Physiocratie et physiocrates (seconde moitié du XVIIIe siècle)

Publié le par histoire-agriculture-touraine

FAUCON (Docteur Charles, président), La Société royale d'agriculture de la généralité d'Orléans (1762-1789)
Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts d'Orléans fondée en 1809, Ve série, Tome 21, 1926. p. 1-126

Extrait : p.5-8

Bureau d'Orléans, comprenant les Elections d'Orléans, Beaugency, Romorantin, Châteaudun et Pithiviers.

[liste des membres titulaires]

La liste des 21 membres titulaires fondateurs est assez suggestive et laisse rêveur : on se demande après lecture des noms des membres appartenant presque tous à l'ordre du clergé ou de la noblesse, quels peuvent bien être parmi eux, les professionnels de l'agriculture. Il apparaît que tous ces membres, d'ailleurs hommes distingués et qui s'imposaient par leur valeur personnelle, étaient plutôt moins que plus expérimentés dans la science et l'art de l'agriculture et l'on ne s'étonne point du reproche que par boutade on fit à cette noble assemblée de s'occuper un peu d'agriculture et beaucoup d'autres choses.
En réalité, si elle ne fut pas fidèle au premier article de son règlement qui lui ordonnait d'avoir pour unique objet l'agriculture et tout ce qui peut y avoir rapport, sans qu'elle puisse prendre connaissance d'aucune autre matière qui y soit étrangère et si, dans les dernières années de son existence, elle s'occupa principalement de questions économiques et na cacha pas ses tendresses pour la Physiocratie et les Physiocrates, il n'en est pas moins vrai que l'agriculture et les questions qui s'y rattachent firent le fond de ses travaux, etc...

Physiocratie et physiocrates

La physiocratie, qui devait inspirer les réformes de Turgot, signifie suivant son étymologie, force, pouvoir de la nature. Les physiocrates étaient des philosophes économistes qui croyaient au pouvoir de la nature ; ce en quoi ils n'avaient pas tort, mais certains d'entre eux n'admettaient que le seul pouvoir de la nature et considéraient la terre comme l'unique source de la richesse, ce en qui ils avaient moins raison : l'excès en tout est sujet à condamnation. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la France était acculée à la nécessité des réformes. La physiocratie eut la prétention d'en promulguer les lois. Les physiocrates furent les avant-coureurs, probablement inconscients, d'une révolution dont ils n'avaient escompté ni voulu les excès ; ils n'avaient certainement point entrevu dans leurs rêves généreux l'image de la guillotine dressée en permanence sur les places publiques et n'auraient jamais approuvé la discutable méthode de trancher la tête des concitoyens dont on prétendait modifier l'entendement.

La théorie de la physiocratie fut formulée au milieu du XVIIIe siècle, par Quesnay, homme de génie, qui en est le vrai père.

 

François Quesnay (1694-1774), fils d'un avocat, est né en 1694 à Méré, près de Montfort-Amaury (Seine-et-Oise) [Yvelines]. Il exerçait la chirurgie à Mantes, quand La Peyronie* le fit venir à Paris (1730) comme secrétaire perpétuel de l'Académie de Chirurgie qu'il venait de fonder. Il se fit recevoir docteur en médecine, devint premier médecin consultant du roi et le médecin de jour et de nuit de la Pompadour. On a fait remarquer qu'il est assez bizarre que la science économique et sociale d'où devait sortir la Révolution ait vu le jour en un entresol qu'occupait Quesnay dans la dépendance de l'appartement de la favorite de Louis XV. Les auteurs qui ont écrit de Quesnay nous le représentent comme ayant une petite taille, une figure de singe à la Voltaire, aimable, gai, spirituel et très original, un peu bourru, caustique à l'occasion, fécond en bons mots et histoires plaisantes, mais loyal au fond, voulant améliorer la société par l'agriculture, base de la régénération.

*François Gigot de La Peyronie, premier chirurgien du roi, né à Montpellier le 15 janvier 1678, décédé à Versailles le 25 avril 1747. Louis XV lui accorda des lettres de noblesse en 1721.

Disciples de François Quesnay


Il eut pour premier et enthousiaste disciple, le célèbre auteur de l'amis de l'homme, Victor de Riquetti, marquis de Mirabeau (1715-1789), seigneur de Bigon, canton de Ferrières, près Montargis (Loiret), membre associé de la Société d'agriculture d'Orléans. Né au Pertuis, en Provence, en 1715, il épousa Marie-Geneviève de Vassan, dont il eut un fils, Gabriel-Honré de Riquetti, comte de Mirabeau, né au Bignon, le 9 janvier 1749 et décédé en 1791 : ce dernier fut envoyé aux Etats-Généraux comme député du Tiers et fut le tribun de la Révolution.

Pierre-Samuel Dupont, dit de Nemours (1739-1817), fils d'un horloger, né à Paris le 4 septembre 1739, premier directeur du Journal de l'Agriculture, du Commerce et des Finances, où se révéla la doctrine physiocratique. Il devint dans la suite directeur des Ephémérides, journal de l'Ecole physiocratique où écrivit Turgot. En 1761, il fut exilé dans sa terre du Bignon (près Nemours), (qu'on ne confondra pas avec le Bignon-Mirabeau, près Montargis). En 1768, il publia le recueil des maximes et des principes de Quesnay, son maître, sous le titre de : Physiocratie ou Constitution naturelle du Gouvernement le plus avantageux au genre humain, Paris, 2 vol. in-8°. C'est alors que le groupe prit le nom d'Economistes physiocrates. Député du Loiret au Conseil des Anciens, membre de L'Institut, Conseiller d'Etat sous Louis XVIII, il finit ses jours en Amérique où il mourut le 6 août 1817


Guillaume-François Le Trosne (1728-1780), un des publicistes les plus éclairés du XVIIIe siècle. Elève de Pothier, disciple de Quesnay et l'un des fondateurs de la Société royale d'agriculture de la Généralité d'Orléans. (Voir plus loin sa biographie)


L'abbé Nicolas Baudeau, chanoine régulier et prieur de Saint-Lô en Normandie, de l'Académie de Bordeaux, né à Amboise le 25 avril 1731 et décédé vers 1792 dans la démence. Physiocrate collaborateur du marquis de Mirabeau et de Dupont de Nemours. Auteur des Ephémérides du Citoyen, 1765 et suiv. et de nombreux ouvrages se rapportant aux questions économiques.


Jean-Nicolas-Marcellin Guerineau de Saint-Peravy (Peravi), né à Janville (Eure-et-Loir), le 12 octobre 1732 ? 1735 ?, décédé dans l'indigence à Liège en 1789. Collaborateur du marquis de Mirabeau et de Dupont de Nemours, s'intéressa à l'agriculture et à l'économie politique.


Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, le défenseur de Louis XVI, né à Paris le 6 décembre 1721 et exécuté à Paris le 22 avrils 1794.


Anne-Robert-Jacques Turgot, fils de Michel-Etienne Turgot et de François Martineau, né à Paris le 10 mai 1727 et décédé à Paris le 30 mars 1781. Economiste, Ministre des finances sous Louis XVI, entreprit de grandes réformes inspirées par les doctrines des physiocrates.
 

France Culture, émission [très intéressante] à écouter :

AGRICULTURE ET ÉCONOMIE DES CHAMPS (4 ÉPISODES)

https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/leconomie-des-champs-14-aux-origines-les-physiocrates 

Épisode 1 : Aux origines, les physiocrates (50 mn)

"François Quesnay, fondateur de la physiocratie", article de Gilles Dostaler, Alternatives économiques, 1er septembre 2002

"La pensée des physiocrates : les grands thèmes", par Jean-Pierre Potier, SES-ENS Lyon, 7 décembre 2006 

Physiocratie, ou Constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain (1768), BnF Gallica 

Tableau économique (1758) de François Quesnay, BnF Gallica

"Agriculture, esprit du temps et mouvement des Lumières", par Gilles Denis, Histoire et Sociétés rurales, 2017

"Les penseurs du libéralisme au XVIIIe siècle", émission La Fabrique de l'Histoire d'Emmanuel Laurentin, France Culture, 7 janvier 2015

 

 

Autres sources :

DAVID Jean*, L’abbé Nicolas Baudeau un économiste à la veille de la Révolution, Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Touraine, t. 15, 2002, p. 115-141

HARTMANN Claude, Les acteurs de la révolution verte et les sociétés savantes orléanaises à la fin du siècle des Lumières. Mémoires de l’académie d’Orléans, Agriculture Sciences, Belles-Lettres et Arts, VIème série, Tome 4, 1995 p. 77-85
 

HARTMANN Claude, La Société royale d’agriculture de la généralité d’Orléans (1762-1789) et l’école des physiocrates. Mémoires de l’académie d’Orléans, Agriculture Sciences, Belles-Lettres et Arts, VIème série, Tome 14, 2004 p. 71-72

 

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