes frères du sillon ; qu’importe si l’occurrence est favorable ? Retenons seulement qu’il y a eu un ministre qui a su convaincre d’autres ministres que ce qu’ils préparaient était une erreur, que la liberté du commerce du blé obtenue par la levée de toute taxe était la seule solution, et que ce ministre aura été M. Ricard.
Voilà qui est bien ; l’avenir immédiat est de nature à nous rassurer ; l’agriculteur, dans la mesure des moyens qui lui sont donnés, réserves de terres à blé, engrais, semences disponibles, va emblaver ses dernières surfaces et essayer de parfaire une soudure toujours problématique. Les mesures qui viennent d’être prises, l’organisation pour nous autres du libre jeu de l’offre et de la demande, comme pour tous les produits, va donner toute satisfaction aux cultivateurs, et nous n’auront plus à nous préoccuper que de l’application légale et honnête de cette loi, unique régulateur de tous les marchés.
Dire que nous sommes déjà complètement tranquilles sur les conséquences inévitables de ce nouvel état de choses, ce serait aller trop loin sans doute.
Tout d’abord, il y aura infailliblement un mouvement de hausse et bien des gens peu renseignés vont jeter de hauts cris. Rassurons-nous. La hausse du blé, qui entraînerait celle du pain, ne pourrait être inquiétante que si la récolte devenait largement déficitaire, et elle ne sera, en tout état de cause, que le réflexe de la production.
Mais il y a lieu de songer aux agissements des mercantis qui vont essayer d’organiser la spéculation.
Le ministre qui a conçu le projet nouveau, n’a pas manqué de prévoir les mesures destinées à le défendre. À côté énergies créatrices se trouveront, sans conteste, la volonté de faire aboutir un régime destiné à améliorer sensiblement notre situation économique. Les moyens dont on dispose pour arrêter une spéculation effrénée, sont faciles à mettre en œuvre, nous ne pouvons douter que le premier souci du gouvernement ne soit tourné déjà vers la répression de pratiques commerciales qui auraient pour conséquence de léser les intérêts des campagnes tout en faisant payer le pain trop cher aux populations laborieuses.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et Lettres d'Indre-et-Loire.
1920
Journal d'Agriculture pratique, 8 avril 1920
p. 251
Familles agricoles nombreuses.
La Société d'Agriculture, sciences, arts et belles-lettres d'Indre-et-Loire, a tenu le 7 mars [1920], à Tours, sa séance solennelle annuelle, sous la présidence de M. Vavasseur, député et président de la Société. Au cours de cette séance, M. Auguste Chauvigné, secrétaire perpétuel, a présenté le Rapport sur les travaux de la Compagnie pendant l'année écoulée et sur le Concours des familles agricoles nombreuses de 1919.
De nombreuses récompense fournies par les subventions de l'État et Conseil général et les fondations de la Société, ont été distribuées à 121 concurrents répartis ainsi : 3 familles de 16 enfants, 3 de 15, 21 de 14 à 10, 75 de 10 à 5 enfants. Le prix d'honneur, une médaille de vermeil et 200 fr. en espèces à été décerné aux époux Mahoudeau, ouvriers agricoles à Saunay (Indre-et-Loire), qui ont élevé 16 enfants, tous bien portants et tous occupés au travail agricole.
Dans ce concours, il a été remarqué que beaucoup de ces familles sont attachées à la terre depuis plusieurs générations.
1920
P.215
La Dépêche, Mercredi 26 mai 1920
LES PROPOS D'UN PAYSAN
Les grandes assises nationales de l'agriculture à Tours
Le 2e congrès national de l’agriculture qui va être tenu à Tours du 29 au 31 mai courant, aura, qu’on ne l’ignore pas, les allures d’un évènement économique de premier ordre ; il réunira dans notre ville plusieurs centaines de délégués venus de toutes les régions de la France, tant agricoles que viticoles, dans le but déterminé d’étudier les questions dont l’examen doit améliorer la production de nos terres, de favoriser la classe agricole dans son écrasante mission et de travailler à la renaissance du pays.
Il ne s’agit que de cela en effet : la remise en état d’équilibre d’une situation profondément troublée, la lutte contre les éléments de toutes sortes qui sont les facteurs les plus puissants de la vie chère.
La question, comme on le voit, mérite qu’on s’y arrête, elle est vitale, elle commande la participation de tous. C’est pourquoi il semble utile d’appeler l’attention des agriculteurs de tous ordres, propriétaires de domaines, propriétaires exploitants, fermiers, métayers et ouvriers agricoles, sur cette manifestation organisée en leur faveur afin qu’ils ne lui ménagent pas leur concours.
Sa portée est encore plus haute : elle s’adresse à la population tout entière, même celle des villes qui, souvent, se montre trop indifférente devant la tâche des campagnes et ne songe pas assez que son intérêt direct est de faire cause commune avec elles. En dehors de la grande et belle moralité qui de dégage de l’idée de fraternité entre les travailleurs et entre les classes sociales pour conquérir le bien de tous dans une période où la collectivité en a un si pressant besoin, il faudrait que chacun fût bien convaincu que la mission de restaurer nos cultures, de les favoriser dans la plus large mesure du possible est la plus lourde de toutes celles qui incombent à un pays très malheureux quoique vainqueur.
Les industries diverses ne fournissent pas au cultivateur les moyens de mettre la terre en valeur comme il conviendrait, ni en quantité suffisante ; au moment où il entend dire hautement autour de lui, qu’il s’enrichit trop, il voit toute la jeunesse environnante même celle des familles d’exploitants quitter le sillon, sous prétexte qu’on n’y gagne pas sa vie. Enfin cette désertion de la terre raréfie la main-d’œuvre, et il en résulte que le paysan travaille selon les saisons de 10 à 16 heures par jour pour regagner des pertes irréparables sans songer à se plaindre.
Et pourtant a-t-on pensé à ce qui se produirait si l’homme de la terre fléchissait dans ses énergies ?
La tâche des agriculteurs est dons la plus lourde et elle s’accroît souvent du mépris qu’il récolte bien avant son blé et son vin.
Soyons compatissants pour celui qui n’a jamais failli à son devoir social : aidons-le et soyons convaincus qu’en agissant ainsi nous nous aiderons nous-mêmes.
Montrons-nous accueillants pour tous ces hommes dévoués qui vont franchir parfois des centaines de kilomètres pour venir défendre nos intérêts et nos droits dans les grandes assises agricoles que la ville de Tours aura l’honneur de voir s’ouvrir samedi prochain, avec le concours de toutes les hautes personnalités agricoles et officielles, sous la présidence de M. Ricard, ministre de l’Agriculture.
L’ordre du jour annonce le plus grand intérêt ; dans les sections diverses on étudiera comment on pourra développer les foyers ruraux, l’élection et le rôle des chambres d’agriculture ; la participation de ouvriers aux résultats de l’exploitation agricole ; les bénéfices agricoles et la participation de l’agriculture aux charges publiques.
Ce programme démontre l’importance du congrès ; appelons donc à nous tous ces servants et ces praticiens qui viendront travailler pour nous ; saluons-les, à leur arrivée, en une saison où les frondaisons printanières auront mis partout leur parure, et que la plus belle fleur du jardon de la France soit le sourire de ses populations.
Auguste CHAUVIGNÉ
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et Lettres d'Indre-et-Loire
1920
Journal d'Agriculture pratique, 10 juin 1920
p. 453
ACADÉMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance du 26 mai 1920. - Présidence de M. Vigier
M. P. Marchal communique une note de M. Auguste Chauvigné qui, d'après les observations recueillies l'an dernier en Touraine, se croit autorisé à conclure : "L'action destructrice de la chaleur solaire sur le Cochylis et sur l'Eudémis est certaine quand elle s'exerce de + 50 à 55° au moins pendant l'incubation des œufs."
M. Bouvier émet des réserves à ce sujet ; d'après les observations qu'il a faites l'an dernier aux environs de Paris. Il ne faut pas trop compter sur la chaleur pour détruire le Cochylis.
M. Prosper Gervais estime que s'il n'est pas toujours exact que la chaleur détruise les œufs de et même les chenilles de Cochylis, néanmoins c'est une constatation générale, dans les régions méridionales, que la chaleur intense et prolongée est un sérieux obstacle au développement de la dernière génération de ces insectes.
M. Marchal rappelle, à ce sujet, qu'en tout cas, pour qu'une chaleur intense produise son effet, encore faut-il qu'elle coïncide avec le moment de la ponte et de l'éclosion des œufs.
1920
Journal d'agriculture pratique, 30 septembre 1920
p. 280
DÉCORATIONS DE LA LÉGION D'HONNEUR
Chevalier
CHAUVIGNÉ, viticulteur, secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire
1921
Journal d'agriculture pratique, 11 juin 1921
p. 446-447
Congrès agricole de Blois.
Le septième Congrès de la Fédération régionale des Associations agricoles du Centre s'est tenu à Blois le 21 mai [1921] sous la présidence de M. Riverain. La Fédération réunit actuellement 656 Syndicats, Associations et Sociétés agricoles. Les questions soumises aux délibérations ont été assez nombreuses. Après un rapport de M. Charpentier sur la situation actuelle, M. Darblay traita la question du blé et M. Chauvigné exposa les caractères de la crise viticole. Les voeux formulés par le Congrès sur ces sujets sont les suivants :
Blé. - La Fédération demande :
1° Que désormais, l'État ne se constitue plus commerçant ;
2° Qu'un droit fixe et suffisamment élevé soit établi à l'entrée des blés étrangers ;
3° Qu'un contrôle soit exercé par le ministre de l'Agriculture et les Associations agricoles afin que les importations qui pourraient être nécessaires soient strictement limitées à l'appoint indispensable pour satisfaire à la consommation nationale.
Viticulture. - Le Congrès émet le vœu :
1° Que le Gouvernement tienne les engagements pris en réalisant, dans le plus bref délai, les mesures proposées par la Commission consultative interministérielle de la viticulture ;
2° Qu'il soit tenu compte, sans délai, des désiderata ci-après :
En ce qui concerne les charges fiscales : a) Réduction du droit de circulation sur les boissons hygiéniques (Abaissement de 10 à 10 fr. par hectolitre). - b) Réduction de 15 à 5 % du taux de la taxe établie sur les vins classés comme étant de luxe et de 25 à 15 % du taux de la taxe qui frappe les eaux-de-vie et autres spiritueux ; - c) Adoption de la proposition de loi de M. Lauraine demandant que la taxe de luxe des vins et spiritueux, vins fins et vins de liqueurs, classés comme étant de luxe, ne porte plus que sur la valeur marchande du produit à l'exclusion du droit de consommation.
En ce qui concerne les transports : a) Suppression des augmentations des tarifs homologués le 11 novembre 1919, suppression justifiée par l'avilissement des cours. - b) Adoption des substitutions de barèmes des tarifs P. V. 6 et commun 106, tarif général pour les vins en fûts et du tarif annexe pour les expéditions de détail, ainsi que pour les fûts en retour, proposé par la Commission interministérielle, mais en supprimant la condition du minimum de 800 kilomètres, qui désavantagerait les régions centrales et circonvoisines ; et maintien du tarif de base kilométrique, unifié pour tous les réseaux et pour toutes les distances.
En ce qui concerne les exportations et les douanes ; Élargissement, dans la mesure du possible des conditions d'exportation, par l'abaissement de 15 à 5 % de la taxe de luxe et surveillance des agissements de l'Allemagne ayant pour but de tourner, une fois de plus, en ce qui concerne la viticulture française, les clauses du traité de Versailles sur des prohibitions ou des restrictions contraires à nos intérêts.
En ce qui concerne les fraudes : Demande aux services officiels de la répression des fraudes de se préoccuper spécialement et avec sévérité de la surveillance des vins et eaux-de-vie mis en vente.
D'autres voeux ont été émis en faveur de la réduction des tarifs des transports des engrais, sur la spéculation illicite, sur l'apprentissage agricole, sur les prix des carburants pour les tracteurs, sur la vente par les vétérinaires de produits pharmaceutiques pour les animaux, et enfin sur la réalisation de sévères économies dans tous les budgets.
Le prochain Congrès de la Fédération se tiendra à Châteauroux à la fin du mois de septembre.
1921
Journal d'agriculture pratique, 8 octobre 1921
p. 293-297
FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS AGRICOLES DU CENTRE
Le 24 septembre [1921], a eu lieu, à Châteauroux, le congrès de la Fédération des Association agricoles du Centre, sous la présidence de M. Riverain, entouré des personnalités les marquantes du mouvement fédératif agricole des départements voisins.
Des questions de haute importance y furent successivement étudiées.
Un rapport remarquable a d'abord été présenté par M. Chauvigné, secrétaire général de l'Union des Associations agricoles d'Indre-et-Loire, relatif à la répercussion des tarifs de chemins de fer sur l'approvisionnement des agriculteurs et la vente de leurs produits.
Au cours de son rapport, M. Chauvigné signala que la loi de huit heures avait attiré 125 000 ruraux dans le personnel des chemins de fer, grevant ainsi le budget de ces entreprises et contribuant à aggraver le désastre de la désertion des campagnes. Les tarifs élevés des compagnies contribuent, sans aucun doute, à la cherté de la vie, et, en cette matière, on doit s'en tenir à cette politique préconisée par un financier en renom, M. François-Marsal : "Pas d'augmentation de tarifs." Il faut que les compagnies procèdent à des compressions de dépenses qui contribuent au maintien des hauts prix de tout ce qui est employé en agriculture et que de larges dérogations à la loi de huit heures soient accordées dans l'industrie et les transports. Soulagée d'autant, l'agriculture, à son tour, pourra faire bénéficier de diminutions correspondantes les consommateurs.
Un vœu a été émis à la suite de ce rapport, vœu que nous analysons plus loin.
Pendant la discussion, un congressiste a demandé que les services du ministère de l’Agriculture, mieux renseignés, rectifient le chiffre de 87 millions de quintaux de Blé, donnés à tort comme production de la France pour l'année 1921. Les meuniers, en effet, profitent de ces évaluations au-dessus de la vérité, pour forcer la main aux paysans et obtenir des prix inférieurs à ceux des cours réels.
Le rapport de M. Lapierre, secrétaire des Associations du Plateau Central, fut une magistrale leçon pratique sur l'organisation du marché agricole. Un exemple typique fut fourni : la Société d'Exportation des produits agricoles du Plateau Central, destinée à l'abatage et à la vente du bétail local.
Quand il est transporté sur pied, le bétail subit un déchet de route considérable ; les intermédiaires, au nombre de six ou sept, viennent encore réduire la somme à percevoir par l’éleveur, ils gagnent beaucoup et le cultivateur reçoit peu, ce qui a permis d'écrire que les profits sont en raison inverse des risque courus. Pour remédier à ces inconvénients et à plusieurs autres, les Associations du Plateau Central fondèrent l'abattoir régional, équipé avec tous les derniers perfectionnements et où la viande est réfrigérée à + 2°C, ce qu'il ne faut pas confondre avec la congélation. Immédiatement, une économie de 50 % fut réalisée sur le transport ; de même ce fut la suppression immédiate du déchet de route qui, dans les cas les plus favorables, est de 5 à 10 %, la suppression des intermédiaires, un meilleur rendement des sous-produits.
L'usine peut traiter de 40 à 80 bêtes par jour et alimenter 12 boucheries coopératives dans le Midi. La viande est payée immédiatement au poids et une ristourne, parfois considérable, est faite ensuite à l'éleveur d'après le rendement au moment de la vente.
En résumé, le producteur retire une somme plus importante de son bétail et le consommateur paie moins cher. A Albi, notamment, la boucherie coopérative a provoqué une diminution de 2,30 fr. par kilog.
Le rapport de M. Jules Gautier, président de la C.N.A.A., est ensuite lu et les congressistes prêtent une vive attention.
Que vont devenir nos pailles ? Quelle utilisation nouvelle pouvons-nos leur trouver, puisque la réduction de la cavalerie privée ou de l'armée leur ferme leur principal débouché ? C'est de faire de la pâte à papier. Mais, jusqu'à présent, le prix de revient de la pâte de paille aurait été trop élevé en raison des frais de transport à l'usine. Or on vient de trouver un procédé qui permet de faire sur place, dans de petites usines comparables aux distilleries, la préparation d'une pâte non raffinée, qui serait expédiées ensuite aux usines, le volume de la paille se trouvant réduit de 25 à 1.
M. Garnier, des Syndicats agricoles de Loir-et-Cher, donne lecture d'un rapport sur l'admission temporaire. On regrette que la mesure qui vient d’être prise récemment par le ministère de l’Agriculture l'ait été presque clandestinement.
Au cours de la discussion, M. Boret, ancien ministre, intervient pour demander que les intérêts des cultivateurs et des meuniers soient autant que possible conciliés, et que si des démarches sont faites au ministère, les meuniers soient entendus.
Voici le résumé des principaux voeux qui ont été adoptés :
Sur les chemins de fer. - Tarifs spéciaux réduits et prix fermes pour le transport des denrées intéressant l'agriculture : blé, engrais, tourteaux, vins, etc.
Spécialement pour les vins, révision des tarifs, tarif à base kilométrique et suppression du minimum de 500 kilomètres, préjudiciable aux régions centrales.
Dérogation à la loi de huit heures après entente entre milieux patronaux et ouvriers, pour assainir les finances, restaurer les régions libérées, diminuer le prix de la vie et enrayer l'exode rural.
Sur les engrais azotés. - Intervention du Gouvernement pour augmenter le tonnage du sulfate d'ammoniaque délivré mensuellement par l'Allemagne au titre des réparations, en raison des faibles disponibilités du commerce français.
Priorité d'acquisition de ce sulfate d'ammoniaque aux Syndicats agricoles.
Sur l'organisation du marché de la viande. - Généralisation des abattoirs industriels régionaux coopératifs pour faciliter l'amélioration des marchés de la viande.
Paiement du bétail au producteur dans ces abattoirs coopératifs, d'après le poids en viande nette et avec prime au rendement.
Appui actif de l'État et avantages consentis à ces abattoirs comme aux Caisses régionales de crédit et aux Coopératives.
Sur l'admission temporaire des blés. - Danger de l'admission temporaire qui permet de stocker pendant trois mois d'importantes quantités de blés exotiques pesant sur le marché.
Opposition au rétablissement de la cessibilité des acquis à caution.
Protestation contre la mesure prise par le Gouvernement rétablissant l'admission temporaire - publié clandestinement dans la partie non officielle du Journal Officiel - sans que les groupements agricoles aient été entendus.
Consultation de la Confédération nationales des Associations agricoles et des représentants de la meunerie, si une nouvelle décision était prise.
Evaluation plus exacte de la récolte par le Gouvernement pour déjouer la spéculation.
Sur l'exportation des tourteaux. - Informé que de nombreuses dérogations à l'interdiction d'exportation des tourteaux étaient accordées, le Congrès a immédiatement envoyé un télégramme de protestation au ministre demandant de réserver toute notre production de tourteaux à l'agriculture française, mesure nécessaire, en raison de la disette fourragère, pour maintenir la production du lait déjà insuffisante.
1922
Journal d'agriculture pratique, 29 avril 1922
p. 350
LE IVe CONGRÈS DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE
C'est un éclatant succès pour la C.N.A.A. ; les 300 à 400 congressistes venus de toutes les régions de France remporteront de leur séjour à Nancy, le 21, 22 et 23 avril [1922], un excellent souvenir etc.
Journal d'agriculture pratique, 13 mai 1922
p. 384
LE IVe CONGRÈS DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE
[...]
Le régime douanier et les produits agricoles. (M. Chauvigné, rapporteur). Le Congrès émet le vœu :
1° Que les produits agricoles français soient protégés par des droits de douane frappant les denrées similaires de l'étranger à leur entrée en France, en tenant compte du prix des denrées et de leur nature, et basés sur une réciprocité loyale et égale ;
2° Que les lois du 6 mai 1916 et du 31 décembre 1921 autorisant le Gouvernement à modifier par voie de décret les droits de douane sauf ratification ultérieure des Chambres, ne soient plus l'objet d'aucune prorogation ;
3° Que la loi du 29 juillet 1919 autorisant le Gouvernement à mettre à exécution les conventions commerciales avant ratification des Chambres soit abrogée ;
4° Qu'aucun accord ne soit conclu sans que les représentants des Association intéressées soient consultés sur les concessions envisagées et sur les avantages à obtenir des nations étrangères ;
5° Que les tarifs douaniers résultant de la loi du 11 janvier 1892 et des lois subséquentes soient maintenus dans leur intégralité et qu'il soit appliqué à ces tarifs des coefficients déterminés par le Parlement ;
6° Que l'exportation soit favorisée ; a) en supprimant toute prohibition de sortie ; b) en établissant des tarifs de transport spéciaux d'exportation applicables aussi bien aux produits agricoles qu'aux produits manufacturés.
1923
Journal d'agriculture pratique, 24 mars 1923
p. 244
ACADÉMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance du 14 mars 1923. - Présidence de M. Bouvier.
Sur les hybrides producteurs directs.
M. Pierre Viala présente à l'Académie une enquête de M. Chauvigné sur les hybrides producteurs directs en Touraine, et il ajoute à ce sujet : "Le problème des hybrides est de ceux qui préoccupent le plus les viticulteurs. On cherche avec passion des hybrides qui soient moins sensibles au mildiou et au black-rot que les cépages indigènes ; c'est par milliers que l'on compte aujourd'hui les variétés hybrides qui donnent plus ou moins satisfaction à cet égard.
Toutefois, il convient de présenter quelques réserves. La durée de ces hybrides ne pourra ressortir qu'au bout d'un temps assez long. L'hybridation de la vigne n'est pas une nouveauté ; il y a près d'un siècle qu'un viticulteur méridional, Henri Bouschet, créa une série d'hybrides qui présentaient des qualités ; il n'en reste qu'un aujourd'hui en culture.
D'autre part, les nouveaux hybrides ne donnent que des vins d'une qualité inférieure. Leur rôle paraît devoir se confiner dans la production des vins consommés par les vignerons eux-mêmes.
1924
Journal d'agriculture pratique, 9 février 1924
p. 120
ACADÉMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance du 30 janvier 1924. - Présidence de M. Pierre Viala
Élection d'un correspondant.
M. Chauvigné est élu correspondant national dans la section des cultures spéciales [viticulture].
1924
Publication
Journal d'agriculture pratique, 20 décembre 1924
p. 503
ACADÉMIE D'AGRICULTURE DE FRANCE
Séance du 10 décembre 1924. - Présidence de M. Pierre Viala.
L'Éternel Sillon.
M. Henri Hitier offre à l'Académie, de la part de M. Auguste Chauvigné, correspondant, le beau livre que cet auteur vient de publier sous le titre L'Éternel Sillon, les gardiens de la terre.
1925
Journal d’agriculture pratique, 11 juillet 1925
p. 26
À l’Académie française.
Parmi les récompenses aux œuvres littéraires que décerne l’Académie française, figure le prix Maupan (2 000 francs), qui est attribué tous les quatre ans « à l’auteur français de l’ouvrage publié en France, qui aura été jugé le plus utile au public ».
Nous apprenons que ce prix a été décerné en 1925 à M. Auguste Chauvigné, secrétaire perpétuel de la Société d’Agriculture d’Indre-et-Loire, pour son livre L’Éternel Sillon, que l’Académie que l’Académie d’Agriculture avait précédemment récompensé. Nous félicitons vivement l’auteur de cette œuvre saine, destinée, sous une forme attrayante, à provoquer l’amour de la terre.
1928
Publication
Journal d'agriculture pratique, 18 février 1928
p. 140
BIBLIOGRAPHIE
Étude sur la résistance des hybrides producteurs directs au mildiou en 1927, par A. CHAUVIGNÉ, membre correspondant de l'Académie d'Agriculture. Une brochure de 8 pages 3,25 fr. franco. Librairie agricole de la Maison Rustique, 25, rue Jacob, Paris (VIe).
Cette brochure est surtout destinée aux viticulteurs indécis pour fixer leur choix au milieu des cépages nouveaux sur lesquels circulent des avis souvent contradictoires.
Les principales variétés cultivées dans le Centre et l'Ouest y sont étudiées et leur défense devant les attaques des cryptogames et des ampélophages y est recommandée ou discutée sans parti pris dans le but de l'intérêt général.
1929
Publication
Journal d'agriculture pratique, 27 avril 1929
p. 340
BIBLIOGRAPHIE
La Bonne Bergère, roman par Auguste CHAUVIGNÉ, membre correspondant de l'Académie d'Agriculture ; préface de V. BORET, ancien Ministre, Membre de l'Académie d'Agriculture. Un vol. in-16, broché, 10 francs. J.-B. Baillère et Fils, éditeurs, 19, rue Hautefeuille, Paris (6e).
Fidèle à la thèse qu'il a adoptée quand il publia récemment l'Éternel Sillon, Auguste Chauvigné met en librairie un nouveau roman de retour à la terre, La Bonne Bergère, où il continue son apostolat en faveur de la reconstitution de la famille paysanne.
Le succès obtenu par le premier volume a engagé, cette fois-ci, l'auteur de La Bonne Bergère, expose, au cours d'une passionnante intrigue, sa conviction de l'importance de l'action de la femme sur le grave problème de l'esprit rural en évolution. Il a voulu, selon la méthode ordinaire, présenter la beauté de la mission de la jeune fille, de l'épouse et de la mère, en plein développement dans une ferme située au centre d'une région où triomphe le règne du blé.
La fermière, avertie et forte de sa conscience, domine le drame champêtre ; avec ses personnages aux caractères vécus, et demeure surtout la bonne bergère des âmes. C'est une œuvre forte, portant la solution de la vie des champs, écrite avec la limpidité élégante du style, semant des idées saines capables de réconforter tous ceux qui les liront.
1929
Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire, Tome CVIV, 1929, N°2, Avril-Mai-Juin.
Nécrologie
PHOTO
Auguste CHAUVIGNÉ 1855-1929
Chevalier de la Légion d'Honneur,
Chevalier du Mérite Agricole,
Officier d'Académie,
Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture,
Président honoraire de la Société de Géographie de Tours,
Président de la section permanente de l'Office national des Pupilles de la Nation,
Membre correspondant de l'Académie d'Agriculture,
Lauréat de l'Académie Française, de l'Académie d'Agriculture,
Vice-Président de la Fédération des Associations Viticoles régionales de France et d'Algérie,
Membre de la Chambre d'Agriculture et de l'Office Agricole d'Indre-et-Loire
À la Mémoire de M. Auguste CHAUVIGNÉ
M. Auguste Chauvigné, dont nous avons appris la mort avant la maladie, a disparu brusquement, brutalement en pleine activité. Il a été enlevé à l'affection des siens en quelques heures alors que rien ne pouvait faire prévoir ce triste évènement.
Jusqu'au dernier moment nous l'avons vu plein d'entrain donner, avec sa grande bonhomie bienveillante, l'exemple de l'activité féconde ; Quinze jours à peine avant ce fatal dénouement, en excellent état de santé, il assistait à notre séance académique de mai qu'il avait organisée et préparée avec son soin ordinaire. Nous l'avons quitté à l'issue de cette réunion, nullement fatigué de l'effort donné et tout heureux du beau succès obtenu par notre conférencière Mlle Mathilde Alanie.
La disparition de M. Auguste Chauvigné est une perte irréparable pour notre Société à laquelle il se consacrait entièrement, qu'il affectionnait, et à laquelle il se donnait, on peut le dire sans compter.
Pendant cinquante ans, puisqu'il est entré dans notre Société en 1879, il a été le plus actif de nos collègues, et pendant plus de quarante-trois ans, comme Secrétaire perpétuel de notre Compagnie, il en a assuré la marche générale et l'organisation de toutes les manifestations avec un zèle et un dévouement parfaits qui ne se sont jamais démentis.
Toujours prêt à rendre service, il a su pendant cette longue période mériter non seulement la confiance absolue de ses collègues du Bureau mais aussi la sympathie affectueuse de tous ceux qui l'ont approché.
D'une grande affabilité et d'une humeur égale, il était pour tous d'un commerce agréable et précieux dans ses avis toujours sages et réfléchis.
Lorsqu'il avait, en 1886, accepté de remplir les fonctions de Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, il avait pris une lourde charge et une succession difficile.
Ses prédécesseurs immédiats, l'abbé Chevalier, archéologue et historien, dont les ouvrages font autorité, et l'abbé Juteau, le fin lettré qui fut évêque de Poitiers, avaient donné à notre petite académie provinciale un lustre et une notoriété dans lesquels il était malaisé de la maintenir.
Excellent écrivain, possédant un bagage de connaissances très étendu, et par-dessus tout travailleur et chercheur obstiné, notre ami a su conserver au milieu de mille difficultés toute son activité à notre Compagnie dont il a maintenu le haut renom.
Auguste Chauvigné a été le digne successeur, le continuateur éclairé de ses éminents devanciers.
En dehors de ses rapports, qui sont des modèles du genre, et de ses études parues dans les Annales, on lui doit toute une série d'études, de travaux importants et d'ouvrages qui méritent d'être signalés.
Cette énumération, quoique longue, ne représente peut-être pas la liste complète des œuvres de notre excellent collaborateur. Telle qu'elle est, elle montre l'étendue de ses connaissances et la diversité des recherches auxquelles il s'est livré t qu'il poursuivit avec cette conscience rare qu'il mettait en toute chose.
Tour à tour archéologue, historien local et géographe, romancier ou auteur traitant des questions se rapportant à notre grande industrie agricole, Auguste Chauvigné qui était aussi poète à ses heures présentait tous les sujets qu'il traitait, même les plus sévères, dans une forme impeccable et savait les rendre attrayants.
Tourangeau pur sang il affectionnait sa petite patrie qu'il a honorée par son travail et qu'il s'est toujours efforcé de bien servir.
Il s'était consacré plus particulièrement en ses dernières années à la lutte contre l'exode rural. Par de nombreux articles de journaux, par le discours, il s'est ardemment appliqué à montrer les dangers de l'abandon de nos campagnes, les beautés et les avantages de la vie des champs. Ses deux derniers romans, l'Éternel Sillon et la Bonne bergère, ont été écrits dans cet esprit ; ils couronnent don œuvre qui a été utile et féconde.
C'est avec une tristesse émue que nous traçons ces lignes dans lesquelles nous voudrions pouvoir, plus complètement, montrer combien important a été le rôle de notre précieux collaborateur que nous regrettons si vivement.
Notre Société perd certainement son plus consciencieux artisan, nos agriculteurs et viticulteurs tourangeaux un défenseur ardent et avisé, et nous, qui l'avons tout particulièrement connu et apprécié, un ami sûr et dévoué.
C'est une personnalité tourangelle de haute valeur intellectuelle et morale qui disparait, laissant derrière elle d'unanimes et profonds regrets.
Travaux dus à M. Auguste Chauvigné.
1° Mémoires.
Les véritables limites de l'ancienne Province de Touraine.
Considérations sur l'Histoire de France.
Les véritables limites de l'ancienne Province de Touraine, Brenne et Loudunais.
Géographie historique et descriptive de la Gâtine tourangelle.
Géographie historique du pays de Véron.
Géographie historique et descriptive de la Champagne tourangelle et de la Brenne.
Géographie historique et descriptive des Varennes et de la Quinte de Tours.
Géographie historique et descriptive de la vallée d'Anjou.
Histoire des corporations d'Arts et Métiers de Touraine.
Limite de l'ancienne Province de Touraine avant 1789.
Recherches sur les voies de communication de l'ancienne Province de Touraine.
Géographie historique, descriptive et économique de la Sologne.
Origine, importance et durée des anciennes Foires de Tours.
Limites comparatives de la forêt de Plante au moyen âge et à l'époque actuelle.
Inventaire des cartes anciennes et modernes de Touraine.
Le plan de Tours de Estienne Fouquet en 1751.
Le territoire et les bois de Clérais.
Itinéraire du voyage en France et en Europe du cardinal d'Aragon en 1517.
La renaissance des Lettres en France.
Etude historique sur Gutenberg.
Le plan de la ville et du château de Loches et ses environs.
Géographie historique et descriptive du Bocage Vendéen.
Topographie Gallo-Romaine de la Touraine.
Recherche sur les formes originales des noms de lieux en Touraine.
Topographie de la plaine de Cœsarodunum.
De l'influence de la révocation de l'Édit de Nantes sur la population de Tours.
Etude comparative des différents pays de Touraine avant 1789.
Limites comparatives de la forêt de Bréchenay au moyen âge et à l'époque actuelle.
Limites comparatives de la forêt de Chenevose au moyen âge et à l'époque actuelle.
2° Ouvrages agricoles.
Le vignoble de Touraine
Les hybrides producteurs directs en Touraine.
Etudes sur la résistance des hybrides producteurs directs aux maladies cryptogamiques en 1927.
Ampélographie tourangelle.
Les propos d'un Paysan ; études économiques, rurales, agricoles de défense de la terre.
Lettres d'un Rural.
Monographie de la commune de Vouvray.
3° Romans.
Marius Darnay.
Le Bonheur de mourir.
Le Jardin secret de René Boylesve.
Conte-moi donc ça ! (Comédie en un acte et en vers.)
Les Gardiens de la Terre (couronné par l'Académie d'Agriculture) :
1). L'Éternel Sillon.
2). La Bonne Bergère.
Nota. - La Société d'Agriculture peut encore disposer de quelques exemplaires des principaux ouvrages de A. Chauvigné. Nous prions d'en adresser les demandes à M. Ménager, bibliothécaire de la Société, 27 bis, rue de l'Alma, Tours.
*
* *
Après avoir rappelé les travaux et ouvrages que nous devons à A. Chauvigné, en nous excusant des lacunes de cette liste, nous ne pourrons rendre de plus bel hommage à la mémoire de notre regretté secrétaire qu'en publiant les paroles prononcées devant son cercueil.
DISCOURS DE M. CH. VAVASSEUR
Président de la Société d'Agriculture d'Indre-et-Loire, Sciences, Arts et Belles-Lettres.
C'est en proie à une très profonde et vive émotion que je viens, au nom de mes amis de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres, apporter un témoignage d'affection et aussi de gratitude à celui qui, pendant 43 ans, a été comme Secrétaire perpétuel le grand animateur de notre Compagnie.
Il en a été vraiment pendant cette longue période et l'âme et la pensée.
Il s'était tout particulièrement attaché à notre Société qu'il aimait et à laquelle il sacrifiait le plus clair de ses loisirs lorsqu'il était encore dans les affaires, à laquelle il a ensuite donné le meilleur de son temps.
Grand travailleur, chercheur persévérant, il s'est intéressé à toutes les branches de notre activité, aucune ne le laissant indifférent. Tout le problème local s'y rattachant retenaient son attention vigilante. Il les examinait les étudiaient méticuleusement et, avec une conscience rare, s'efforçait avec un clair bon sens d'en trouver la solution la plus logique, la plus juste et la plus pratique.
On lui doit un grand nombre de travaux littéraires, de recherches et de rapports concernant des questions d’histoire et de géographie locales, et surtout une série d'études concernant notre agriculture et notre viticulture pour lesquelles il se passionnait.
Tous ses travaux, toutes ses recherches, toutes ses études il les apportait à notre Société, à sa Société.
M. Auguste Chauvigné a rendu de réels et précieux services à tout notre monde rural.
Comme viticulteur, il me plaît de rappeler l'ardeur passionnée avec laquelle Auguste Chauvigné a poursuivi, au moment de la grande cris phylloxérique, le problème de la reconstitution, puis celui des traitements anticryptogamiques et celui de la mévente.
Cette ardeur à la défense des intérêts viticoles, il l'apportait également à l'étude et à la défense de tous les autres problèmes ruraux. Il payait très largement de sa personne, ne ménageant ni son temps, ni sa santé. Il n'hésitait pas à s'imposer des voyages longs et fatigants pour étudier sur place quelques questions importantes, ou prendre part aux congrès agricoles dans lesquels on le voyait défendre âprement la cause paysanne.
L'un des problèmes qui, ces temps derniers, l'a plus particulièrement préoccupé était celui de la désertion des campagnes. Avec tout son cœur, avec un enthousiasme rare, nous l'avons vu mener une campagne ardente pour essayer de retenir à la terre ceux qui sont tentés de la quitter. C'est ce même désir passionné de mieux faire connaître, de mieux faire aimer la vie rurale qui l'a amené à écrire et à publier une série de romans auxquels il avait consacré les meilleures heures de ses années de grande activité.
La disparition de M. Auguste Chauvigné cause un deuil profond, cruel, parmi tous ceux qui l'ont connu et qui l'ont unanimement apprécié et aimé. C'est un grand vide qui se creuse dans les rangs des défenseurs de la terre, c'est une perte irréparable pour notre Compagnie qui voit disparaître le meilleur de ses artisans.
Au nom de tous les membres de la Société d'Agriculture, j'adresse à sa famille éplorée l'expression de notre profonde sympathie en l'assurant que le souvenir de celui qu'elle pleure restera parmi nous comme un modèle de conscience et de dévouement à la cause de la Terre.
1929
Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire, Tome CVIV, 1929, N°2, Avril-Mai-Juin.
DISCOURS DE M. LOUIS CHOLLET
de la Société des Gens de Lettres, au nom des écrivains tourangeaux.
MESDAMES, MESSIEURS,
Il y a quinze jours à peine, les écrivains tourangeaux se réunissaient pour fêter une romancière angevine de grand renom. Notre doyen respecté et aimé, Auguste Chauvigné, présidait avec son affabilité coutumière. Devant sa gaieté souriante, son humeur enjouée, ses fines réparties, la vivacité de son regard, qui eût pu prévoir que cette après-midi radieuse, empreinte d'une franche camaraderie serait suivie d'un lendemain aussi douloureux ? Qui eût pu prévoir que nous nous retrouverions ici, groupés, le cœur serré, autour de son cercueil, et qu'il me reviendrait, en qualité de plus ancien désormais, la pénible obligation d'adresser, en leur nom à tous, à notre excellent ami, les dernières paroles de l'Adieu ?
Tâche lourde et profondément attristante, lorsque, pendant plus de trente ans, rapprochés par une communauté de goûts, l'on a poursuivi parallèlement, avec des chances diverses, le même chemin, et que le survivant a apprécié tout ce qu'il y avait de bon, de sain, de lumineux, dans l'intelligence qui vient brusquement de s'éteindre.
Dès sa jeunesse, Auguste Chauvigné s'orienta vers les lettres, comme vers une mission sacrée, non pour exploiter âprement, à l'exemple de tant de mercantis de la littérature, ce domaine réservé aux esprits d'élite, mais pour se créer, au-dessus des vulgarités ambiantes, un refuge magnifique, d'où il descendrait, à son heure, afin de révéler au public le fruit de ses méditations, de ses observations, de son apostolat.
Ses deux premiers livres : Marius Darnay et le Bonheur de Mourir lui conquirent des amitiés précieuses. Mais ce n'est pas dans ces romans, d'une prose chantante et colorée, qu'il convient de chercher l'écrivain, le penseur, le vulgarisateur dont nous pleurons la disparition prématurée, c'est dans les étude et monographies qu'il a consacrées à sa petite patrie tourangelle, dans la multitude des articles de propagande essaimés ici et là, surtout dans les œuvres de ces dernières années : L'Eternel Sillon et la Bonne Bergère, deux beaux fragments d’une trilogie malheureusement inachevée.
Vivant près de la terre, confident des gens de la glèbe, connaissant leurs besoins et leurs aspirations, il avait entrepris, avec quelle ardeur juvénile ! une véritable croisade contre l'exode des campagnes vers les villes tentatrices, et les personnages qu’il campa, d'un trait sûr, pour synthétiser ses idées et sa foi dans le renouveau du sol nourricier, s'inspirent, sur un fond de décor champêtre minutieusement brossé, de la plus haute sagesse et d'indéfectibles principes.
D'une conscience scrupuleuse, il regrettait de ne pas apporter, à la défense de l'exaltation d'un programme aussi vaste d'espoir, plus d'énergie et plus de persuasion. N'est-il pas superflu d'ajouter qu'il se mésestimait, à l'imitation des grandes âmes qui ne jugent jamais leur effort assez efficace, leur désintéressement assez absolu ? Les encouragements les plus flatteurs lui venaient de partout, comme autant de messages de la renommée, et la semence qu'il répandait de ses mains généreuses ne restera pas stérile.
Tourangeau de race et d'affection, il eût cru déchoir, s'il eût songé un seul instant à distraire, à la poursuite de satisfactions futiles, une activité qu'aucun obstacle ne rebutait, et les richesses d'une imagination en perpétuel enfantement. Il se devait à sa terre maternelle, à ses traditions, à son passé comme à son devenir, et il lui a donné, sans répit ni calculs, avec une élégance de gentilhomme, jusqu'aux dernier battements de son cœur. Pour ses cadets, il fut toujours le chef de file, l'exemple, le réconfort.
De telles personnalités composent l'âme de la cité. Lorsqu'elles ne sont plus, il semble qu'un vide se produit, et que ce vide ne se comblera jamais. Quelle belle vie, Mesdames et Messieurs, droite, unie, harmonieuse, claire comme une route de Touraine que tour à tour illumine le soleil et rafraichissent les ondées du ciel ! Que serait notre pays si ceux qui détiennent chez nous une parcelle d'autorité obéissaient à d'aussi parfait mobiles et s'inspiraient d'un semblable modèle ! Aussi le nom vénéré d'Auguste Chauvigné demeurera-t-il dans les annales tourangelles synonymes de probité, de délicatesse, de devoir, de dignité.
Jeune d'allure et d'esprit, en dépit des années, affrontant la vieillesse avec sérénité, Auguste Chauvigné n'a point connu de défaillances, les déclins qui diminuent parfois les cerveaux les mieux équilibrés, et on dira qu'il est tombé sur la brèche, en pleine possession de ses facultés et de son talent, ainsi qu'un paladin des causes les plus nobles et les plus justes. Il ne comprenait pas d'ailleurs autrement le rôle de l'écrivain, lequel équivaut à un sacerdoce : répandre dans les âmes les plus frustes, par le journal ou le livre, les notions qui moralisent et élèvent, source des bonnes actions et de la paix des peuples.
Auguste Chauvigné aurait pu, drapé dans un manteau de philosophe, faire de sa chère Mésangerie une tour d'ivoire et laisser le flot des évènements en battre les murs sans que fût troublée la quiétude de sa retraite.
En me remémorant cette existence de labeur, de dévouement, de sacrifice, de lutte mise au service du bien, j'ai l'assurance que notre ami tant regretté est allé là-haut recevoir la récompense due aux valeureux combattants de l'idéal et de la beauté.
Que sa famille éplorée trouve dans cette consolante pensée un adoucissement à un chagrin que nous partageons tous, si d'aussi inattendues séparations peuvent être humainement consolées.
1929
Annales de la Société d'Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres du département d'Indre-et-Loire, Tome CVIV, 1929, N°2, Avril-Mai-Juin.
DISCOURS DE M. ROULOT
Vice-Président de la Section permanente de l'Office départemental des Pupilles de la Nation.
C'est au nom de la Section permanente de l'Office départemental des Pupilles de la Nation que j'ai la douloureuse mission de venir saluer celui qui, jusqu'à ses derniers jours, était son Président.
J'ai aussi le devoir de rappeler quelle fut l'action de M. Auguste Chauvigné au sein de cet organisme, dont le rôle est d'assurer la protection des orphelins de guerre.
En 1918, lorsque le pays fit appel aux personnes généreuses pour l'application de la loi du 7 juillet 1917, M. Auguste Chauvigné, dont la nature affectueuse et la grande bonté étaient appréciées de tous, fut désigné par les Associations agricoles pour les représenter au Conseil d'administration dont il devint peu à peu le Vice-Président.
Depuis cette date, il n'a pas cessé d'apporter à cette œuvre une collaboration empressée, et lorsqu'on dut procéder à la constitution de la Section permanente, dont les membres ont la mission d'affecter le travail important que nécessite, chaque mois, l'examen des demandes des Pupilles, M. Auguste Chauvigné fut tout naturellement désigné par ses collègues.
Vice-président de cette section depuis le 6 mai 1920, il prit une part importante à ses travaux. Lorsqu'en 1927 il fut élu président, il n'accepta que parce qu'il considérait qu'il s'agissait d'un devoir à remplir et malgré la lourde charge que représentait cette nouvelle fonction ajoutée aux nombreuses occupations qui le retenaient dans les diverses sociétés auxquelles il appartenait.
Il a toujours fait preuve du plus grand dévouement, ne se départissait jamais de la plus complète impartialité et de la plus parfaite neutralité.
Dans cet organisme, bien particulier, où le respect des croyances et des opinions doit être la préoccupation première de ceux qui ont la charge de l'administrer, il tenait à donner l'exemple du plus large esprit de tolérance.
C'est le seul désir d'être utile à ceux qu'il avait accepté de défendre et de soutenir qui l'a toujours guidé dans ses décisions.
A l'hommage respectueux de ses collaborateurs et amis, que je représente ici, je joins la reconnaissance émue des Pupilles de la Nation, dont le bien-être était le souci constant de celui qui n'est plus.
Madame Chauvigné, que les sentiments que j'exprime au nom de tous ces enfants, que votre mari aimait tant, soient un adoucissement à votre peine devant laquelle je m'incline très respectueusement.
Cher Président, adieu !
1929
Nécrologie
La dépêche du Centre et de l’Ouest, mercredi, 29 mai 1929, ADIL numérisé p. 449
Mort de M. Auguste Chauvigné
Avec un étonnement douloureux, nous apprenons la mort de notre ami et si distingué collaborateur, M. Auguste Chauvigné, chevalier de la Légion d’honneur, enlevé si vite à l’affection des siens et à l’amitié de nombreux Tourangeaux.
Né à Tours en 1855, Auguste Chauvigné eut toute sa vie l’amour de son pays.
Secrétaire perpétuel de la Société d’Agriculture, Sciences, Arts et Belles-Lettres d’Indre-et-Loire, il sut donner à cette Académie l’une des plus vieilles de France, une activité réelle et un vrai renom. À la société de Géographie de Tours, dont il fut un temps le président, aux Pupilles de la Nation dont il était président de la Section permanente de l’Office départemental, il consacra ses pensées de chaque jour, tous les instants, ses veilles même.
Que de fois nous l’avons vu reprendre à la dernière heure le tramway de Saint-Avertin, que de fois gravit-il à pied et allègrement la côte qui conduit à son logis de la Mésangerie ! M. Auguste Chauvigné était resté jeune d’allure et d’inspiration. Il y a quinze jours à peine il présidait un déjeuner des littérateurs tourangeaux après avoir durant la dernière Grande Semaine fait participer la Société d’Agriculture aux grandes fêtes de mai.
Chauvigné depuis de longues années s’était dévoué de tout son cœur avec toute son intelligence à l’œuvre contre l’exode des campagnes vers les villes. Il lutta dignement pour cette idée encourageant pendant la guerre les fermières fidèles à la terre et il en sut faire récompenser plusieurs après la grande tourmente.
Par le discours, par la plume, à la « Dépêche » tout particulièrement, et dans ses deux romans « Le Sillon » et « La bonne Bergère » il exposa ses théories sur la maintenance au sol des terriens cultivateurs. Auguste Chauvigné connaissait la Touraine, il en avait étudié l’histoire depuis les voies romaines jusqu’à nos jours. Il savait tout de nos cépages et de nos vignerons. Son « Ampélographie de Touraine » et sa « Monographie de Vouvray » sont de véritables modèles et ces deux ouvrages notamment resteront comme les témoins d’une vie de labeur consacrée presque entièrement à la patrie tourangelle.
Dès sa jeunesse, dans une petite revue qu’il avait fondée à Tours il avait deviné Boylesve comme écrivain et l’auteur de « Mlle Cloque » n’oublia jamais celui dont nous déplorons aujourd’hui le si triste départ.
Auguste Chauvigné connu à Paris dans les milieux littéraires et aussi très apprécié dans les Congrès d’Agriculteurs, partout faisait aimer la Touraine et partout défendait nos droits régionaux. N’est-ce point lui qui s’éleva contre l’idée du rattachement administratif de la Touraine à une province de la plus Basse-Loire ? C’est lui également qui voici quelques mois à peine luttait vaillamment, on s’en souvient, contre la captation des eaux du bassin de la Loire pour Paris.
Membre correspondant de l’Académie d’Agriculture, lauréat de l’Académie française, Auguste Chauvigné allait prochainement encore recevoir le laurier consacrant « La Bonne Bergère », l’œuvre ultime qu’il eut le bonheur de voir éditer avant de clore ses yeux aux lueurs de la vie.
Nous reviendrons un jour sur la vie littéraire d’Auguste Chauvigné, mais ce soir, dès l’annonce de son décès, nous avons tenu à esquisser sa personnalité tourangelle et qu’il nous soit permis, au nom de la « Dépêche », de saluer respectueusement tous les siens qu’il aimait tant !
J. M. ROUGÉ
1929
Nécrologie
La Terre Tourangelle, 13 juin 1929, p. 354
La Mort de M. Auguste CHAUVIGNÉ
C’est à Chartres au Congrès de la Fédération que j’ai appris la mort brutale de M. Auguste Chauvigné ; je n’ai pu lui consacrer quelques lignes repartant pour la réunion des Présidents de Chambre d’Agriculture où notre Compagnie m’avait délégué pour accompagner notre président. Je croyais, d’ailleurs, que parmi les camarades et contemporains de notre regretté collègue, il se trouverait quelqu’un pour saluer au nom de ce journal et de nos sociétés notre aimable doyen.
Le disparu durant toute sa vie, par son activité et sa plume, servit la cause agricole : secrétaire perpétuel de la Société d’Agriculture Sciences Arts et Belles-Lettres de Touraine, secrétaire de général de l’Union Fédérative, membre de la Chambre d’Agriculture, président du Comité départemental des Pupilles de la Nation, Administrateur de la Fédération du Centre et de la C.G.V.C.O., membre correspondant de l’Académie d’agriculture, M. Chauvigné se dépensa largement.
Par la plume surtout, dans des études qui font autorité en matière viticole, dans d’innombrables articles dans les grandes revues agricoles, par deux romans – le dernier vient juste de paraître : « la Bonne Bergère » - dont l’un surtout acquit une notoriété immédiate et retentissante, et puis reçut de l’Académie française le prix Maujan (l’Éternel sillon) M. Chauvigné plaida a défense de l’agriculture, mit en relief les dangers de l’abandon du sol, esquissa les moyens de pallier au mal par une amélioration du sort des travailleurs de la terre, pat l’organisation professionnelle, par une formation de vocations terriennes dans la famille et à l’école.
Affable, serviable, extrêmement courtois, ce vieillard demeuré alerte et d‘esprit lucide avait su conserver jusqu’à la mort, l’estime qu’il avait conquise il y a cinquante ans en Touraine et plus spécialement dans les milieux ruraux.
Les agriculteurs tourangeaux auront appris avec peine la brusque fin de ce serviteur dévoué, de cet honnête homme, et de cet écrivain respecté.
J. le R.
2017
Dictionnaire des scientifiques de Touraine PUR 2017, page 141
CHAUVIGNÉ Augustin Alexandre (dit Auguste Alexandre ou Auguste)
Né à Tours le 31 octobre 1855 ; décédé à Saint-Avertin (Indre-et-Loire) le 28 mai 1929.
Polymathe et céramiste.
Fils d’Augustin Chauvigné, Auguste Chauvigné épouse Marie Marguerite Lépingle (1862-1943) le 9 février 1881. Le couple a deux filles, Juliette née en 1884 et Suzanne née en 1891. En 1920, il est domicilié à La Mésangerie à Saint-Avertin. On connaît de lui quatre-vingt-trois publications parmi lesquelles on peut distinguer des études en histoire et en géographie (il est président de la Société de géographie de Tours) et des travaux littéraires (il est rédacteur de la Revue littéraire de Touraine). Il s’intéresse à l’ampélographie. Également céramiste, il produit avec son père de nombreuses pièces de forme dans le style de Saint-Porchaire et de l'École de Tours. Tous deux sont admis à l'exposition de Paris de 1878.
En 1886, il est nommé secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d’Indre-et-Loire. Il était officier de l'Instruction publique (1896), chevalier du Mérite agricole (1903), chevalier de la Légion d'honneur (1920). Sa tombe, en forme de pyramide élancée, se trouve à l'entrée, à gauche, du cimetière de Saint-Avertin.
2020
SCHWEITZ Daniel, Historiens, antiquaires et archéologues de la Société archéologique de Touraine, Répertoire biographique et bibliographique (1840-2019). Mémoires de la Société archéologique de Touraine, Tome LXXVII, 2020
Extrait p. 74-77
CHAUVIGNÉ Auguste-Alexandre, dit Auguste-Alexandre, ou fils
Né à Tours le 31 octobre 1855
Décédé à Saint-Avertin le 28 mai 1829
Historien spécialiste de la géographie historique de la Touraine
Artiste céramiste
Secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département d'Indre-et-Loire (1886-1929)