LES ASSOCIATIONS AGRICOLES (G. LÉCOLLE, 1912)

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LES ASSOCIATIONS AGRICOLES, syndicats, coopératives, mutualités et les nouvelles lois sociales agricoles.
Par G. LÉCOLLE (propriétaire-agriculteur, avocat à la Cour d'Appel de Paris)
Préface de M. le Comte de ROCQUIGNY (membre de la Société Nationale d'Agriculture)
Paris, Librairie J.-B. Baillière et fils, 19 rue Hautefeuille, 19
1912

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8801632.r=Les%20Associations%20agricoles%2C%20syndicats?rk=21459;2


TABLE DES MATIÈRES
Préface
Introduction
 

Première partie
Chapitre I. Les syndicats agricoles
Chapitre II. Les coopératives agricoles
Chapitre III. Le crédit agricole
Chapitre IV. Les assurances mutuelles agricoles
 

Deuxième partie
Chapitre I. Project de loi sur les accidents du travail agricole
Chapitre II. La loi sur les retraites ouvrières et paysannes
Chapitre III. Accession à la petite propriété
Chapitre IV. Le bien de famille insaisissable
Chapitre V. L'impôt sur le revenu agricole
Chapitre VI. Les marchés à terme
Chapitre VII. Le socialisme agraire
Chapitre VIII. La désertion des campagnes
Chapitre IX. La crise de la main-d’œuvre agricole
Chapitre X. Enseignement agricole, enseignement ménager
 

Troisième partie
Documents agricoles
 

Troisième partie
Documents agricoles

Loi sur les syndicats professionnels du 21 mars 1884
Modèle de statuts d'un syndicat
Statuts de l'Union du Sud-Est des syndicats agricoles
Statut de la coopérative agricole du Sud-Est
Projet de loi sur les syndicats économiques agricoles
Modèle de statuts d'une Société de laiterie coopérative
Loi relative à la création de sociétés de crédit agricole (5 novembre 1894)
Loi ayant pour but l'institution des caisses régionales de crédit agricole mutuel et les encouragements à leur donner ainsi qu'aux sociétés et aux banques locales de crédit agricole mutuel (31 mars 1899)
Modèle de statuts d'une caisse locale de crédit agricole mutuel.
Statuts d'une caisse rurale de droit commun (Union des caisses rurales)
Loi du 29 décembre 1906 autorisant des avances aux Sociétés coopératives agricoles.
Loi du 30 avril 1906 sur les warrants agricoles.
Rapport du Ministre de l'Agriculture au Président de la République sur le fonctionnement du crédit agricole mutuel et les résultats obtenus pendant l'année 1907.
Statut d'une caisse de prévoyance contre la mortalité du bétail.
Statuts d'un syndicat de défense contre la grêle et la gelée.
Statuts d'une association de défense contre la grêle, déclarée d'après la loi du 1er juillet 1901.
Modèle de police d'assurance contre la grêle.
Loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d'un bien de famille insaisissable.
Loi du 10 avril 1908 relative à la petite propriété et aux maisons à bon marché.
Loi du 28 mars 1885 sur les marchés à terme.
Loi du 12 avril 1906 sur les habitations à bon marché.

 

BIBLIOGRAPHIE
1. COMTE DE ROCQUIGNY. - Les Syndicats agricoles.
2. L. MABILLEAU. - La Prévoyance sociale en Italie.
3. P. DE ROUSIERS. - Le Trade-unionisme en Angleterre.
4. AYNARD. - Le Crédit agricole.
5. DE BARRAL. - Enquête sur le Crédit agricole.
6. BERNARD. - Le Crédit Agricole et les syndicats.
7. DOUILHET. - Le Crédit agricole en France et à l'étranger.
8. BEYNE. - Manuel de l'emprunteur sur warrants.
9. BIZEMONT. - Monographie d'une caisse rurale.
10. LA LOGE. - Aperçu sommaire sur le Crédit agricole.
11. Rapport de M. Tardy au Congrès de Périgueux (1905).
12. Compte rendu du Congrès agricole de Lyon.
13. E. FOURNIÈRE. - L'Unité coopérative.
14. SOUCHON. - Organisation coopérative de la vente du blé. (Revue politique et parlementaire, 10 juillet 1901, p. 63). 
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17. L'organisation de la vente du blé (rapport au Ve Congrès national des Syndicats agricoles, Arras, Périgueux, 1905).
18. BOUILLON. - La Vente coopérative des céréales.
19. SABATIER. - Sociétés coopératives de production agricole.
20. Congrès de la vente du blé. Versailles, 1900.
21. Correspondance du Comité permanent de la vente du blé de la coopération agricole. Collection de 1901 à 1908.
22. TIEFAINE. - Les Laiteries coopératives.
23. G. LORETTE. - Les Laiteries coopératives.
24. E. JAMET. - Les Sociétés coopératives de vente.
25. Annales du Commerce extérieur.
26. COMPTE DE ROCQUIGNY. - La Coopération de production dans l'agriculture.
27. - R. DUGUAY. - La Question des assurances agricoles.
28. H. BOIRET. - L'Assurance contre la mortalité du bétail.
29. BOUZIN. - Les Soc. Mut. d'Ass. contre la mortalité du bétail.
30. COMPTE DE ROCQUIGNY. - L'Assurance du bétail.
31. MARQUIS DE MARCILLA. - L'Assurance mutuelle du bétail.
32. Organisation de l'Assurance agricole contre l'Incendie. Rapport de la Commission départementale d'études de la Haute-Marne, 1905.
33. SAGOT. - Assurances-accidents dans les travaux agricoles. IVe Congrès des Syndicats agricoles, Arras, 1904.
34. A. DES ESSARTS. - L'Assurance mutuelle agricole contre l'incendie. - Union des Syndicats du Sud-Est, Lyon, 1902.
35. PELUD et A. DES ESSARTS. - L'Assurance agricole mutuelle contre l'incendie.
36. TAILLANDIER. - Les Assurance agricoles en France.
37. DESPLANQUES. - La Mutualité dans l'assurance agricole.
38. COMPTE DE ROCQUIGNY. - L'Avenir des Assurance mutuelles agricoles.
39. ABBE GRUEL. - La Réforme agricole.
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43. P. DESCHANEL. - Discours sur le Socialisme agraire. (Chambre des Députés. Séance du 10 juillet 1897).
44. R. JAMET. - Les retraites ouvrières en agriculture.
45. GAILHARD-BANCEL. - Les retraites ouvrières en agriculture.
46. J. MÉLINE. - Le retour à la terre.
47. ALEX. KLEIN. - Les Théories agraires du collectivisme.
48. ESCARRA. - Nationalisation du sol.
49. GIDE. - La Coopération.
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51. HUBERT WALLEROUX. - Le Socialisme.
52. P. LOUIS. - Histoire du Socialisme français.
53. SOUCHON. - La Propriété paysanne.
54. A. GUILLON. - Retraites ouvrières et paysannes.
55. HÉBRARD DE VILLENEUVE. - Mutualité et retraites ouvrières.
 

LES ASSOCIATIONS AGRICOLES, syndicats, coopératives, mutualités et les nouvelles lois sociales agricoles.
Par G. Lécolle (propriétaire-agriculteur, avocat à la Cour d'Appel de Paris)
Préface de M. le Comte de ROCQUIGNY (membre de la Société Nationale d'Agriculture)
Paris, Librairie J.-B. Baillière et fils, 19 rue Hautefeuille, 19

1912
p. 66-75
1° Laiteries coopératives. - Leur constitution. -
De toutes les sociétés coopératives agricoles, ce sont les laiteries coopératives et la coopération dans la vente (1) des céréales qui méritent une courte étude dans les brèves pages de ce volume.
Les laiteries sont ou industrielles ou coopératives. Les premières sont la propriété et sous la direction d'une ou plusieurs personnes qui achètent le lait des producteurs pour leur fabrication de beurre et de fromages et vendent pour leur compte personnel, les producteurs de lait n'ayant droit à aucun bénéfice en dehors du prix d'achat de la matière première qui leur est versé. Une laiterie purement coopérative, au contraire, soit être constituée d'après les principes suivants : elle ne doit comprendre que des herbagers fournisseurs de lait. Ces mêmes herbagers, pour créer cette coopérative, doivent constituer un capital de fondation en empruntant à un tiers (garantie à responsabilité collative ou solidaire, limitée ou non). Lorsqu'ils empruntent ainsi leur capital social, il ne doit être alloué au capitaliste bailleur de fonds qu’un intérêt fixe et non un dividende, car la participation aux bénéfices de fonds, la distribution d'un dividende proportionnel au montant des actions rapprocherait l'association des sociétés à type capitaliste. Ajoutons que le capitaliste, simple obligataire, est aussi écarté de la direction de l'entreprise.
La production de lait est faite individuellement par chaque cultivateur ; la fabrication et la vente du beurre se font en commun, d'après les procédés qui seraient suivis par un industriel entrepreneur, achetant à prix fixe le lait des herbagers. Les bénéfices résultant de de la vente du beurre et des produits accessoires de la laiterie ont répartis (après divers prélèvements à opérer pour l'amortissement du capital, la constitution du fonds de réserve, etc.) tout d'abord entre les fournisseurs de lait proportionnellement à la quantité et parfois à la qualité de leur livraison, et subsidiairement, entre les divers membres du personnel (directeur, comptables, beurriers, etc.), suivant une proportion fixe. La participation aux bénéfices peut être le seul mode de rémunération dans le personnel ou bien, au contraire, elle peut n'être que l'accessoire s'un salaire fixe. Les herbagers associés gardent aussi pour eux la totalité des profits qu'ils seraient obligés d'abandonner à un industriel entrepreneur.

Origine des laiteries coopératives. - Les laiteries coopératives ont pour origine ces sociétés créées au milieu du XVIIe siècle, appelées sociétés fromagères ou fruitières de l'Est. Ces fruitières consistaient dans l'association, dans le groupement de plusieurs producteurs de lait, et fabricants de fromages qui, pour écouler plus facilement et avec le moins de frais possible leurs produits, pratiquaient la vente en commun, dans un même local ou dans les locaux différents. Chaque fournisseur touchait un prix proportionnel au poids des fromages de sa fabrication. Peu à peu, les fruitières subirent des transformations assez nombreuses et se rapprochèrent du type de nos coopératives.

PROCÉDÉS EMPLOYÉS POUR RECONNAÎTRE LA QUALITÉ DU LAIT
1° Méthode de la densité. - Puisque les laiteries coopératives modernes paient les herbagers et cultivateurs d'après la quantité et la qualité de leur livraison, il est curieux de connaître les procédés employés pour mener à bonne fin cette double opération.
Pour vérifier exactement la quantité de lait fourni, le pesage le plus simple est celui pratiqué dans de grands bassins dans lesquels chaque fournisseur vide ses bidons de lait. Par une sorte de déclenchement automatique, le basculeur voit de suite à la balance le poids exact en kilogs du lait apporté.
La vérification de la qualité du lait est plus minutieuse. On le fait, par la méthode de la densité, soit d'après la proportion de matières grasses contenues dans le lait. C'est le crémomètre qui est employé communément pour la méthode densimétrique. Il se compose d'une éprouvette de 3 à 4 cm de hauteur. Cette éprouvette comporte une graduation en cm qui partent d'un léger tracé circulaire jusqu'au 0 de l'échelle. Le lait dans lequel plonge le crémomètre est abandonné à lui-même dans un lieu bien frais ; la crème se sépare bientôt et monte à la surface ; quand la couche crémeuse n'augmente plus d'épaisseur, on note le nombre de degrés qu'elle occupe. Un lait non écrémé doit donner au moins 9 à 10 degrés ; cependant certains laits plus ou moins pauvres ne marquent quelquefois que 8° et même 7° ; mais il est d'un usage constant de refuser tout lait qui, soumis au crémomètre, reste, comme richesse, au-dessous de 7°.
Un instrument moins employé est le contrôleur Fjord, qui ne donne pas en réalité le taux % de matières grasses, mais seulement le taux minimum de crème que l'on peut retirer de l'écrémeuse. L'appareil se compose de tubes de verre calibrés, chois bien cylindriques, placés dans des cases séparées, que l'on emplit de lait jusqu'à une certaine hauteur. On met dans l'appareil un peu d'eau tiède et l'on imprime aux tubes un rapide mouvement de rotation ; par suite de la différence existant entre leurs densités, le lait et la crème se trouvent séparés par la force centrifuge. Une fois l'opération finie, la crème forme à la surface une couche plus ou moins épaisse dont on mesure la hauteur au moyen d’un petit curseur gradué. Il suffit de divise cette hauteur par la hauteur totale du tube pour avoir la proportion de crème %.
2° Calcul de la proportion des matières grasses contenues dans le lait. - Pour vérifier la qualité du lait à l'aide du deuxième procédé, c'est-à-dire d'après la proportion de matières grasses y contenues, on fait usage du butyromètre du docteur Gerbert. Tous les jours, il est pris sur chaque fourniture, un échantillon de 10 à 13 centimètres cubes, qui est versé dans une bouteille bouchée à l'émeri, portant un numéro spécial aux fournisseurs. Mais l'analyse du lait n'est quotidienne. Des échantillons sont conservés jusqu'au jour du règlement de comptes (15 jours habituellement, au moyen de l'addition d’1/2 gramme de bichromate de potasse). Le jour de l'analyse arrivé, les bouteilles sont agitées et l'échantillon en est prélevé pour être soumis à l'appareil Gerbert. Celui-ci donne le poids de matières grasses contenues dans un litre de liquide. Il consiste dans une file enflée à une extrémité et graduée de telle façon que chaque division indique une teneur en matières grasses de de 0,1 % du poids total. On introduit dans la file, au moyen d'une pipette, 10 centimètres cubes d'acide sulfurique, 11 centimètres cubes de lait et 1 centimètre cube d'alcool amylique. La hauteur que la couche atteint sur l'échelles du butyromètre indique la richesse du produit.

Les premières laiteries coopératives. - Les laiteries coopératives sont de création plutôt récente et se sont développées moins vite en France que dans certains pays étrangers. La première que nous voyons apparaître dans notre pays fut fondée en 1881 à Chaillé (Charente-Inférieure) par M. Eugène Biraud ; le prix du lait acheté aux fournisseurs coopérateurs était fixé à 0,12 francs, 0,15 francs et 0,16 francs le litre.
Le Gouvernement, jusqu'ici, a peu second ces entreprises individuelles et s'est contenté de fonder certaines écoles nationales de laiterie dont les avantages sont minimes. En 1889 fut ouverte l'Ecole nationale d'industrie laitière à Memirolle (Doubs) et une autre, en 1890 à Poligny [Jura]. Un peu plus tard, était créée à Rennes une école nationale de laiterie pour filles.
En somme, l'extension des laiteries coopératives a été principalement provoquée par l'initiative privée des cultivateurs et herbagers qui se solidarisèrent en vue de la défense de leurs intérêts contre l'exploitation des laiteries industrielles, des intermédiaires et de la concurrence des pays du Nord.
M. Biraud donna l'exemple de fondations d'autres laiteries coopératives, et en l'espace d'un an (1886-1887) nous voyons apparaître celle de l'Ouest, du Nord (Thiérache) et des Ardennes, par suite du fléau ravageur du phylloxéra et de l'intensité de la crise agricole.
Le plus fort mouvement coopératif qui se soit produit dans l'industrie laitière de la France est né dans l'Ouest avec l'Association Centrale des laiteries coopératives des Charentes et du Poitou ; 87 laiteries sont unies dans un intérêt commun de centralisation de vente et de limitation de la production. En 1888, quelques herbagers de Thiérache (Nord) fondent le syndicat des laiteries industrielles de la Thiérache, dont le but est d'acheter en commun les matières premières utiles à l'exploitation des laiteries, ainsi que l'entente pour établir un prix moyen d'achat de lait, de vendre plus facilement les produits fabriqués, de défendre plus facilement les intérêts des laiteries adhérentes et de prêter à celles-ci l'appui de leurs réclamations auprès des pouvoirs publics.
Malgré ces grandes unions, ces vastes réseaux d'associations centrales, le mouvement des laiteries coopératives, en France, est loin d'avoir atteint son apogée. Rien n'est plus éloquent que les chiffres des statistiques prises à bonne source. Parmi celles-ci nous relevons que la production beurrière de notre pays n’atteignait ; en 1892, que 132 millions de kilogs, qui ont rapporté 300 millions de francs. Or, dans ce total, les laiteries coopératives ne figurent pas pour plus de 10 millions de kilogs. Et pourtant celles-ci sont les meilleurs instruments pour augmenter cette production nationale et relever la chiffe de nos exportations de beurre qui, hélas ! sont en décroissance continue. D'après les Annales du Commerce extérieur, dont les chiffres sont empruntés à ceux de l'Administration des Douanes, nous avons exporté :

1891.. 36 356 800 kilogs de beurre, poids brut (chiffre inférieur à celui des années précédentes).
1892.. 35 216 400                  "                                                "
1894.. 28 497 200                  "                                                "
1896.. 30 331 400
1897.. 31 516 800
1898.. 28 309 500
1899.. 25 236 200
1900.. 22 454 000

De quoi dépend cet état de choses aux conséquences si funestes pour notre industrie beurrière, dont le développement se raréfie chaque jour davantage ? Les plus grands reproches sont ceux à adresser aux pouvoirs publics qui montrent une indifférence par trop scandaleuse à l'égard des laiteries coopératives, et qui négligent ces questions économiques de premier ordre pour s'embourber dans les querelles fastidieuses de la politique intérieure.

Les laiteries coopératives à l'étranger. - A côté de l'inertie du gouvernement français, mettons en relief les efforts constants et réels faits à l'étranger qui a, en peu d'années créé de nombreuses écoles, versé des subventions diverses, distribué des brochures pour la propagande du mouvement coopératif dans les industries laitières. Des primes à l'exportation du beurre sont versées, on fonde des entreprises de transport des beurres avec appareils frigorifiques, on créé des services de conférences et d'inspection, on institue des laboratoires d'analyses, on encourage de mille façons les syndicats d'exportation formés entre les laiteries coopératives.
En France, rien, aucune initiative gouvernementale pratique, et le résultat de cette incurie aveugle de nos pouvoirs publics se manifeste par notre diminution chaque jour plus grande d'exportation de beurre, par notre reculade économique au regard des autres puissances, comme le Danemark, qui nous a distancés de bien loin depuis 20 ans presque, puisqu'en 1892 déjà ce pays comptait environ mille coopératives laitières ! La Hollande, la Suède, la Norvège, l'Irlande nous font aussi une concurrence acharnée. En Belgique, le gouvernement a créé en 1898 la Société nationale de laiterie, dont le siège est à Bruxelles. Depuis, le Ministre de l'Agriculture a organisé un service spécial de conseillers et conseillères des laiteries, chargés de renseigner les promoteurs de syndicats de ces établissements sur l'organisation mutuelle des coopératives, et de donner aux familles des éclaircissements et conseils de nature à éviter les difficultés qu'il pourraient rencontrer dans la fabrication du beurre et du fromage.
Au-dessus de ces groupements coopératifs se dressent chez nos voisins de vastes fédérations de laiterie comme celle du Hainaut et du Limbourg.
Mais c'est peut-être en Allemagne que les plus grands et rapides progrès se sont faits. Cette puissance, qui, en 1885, comptait très peu de laiteries industrielles, s'est mise à l'œuvre à la vue de l'extension et de l'importance que celles-ci prenaient chez les peuples voisins, et compte aujourd'hui de vastes associations de laiteries et une très forte union : celle des Coopératives agricoles de Posnanie, qui a institué un inspecteur de laiterie.
La fédération des Sociétés laitières du Brandebourg est aussi très importante. Les organisateurs de laiteries coopératives allemandes sont tous gens de métier qui sortent des nombreuses écoles laitières de la Prusse orientale, de la Bavière, de la Silésie et du Hanovre. L'Etat s'intéresse vivement à cette partie de la richesse économique et accorde sa protection et son aide aux coopérations qui les sollicitent ; les subventions qu'il alloue sont souvent assez élevées ; le syndicat d'Algan (Bavière), à lui seul, a reçu, en l'espace de 10 ans, de 1887 à 1897, un total de 110 000 francs de subventions 
Ne nous étonnons donc pas si certains pays prospèrent quand nous restons en pleine stagnation ou nous dirigeons à grands pas vers la décadence économique.
Ce n'est qu'en Suisse où nous ne rencontrons qu'un très petit nombre de laiteries coopératives. Réflexion faite, ce petit Etat n'en a pas grand besoin, la nature de son sol avec ses pâturages verdoyants permettant l'élevage à bon compte et l'écoulement du lait et de ses produits (2).

(1) M. le comte de Rocquigny, dans son livre sur "la Coopérative agricole", établit une classification très nette et très logique : 1° coopération dans l'exploitation du sol (achat d'engrais, instruments agricoles loués o prêtés, sociétés coopératives de battage, etc.) ; 2° coopération dans la préservation des récoltes (destruction des hannetons et vers blancs ; défense des végétaux contre les insectes nuisibles et les maladies cryptogamiques ; bornages, création de chemins ruraux, assurances des récoltes) ; 3° coopération dans l'élevage des animaux ; 4° coopération dans la transformation industrielle des produits agricoles (laiteries coopératives, vinification, distillerie, etc.) ; 5° coopération dans la vente des produits agricoles.

(2) Comme conclusion de ce que nous venons de dire, citons le vœu adopté au Congrès de Périgueux (1905) sur le rapport de M. J. Tardy, du Musée Social (vœu n° 13, page 446) : "Considérant les services que les laiteries coopératives ont rendus aux agriculteurs à l'étranger et dans certaines régions de notre pays, émet le vœu que les pouvoirs publics et les syndicats agricoles encouragent la création de laiteries coopératives et de fédérations coopératives pour la vente collective du lait et de ses dérivés et facilitent l'exportation du beurre et des fromages produits par ces Sociétés coopératives."
 

Publié dans Organismes, Syndicalisme

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